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Dix livres à lire pour mieux recruter

J’adore apprendre dans les livres. Mais c’est toujours dur de savoir quoi lire. De trier ce qui est utile du reste. Alors je t’écris l’article que j’aurais voulu lire il y a quelques années : une sélection de livres.

#1 | Réussir l’entretien d’embauche comportemental

Ce livre est génial. Avant de le connaître je recommandais L’entrevue structurée. Sauf que c’est un livre très dense et très dur à lire. Complet et précieux mais très dur. J’ai dû le lire 4 ou 5 fois pour bien tout comprendre.

Alors que celui-ci est 2 fois moins long (120 pages) et beaucoup plus clair.

Le problème des questions traditionnelles

J’ai particulièrement aimé cette partie où il fait l’inventaire des questions les plus souvent posées et explique pourquoi elles n’apportent rien.

Par exemple :

  • Parlez-moi de vous… 
  • Quelles sont vos (plus grandes) forces et faiblesses ? (ou) Quels sont vos points forts et vos points faibles ? 
  • Que vous ont apporté vos expériences professionnelles passées ? 
  • Quelles sont vos prétentions salariales ? 
  • Comment envisagez-vous votre carrière dans cinq (ou dix) ans ? 
  • Préférez-vous travailler seul ou en équipe ?
  •  Pourquoi devrions-nous vous engager ? 
  •  À quel type de management adhérez-vous le plus ? 
  •  Pourquoi notre entreprise vous intéresse-t-elle ?

Aucune réponse ne va vraiment nous avancer sur les compétences à avoir pour le poste. Sans compter que les questions sont connues et donc préparées des candidats et candidates. Au final on ne mesure plus la compétence en poste mais bien le niveau de préparation à l’exercice convenu de l’entretien.

Analyser le poste en comportements

J’aime l’idée de nommer la méthode entretien comportemental structuré plutôt que juste entretien structuré. 

Car, le nom structuré, évoque la trame mais pas le fait qu’on doive s’axer sur des comportements. Ce n’est qu’une question sémantique car entretien structuré ça veut forcément dire entretien comportemental. Quand les scientifiques nous parlent d’entretien structuré ils ne parlent pas simplement d’un entretien avec une trame. Mais bien d’un entretien qui respecte une quinzaine de règles. Or, le fait de s’axer sur les comportements est une de ces règles.

Notre première mission est donc de prendre un poste et de le découper en comportements attendus, plutôt que de lister des critères vagues comme dynamisme, rigueur, etc.

Voilà un exemple dans le livre avec le poste de réceptionniste :

Les cases intermédiaires : orientation-clients/flexibilité/communication ce sont des compétences. Sauf qu’il est impossible d’observer une compétence. Ce qu’on peut observer ce sont des comportements induits par cette compétence.

Associer une question comportementale

Une fois qu’on a fait l’immense travail de bien tout analyser en comportements, il faut désormais trouver un moyen d’évaluer ces comportements en entretien. Pour ce faire, on va utiliser des questions comportementales passées ou hypothétique.

Il ne nous reste plus qu’à créer une grille d’évaluation pour chaque réponse et le tour est joué.

Si tu ne dois lire qu’un seul livre, c’est vraiment LE livre que je te recommande pour commencer à pratiquer l’entretien structuré (comportemental).

Lecture alternative : L’entrevue structurée. 

Plus complet mais aussi plus dur à lire, c’est celui que je recommandais avant.

#2 | Sprint Recruiting

J’ai découvert ce livre durant une conférence du SOSU (la conférence internationale de sourcing). Un des conférenciers expliquait comment il mettait en place cette méthodologie, notamment chez Uber.

J’avais trouvé ça génial. En gros on part du principe que le process classique de recrutement comporte 4 grands problèmes.

Les 4 grands problèmes d’un process de recrutement

Problème #1 – Le syndrome du pompier : On va traiter en priorité les recrutements des managers qui se plaignent le plus fort et/ou les recrutements les plus faciles à faire.

Problème #2 – On se concentre sur les mauvaises choses : Suite du premier problème. Comme personne ne peut nous dire quelles sont les choses prioritaires alors on s’épuise sur des choses qui ne sont pas si importantes. Et on s’épuise, par exemple à attendre un manager qui ne nous répond plus.

Problème #3 – Non-Alignement des intérêts : Nos intérêts ne sont pas alignés avec ceux des managers. On compte nos succès en nombre de recrutements effectués, alors que parfois il vaut mieux recruter sur un seul poste stratégique que sur 5 autres. Mais vu que personne n’a cette mesure…

Problème #4 – Un feedback unilatéral et rare : Les managers nous font un feedback sur notre travail mais nous ne leur donnons pas le notre sur leur implication. Et encore… ça c’est quand les managers font du feedback tout court.

Les 4 solutions de Sprint Recruiting

Face à ce constat, l’auteur propose 4 solutions, s’inspirant du modèle Sprint que les développeurs utilisent.

Solution #1 – Un système de points : On instaure un système de points. À chaque début de cycle, on demande aux managers de lister les postes à recruter, en leur demandant d’attribuer des points à chaque poste. Puis on organise un vote collectif. Avec, surtout une personne qui représente l’intérêt des managers. Ça peut être le manager des managers mais ça peut aussi être une personne qui endosse ce rôle car elle a la personnalité pour.

Le système de points permet d’avoir enfin une priorisation qui reflète les besoins stratégiques du business et non la faculté à parler fort.

Solution #2 – Des cycles courts, de deux semaines : On fonctionne désormais par cycle court. 2 à 3 semaines. Chaque début de cycle est l’occasion de refaire le vote des points en fonction de ce qui a évolué. Mais surtout, le fait d’avoir un cycle court va nous inciter à faire à fond les postes les plus prioritaires, plutôt que de faire un peu de tout (mal) en permanence.

Plutôt que de traiter mollement 100 postes à tout instant, on va traiter à fond 5 postes pendant 2 semaines, puis 5 autre pendant 2 semaines, et ainsi de suite.

Solution #3 – Les seuils capacitaires : On fixe des limites indépassables. Par exemple : dès que j’atteins 10 candidats proposés pour validation non-traités, j’arrête de travailler sur ce poste.

De même, dès que j’atteins 5 candidats en attente d’un entretien avec le manager, j’arrête de travailler sur ce poste.

Tout le monde est au courant de ces seuils et ça responsabilise les managers. Ils savent qu’ils doivent faire un feedback s’ils veulent continuer à recevoir des candidats.

Solution #4 – 48 heures max pour faire un feedback : Si le manager met plus de 48 heures à répondre alors son recrutement est suspendu pour la durée du cycle et on passe à quelqu’un dont ce sera la priorité. Là encore ça responsabilise et ça permet d’assurer une bonne expérience candidat.

L’auteur a mis cette règle en place après avoir constaté avec effroi que 56% des recruteurs déclaraient échouer à recruter la bonne personne à cause des délais de recrutement. Mais, pire encore il raconte :

« Lorsque j’ai analysé le parcours des candidats à l’aide des données de notre système de suivi des candidatures, je me suis rendu compte qu’il fallait en moyenne sept jours ouvrables à l’un de nos départements pour nous dire si un candidat soumis pouvait prétendre à un entretien et deux semaines supplémentaires pour obtenir un feedback à l’issue de l’entretien.

 Cela ajoutait trois semaines au processus de candidature dans un marché où les candidats sont très demandés. En l’absence d’exigence ou de limite de temps, nous avons continué à souffrir d’une mauvaise réputation sur le marché en raison d’un processus d’entretien fastidieux et du fait que l’on ghostait les candidats que l’on ne retenait pas.« 

Lecture alternative : RecOps: Recruiting Is (Still) Broken. Here’s How to Fix It.

C’est Aurélien qui me l’a recommandé mais je ne l’ai pas encore lu.

#3 | What you do is who you are

Ce sont les enseignements de ce livre qui m’ont permis de déployer la culture à LEDR. Ce n’est donc pas un livre pour recruteur mais plutôt pour manager. Mais je pense que c’est important d’avoir la culture générale de comment on crée une culture d’entreprise pour être à son tour capable d’identifier cette culture et de la présenter aux candidats et candidates.

Tout se résume au titre : vous êtes ce que vous faites. De la même manière qu’une personne n’est pas définie par ce qu’elle pense mais bien par ce qu’elle fait.

Différencier vertus et valeurs

Selon l’auteur la culture c’est ce qu’on récompense et ce qu’on punit. Ni plus, ni moins. En cela, ça se rapproche du concept des vertus japonaises. Ce ne sont pas des principes théoriques mais bien des préceptes de comportements.

On ne décrète pas une valeur, on l’incarne, on la fait vivre de manière matérielle et tangible.

La technique des règles choquantes

L’auteur analyse le concept de culture dans plusieurs contextes étonnants : révolte d’esclaves, gang dans une prison, dans l’armée de Gengis Khan…

L’idée c’est de voir comment font les organisations qui sont soumises au plus de pression. Car, la culture c’est la manière spécifique de l’entreprise de répondre aux problèmes qu’elle a.

Et, dans le cas de la révolte d’esclaves menée par Toussaint Louverture, il a décrété une règle choquante :

En tant qu’esclave, vous ne possédez rien, vous n’avez aucun moyen d’accumuler des richesses et tout, y compris votre vie et votre famille, peut vous être enlevé sans avertissement. Cela inspire généralement des pensées à court terme, ce qui éradique la confiance. Si je dois tenir ma parole envers vous plutôt que de poursuivre mes intérêts à court terme, je dois croire que la relation me rapportera davantage à l’avenir que ce que je peux obtenir en vous trahissant aujourd’hui. Si je crois qu’il n’y a pas de lendemain, il ne peut y avoir de confiance.

 Cette dynamique devient problématique dans une armée, car la confiance est essentielle à la gestion de toute grande organisation. Sans confiance, la communication est rompue. Voici pourquoi : Dans toute interaction humaine, la quantité de communication nécessaire est inversement proportionnelle au niveau de confiance. Si je vous fais entièrement confiance, je n’ai besoin d’aucune explication ou communication sur vos actions, car je sais que tout ce que vous faites est dans mon intérêt. 

En revanche, si je ne vous fais pas du tout confiance, aucune discussion, explication ou raisonnement n’aura d’effet sur moi, car je ne croirai jamais que vous me dites la vérité et que vous agissez au mieux de mes intérêts. Au fur et à mesure qu’une organisation se développe, la communication devient son plus grand défi. 

Si les soldats font fondamentalement confiance au général, la communication sera beaucoup plus efficace que si ce n’est pas le cas. Afin d’instaurer la confiance au sein de son armée, Louverture a établi une règle si choquante qu’elle soulève la question suivante : « Pourquoi cette règle ? »

Cette règle interdisait aux officiers mariés d’avoir des concubines. Le viol et le pillage étant la norme pour les soldats, exiger des officiers qu’ils respectent leurs vœux conjugaux a dû sembler absurde. On peut presque entendre les officiers dire : « Vous plaisantez ! ». Il est certain qu’ils auraient exigé la justification de cet édit. Lorsque tout le monde veut savoir« Pourquoi ? » dans une organisation, la réponse programme la culture, car c’est une réponse dont tout le monde se souviendra.

L’explication sera répétée à chaque nouvelle recrue et s’inscrira dans le tissu culturel. Les nouveaux officiers demanderont : « Redites-moi pourquoi je ne peux pas avoir de concubine ».  Et on leur répondra : « Parce que dans cette armée, rien n’est plus important que votre parole. Si nous ne pouvons pas vous faire confiance pour tenir votre parole envers votre femme, nous ne pouvons certainement pas vous faire confiance pour tenir votre parole envers nous. » 

Amazon, de son côté, avaient des bureaux sommaires fabriqués avec des portes posées sur des tréteaux. Et quand une nouvelle recrue demandait pourquoi on lui disait parce que dans notre secteur, la marge fait tout, donc si on peut gagner quelques euros sur un bureau on le fait.

Évidemment, la règle doit être en accord avec le marché. On n’imagine pas une entreprise du luxe faire pareil.

Chez LEDR, la règle qui choque le plus les nouvelles recrues c’est les congés illimités. Et on leur répond on ne compte pas tes heures quand tu fais du zèle donc on ne va pas compter tes heures quand tu estimes que tu as besoin de repos.

Illustrer sa culture avec des anecdotes réelles

Une bonne culture décrit des cas de figure et dit comment se comporter en cas de dilemme. Elle ne se contente pas de dire de manière abstraite qu’on est attaché à telle ou telle valeur.

La culture est un ensemble qu’on ne peut pas séparer

Par exemple, chez LEDR on a un pilier qui est que nous ne sommes pas une démocratie. Le pouvoir de décision appartient à la personne la plus experte du sujet. Mais ce pilier est à mettre à côté de celui de la parole libre : tout le monde peut dire ce qu’il veut. Et ces deux piliers sont à mettre à côté avec celui de la confiance. Etc.

Petit warning inclusivité

Petite critique du livre : je trouve que y’a un gros angle mort sur l’inclusivité. Avec notamment tout un passage sur l’exemple d’un PDG Noir de McDonalds pour sous-entendre que n’importe qui peut y arriver même si y’a du racisme aux USA.

Gros biais du survivant. Ce n’est pas parce qu’une personne y est arrivée que ça n’est pas plus dur.

Lecture alternative : La culture d’entreprise

Dans ce Que sais-je ? de Maurice Thévenet y’a vraiment tout tout tout. C’est encore plus riche que le livre que je viens de présenter en moins de page mais en plus dense et plus théorique.

Autre lecture alternative : La règle ? pas de règles ! Netflix et la culture de la réinvention

Ici c’est plus une étude de cas gigantesque sur comment Netflix a déployé sa culture si singulière. Donc il n’y a pas le recul théoriques des deux précédents, mais c’est aussi plus léger à lire.

#4 | Comment parler à tout le monde

Je suis asociable de nature. C’est-à-dire que j’ai énormément de mal à discuter avec des personnes que je ne connais pas, à faire du small talk. J’ai beaucoup appris à compenser grâce aux techniques de ce livre que j’ai lu il y a déjà plus de 12 ans.

Gros warning : elle dit n’importe quoi sur le recrutement

C’est paradoxal, me diras-tu, de conseiller un livre à des recruteurs et recruteuses alors qu’elle raconte n’importe quoi sur le sujet…

Oui. Je prends le risque. Parce que ce n’est pas son sujet et qu’elle en parle une page pour expliquer qu’une recruteuse lui racontait comment elle arrivait à lire dans le non-verbal. Alors que c’est totalement invalide scientifiquement.

Deuxième warning : une vision du monde en winners et loosers 

Là encore… il faut faire abstraction et se concentrer sur les astuces. Car ce livre est décomposés en une petite centaine d’astuces. On peut donc les picorer et trouver celles qu’on veut appliquer.

En voici quelques unes.

Technique n°79 : voler au secours d’une personne qui parlait

« Quand une personne est interrompue au milieu de son histoire, attendez que l’incident soit terminé. Laissez aux gens le temps de bêtifier autour du charmant bambin, de terminer de commander leur repas ou de ramasser tous les morceaux de vaisselle cassée. 

Ensuite, une fois le groupe reconstitué, dites tout simplement à la personne victime de cette interruption « Revenons à ce que vous étiez en train de nous dire » ou mieux encore, demandez-lui : « Et alors, qu’est-il arrivé ensuite, quand… (reprenez ses derniers propos) »

Technique n°16 : Jamais un simple nom de métier

« Supposons que vous soyez avocat. Dites ce que vous faites vraiment. Si vous parlez à une jeune mère, par exemple, dites-lui : « Je suis avocat. Mon cabinet est spécialisé dans le droit du travail. Je travaille actuellement sur le dossier d’une femme que son employeur a renvoyée parce qu’elle avait prolongé son congé de maternité, alors que c’était nécessaire d’un point de vue médical. » 

Elle pourra se sentir concernée. Vous avez affaire à un chef d’entreprise ? Dites-lui : « Je suis avocat. Mon cabinet est spécialisé dans le droit du travail. Je travaille actuellement sur le dossier d’un employeur poursuivi par un de ses salariés qui l’accuse de lui avoir posé des questions d’ordre intime lors de son entretien annuel. » Il pourra se sentir concerné. 

(…)

Quand on vous pose l’inévitable question « Qu’est-ce que vous faites dans la vie ? », la réponse qui vous vient à l’esprit est peut-être « Je suis économiste », « Je suis dans l’enseignement » ou « Je suis ingénieur ». Vous pouvez vous imaginer que vous donnez ainsi une information suffisante pour engager la conversation. »

Ou, plus simplement, dire au moins j’aide les personnes X à faire Y. C’est plus clair qu’un titre. Par exemple je suis formateur en recrutement, j’aide les recruteurs à faire des entretiens non discriminants et des annonces non soporifiques.

« Cependant, pour quelqu’un qui n’est ni économiste, ni enseignant, ni ingénieur, c’est comme si vous disiez « Je suis paléontologiste », « Je suis psychanalyste » ou « Je suis pornographe ». Donnez de la matière à votre interlocuteur. Racontez-lui quelque chose de croustillant sur votre travail. Sinon, il ne tardera pas à s’excuser et à filer vers le buffet. »

Technique n°38 : vivre de nouvelles expérience

« Une fois par mois, faites une chose que vous n’auriez jamais imaginé faire. Essayez un sport, allez à une exposition, assistez à un cours dans un domaine tout à fait étranger à votre expérience. Une seule séance vous permettra de connaître 80 % du jargon utile et les bonnes questions à poser, et il ne vous en faudra pas davantage pour pouvoir jouer les initiés durant une discussion. »

Technique n°40 : découvrez leur point sensible

« Avant de vous retrouver entouré d’une bande d’ingénieurs du son ou d’une flopée de dentistes, renseignez-vous pour savoir quelles sont les préoccupations actuelles dans cette branche. Toute profession a ses problèmes du moment, dont le reste du monde est peu au fait. Demandez à quelqu’un du milieu de vous éclairer. Ensuite, lancer ou relancer la conversation sera pour vous aussi facile qu’appuyer sur quelques boutons. »

C’est comme ça que j’ai eu mon avant-dernier appartement. J’avais compris qu’à l’époque tous les agents immobiliers se plaignaient de la loi Duflot de plafonnement des loyers. Alors je leur en parlais et ils étaient intarissables.

« Revenons à cette inauguration d’une galerie d’art à laquelle vous êtes sur le point de vous rendre. Ne quittez pas Sophie aussi vite. Elle vient de vous donner les deux meilleures questions à poser pour entamer une conversation avec des artistes. 

Ne manquez pas de lui demander aussi de vous révéler le véritable moyen de devenir un champion de la conversation. Demandez-lui quels sont les problèmes les plus brûlants dans le monde artistique. Elle réfléchira quelques instants et vous répondra par exemple : « Eh, bien, il y a toujours le problème des prix. » « Le problème des prix ? » « Oui, les prix des œuvres d’art. Par exemple, dans les années quatre-vingt, le monde de l’art était nettement soumis à une logique de marché. 

Les prix atteignaient des sommets parce qu’il y avait des investisseurs et des nouveaux riches prêts à payer des sommes exorbitantes. Ça n’a sans doute pas contribué à rapprocher l’art de l’homme de la rue. » Et voilà, maintenant vous en savez assez pour pouvoir parler d’art comme un connaisseur !

J’ai un ami médecin, John, qui a épousé il n’y a pas longtemps une charmante Japonaise, Yamika. Il m’a raconté que la première fois qu’ils ont été invités à une soirée de collègues, Yamika a été saisie de panique. Elle tenait à faire une bonne impression, mais elle était effrayée à l’idée de devoir discuter avec des médecins américains. 

Elle n’en connaissait encore aucun à part John, et depuis qu’ils se connaissaient, ils n’avaient pas passé beaucoup de temps à discuter de médecine. John lui avait dit : « Ne t’inquiète pas, Yami. Les questions qu’ils se posent l’un l’autre sont toujours les mêmes. Demande simplement à chacun quelle est sa spécialité et s’il est attaché à un hôpital.

Ensuite, pour poursuivre la conversation, pose des questions du genre “Comment sont vos relations avec l’hôpital ?” ou “Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans le contexte actuel ?” Chez les médecins, ce sont des sujets particulièrement importants. Dans le domaine de la médecine, tout évolue très vite en ce moment.

D’après John, Yamika a su appliquer les consignes à la lettre. Le résultat est qu’elle a été la reine de la soirée. Par la suite, un certain nombre de collègues de John l’ont félicité à propos de sa compagne.« 

Technique n°24 : ne pas demander aux gens “ce qu’ils font dans la vie”

« Résister à la tentation de poser cette question, c’est aussi une preuve de sensibilité. Avec tous ces licenciements, toutes ces restructurations et ces délocalisations, la question de l’emploi peut mettre beaucoup de gens mal à l’aise de nos jours. J’ai deux amis qui ont chacun un emploi bien rémunéré mais qui ont horreur qu’on leur demande ce qu’ils font « dans la vie » (l’un fait des autopsies, l’autre travaille dans l’administration fiscale). 

Par ailleurs, des millions de femmes talentueuses et épanouies ont choisi de consacrer leur temps à élever leurs enfants. Quand on leur pose cette cruelle question, elles se sentent coupables. Elles ont le sentiment que quelle que soit la façon dont elles vont répondre, celui qui leur pose la question entendra « je ne suis qu’une femme au foyer ». 

Il existe une autre raison encore pour laquelle les gens subtils évitent de demander « Que faites-vous dans la vie ? » : ils peuvent ainsi donner l’impression qu’ils ont l’habitude de frayer avec le gratin de la société. 

Récemment, j’ai assisté à une soirée mondaine (je les soupçonne de m’avoir invitée pour avoir parmi eux une représentante des classes populaires). J’ai remarqué que personne ne posait ce genre de question, et cela pour une raison bien simple : tous ces gens ne faisaient rien.

 Oh ! Bien sûr, certains d’entre eux consacraient sans doute une partie de leur temps à surveiller l’évolution des cours de leurs actions, mais personne ne travaillait pour gagner sa vie. Enfin, l’avantage, quand vous vous abstenez de demander aux gens ce qu’ils font dans la vie, c’est qu’ils cessent d’être sur leurs gardes. Vous leur donnez ainsi l’impression que vous appréciez leur compagnie et que vous les aimez pour ce qu’ils sont et non pour quelque sombre raison inavouable.

Malheureusement la solution proposée marche pas trop en français. Mais on comprend l’idée :

« Le bon moyen de savoir

Ainsi donc, comment allez-vous faire pour savoir quel est le métier d’une personne ? (J’aicru que vous ne me le demanderiez pas). C’est pourtant facile. Entraînez-vous à prononcer à la suite les dix mots suivants : « Comment… occupez-… vous… la… plus… grande… partie… de… votre… temps ? »

« Comment occupez-vous la plus grande partie de votre temps ? » 

Voilà un moyen élégant de ménager un découpeur de cadavres, un fonctionnaire des impôts ou une personne qui est au chômage. C’est aussi en posant la question sous cette forme que vous confirmez une mère de famille dans son choix responsable. C’est ainsi que vous montrerez à une personne spirituelle que vous n’êtes pas insensible à sa beauté intérieure. 

C’est ainsi que vous montrerez à un membre de la « jet-set » que vous en êtes, vous aussi. Maintenant, supposons que vous rencontriez une personne qui aime parler de son travail. Il n’y a pas d’inconvénient à lui demander : « Comment occupez-vous la plus grande partie de votre temps ? » 

C’est à votre interlocuteur de choisir s’il a envie de vous parler de son travail ou d’autre chose. En posant la question sous cette forme, vous éviterez de ressembler à un gros chat qui en jauge un autre.« 

#5 | The copywriter’s handbook

C’est dans ce livre que j’ai appris les bases du copywriting, la discipline consistant à écrire de bonnes publicités. Or, qu’est-ce qu’une annonce si ce n’est une publicité d’emploi ?

Le concept de bénéfices

On retrouve ce concept dans tous les livres de copywriting tellement c’est la pierre angulaire de la discipline : il faut apprendre à écrire en bénéfices plutôt qu’en caractéristiques. Par exemple plutôt que de dire que l’iPod est un baladeur numérique avec un disque dur de 5 giga

On va dire : voici 1000 chansons dans ta poche.

L’idée c’est qu’on ne vend jamais aux gens la perceuse, on leur vend l’idée du trou et même celle du meuble fini qu’ils pourront monter.

Au lieu de dire nous proposons du télétravail on va dire fini de galérer à trouver des créneaux pour vos RDV médicaux, vous avez la flexibilité qui vous permet d’en prendre aux heures les moins demandées. 

Ou alors : vous pourrez allez faire vos course en dehors des heures de pointe.

Beaucoup de règles

Ce qui est bien c’est que c’est un livre pour débutant·es donc y’a énormément de modèles à utiliser. Par exemple le modèle ACCA (Attention, Compréhension, Conviction, Action). Ou encore les 4 règles d’or d’un titre.

Faut-il écrire long ?

En un mot : oui. C’est l’erreur que font la plupart des personnes qui débutent : elles veulent faire court alors qu’une publicité écrite doit être longue.

Ou plutôt… plus le produit est cher et complexe, plus la publicité doit être longue. C’est pour ça que les pages de ventes pour les smartphones et les voitures sont super longues, mais pas celles pour les sauces tomates, même dans des épiceries de luxe.

J’en avais parlé dans cet article : https://blog.lecoledurecrutement.fr/faut-il-faire-des-annonces-longues-ou-courtes/

Ryhtmer son écriture

Dur ici de résumer mais il explique l’importance de casser la monotonie.

Un texte…

…de…

…publicité

N’EST PAS UN TEXTE LITTÉRAIRE.

Donc il peut s’affranchir de certaines règles.

Bon… là j’en ai fait des caisses, mais tu comprends l’idée.

Lecture alternative : La publicité scientifique

Dans ce livre écrit en 1923 (!) il y a un condensé de tous les principes sur lesquels se reposent les copywriters des années 60 pendant l’âge d’or du copywriting.

Autre lecture alternative : The Boron Letters

C’est un livre très étrange car c’est un copywriter qui écrit à son fils depuis une prison. Du coup c’est à moitié un livre de copywriting, à moitié un livre avec des conseils comme ne mange jamais avant d’avoir marché dans ta journée.

Si je dis que y’a brosse-toi les dents trois fois par jour, mon fils j’exagère… mais pas tant que ça.

Gros avantage : il est gratuit car dans le domaine public. On peut donc le trouver en pdf un peu partout, même si moi j’avais fait le choix de le payer 1 ou 2€ pour avoir une version propre ebook.

LA PAUSE PUB : Le recrutement ne s’improvise pas

Tu pensais quand même pas que j’allais te parler de livre à lire quand on recrute sans te parler du mien ?

Tu es recruteur, tu es recruteuse. 

  • Pourquoi c’est si dur de convaincre les managers-qui-recrutent de te faire confiance ?
  • Pourquoi ces mêmes managers mettent un temps fou à te faire des feedbacks ?
  • Pourquoi les candidats et les candidates t’envoient des candidatures hors-sujet quand tu postes des annonces ? On dirait qu’ils ne les lisent même pas !
  • Pourquoi certains métiers te paraissent pénuriques au point qu’ils sont impossibles à recruter ?
  • Mais surtout pourquoi y a-t-il si peu de fierté dans le monde du recrutement ?

C’est de notre faute, c’est de ta faute

Comme toi, j’ai recruté sans avoir la moindre méthode pour mes entretiens ou pour mes annonces. 

Je sentais que quelque chose n’allait pas. Certains recruteurs me disaient qu’ils avaient un sens pour sentir les gens, qu’il suffisait d’utiliser son intuition. Mais moi, je n’y arrivais pas.

J’ai mis du temps à comprendre que ce n’était pas moi qui avait un problème mais bien eux qui étaient victimes de leurs biais cognitifs.

Alors je me suis mis à la recherche d’une méthode pour arrêter d’improviser. Ça m’a pris douze ans.

Parce que les bonnes méthodes circulent très peu dans le milieu du recrutement.

Une discipline coupée de la science

C’est un mystère qui étonne les scientifiques eux-mêmes. Il existe une vingtaine d’études dont le sujet est pourquoi les recruteurs n’appliquent pas de méthode ?

Les personnes du monde scientifique nous voient comme des climatosceptiques. Et elles ont raison.

Ce n’est pas le cas dans le monde du marketing, par exemple. Au début du XXème siècle le marketing a fait le pont avec la science pour faire le tri dans ce qui marchait ou pas.

Ça a donné des méthodes comme la structure AIDA (Attention – Intérêt – Désir – Action) qui a été mise au point par un chercheur en psychologie et qui s’est depuis léguée.

Alors que, dans le même temps, des chercheurs et chercheuses en psychologie ont dessiné les contours d’une méthode efficace d’entretien de recrutement. Mais personne ne les écoute.

Il y a un mur incompréhensible entre les bonnes méthodes et le recrutement

Une partie du problème vient du fait que, pendant longtemps, il n’existait aucune formation académique au recrutement. Aujourd’hui il y en a toujours très peu. Alors l’immense majorité des recruteurs et recruteuses apprennent sur le tas. Ça a été mon cas.

Ajoutons qu’il est très dur de trouver un livre pour s’améliorer en recrutement. 

Tu as des livres qui sont écrits en partant d’interviews de dirigeants ou managers. C’est la pire manière de faire. Ça donne des conseils souvent discriminatoires (sans le vouloir) car on s’obsède sur la recette unique qui permet d’avoir “lesA-players”.

Mais… “les A-players / les meilleurs ” ça n’a pas le moindre sens en recrutement.

Ce que tu cherches c’est “les personnes les plus adéquates à ton contexte” (oui je reconnais que c’est moins vendeur que les meilleurs).

À l’opposé du spectre tu as les livres comme L’Entrevue Structurée qui sont géniaux. Ce livre a bouleversé ma vision des entretiens. 

Mais… j’ai dû le lire plus de 4 fois pour comprendre. C’est super dense et académique.

J’ai essayé de te proposer l’équilibre

J’ai mis presque 12 ans mais j’ai fini par faire le tri entre les traditions et l’héritage scientifique du recrutement. 

J’ai eu à coeur de faire quelque chose de simple, accessible et digeste, malgré la complexité et la richesse de la science du recrutement. Afin de trouver l’équilibre entre fondé sur la science et réaliste dans un quotidien.

Ce livre te permettra de gagner le respect des managers pour qui tu recrutes. Car, pourquoi nous respecteraient-ils alors que nous improvisons ?

Mais ce n’est pas tout : tu vas aussi trouver de quoi vaincre ton déficit de légitimité. Car c’est par l’apprentissage que l’on retrouve à la fois fierté et plaisir dans son métier.

Et, surtout, tu l’auras compris : tu vas éviter de tâtonner douze ans, comme moi.

Tu peux te le procurer

Si tu veux plus de détails sur le livre (notamment le sommaire détaillé), c’est par ici : https://blog.lecoledurecrutement.fr/le-recrutement-ne-simprovisera-plus

#6 | Système 1 / Système 2

Ce livre est un géant de son genre : un classique de la psychologie. Si bien que quand je l’ai enfin lu (car il est très long donc ça me dissuadait) j’ai réalisé le nombre d’autres livres qui ont pioché leurs concepts dans celui-ci.

Combien d’animaux de chaque espèce, Moïse a-t-il emmené dans son arche ?

Réfléchis un peu.

Encore…

Prends le temps de te faire ton avis avant de lire la réponse…

C’est bon ?

On peut y aller ?

Deux ?

Vraiment ?

Mais Moïse il a eu une arche ? 

C’est pas plutôt Noé ?

C’est avec ce piège que Système 1 / Système 2 nous illustre la différence entre nos deux systèmes de pensée. D’un côté le système que l’on pourrait appeler avec de grosses guillemets “le système lent et rationnel” de l’autre le système qu’on pourrait appeler “le système instantané et émotionnel”.

On pourrait aussi dire “l’intuition”.

L’auteur illustre ici un des problèmes de cette intuition : quand elle se trompe, elle se trompe très fort.

Mais il aborde aussi ses avantages : elle permet d’économiser l’utilisation du système lent et rationnel qui consomme énormément d’énergie dans le cerveau. 

Ce qui est fou c’est que le système intuitif est si rapide qu’il est possible qu’il réponde avant même que tu aies conscience de finir de lire la question.

Tout le livre est truffé de ces exemples et nous explique comment nous protéger des erreurs du système intuitif. Une des solutions les plus efficaces étant de créer des formules, des grilles d’évaluation.

Et… comble du comble… il raconte comment il a mis en place la méthode des entretiens structurés dans l’armée israélienne. 

Y’ a donc, presque par hasard, tout un chapitre qui parle explicitement de recrutement.

Ça vaccine définitivement de vouloir utiliser son intuition quand on recrute.

Lecture alternative : Influence et manipulation

Probablement l’autre grand classique de la psychologie sociale. Il retrace les 6 grands leviers de la manipulation. Il se lit bien en complément de Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens.

#7 | The sourcing Method

C’est malheureusement un livre difficile à trouver. J’ai eu la chance de l’acheter en mains propres de l’auteur durant un SOSU (Sourcing Summit). Ce que j’aime avec ce livre c’est qu’il détaille le sourcing mais pas uniquement dans la partie brute de recherche. Il prend le temps d’aborder chaque phase.

Les 7 étapes du sourcing

C’est d’ailleurs le concept qui m’a le plus marqué : une terminologie pour les phases du sourcing. Il propose de découper en 7 :

  1. La validation du besoin
  2. La pré-recherche
  3. Le brief
  4. Le profil test
  5. La recherche
  6. L’approche
  7. La préqualification téléphonique 

J’aime particulièrement l’idée de faire une pré-recherche, un avant-brief, de ne pas venir les mains vides. Mais aussi l’idée du profil test, c’est-à-dire d’envoyer un profil “parfait” moins de 24 heures après le brief pour confirmer avec le client/manager qu’on a bien compris son besoin et rectifier au cas où.

L’accord de service

Il reprend également le concept de Service Level Agreement, qui est un concept issu du monde du logiciel où les deux parties (fournisseur et acheteur) se mettent d’accord sur les exigences mutuelles qui vont cadrer la relation.

J’aime beaucoup cette idée. Dans le cas du sourcing ça consiste à demander explicitement au client/manager les conditions du service. Par exemple en combien de temps le manager fait un feedback ?

Ou alors en combien de temps je vais lui envoyer le premier profil ? 

Est-ce que j’envoie une short-list ou des profils au fil de l’eau ?

Et ainsi de suite…

Qu’on le fasse à l’écrit ou à l’oral, ça permet de bien cadrer les choses.

Il fournit en annexe un exemple :

Exemple d’accord de niveau de service

Un engagement simple qui promet « si je vous fournis ceci, voici ce que vous promettez de faire en retour » et qui inclut tout ce dont vous avez besoin de sa part pour trouver efficacement des candidats. 

Vous vous engagez sur ce que vous pouvez absolument garantir que vous fournirez si l’on vous donne ce dont vous avez besoin. Cet engagement peut prendre la forme d’un accord de niveau de service entre le sourcing et le recrutement, ou entre le sourcing et les responsables du recrutement, ou les deux.

  1. Faites le simple, sinon il ne sera pas respecté
  2. Présentez-le lors de votre première rencontre avec le client/manager
  3. Obtenez son « accord », même s’il s’agit d’un bref accusé de réception par courriel.

SLA – Définition du service

  • Qui vous êtes, mission de l’équipe, description de l’équipe et biographies
  • Définition des rôles, qui fait quoi
  • Ce que vous faites (par exemple :Nous sommes spécialisés dans l’identification passive de candidats, de concurrents, d’organisations ou d’associations spécifiques en fonction des besoins du client. Les clients contactent ces candidats et les qualifient

SLA – Description du process

  • Brève description de la façon dont vous procédez, du calendrier habituel et des résultats attendus.

Ce que vous attendez d’euxpar exemple :

  • Pour garantir la qualité et le respect des délais, nous exigeons du demandeur qu’il tente de contacter chaque candidat dans les 5 jours ouvrables (10 candidats par jour)
  •  Qu’il crée des dossiers de candidats et assure un suivi adéquat, conformément au process et aux politiques de recrutement de l’entreprise.
  • Qu’il fournisse à l’équipe de sourcing un feedback détaillé sur chaque candidature rejetée, y compris les raisons pour lesquelles elle n’était pas qualifiées ou pas joignable.

Ce que vous leur promettez, par exemple : 

  • Nous nous engageons à rechercher et à identifier jusqu’à 50 candidats validés pour des postes difficiles à pourvoir. Les leads sont livrés via CRM/ATS

La méthode du pendule

Enfin… il détaille son cheminement de pensée pour faire une requête. J’ai trouvé ça particulièrement intéressant parce que la méthode est très simple et qu’elle ne dépend pas des opérateurs booléens ou de l’outil en face.

Il s’agit simplement de commencer avec 2 ou 3 mots-clés puis de regarder s’il y a entre 50 et 300 résultats pertinents (ceschiffres sont arbitraires, on pourrait dire entre 10 et 150). Si y’a moins de 50 résultats alors on élargit la requête, si y’a plus de 300 résultats alors on la réduit.

Si les résultats ne sont pas assez pertinents, il faut changer les mots clés.

C’est aussi simple que ça.

Lecture alternative : Super Source me

Là encore une recommandation d’Aurélien que je n’ai pas lu. Mais j’ai pu le feuilleter et ça avait l’air vraiment pas mal.

#8 |  Cessez d’être gentil, soyez vrai !

J’ai mis énormément de temps à faire le pas d’acheter ce livre. Parce que le titre me faisait dire que ce n’était pas pour moi. Sauf que le titre est très trompeur. C’est en réalité le titre d’un chapitre qui a donné le titre du livre. Mais le vrai titre devrait être manuel pour débuter la communication non-violente (CNV).

Le conflit est partout

Dès le début du livre il donne une définition très large et neutre du conflit : une situation où deux (ou plusieurs) parties sont en concurrence pour une ressource. Là encore c’est à prendre au sens large. La ressource peut être de l’argent mais aussi du temps ou de l’amour.

Nous avons donc en permanence des situations de conflit et nous pouvons les régler de différentes manières : négociation, dispute, guerre, se sacrifier…

La communication non-violente est une de ces manières

Exploser ou imploser

Il présente également deux pôles que l’on va chercher à éviter. Le premier c’est celui qui consiste à ne rien dire quand le conflit se présente. On prend sur soi, on se sacrifie. Alors du coup on ronge son frein. Puis, un jour on implose brutalement. C’est d’ailleurs souvent incompréhensible pour les gens autour car on implose sur un détail. Mais c’est le phénomène de la goutte d’eau qui fait déborder le vase.

Je pensais que le livre s’adressait uniquement à ces personnes. Alors que moi je suis de l’autre côté du pôle : je n’ai aucun problème à rentrer dans le conflit et défendre mes intérêts. En revanche, j’ai tendance à le faire avec une agressivité qui va ensuite dégrader la qualité de la relation. C’est ce qu’il appelle l’explosion.

C’est souvent préférable à l’implosion car au moins les sujets sont traités et mes intérêts sont défendus. Mais déjà, pas tout le temps, parfois il vaut mieux que je sacrifie un peu mes intérêts pour protéger la relation avec mes proches. Ensuite, ça reste améliorable.

La communication non-violente propose d’essayer la troisième voie quand c’est possible.

Le protocole OSBD

Toute la CNV est structurée autour de ce protocole : Observation, Sentiment, Besoin, Demande.

On commence par une observation factuelle sans interprétation pour ne pas braquer. Au lieu de dire à un enfant tu ranges jamais tes affaires on préfèrera ton anorak est sur le canapé et tes chaussures dans l’entrée.

On enchaîne avec un dévoilement du Sentiment en nous et on en prend la responsabilité. On ne dit pas je suis en colère à cause de toi mais bien je ressens de la frustration parce que j’ai nettoyé toute la journée.

Puis vient le temps du Besoin fondamental qu’on essaie de ne pas confondre avec une envie. Par exemple j’ai besoin de me sentir considérée dans les efforts que je fais pour maintenir la maison propre pour tout le monde.

Et enfin on formule une demande positive (c’est-à-dire sans négation) et négociable. Par exemple :

est-ce que tu peux ranger ça maintenant ou plus tard ? 

Ou est-ce qu’on peut en discuter maintenant ou plus tard ?

Bon… bien sûr que c’est super dur de suivre ce protocole quand nous avons de la colère. Mais ce que je trouve fort c’est qu’on peut l’appliquer dans la relation à soi-même, comme dans l’exemple 3 ci-dessous :

Les managers et les candidat·es

Ce protocole est utile dans toutes les relations de la vie mais particulièrement dans celles avec les managers ou les candidat·es, quand le rapport de force n’est pas équilibré.

Il permet aussi, si tu es du type à imploser, de réussir à réaffirmer peu à peu de la confiance en soi en comprenant qu’on peut à la fois revendiquer ses intérêts et éviter l’agressivité.

Et si, comme moi tu es du type à exploser, ça te permet de continuer à avancer vers tes intérêts, en t’aliénant le moins de monde possible.

Lecture alternative : le même en version illustrée

Il existe une version plus courte et avec des dessins. J’ai beaucoup aimée cette version car il va plus directement au but. J’ai même compris des choses que j’avais mal compris dans la version classique.

#9 | Ils ne pourront plus se passer de toi

Ce livre a été une claque pour moi. J’ai compris pourquoi j’ai donné un mauvais conseil pendant des années. Le conseil c’était : il faut suivre sa passion.

Mais en fait, les gens qui disent ça ne se rendent pas compte que c’est l’inverse : c’est la passion qui a suivi.

Et il analyse les deux ingrédients principaux qui génèrent la passion.

Autonomie et maîtrise

En réalité, les deux leviers principaux de l’épanouissement professionnel sont l’autonomie et la maîtrise.

L’autonomie c’est à quel point je peux décider de sur quoi je travaille, comment je travaille, quand je travaille et avec qui je travaille.

Elle est plus ou moins forte. C’est pas blanc ou noir.

La maîtrise c’est à quel point j’arrive à progresser. D’ailleurs ce n’est pas forcément plaisant. Exercer sa maîtrise peut-être une douleur positive. Un peu comme un sportif qui s’entraîne.

Le dilemme

Le problème c’est que quand on commence sa carrière, on n’a pas suffisamment de maîtrise. Alors les employeurs nous proposent des jobs avec très peu d’autonomie.

Sauf que, au fur et à mesure que nous gagnons en expertise, les entreprises vont nous proposer le deal suivant : moins d’autonomie mais plus d’argent et de responsabilité.

C’est là que les choses se gâtent. Il montre comment faire pour équilibrer ces deux tensions. Ça me parle énormément car quand j’ai rejoint LEDR, j’ai accepté un salaire bien inférieur à mes camarades de promo. Mais j’ai rejoint une organisation avec une énorme autonomie (télétravail, congés illimités). Et c’est ça qui m’a permis de devenir passionné de mon job.

Lis le pour toi

Ce livre je te le recommande pour comprendre ce qui va motiver les candidats et candidates que tu croises mais aussi pour t’analyser toi-même. Pour réfléchir à ta position dans cet arbitrage entre expertise et autonomie.

Lecture alternative : L’art subtil de s’en foutre

Comme son nom ne l’indique pas, ce livre est une vulgarisation des principes clés du bouddhisme. Il est particulièrement intéressant parce qu’il permet d’avoir une philosophie de l’épanouissement. Avec notamment un passage sur comment lutter contre le syndrome de l’imposteur. 

#10 | Fragilité blanche

J’ai longtemps cherché un livre qui parle de comment diminuer la discrimination dans le recrutement. Pour le moment je n’ai rien trouvé de concluant. 

(Mais on m’en a recommandé 2-3 que je vais aller fouiller).

Alors… j’ai fait le choix de partager un livre qui parle de racisme. Mais encore plus particulièrement de la réaction au racisme.

Je n’aime pas trop le nom du concept, surtout en français car il laisse penser que faudrait être solide dans la vie. Mais ce n’est pas du tout le propos.

C’est un livre qui explique comment le fait d’avoir des réactions très intenses quand une personne raconte que vous lui avez fait subir du racisme empêche la discussion.

C’est un livre pour prendre du recul et apprendre à devenir une bonne oreille.

Ce qui est précieux quand on recrute.

J’aime bien l’effort qui est fait pour essayer de faire comprendre la problématique. Par exemple pourquoi on a autant de mal parfois dans les débats à faire comprendre parce que la personne va utiliser une anecdote pour nier l’ensemble du racisme :

“L’universitaire Marilyn Frye utilise la métaphore de la cage à oiseaux pour décrire comment les forces d’oppression sont liées les unes aux autres. Si vous vous placez tout près d’une cage et que vous appuyez votre visage contre les barreaux, ils disparaîtront de votre champ de vision et vous verrez l’oiseau sans qu’aucun obstacle ne s’interpose entre vous et lui. Si vous tournez la tête pour examiner l’un des barreaux de la cage, vous ne pourrez pas bien distinguer les autres. 

Si votre représentation de la cage se fonde sur cette vision à très courte portée, vous ne comprendrez pas pourquoi l’oiseau ne se contente pas de contourner l’unique barreau que vous voyez pour s’envoler. Vous pouvez même imaginer que l’oiseau aime être en cage, ou a choisi de l’être. Mais si vous reculez de quelques pas et élargissez votre champ de vision, vous constatez que les barreaux forment une structure conçue pour maintenir l’oiseau à cette place et qu’il est cerné par un réseau d’obstacles reliés entre eux de façon systématique. 

Si certains oiseaux arrivent à s’échapper, la plupart n’y parviennent pas. Et ceux qui s’enfuient devront franchir un certain nombre d’obstacles auxquels leurs pairs qui n’ont jamais vécu en cage ne sont pas confrontés. La métaphore de la cage aide à comprendre pourquoi il est parfois si compliqué de voir et de reconnaître le racisme : notre champ de vision est limité. 

Faute de nous rendre compte que notre position par rapport à l’oiseau détermine la portion de cage qui nous est visible, nous nous fions à des occurrences isolées, à des exceptions et à des preuves anecdotiques plutôt qu’à des schémas plus larges et interconnectés. Bien qu’il y ait toujours des exceptions, les mêmes modèles connus et démontrés se répètent : les personnes non blanches sont restreintes et influencées par des obstacles qui ne sont ni accidentels, ni occasionnels, ni contournables.”

Mais surtout, j’ai été marqué tellement les mots sont juste sur comment le fait de prendre le racisme (ou du sexisme, etc) une accusation morale est un tour de passe-passe qui permet de le perpétuer.

Si la condamnation du racisme semble une évolution positive, il nous faut considérer comment le processus fonctionne, concrètement. À l’intérieur de ce paradigme, suggérer que je suis raciste, c’est me porter, profondément, un coup moral – une sorte d’assassinat de ma personnalité. Quand je reçois ce coup, je me dois de défendre qui je suis, et c’est à ça que je vais consacrer toute mon énergie – à parer l’attaque plutôt qu’à réfléchir sur mon comportement. 

Faute d’accepter de discuter de ces dynamiques ou d’envisager notre fonctionnement interne, impossible de cesser de participer au racisme. Pour un Blanc lambda, la dichotomie bien/mal empêche donc absolument de comprendre le racisme et à plus forte raison d’y mettre un terme. 

Comme le dit l’universitaire et réalisateur afro-américain Omowale Akintunde : « Le racisme est un phénomène systémique, sociétal, institutionnel, omniprésent et incrusté d’un point de vue épistémologique qui imprègne chaque fraction de notre réalité. Pour la plupart des Blancs, cependant, le racisme est comme le meurtre : le concept existe, mais il faut que quelqu’un le commette pour qu’il se produise. Cette vision limitée d’un syndrome qui possède tant de niveaux différents cultive la sinistre nature du racisme et, de fait, perpétue les phénomènes racistes au lieu de les éradiquer. »

Ce paradoxe est très bien représenté dans le film Je ne suis pas un homme facile ou un homme se retrouve projeté dans un monde imaginaire où ce sont les femmes qui ont le pouvoir et qui exercent du sexisme. Y’a un moment où le personnage n’en peut plus de vivre ce sexisme… mais en même temps il n’arrive pas à identifier une personne qui en serait coupable. C’est parce que précisément il n’y a pas une personne diabolique coupable, ça se diffuse.

Lecture alternative : Where Do We Go from Here: Chaos or Community? 

Je ne savais pas, avant de lire ce livre, que Martin Luther King avait écrit plusieurs livres. Dans celui-ci il livre une analyse radicale et encore d’actualité du racisme.

Ils auraient pu être dans la sélection

Tu as peut-être vu la conférence où j’ai fait cet exercice il y a plusieurs années.

Dedans je donnais cette liste :

1) The Luck Factor

2) Work Rules!

3) How to talk to anyone – 92 little tricks for Big Sucess in relationships (Comment parler à tout le monde)

4) Who – The A method for hiring

5) How to decide – What to do when you don’t know what to do

6) Le Personal Mba

7) L’entrevue structurée – Pour améliorer la sélection du personnel

8) Influence et manipulation

9) Petit cours d’autodéfense intellectuelle

10) L’art subtil de s’en foutre

Comme tu le vois, il y en a que j’ai repris où que j’ai mis cette fois-ci en lecture alternative. Je les ai mis en gras. Il y en a deux que je te déconseille. Le premier c’est how to decide. Car depuis j’ai lu un livre beaucoup beaucoup mieux sur le même sujet : Thinking in bets. Mais c’est aussi que ce n’est pas un bon sujet quand on recrute. Il vaut mieux s’en tenir à la méthode de l’entretien structuré qui est directement calibrée pour.

Et celui que je déconseille très fortement c’est Who. Pour te résumer pourquoi voici un copié-collé d’un de mes posts LinkedIn :

Le livre Who est une catastrophe pour le recrutement. Voilà 5 raisons d’arrêter de le conseiller.

Je le dis d’autant plus que, comme beaucoup d’autres personnes, je l’ai recommandé avec enthousiasme il y a quelques années.

Sauf que…

1) Ce livre part du principe qu’il existe des « joueurs A » par opposition aux « joueurs B » et « joueurs C ». Dans l’absolu. 

C’est extrêmement malsain. Cette croyance est à la source de la discrimination à l’embauche. Car, comme par hasard, les »joueurs d’élites » ce seront ceux qui ont fait les écoles vues comme les écoles d’élite par exemple. Plutôt que les personnes avec les bonnes compétences.

2) Il introduit une confusion sur le terme de « scorecard ». Une scorecard normalement c’est une fiche d’évaluation. Mais dans le livre, pour une raison obscure, ça devient « une fiche de poste réinventée ». 

En soi, la fiche de poste créée avec cette méthode n’est pas catastrophique. C’est d’ailleurs ce que j’ai le plus utilisé. Mais ça reste une méthode globalement au feeling.

3) Les trames d’entretien proposées sont des catastrophes. L’auteur comprend qu’il faut faire des entretiens structurés. Mais il ne sait pas ce que c’est. Il se base uniquement sur le nom pour postuler que ce sont des entretiens avec une trame.

Sauf que… si je fais une trame de questions non pertinentes (construites au feeling), à la fin, j’ai pas un entretien structuré. J’ai juste une structure pour mon entretien au feeling. Or, toutes les questions proposées sont issues de son intuition. Par exemple « quelles sont vos plus grandes réussites professionnelles ».

Alors qu’on a déjà les preuves scientifique que cette question ne fonctionne pas.

4) Beaucoup d’organisations qui ont utilisé la méthode du livre, ont fini avec des équipes qui manquent de diversité. Et, au fond, ce n’est pas étonnant puisqu’il fait la promotion d’un entretien à l’intuition qui se présente comme un entretien structuré. C’est très insidieux. On croit qu’on utilise une méthode objective alors qu’en fait avec la méthode Who on met juste des mots qui font jolis sur ses biais.

5) Au lieu de s’appuyer sur une méthode scientifique et prouvée, les auteurs se sont appuyés sur les interviews de PDF et de milliardaires (c’est leur argument de vente) : « Based on more than 1,300 hours of interviews with more than 20 billionaires and 300 CEOs »

Déjà une méthode construite à partir d’interview (et donc de la pure expérience) risque d’avoir des failles. Mais puisqu’ils n’ont interrogé aucun recruteur, aucune recruteuse… pas étonnant que ça manque de rigueur.

Pas étonnant que le chapitre « sourcing » soit si maigre.

PS : je me permets cette critique parce que j’ai moi-même promu le livre ET que les auteurs ne sont pas français donc ne liront jamais ce post. Donc a priori personne peut être personnellement heurté par la lecture du post. Si tu l’as recommandé ou que tu le recommandes encore… je comprends : c’était mon cas. Mais voilà pourquoi je pense qu’il est urgent d’arrêter 

Deux livres qui auraient pu figurer mais non

J’ai beaucoup hésité à inclure : Etes vous capable de me lire ?

C’est un livre vraiment cool et très court. Mais on peut le résumer en une seule phrase : la science nous montre qu’il est impossible de lire le non-verbal.

Du coup je me dis qu’en vrai ça ne sert qu’à débattre avec les gens qui n’arrivent pas à renoncer à leur recrutement au feeling.

Le second c’était The talent fix

Idem très court et très cool mais vraiment orienté responsable recrutement plus que recruteur/recruteuse. Donc je ne l’ai finalement pas mis.

Si tu veux un résumé plus détaillé de ces livres…

… bah en fait mon livre, je l’ai clairement écrit grâce à ces 10 livres (et d’autres). Donc tu vas retrouver un concentré de tout ça.

Tu peux te le procurer

Et… encore mieux… si tu veux la version détaillée encore plus… on a une formation.

3 questions qu’il faut arrêter de poser en entretien

Malheureusement, la plupart des entretiens sont très peu efficaces. Parce qu’on s’en remet à son intuition, son feeling. 

La solution est connue. On a plus d’un siècle de données qui pointent toutes vers la même direction : faire des entretiens structurés. 

D’ailleurs, un jour j’ai entendu quelqu’un dire que nous avions inventé les entretiens structurés chez LEDR. 

Alors… j’aurais adoré. Mais si c’est moi qui les avais inventé, je ne les aurais pas appelés comme ça. Le nom est nul. 

Ça se voit que c’est le nom du champ académique, sans marketing. Si c’était nous on aurait appelé ça : “les entretiens prédictifs” , “les super-entretiens” ou même “les entretiens qui fonctionnent vraiment”.

Mais alors, sachant leur efficacité supérieure, pourquoi la pratique de l’entretien structurée est-elle encore si rare ? Ça pourrait faire l’objet de tout un article mais pour résumer : ça demande du travail. Il faut beaucoup plus de travail pour déployer des entretiens structurés que de venir et poser les questions habituelles.

Car, oui, l’entretien structuré n’est pas qu’une question de trame. Vous pouvez avoir une trame de questions que vous posez sans la changer sans que ça soit un entretien structuré pour autant. En effet, l’entretien structuré se définit par la trame, mais pas que. C’est une condition nécessaire mais pas suffisante. La nature des questions est primordiale.

Aujourd’hui, on va voir non pas quelles questions fondent un entretien structuré mais plutôt 3 des pires questions qu’on pose en entretien au feeling. Comme ça, même si vous ne pouvez pas déployer les entretiens structurés vous pouvez quand même essayer d’éviter ces questions. On pense souvent à ce qu’on pourrait faire mieux mais on oublie que parfois le plus simple est d’éviter ce qu’on fait de moins bien.

Mauvaise question #1 : “Parlez-moi de vous ?”

Avec sa variante “présentez-vous en quelques minutes” ou“racontez-moi votre parcours professionnel”.

Ce qu’on croit faire en posant cette question

J’ai trouvé cette question dans tous les guides de questions à préparer quand on candidate. 94% des candidat·es déclarent y avoir été confronté. C’est également la question la plus posée avec 60% des recruteurs et des recruteuses qui déclarent la poser en entretien (source : Zety)

C’est souvent une question qui débute l’entretien. Comme un brise-glace. Certains recruteurs expliquent que ça permet d’observer si le candidat sait structurer sa réponse. D’autres disent que c’est avant tout pour voir si la personne a une personnalité bavarde ou pas.

D’autres cherchent à voir si la personne sait gérer son stress.

“Pour la plupart des recruteurs, « parlez-moi de vous » est bien plus qu’une question lancée pour ouvrir la conversation. Quand un responsable du recrutement pose cette question ouverte, il espère que les candidats parleront de leurs objectifs et de leurs priorités pour pouvoir se faire une meilleure idée de leur véritable personnalité.

Ce n’est pas tout : les recruteurs posent aussi cette question pour évaluer la confiance en soi d’un candidat, car cela leur donne un aperçu de la façon dont les recrues potentielles se présenteront aux clients et à leurs collaborateurs si elles obtiennent le poste.”

Source : https://www.roberthalf.fr/blog/repondre-a-la-question-parlez-moi-de-vous-entretien

Parfois ça va même plus loin et tout l’entretien tourne autour de cette question !

Le but du chargé de recrutement est de vous « cerner » rapidement pour déterminer si vous êtes la bonne personne pour le poste. Grâce à cette question très ouverte, il vous pousse à dévoiler votre esprit de synthèse, votre capacité d’introspection ainsi que votre personnalité. Votre réponse en dit long sur vous : vous avez la liberté de choisir comment aborder cette question. Faites donc attention à ne pas vous emmêler les pinceaux.

De nombreux recruteurs et DRH de grands groupes ont recours à cette question. C’est parfois même la seule qu’ils utilisent durant tout l’entretien ! Elle a le mérite d’ouvrir sur un moment d’échange et d’aller au-delà de la simple présentation du CV. Si votre interlocuteur ne vous donne pas de temps à respecter, vous pouvez estimer que vous avez environ 5 minutes pour convaincre.

Un simple « présentez-vous » permet aussi d’évaluer votre degré de préparation à l’exercice de l’entretien. Si votre réponse n’est pas préparée un minimum, cette question peut se transformer en véritable question piège.

Source : https://www.solantis.fr/2020/01/27/parlez-moi-de-vous-que-repondre/

Là on prétend carrément analyser l’esprit de synthèse et la capacité d’introspection. Avec en creux l’idée que ça permet aussi de vérifier la préparation de l’entretien…

Quel est le problème avec cette question ?

Mais… tout ? Rien ne va ! Je ne sais même pas par où commencer. Les candidat·es se plaignent souvent de cette question, à raison.

Si le but est d’évaluer la capacité de synthèse de la personne, pourquoi ne pas le dire ? Pourquoi ne pas dire : pouvez-vous me parler de vous ? Attention, je serai particulièrement sensible à votre capacité de synthèse.

J’ai même vu des recruteurs qui se plaignent ! En disant parfois les candidat·es se mettent à faire l’essentiel de leur parcours en repartant de l’université… c’est ennuyant.

Mais…

Pourquoi. Ne. Pas. Leur. Dire ?

Pourquoi ne pas dire : pouvez-vous me parler de vous ? J’attends principalement que vous résumiez vos expériences professionnelles les plus récentes.

Quel intérêt de piéger ? Quel intérêt d’être si vague ? Parce que tout le monde le fait et que donc les candidat·es pourraient s’y préparer ? Certes. Mais dans ce cas il ne faudra pas se plaindre parce que les candidat·es préparent tellement les entretiens que toutes leurs réponses sont fades et clichées.

Quant à l’idée de vérifier la préparation, on a déjà vu pourquoi c’était problématique : https://lecoledurecrutement.fr/recruter-motivation/

En effet, la préparation ne prédit pas la performance de la personne à son poste. Sans compter que la personne a pu préparer d’autres choses. Là encore, si vous voulez qu’une personne préparer quelque chose : pourquoi ne pas lui dire ? Vous n’avez aucune idée de son contexte familial, voire même de travail. 

J’avais le cas dans mon école de commerce : certaines personnes venaient de familles moins riches et devait donc cumuler ce qu’on appelait un petit boulot en plus des études. Ce qui fait qu’elles devaient aussi cumuler ce boulot avec leur recherche d’emploi. Forcément elles avaient moins de temps, d’énergie pour préparer l’entretien. Faut-il les pénaliser pour autant ? Alors qu’on ne leur a même pas donné de consigne de préparation ?

Enfin, parlons du stress. L’idée de poser une question qu’on sait volontairement stressante est très dangereuse. Là encore il faudrait tout un article pour développer, mais nous avons peu d’intérêt à attiser le stress chez les personnes que l’on reçoit en entretien. Par exemple, je ne ressens personnellement jamais de stress en entretien. Selon AssessFirst je fais même partie des 2% de la population qui stressent le moins, tout court. Et alors ? Ça veut dire que si j’allais dans un entretien pour le poste de comptable, je ne serais pas stressé. Pour autant ferais-je un bon comptable ? Non.

Sans compter que le stress n’est pas homogène : on peut stresser en entretien et ne pas stresser dans l’exercice de son métier. 

Que peut-on évaluer ici ?

Il faut commencer par être honnête envers soi-même. Quand j’ai commencé le métier, j’ai posé cette question. Comme tout le monde. Et j’aurais pu m’inventer que c’était pour vérifier la capacité de synthèse. Mais, puisqu’on pose cette question à tous les entretiens, ça veut dire que tous les postes du monde nécessitent une capacité de synthèse ? Quelque chose ne tourne pas rond.

Idem sur la résistance au stress. Tous les postes du monde demandent-ils de résister au stress ?

Au final, comme on ne s’est pas vraiment posé la question des critères qu’on voulait évaluer (compétences métier et personnalité) , on finit par chercher une sorte de profil générique.

Les fameuses personnalités socialement désirables (qu’on appelle faussement les personnes ayant de l’intelligence émotionnelle) : extraverties, conscienscieuse, polie, etc.

Comme si tous les postes demandaient ce cocktail de personnalité.

En vrai, ce qu’on fait avec cette question n’est-ce pas plutôt confirmer sa première impression ? Or, on le sait, l’effet de première impression est un des effets les plus dangereux pour l’évaluation. Parce qu’on passe son temps à confirmer ce qu’on a ressenti lors des premières secondes.

Sachant cela, pourquoi s’exposer volontairement à ce biais ? C’est un peu comme si on disait à haute voix faites-moi une bonne première impression.

On ne peut pas se plaindre ensuite parce que les personnes nous mentent en entretien et qu’elles ne sont pas la personne qu’elles nous ont vendues. Peut-être qu’il suffirait justement d’arrêter de demander aux gens de se vendre pour qu’ils arrêtent d’enjoliver ? Peut-être qu’il suffirait de s’en tenir à l’évaluation de leurs compétences pour qu’ils répondent à cette hauteur.

Mais si on pose une question piège où on attend que la personne prenne son parcours pour le vendre, on ne peut pas s’étonner que ça soit artificiel.

On en a déjà parlé : quand les personnes sentent qu’on les juge plus qu’on ne les évaluent elles ont tendance à mentir.

https://lecoledurecrutement.fr/distinguer-jugement-evaluation-recrutement/

Mauvaise question #2 : quels sont vos défauts ?

On retrouve cette question sous de nombreuses variantes. Personnellement, la première fois qu’on m’a dit que cette question était mauvaise, je l’ai immédiatement changée. Du coup, je demandais si je demandais à vos amis ce qu’il pensent de vous, ils me diraient quoi. Et je me sentais tellement brillant et malin !

Mais je n’avais rien compris. Je n’avais pas compris pourquoi on m’avait dit que cette question était mauvaise.

En effet, changer la formulation en disant quels sont vos axes d’amélioration ne change rien à l’affaire. Voyons pourquoi.

Ce qu’on croit faire en posant cette question

Avec cette question on se dit qu’on évalue le recul, la transparence, la lucidité de la personne en face nous. 

Certains recruteurs se disent que ça permet de voir si les candidat·es minimisent ou assument leurs défauts. Avec l’idée qu’on essaie d’avoir des personnes qui dépassent leurs propres défauts.

« On évalue l’aptitude du candidat à prendre du recul sur lui-même, sa lucidité, en essayant de détecter des états d’esprit constructifs, de l’honnêteté et de la transparence »

Mais, surtout, on l’avoue moins volontiers : on va éliminer les défauts qui nous chagrinent le plus. 

Pire encore, on va punir les personnes qui se rebellent face à la question ou qui essaient d’éviter de répondre : comme si ça nous vexait. Comme si on voulait avoir des gens dociles en face.

Alors que c’est une réaction naturelle. Qui a envie de parler de ses défauts dans un entretien où on le juge ?

Quel est le problème avec cette question ?

Il y a plusieurs soucis : déjà l’injonction paradoxale. À la fois on demande aux personnes de se mettre en avant et à la fois on leur demande de révéler leurs défauts. Pour avoir déjà accompagné quelques candidat·es, les gens s’arrachent les cheveux sur cette question. Au point que je leur avais créé un guide tout fait avec des défauts à dire.

Je ne suis pas le seul, il y a plein de guides sur le web pour choisir ses défauts. Le pire, c’est que les recruteurs le savent… ça devient un jeu absurde !

On conseille aux candidat·es de trouver des défauts qui les mettent quand même en valeur. Voilà pourquoi autant de gens répondent “je suis perfectionniste”. En vérité, c’est un défaut très compliqué à porter. Les personnes qui sont vraiment perfectionnistes vivent un calvaire professionnel, souvent doublé par le syndrome de l’imposteur. Ce n’est pas un défaut aussi enviable que ne le croient les candidat·es. Mais c’est parce que ce qui est sous-entendu c’est mon seul défaut c’est que j’ai pas de défaut.

Parce que la question est violente. Même une personne surentraînée à la promotion de soi (une politicienne) peut se trouver désarmée face à cette question. J’en veux pour preuve la réaction de Valérie Pécresse quand on lui a posé la question :

– Quelle est votre principale qualité, et peut-être plus important, votre principal défaut ? – Ma principale qualité c’est que je suis tenace. Et mon principal défaut c’est que je suis perfectionniste.  

Notez au passage comment on a enrobé la question en l’adossant à celles des qualités mais en insistant bien sur le fait que ce qu’on veut c’est le défaut. 

Comme tout le monde, Valérie Pécresse n’a rien trouvé d’autre à dire que “perfectionniste”. Le pire c’est qu’on a pris l’habitude de se moquer de cette réponse dans le monde du recrutement. Mais ce n’est pas la réponse qui est risible, c’est la question.

Qu’attendons-nous ? Ça ?

D’ailleurs, chaque fois que je demande à un recruteur ou une recruteuse ce que cette question lui a déjà apporté j’obtiens un blanc. Posez-vous la question… qu’avez-vous déjà obtenu comme information pertinente suite à cette question ?

Si la réponse est rien car on me répond toujours des trucs vagues et superficiels, alors il est temps d’en tirer les bonnes conclusions.

Que peut-on évaluer ici ?

Je ne sais même pas. De deux choses l’une, soit on évalue le texte soit on évalue le méta-texte. 

Dans le cas où on évalue le texte, c’est-à-dire le propos du candidat, on a peu de chance de tomber juste. On l’a vu, le candidat ne va pas répondre honnêtement. D’ailleurs on attend même pas qu’il le fasse. Si quelqu’un disait “mon plus grand défaut c’est que je travaille mal” on se dirait que la personne nous fait une blague.

Donc à quoi va nous servir de recevoir un énième je suis perfectionniste ?

Mais admettons qu’en face vous ayez une personne particulièrement entraînée à l’entretien et qui a donc lu tous les guides qui expliquent comment doser (mais là encore, est-ce vraiment ce qu’on souhaite encourager ?). 

Cette personne vous dit quelque chose comme : un de mes axes d’amélioration c’est que j’ai du mal à prendre la parole en public.

Si le poste c’est prof, ça va poser souci. Ok. Mais si le poste c’est comptable ? On en fait quoi ?

C’est l’ultime problème de la question des défauts : elle ne cible pas le moindre critère. On laisse aux candidat·es carte blanche pour parler de n’importe quoi, que ça ait un rapport ou pas avec le poste en question.

Là encore, sauf à croire que notre mission est de recruter un profil générique avec une personnalité socialement désirable, pourquoi perdre ainsi son temps ?

Ne parlons même pas de la subjectivité de ce qui est un défaut ou pas. Dans les guides de recherche d’emploi j’ai trouvé je dis toujours ce que je pense comme défaut. J’ai halluciné. Donc, ne pas mentir c’est un … défaut ?

Mais, vous me direz peut-être que vous cherchez plutôt à évaluer le méta-texte. C’est-à-dire que peu importe ce que la personne répond, vous allez vous intéresser à comment elle répond. Ce qui vous permettra de voir si la personne fait preuve de maturité, de lucidité.

Le problème c’est que vous ne connaissez pas la “bonne” réponse donc vous ne pouvez pas comparer. Vous allez juste être sensible aux beaux parleurs. 

Et même si vous connaissiez la réponse et que vous pouviez donc évaluer la distance entre la perception du candidat et la réalité de ses défauts… que feriez-vous de cette information ? Vous allez déduire que la personne manque de lucidité ? Mais c’est important pour le poste en question ? Et surtout… combien de gens sont capables d’être lucide à ce point. Êtes-vous capable de tant de lucidité sur votre propre personnalité ?

Est-ce vraiment un critère de recrutement à ce point important qu’il justifie d’y passer 5 minutes sur un entretien de 45 minutes ou d’une heure et demie ?

Mauvaise question #3 : que savez-vous de nous ?

On finit avec cette question. Qui d’ailleurs n’est pas toujours posée comme telle. Parfois on exige que les candidat·es y répondent sans la poser explicitement. On parsème l’entretien de petits pièges. Avec toujours la même phrase je veux voir que la personne a au moins été sur notre site internet avant.

Ce qu’on croit faire en posant cette question

C’est celle avec laquelle j’ai le plus de mal car je ne l’ai jamais posée. Ou plutôt je la posais comme un point de départ pour être sûr de ne pas embêter la personne avec des explications en trop. Mais jamais comme une vraie question d’évaluation.

J’imagine qu’on cherche à évaluer la motivation. On a déjà expliqué pourquoi c’était une mauvaise idée. Mais, plus que ça, j’ai l’impression qu’il y a encore cette notion de les gens doivent en baver pour mériter un job.

D’ailleurs, la dernière fois que j’ai demandé en formation pourquoi les recruteuses de la salle le faisaient, ça n’a pas manqué. Après à peine 30 secondes, quelqu’un a dit :

Je ne comprends pas, avec tout le chômage qu’il y a, les gens peuvent pas faire l’effort d’aller regarder sur le site internet ?

  

Quel est le problème avec cette question ?

Premièrement, il y a une forme de culot incroyable à cette position. Combien d’entre nous ont un site internet clair ?

Récemment, j’ai écouté une candidate (qui était aussi une recruteuse) me raconter qu’elle avait raté la question en entretien. J’ai demandé ce que disait le site web. Elle m’a répondu“mais je comprends rien à ce qui est écrit”. J’ai alors moi-même été regarder et … effectivement je n’ai pas compris grand chose non plus.

Or, cette expérience est plus la norme que l’exception. Combien d’entre-nous peuvent affirmer en toute bonne foi que leur site carrière est clair ?

Parfois je suis mort de rire intérieurement parce que je suis chez un client où les recruteurs m’expliquent que c’est scandaleux que les candidat·es ne savent pas dire ce que fait l’entreprise. Alors que moi-même… je n’ai pas compris, même après avoir passé toute une journée avec eux.

J’ai même vu des recruteurs se vexer parce qu’un candidat posait la question mais vous faites quoi, vraiment, je n’ai pas tout compris.

Ici, le candidat dit qu’il a pris le temps de regarder le site web, on ne peut donc pas lui reprocher un manque de préparation. Le problème c’est qu’il n’a pas compris. Peut-être parce que … c’est incompréhensible.

Enfin, quelle responsabilité prenons-nous en tant que membres de notre profession ? Nous ne pouvons ignorer que la plupart de nos confrères et consoeurs ignorent les candidatures sur annonce. Ce qui fait que, l’immense majorité des candidat·es se retrouvent sans réponses. Par conséquent, beaucoup font le choix d’arroser. Ce n’est pas bien, mais c’est compréhensible. Les gens ne feraient pas ça si on leur répondait.

Du coup, comment pouvons-nous refuser d’intégrer cette réalité ? Beaucoup de personnes arrivent au premier entretien sans même se rappeler qu’elles avaient postulé à cette entreprise. Et comme on se vexe quand on nous le dit… elle n’ose pas demander.

C’est si ridicule.

J’ai même des amis qui sont rentrés dans des entreprises sans jamais comprendre ce que la boîte faisait. Mais ils avaient très bien compris que le dire risquait de vexer les recruteurs, donc ils ne le disent pas et attendre de le découvrir sur place.

Mais… c’est absurde, non ? Qui gagne quoi à cette situation ?

Que peut-on évaluer ici ?

On en revient au principe du début : réfléchir à ce qu’on évalue. Si on veut vraiment évaluer la motivation, pourquoi recourir à des subterfuges ? Il convient d’abord de comprendre ce qu’on entend par motivation. On l’a déjà dit :

“Ce qu’on doit évaluer ce n’est pas si la personne montre patte blanche, si elle a lu notre site alors qu’on ne lui a pas demandé. Ce qu’on doit évaluer c’est l’adéquation entre ses valeurs, ses besoins et notre culture. C’est donc toujours une comparaison. On ne se demande pas si la personne en face est une personne motivée, en soi. On se demande si ses valeurs, ses besoins et ses intérêts sont en phase avec notre culture et nos intérêts. De là émanera la motivation.”

Une fois qu’on a fait cet inventaire, on va s’intéresser directement aux valeurs de la personne, à la raison de sa démarche, plutôt que de tenter de la piéger sur sa connaissance du site.

De manière générale, les pièges sont une mauvaise idée car ils prédisent peu la performance. Ils prédisent juste la faculté d’une personne à savoir naviguer entre les non-dits. D’ailleurs, je n’ai pas d’étude sur le sujet, mais je ne serai pas étonné s’il y avait un lien entre le milieu social d’origine de la personne et sa capacité à maîtriser les codes non-dits.

Au final, qu’avons-nous à gagner à poser des questions sans mode d’emploi ? 

Bonus : les questions “brainteasers”

J’ai gardé ce type de questions dans les bonus car l’immense majorité d’entre nous ne posons jamais ces questions. En revanche, elles sont omniprésentes dans certains secteurs. Le conseil par exemple.

Qu’est-ce qu’un brainteaser ? C’est une question d’entretien qui est en réalité une énigme inattendue.

La plus connue étant une qui a été popularisée par Google :

Si vous étiez réduit·e à la taille d’une pièce de monnaie et que vous étiez dans un mixeur, comment feriez-vous pour en sortir ?

Ou alors :

Combien d’argent prendriez-vous pour nettoyer toutes les fenêtres de Seattle

Dans le premier cas on attend de moi que je dise que réduit à cette taille, je pourrais sauter bien plus haut que ma taille. Ne me demandez pas pourquoi, j’ai oublié la démonstration. Mais expérimentalement on sent que c’est vrai : les puces, les sauterelles arrivent à sauter beaucoup plus haut que leur taille.

Dans le second on attend que je reconnaisse que Microsoft a son siège social à Seattle et que y’a un jeu de mot à faire avec Windows (fenêtre).

Parfois ça prend la forme de cas. Voici une question que j’ai moi-même posée (et je m’excuse auprès des personnes à qui je l’ai posée, j’étais un recruteur débutant) :

À ton avis, quel est le chiffre moyen d’une boulangerie ?

Dans ma tête ça permettait d’évaluer une forme d’intelligence.

En vrai, ce genre de questions font surtout plaisir à la personne qui les pose et qui se sent maligne. C’était mon cas. Voilà ce qu’en dit l’ex-DRH de Google :

“La performance à ces types de questions est, au mieux, une compétence qui s’améliore avec la pratique, rendant inutile leur utilisation pour évaluer des candidats. Au pire, elles reposent sur un petit bout trivial d’information ou de connaissance qu’on cache au candidat et qui sert principalement à faire que le recruteur se sente intelligent et content de lui-même.

Elles ont peu si ce n’est la moindre capacité à prédire si un·e candidat·e sera performant·e à son job. C’est en partie à cause de la non-pertinence de la tâche(combien de fois dans votre job quotidien devez-vous estimer le nombre de stations essence dans une ville ?), en partie parce qu’il n’y a pas de corrélation entre l’aptitude cognitive(qui elle est bien prédictive de la performance) et les problèmes de perspicacité comme les brainteasers, et en partie parce qu’il n’y a pas de moyen de distinguer quelqu’un qui est brillant de manière innée et quelqu’un qui s’est entraîné à ce genre de questions.”

Et, en effet, tous mes camarades qui postulaient dans des grands groupes de conseil ou d’audit téléchargeaient des grands guides qui répertoriaient l’ensemble de ces questions.

Ces questions ont même inspiré un livre : Êtes-vous assez intelligent pour travailler chez Google ? 

L’auteur est d’ailleurs sympa avec les recruteurs puisqu’il dit : 

Tous les ans, ces entreprises de pointe reçoivent des millions de C.V. Comment recrutent-ils ? Quelles questions pièges ont-ils inventé avec l’aide de psychologues à l’esprit tortueux pour sélectionner les profils les mieux adaptés, souvent les plus originaux ? 

Alors que n’importe quel psychologue aurait probablement hurlé en voyant ces questions utilisées pour prédire la performance.

Conclusion

Je crois qu’une fois un prof m’a dit qu’on devait pas écrire conclusion avant une conclusion. Mais j’aime bien.

Au-delà des trois questions que j’ai pointées en particulier vous aurez peut-être remarqué des grandes lignes qui se dégagent. Par exemple, le fait que ce sont des questions qui peinent à justifier ce qu’elles évaluent. Parce que la plupart des entretiens peinent à justifier ce qu’ils évaluent. C’est pour ça qu’il est si dur de faire des retours constructifs aux candidat·es.

Moi-même j’ai posé ces questions parce que je pensais que c’était ce qu’il fallait faire. Je voyais que c’était ce que les autres faisaient. Je me posais quand même des questions parce que j’étais à mon compte et donc que je n’avais pas une hiérarchie qui m’imposait une méthode.

C’est d’ailleurs comme ça que je suis passé de la question des défauts, à celle des qualités puis à celles sur les axes d’amélioration, puis à celles sur ce que les amis direz de vous, pour finir par des brainteasers. Chaque fois j’essayais d’améliorer l’expérience candidat.

Puisque je voyais bien que l’entretien était pas un exercice super prédictif, j’essayais d’au moins en enlever les moments absurdes. Mais, si j’avais été entouré d’autres personnes faisant pareil, j’aurais probablement fini par accepter de poser ces questions.

Je le dis pour qu’il soit clair que je ne jette pas la pierre. Chaque personne fait de son mieux avec les cartes qu’elles possèdent. D’ailleurs, quand j’étais recruteur je n’ai pas trouvé la solution. Je ressentais un malaise vis-à-vis de l’entretien mais je ne voyais pas comment faire. Et je venais à peine de tomber sur des articles qui me parlaient de questions comportementales avant de me faire débaucher par LEDR. Donc je ne saurais jamais si j’aurais de moi-même fait des entretiens structurés.

D’ailleurs, c’est pendant le premier entretien que j’ai fait pour LEDR que j’ai demandé combien tu penses que y’a de boulangerie en France.

Parce que j’aimais ce genre de questions, même en tant que candidat. Contrairement aux autres que je détestais en candidat et qui me faisaient du coup de la peine à poser. C’est d’ailleurs souvent une bonne boussole, se demander si on aurait aimer recevoir la question…

Sinon, on tombe un peu dans le syndrome du bizutage : reproduire un système dysfonctionnel parce qu’on l’a soi-même subi et qu’on intériorise qu’on a pas pu le subir pour rien.

La bonne nouvelle c’est qu’on a pas besoin de cheminer pendant des années jusqu’à trouver de meilleures questions. Des gens s’en sont déjà chargés pour nous. Mais… ça on en reparler dans un article.

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7 idées fausses sur les annonces

En ce moment je fais beaucoup de formations sur la thématique des annonces. C’est un sujet que j’affectionne tout particulièrement car c’est le seul où la salle sait déjà qu’elle fait mal et à quel endroit elle fait mal. Ce n’est pas le cas quand j’enseigne sur l’entretien, l’identification des profils ou les messages d’approche.

Mes formations commencent toujours de la même manière : je demande à la salle de critiquer une annonce publiée sur le site de leur entreprise. Généralement, la colonne “points négatifs” est beaucoup (beaucoup) plus grande que la colonne “points positifs”.

Pire encore, une fois sur trois quelqu’un me demande mais c’est une VRAIE annonce de chez nous ? Comme si j’avais été de mèche avec quelqu’un de l’entreprise pour introduire une annonce nulle. Alors qu’il suffit de se pencher pour ramasser des mauvaises annonces. Je dirais même que les mauvaises annonces sont la norme plutôt que l’exception.

Dans cet article je vais te partager les 7 fausses excuses que j’entends le plus souvent sur le sujet, quand les recruteurs et les recruteuses sont mis face à leurs propres annonces.

#1 | On m’a dit qu’il fallait écrire court, au moins c’est synthétique là

Malheureusement, beaucoup de gens vous disent d’écrire des annonces courtes. Souvent des outils comme LinkedIn. Sauf que, ce que ces personnes ne vous disent pas c’est qu’elles n’ont pas la moindre confiance en vous.

Elles se disent : je sais qu’ils vont mal faire donc je préfère des mauvaises annonces courtes que des mauvaises annonces longues.

Certes. Mais on peut aussi écrire de bonnes annonces.

Il ne faut pas confondre la concision et la longueur. La concision c’est quand il n’y a plus rien à enlever mais aussi plus rien à rajouter. Un texte peut donc être court sans être concis. Un texte peut être court et passer totalement à côté du sujet. À l’inverse, un texte peut être long et concis, pour peu que chaque mot soit incontournable.

La plupart des gens préfèrent lire 700 pages de Harry Potter qu’une demi-page d’une annonce en langue de bois.

Parfois, j’ai l’impression qu’on a jamais dépassé le niveau du collège. Vous savez, quand les élèves disent à la prof de français qu’ils veulent un livre court. Alors qu’il y a des livres courts plus pénibles à lire que des livres longs.

Pourquoi les collégiens font cette erreur ? Parce qu’ils sont convaincus qu’on ne peut pas aimer lire de la littérature. Donc, quitte à passer un mauvais moment, autant qu’il soit le plus court possible.

Voilà ce que trahit cet engouement pour le court. Vouloir à tout prix du court sous-entend que l’on pense qu’une annonce est forcément pénible.

Or, j’affirme qu’il existe des annonces très agréables à lire. Des annonces captivantes. On devrait plutôt chercher à obtenir ce résultat plutôt que d’abandonner par avance en disant : ok je vais écrire un truc nul mais au moins ça sera court donc ça embêtera pas TROP les gens.

Une annonce ne doit pas avoir de longueurs. Mais elle peut être longue. La différence est gigantesque. Un texte peut être court et chiant, long et captivant.

Mais surtout… l’erreur fondamentale est de faire de la longueur du texte la variable la plus importante. Ce n’est qu’une variable parmi les autres. Or, j’ai l’impression que les gens ont si peur de faire des textes longs qu’ils en oublient tout le reste. On se retrouve avec des annonces fades, sans contexte, mal écrites mais… ouf, c’est court !

Ça n’est pas raisonnable. La longueur du texte a son importance, mais ça n’est ni le plus important ni la seule chose importante.

Je comprends l’obsession : après tout, c’est beaucoup plus facile de mesurer la longueur que de mesurer si la structure est bonne. La longueur est la chose la plus mesurable. Sauf que :

Tout ce qui se mesure n’est pas important et tout ce qui est important n’est pas mesurable.

#2 | Je n’arrive pas à être fun dans mes annonces

Et alors ?

Ce n’est pas sensé être un exercice d’humoriste. Ce n’est pas le but d’une annonce. Il ne faut pas se tromper de combat. D’ailleurs, c’est une erreur courante dans le monde publicitaire. Si courante que David Ogilvy y consacre un passage de son manuel d’écriture publicitaire :

« C’est triste à dire mais une agence qui ne produirait rien d’autre que des publicités efficaces mais terre à terre n’obtiendrait jamais une aura de créativité et serait condamnée à dépérir lentement. 

Qu’est-ce qu’une bonne publicité ? Une publicité qui te plaît à cause de son style ou bien la publicité qui vend le plus ? 

Ce sont rarement les mêmes. Va dans un magazine et cherche les publicités que tu aimes le plus. Tu vas probablement choisir celles qui ont de belles illustrations où des textes avec de l’esprit. Tu vas oublier de te demander si tes publicités favorites te donnent réellement envie d’acheter le produit. 

Comme le dit Rosser Reeves de l’agence Ted Bates : je ne dis pas que les textes charmants, facétieux et chaleureux échouent systématiquement à vendre. Je dis simplement que j’ai vu des milliers de campagnes charmantes et facétieuses qui ne vendaient pas. 

Admettons que tu sois un constructeur. Tes publicités ne fonctionnent pas et tes ventes s’effritent. Tout en dépend. Ton futur en dépend, le futur de ta famille en dépend, celui d’autres familles en dépend. Et tu arrives dans ce bureau pour me parler, tu t’assieds sur cette chaise. Maintenant, que veux-tu de moi ? De l’écriture fine ? Tu veux un chef d’oeuvre littéraire ? Tu veux des trucs brillants façonnés par des publicitaires ? Ou tu veux que cette satanée courbe des ventes arrête de descendre pour commencer à monter ?« 

Il en va de même pour les annonces. Le but ce n’est pas de faire plaisir aux personnes qui les écrivent. Le but c’est de faire postuler les bonnes personnes.

Une annonce peut être fun mais inefficace, tout comme elle peut être terre-à-terre et très efficace. Ce n’est pas lié.

Ou plutôt, c’est lié en tant qu’effet indirect d’un texte écrit avec de l’émotion. Bien sûr qu’un texte drôle est plus chaleureux. Mais le souci c’est quand on se force et que la chaleur est artificielle. Ça fait un peu l’effet LipDub des jeunes de l’UMP.

Nous ne sommes plus au collège. Ce n’est pas grave de ne pas être l’ado cool. Certaines entreprises sont cools, c’est comme ça. Parce qu’elles sont sur une activité hype, par exemple. Mais ce n’est pas un but en soi. Elles le sont sans chercher à l’être. Quand on cherche à être cool c’est dévastateur.

Je ne compte pas le nombre de multinationales qui me disent on fonctionne un peu comme une startup. Alors que j’ai dû badger à l’entrée, que tout le monde porte un costard et que quand je tutoie les gens je vois un frisson parcourir leur corps.

Je ne compte pas le nombre de multinationales qui veulent ressembler à des startups. Mais pourquoi ? Parce que la mode ? Il vaut mieux assumer qui on est : chaque organisation a des défauts et des qualités. Singer la culture d’une autre organisation pour se différencier est totalement contradictoire. 

Surtout que, comme on ne la comprend qu’en superficie on copie les mauvaises choses. Certaines personnes vont chez Facebook (Meta) et croisent Mark Zuckerberg en sweat-shirt. Elles se disent alors je vais proposer un casual friday dans ma boîte. Sauf que Facebook n’est pas Facebook parce que Zuckerberg est en sweat. Facebook est Facebook parce que personne ne remarque qu’il est en sweat. Ce n’est pas un événement. C’est dans la culture, c’est naturel.

C’est d’ailleurs toute la difficulté, quand quelque chose fait partie de votre culture, vous ne le remarquez pas. Par exemple chez nous à LEDR on a des congés illimités. Ça me paraît d’une banalité dans notre contexte… Personne chez nous ne fait la remarque. C’est seulement quand j’en parle avec une personne externe que ça interpelle et que je me rappelle que c’est un élément propre à notre culture.

Le but de l’annonce n’est donc pas de singer d’autres organisations mais bien de refléter le plus fidèlement possible ses points forts et faibles, sa propre culture.

#3 | On n’écrit pas pareil à tout le monde

Cette phrase je l’entends sous plusieurs variantes :

  • On n’écrit pas pareil à un comptable qu’à une commerciale
  • On n’écrit pas pareil aux jeunes qu’aux autres
  • On n’écrit pas pareil à un profil de dirigeant qu’aux autres

Ce qui est marrant, c’est que cette phrase est dite par des personnes qui écrivent… les mêmes annonces peu importe le métier. Pire encore : elles écrivent les mêmes annonces que leurs concurrents. Pire que pire encore : elles écrivent les mêmes annonces que tout le monde. Il n’y a aucune variation dans leur écriture : c’est un copié-collé de la fiche de poste. L’immense majorité des annonces, si on cache le nom de l’entreprise et le poste, c’est la même annonce. Jusque dans la personnalité demandé : rigueur, dynamisme.

J’ai donc du mal à comprendre cet argument.

D’autant plus qu’il y a une forme de condescendance dans ce cliché. L’idée qu’il faudrait écrire dans un parler jeune pour parler aux jeunes.

J’affirme que tout le monde préfère une annonce bien écrite à une annonce bouillie. Peu importe le métier, l’âge. Il existe des règles universelles de bonne écriture.

Il est vrai qu’on adapte son message à la cible. Mais pas spécialement avec le niveau de langage. Ce qu’on va adapter c’est avant tout le fait de répondre aux problématiques de la cible. Donc effectivement, dans une annonce pour des développeurs on va peut-être mettre en avant que chez nous ils pourront travailler sans interruptions intempestives alors qu’on dira à des commerciaux qu’ils pourront travailler sans pression malsaine des chiffres.

Ce n’est pas mon langage que je change mais bien ce que je dis, ce que je vends. Il n’y a pas une technique cachée obscure qui fonctionnerait avec les uns mais pas les autres. Je vais à chaque fois me concentrer sur ce que veut ma cible.

Après, je ne nie pas qu’il existe des publics plus exigeants. Plus une personne a une situation favorable sur le marché de l’emploi et plus elle va exiger une annonce bien écrite. Voilà pourquoi les personnes qui recrutent des développeurs ont tendance à écrire de meilleures annonces, de meilleurs messages d’approche. Parce que sinon elles se font ignorer.

Mais, ça ne veut absolument pas dire qu’il faille se contenter d’annonces moyennes dans les autres secteurs parce que les candidat·es sont trop en situation de faiblesse sur le marché pour se permettre l’exigence. 

#4 | On n’a pas besoin de faire des efforts car notre marque est déjà connue

Souvent, cette phrase est rapportée : c’est celle d’un manager. Comment y répondre ? Tout d’abord en se posant la question : est-ce vrai ?

Qui peut vraiment se targuer d’avoir une notoriété employeur au point de ne pas avoir besoin de réexpliquer sa culture ? Et, attention, je ne parle pas de notoriété commerciale. Parce que, des gens qui vont être attirés par l’image du produit et non l’image de l’entreprise, ne seront pas forcément de bonnes recrues.

Les entreprises comme Disney, Coca-Cola, Apple sont mécaniquement confrontées à ce problème : le grand public les connaît, certes. Mais pas en tant qu’employeur.

D’ailleurs, même en oubliant ça… il y a 40 entreprises dans le CAC 40. Et elles peuvent tous se targuer d’être connues. Donc elles sont au moins en compétition entre elles en ce qui concerne la notoriété.

Mais surtout, c’est un contresens total. En effet, si on fait le parallèle avec la marque commerciale, a-t-on jamais observé que les marques les plus connues sont celles qui investissent le moins en publicité ?

En 2020, le top 10 des entreprises dépensant le plus en publicité en France était le suivant :

  1. E. Leclerc
  2. Renault
  3. Intermarché
  4. Lidl
  5. Procter & Gamble
  6. Carrefour
  7. Orange
  8. Amazon
  9. Bouygues Telecom
  10. Mc Donalds

Vous voyez que vous connaissez chacune de ces entreprises. Sauf si vous ne reconnaissez pas immédiatement Procter & Gamble qui est une entreprise qui possède plein de marques : Always, Febreze, Gillette, Head & Shoulders, Monsieur Propre, Pampers, Tampax…

Pourquoi ? Parce qu’une entreprise connue n’arrête pas de communiquer. Au contraire. La marque la plus connue au monde est Coca-Cola. Pourtant, Coca n’arrête pas de faire des efforts publicitaires.

Au fond, le manager le sait très bien : il n’appellerait pas à ce qu’on réduise les budgets publicitaires du produit ou du service de l’entreprise. Il ne le fait que pour le recrutement. Parce qu’il ne comprend pas la discipline.

Dire qu’on n’a pas besoin de travailler ses annonces parce qu’on reçoit déjà des candidatures relève d’un profond mépris pour la discipline.

#5 | Pour écrire une annonce il faut une bonne plume 

Souvent j’ai cette inquiétude qui émerge au début de la formation : certaines personnes ne se sentent pas à la hauteur pour écrire. Parce qu’elle pensent que tout le monde ne peut pas apprendre à écrire. On écrit bien ou on écrit mal.

Or, l’écriture, comme toutes les disciplines, s’apprend. Surtout quand il s’agit d’écriture non-artistique. Écrire une annonce c’est une technique. Une technique ça s’apprend.

On ne cherche pas à produire une oeuvre artistique ni même, on l’a vu, un texte drôle. On cherche à produire un texte qui donne envie aux bonnes personnes de postuler (et qui dissuade les autres).

Cette discipline a un nom : le copywriting. Le copywriting est l’art d’écrire des mots qui déclenchent des actions. Souvent des actes d’achat, mais ça peut aussi déclencher des partages, des candidatures, etc.

C’est une discipline qui a un siècle d’expérience derrière elle. Le plus vieux livre de copywriting que j’ai lu s’appelle Scientific Advertising, il a été écrit en 1923 et dedans on y parle déjà d’A/B testing alors que beaucoup de gens prétendent que ça a été inventé par la campagne d’Obama en 2008.

Par conséquent, il est donc assez facile d’avoir accès à des manuels en la matière. Pour débuter, je te conseille The copywriter’s Handbook.

J’ai vu des personnes faire des progrès énormes en peu de temps (moins d’un mois). J’ai vu des personnes atteindre un niveau professionnel de copywriting en partant de zéro, en six mois. Parce que c’est une écriture qui obéit à des principes connus et facile à apprendre. Au contraire de l’écriture artistique qui est beaucoup plus longue à apprendre.

#6 | J’ai pas le temps

Bon, ça en vrai ce n’est pas spécifique aux annonces : on a toujours cette excuse quand on ne veut pas faire quelque chose. On dit que ça prend trop de temps.

Alors que ça ne veut rien dire. Est-ce qu’un pizzaïolo dit que ça prend trop de temps de mettre de la vraie mozzarella sur ses pizzas ? Oui, certains le pensent et utilisent des produits industriels. Mais ils ne le revendiquent pas fièrement. Parce que tout le monde comprend que ça fait d’eux de mauvais pizzaïolos. 

Si quelqu’un dit qu’une tâche de son métier prend trop de temps on en déduit que cette personne n’aime pas son métier. Que penserait-on d’un chauffeur Uber qui dirait ça prend trop de temps d’attendre que les gens montent dans la voiture ? Que penserait-on d’un député qui dirait ça prend trop de temps d’aller voter à l’Assemblée Nationale ?

C’est pareil ici : si la rédaction d’annonce fait partie du métier de recruteur, on ne peut pas dire que ça prend trop de temps. 

D’autant plus que le temps ne se gagne pas vraiment : quand on écrit une mauvaise annonce on s’expose à recevoir plein de candidatures non qualifiées et in fine à perdre encore plus de temps quand on va devoir trier. De manière générale on gagne rarement du temps en sautant des étapes cruciales. En faisant ça on se contente de reporter le problème.

Derrière cette excuse du temps, se cachent souvent la peur. On a peur car on ne sait pas comment écrire et qu’on ne sait pas les réactions que cela va susciter. Parfois c’est une peur plus insidieuse : on se dit que si on met un effort pour écrire son annonce et que ça ne change rien on va le prendre vraiment mal. Alors autant ne rien changer.

Parfois c’est simplement la peur de mal faire. Ou même simplement le blocage de ne pas savoir faire, sans forcément de peur associée.
La bonne nouvelle c’est qu’avec une méthode on peut écrire très vite de bonnes annonces. Certes, ce sera toujours moins rapide que du copié-collé, mais ce sera plus gratifiant, plus épanouissant. Car, faire son métier vite et mal ne fait plaisir à personne. On le fait toujours parce qu’on se sent contraint. Ce qui nous amène au dernier point.

#7 | (L’ATS/La RH/La marque employeur/ Le manager) me bloque

Je ne dis pas qu’il n’existe pas des blocages. Mais j’ai observé qu’on a tendance à exagérer sa propre impuissance. D’ailleurs c’est paradoxal quand on me dit que la direction ne veut pas que les annonces changent alors que c’est la direction qui m’a appelé.

C’est un phénomène très courant : des personnes présument de ce que veut la direction et ça devient une vérité partagée.

Une fois une apprenante me dit on ne peut pas changer les annonces, la direction ne voudra pas. Par hasard, il se trouvait que notre formation avait été demandée directement par le président. Et, encore meilleur hasard : son bureau n’était pas loin. Je suis donc allé lui demander à la pause.

Il m’a répondu mais bien sûr que je veux qu’on change nos annonces ! Je lui ai alors demandé s’il pouvait venir le dire à la fin de la formation. Ce qu’il a fait.

Des histoires comme ça, j’en ai plein. Parfois je fais la même formation à deux groupes différents, de la même entreprise. Dans un groupe les gens me disent qu’ils peuvent rien changer aux annonces, dans un autre ils m’expliquent comment ils ont fait pour contourner les blocages.

La question est donc de se recentrer sur ce qui est en notre pouvoir plutôt que de se paralyser sur ce qu’on ne peut pas changer. Il y a forcément une marge de manoeuvre, aussi petite soit-elle. C’est sur cette marge qu’on va se concentrer.

D’expérience, on peut quasiment toujours travailler la structure de son annonce. Or, ça tombe bien, la structure est un des éléments le plus important. Si vous ne pouvez pas illustrer avec des images parce que votre site carrière ou votre ATS ne le permet pas c’est vrai que c’est regrettable. Mais ce n’est pas une raison pour ne rien faire.

Au final, se battre pour faire changer les choses en interne fait partie intégrante du métier de recruteur.

Conclusion

Nous voici donc désormais avec la liste des fausses excuses les plus courantes en ce qui concerne les annonces. Celles qui font qu’on ne fait rien pour les changer, alors même qu’on a parfaitement conscience qu’elles ne sont pas géniales. Les identifier chez soi permet de les contourner. Les identifier chez les autres permet de savoir à quoi s’attendre quand on essaie d’améliorer les pratiques en interne.

Au final, tous les points que j’ai détaillés sont des variations de la même peur : celle de ne pas savoir comment écrire une bonne annonce. Ou alors celle de changer ce qui existe déjà.

Or, il se trouve que c’est précisément notre métier de réfléchir aux techniques de recrutement pour les enseigner.

Prends RDV avec nous là-dessous pour en discuter avec notre équipe 🙂

Comment distinguer jugement et évaluation dans le recrutement ?

On me demande souvent en formation comment faire pour s’assurer que les candidat·es disent la vérité en entretien ou sur leur CV. Mais on ne me demande jamais pourquoi les personnes nous mentent.

Pourquoi dans leur vie de tous les jours, les mêmes personnes mentent rarement mais que dès qu’elles sont mises dans la situation de candidater, elles commencent à mentir ?

Je pense que c’est parce que nous les jugeons et qu’elles trouvent ce jugement injuste.

“Me juge pas, j’aurai moins envie d’mentir” 

Pourquoi, autour de moi, il y a tant de personnes qui ont falsifié leurs fiches de paie pour obtenir un appartement à Paris ? C’est parce que nous sommes nombreux à trouver que la règle consistant à gagner trois fois le loyer à Paris est injuste. Concrètement, pour avoir un 22m2 près de République, il me fallait gagner 2310€ nets.

Ça me paraît absurde. Ça paraît absurde à beaucoup de gens. Donc ils se mettent à mentir pour contourner l’injustice.

Quand on ressent une injustice on s’autorise à mentir.

Il en va de même dans le process de recrutement. Pourquoi autant de personnes falsifient leur CV ? C’est parce qu’elles trouvent le jeu injuste. On triche parce que les règles ne nous vont pas. Prenons l’exemple du diplôme : énormément de personnes trouvent révoltante l’idée de filtrer les candidatures sur la base du diplôme. Or, il se trouve qu’énormément d’entreprises fonctionnent comme ça. Donc les candidats trichent.

Idem en entretien. Les personnes qui candidatent sentent qu’on les juge. Quand les recruteurs demandent quels sont vos défauts, les candidats ne sont pas dupes : ils voient très bien que la réponse va être soumise à jugement. Voilà pourquoi autant de gens répondent je suis perfectionniste. Ce qui veut dire, en sous-texte : je vais te dire que mon défaut c’est que j’aime les choses sans défaut comme ça tu vas arrêter de me demander de te donner un défaut que tu vas juger.

L’hypocrisie des entretiens au feeling

J’entends par entretien au feeling un entretien où les critères de décision ne sont pas directement liés à l’emploi et/ou n’ont pas été défini au préalable.

Souvent ce type d’entretien commence par racontez-moi votre parcours. C’est une question que les gens détestent parce que quand quelqu’un n’a pas préparé son entretien il commence toujours par cette question.

Attention, je ne dis pas que tous les gens qui posent cette question improvisent. Je dis que tous les gens qui improvisent posent cette question.

À ce moment commence la machine à juger. Combien de fois ai-je entendu y’a plein de candidats qui ne sont pas pas synthétiques ! On leur demande de raconter leur parcours et ils font un grand récit.

À chaque fois, je pense bah oui… ils RACONTENT, c’est exactement la question que tu as posé. Tu leur dis de raconter…ils racontent. Mais, par diplomatie, je dis mais tu souhaitais évaluer quoi avec cette question ? L’esprit de synthèse ? C’est un critère essentiel du poste ?

Parfois, j’entends qu’on place des pièges pour vérifier la motivation. On a déjà vu pourquoi c’était une mauvaise idée. Voilà un exemple :

Quand les personnes viennent en entretien et ne se sont pas renseignées sur l’entreprise, je ne veux même plus les écouter.

Ce à quoi je réponds : mais tu lui avais DEMANDÉ d’aller lire telle ou telle page ?

On me regarde alors avec des grands yeux. Pourtant, comment peut-on savoir qu’une personne ne s’est pas renseignée si on ne lui a pas donné de destination précise ? Sans compter que beaucoup de sites web d’entreprise sont illisibles, nous sommes les premiers à le reconnaître. Comment on sait alors que la personne n’a pas essayé de se renseigner puis s’est perdue dans les méandres du site Internet ? Et même si c’était le cas, que nous apprend vraiment cette information ?

Autre exemple, on me dit j’attends un peu avant d’aller à la rencontre de la personne. Entre temps, je l’observe à l’accueil et je regarde si elle parle aux gens.

Là encore… quel est l’intérêt ? Si elle ne parle pas aux gens on déduit quoi ? Que la personne est introvertie ? Et alors ? D’ailleurs si ça se trouve elle est juste stressée par la situation. Ou intimidée.

Dernier exemple, on m’a raconté une fois que toutes les activités personnelles étaient légitimes (encore heureux) mais qu’il faut pouvoir l’assumer en entretien (ah bon ?). Par exemple si je sais qu’une personne fait des photos de charme parce que je l’ai vu sur ses réseaux, j’attends qu’elle l’assume en entretien. Si elle n’aborde pas du tout le sujet c’est louche.

Je ne sais même pas quoi répondre. Même en admettant que ceci est un critère légitime, pourquoi ce serait louche ? C’est bien normal de ne pas vouloir aborder spontanément ce genre de sujet avec une personne inconnue. 

Ça me rappelle l’époque où les recruteurs et les recruteuses découvraient Facebook (donc vers 2013) et disaient non mais si une personne a des photos sur Facebook où elle est ivre en soirée ça la fout mal.

Là encore… pourquoi ?

Notre mission est d’évaluer un potentiel de performance

Nous ne devons pas manquer notre objectif de vue : prédire une performance. Tout le reste est parasite. Or, la performance est permise par une adéquation entre deux côtés.

Côté candidat·es : les connaissances, les compétences, les aptitudes, la volonté à faire les tâches et la personnalité 

Côté entreprise : la culture, le job, l’équipe et le manager

À ce titre, la motivation est une variable très fragile qui devrait être abordée avec la plus grande méfiance. Ce n’est pas parce que quelqu’un est très motivé qu’il fera une bonne recrue. Inversement, une personne peut être moyennement motivée en entretien et découvrir que c’était exactement le poste qui lui fallait. D’ailleurs, on dit “motivation” mais bien souvent ce qu’on observe c’est plutôt l’enthousiasme en entretien.

Or, cet enthousiasme n’est absolument pas prédictif de l’enthousiasme futur. Je dirais même qu’un enthousiasme trop fort est suspect car, au stade de l’entretien, la personne ne peut pas savoir exactement si la culture de l’entreprise est adaptée à sa personnalité. La désillusion risque d’être grande ensuite.

De même, le lien entre les hobbys et la performance relève de l’astrologie. Quand j’entends que la présence d’une activité de sport de haut niveau sur un CV indique que la personne va être persévérante et compétitive, je m’arrache les cheveux que je n’ai plus.

Quel est le rapport ? Quelle est la suite ? Les personnes qui font de la photo ont le sens du détail et donc je peux les embaucher en tant qu’ingénieures pour vérifier l’intégrité des fusées Ariane

Ça ne fonctionne pas parce que les contextes sont trop différents. Déjà que l’expérience dans un métier donné prédit très peu la performance… que penser d’une expérience dans un contexte si différent ? Combien de fois ai-je vu des personnes qui étaient douées dans leur métier mais qui ont été en situation d’échec en changeant d’entreprise ? 

Enfin, nous devons nous retenir de la tentation de l’effet bizutage. Ce que j’appelle l’effet bizutage c’est l’intériorisation de la galère comme étant une forme de justice. J’en ai bavé quand j’étais à sa place donc tout le monde doit en baver. Ou alors de mon temps, on faisait telle chose en entretien donc j’attends que les gens de maintenant en fasse autant.

Ce n’est pas parce que tu as vécu quelque chose qu’il faut le faire vivre aux autres : sinon on ne s’améliore jamais.

L’abus de pouvoir

Par ailleurs, il est vital de garder à l’esprit que la relation entre les recruteurs et les candidats est asymétrique. Certaines personnes sont même en état de vulnérabilité psychologique. Par conséquent, nous devons faire très attention à ne pas abuser de notre pouvoir. Or, ça arrive bien plus vite que ce que l’on pense.

Voilà pourquoi il est important de garder notre vigilance afin de ne pas favoriser les comportements reliés au désespoir. Quand j’entends c’est pas grave si mon site carrière demande plus de 18 clics pour postuler : ça triera les plus motivés ce que j’entends vraiment c’est que vous attirez surtout les personnes les plus désespérées.

La position d’asymétrie en entretien doit nous pousser à développer le plus possible notre sens de la compassion (au sens de compatir) afin de toujours garder une indulgence. C’est le sens de notre slogan : Candidat n’est pas un métier.

Nous avons en face de nous des personnes qui ne sont pas des professionnelles de l’entretien et qu’il faut donc traiter avec délicatesse car cette asymétrie peut créer de mini-traumatismes. Je ne compte pas le nombre de personnes dont la confiance a été brisée par les entretiens de recrutement. Parce qu’on les juge, parce qu’on ne leur fait pas de retour.

Ne confonds pas tes valeurs personelles avec celles de l’entreprise

Voilà la différence fondamentale entre juger et évaluer. Quand tu te fondes sur un décalage entre tes valeurs personnelles et celles de la personne en face, tu es dans le jugement. Quand tu essaies d’évaluer le décalage entre les valeurs de la personne et celles de l’entreprise, tu es dans l’évaluation. Parce que ça aura un impact direct sur son emploi.

Le fait que toi tu aimes les personnes affables, “dynamiques” et sociables ne doit pas influer sur ton évaluation. On ne te demande pas de trouver des potes, on te demande de trouver les bonnes personnes aux bons postes.

Le fait que toi tu aimes les personnes polies, attentionnées et qui nettoient spontanément leur tasse de café ne doit pas influer sur ton évaluation. On ne te demande pas de trouver des gens avec qui tu veux passer un bon moment, on te demande de trouver des gens avec qui l’équipe passera un bon moment professionnel.

Le fait que toi tu aimes les personnes qui boivent des coups, ne doit pas influer sur ton évaluation. On ne te demande pas de trouver des compagnons de soirée. Sauf si faire régulièrement des soirées est dans la culture de l’entreprise.

De manière générale, nous avons tendance à trouver du charisme aux personnes qui ont un haut quotient émotionnel, c’est-à-dire les personnes possédant une personnalité socialement désirable.

Je ne développe pas ce point car je l’ai déjà fait mais en résumé, les personnalités socialement désirables sont celles qui obtiennent un haut score sur les 4 premiers traits du Big 5 (ouverture, “discipline”/rigueur, extraversion, sympathie) et un score bas sur le dernier (sensibilité aux émotions négatives).

Nous avons tendance à avoir une meilleure opinion des personnes ayant ce cocktail de traits de personnalité. Mais ces personnes ne sont pas plus efficaces en poste : ça dépend du poste. 

Ne parlons même pas du problème des différences culturelles :

Lors d’un concours dans la fonction publique, un intervieweur a noté:«Le candidat est gêné et n’aime pas interagir avec les autres.» Le candidat, originaire d’un pays étranger, a porté sa cause devant un tribunal et a fait venir un expert sur les différences interculturelles. Ce fut un débat intéressant, mais qui aurait pu être évité si l’intervieweur n’avait pas inscrit ce jugement.

Il convient donc de s’astreindre à évaluer uniquement les traits de personnalités qui sont en jeu dans la culture d’entreprise. Par exemple, chez nous le trait de personnalité de l’ouverture aux expériences et à l’abstraction est un trait fondamental. Nous sommes un organisme de formation et l’éducation est au coeur de notre mission. Nous avons donc une culture orientée autour de l’apprentissage et, par conséquent, je vais évaluer ce trait en entretien. En revanche, nous avons des personnes extraverties et des personnes introverties. Ça dépend beaucoup du métier. Sans trop de surprise les personnes occupant le poste de commercial chez nous ont tendance à être plus extraverties que celles occupant le poste de développeur. Ce n’est donc pas un trait que nous allons évaluer.

Par conséquent, pendant l’entretien on doit faire abstraction de la différence de personnalité extraversion/introversion entre soi et la personne qui postule.

L’entretien n’est pas un rencard

Tu as peut-être déjà vécu le rencard dont l’énergie ressemble à celle d’un entretien. L’une des deux personnes est mal à l’aise et commence à poser des questions comme si elle voulait uniquement valider une liste de critères. C’est très désagréable.

De la même manière, l’entretien ne devrait pas avoir l’énergie d’un rencard. Pourtant c’est très souvent le cas : c’est un moment de drague professionnelle. Ce qui compte ce n’est alors plus la compétence mais bien la capacité à séduire la personne qui fait l’entretien.

Il est plutôt sain d’avoir une petite dose de séduction professionnelle mutuelle. De donner envie aux personnes de nous rejoindre et vice-versa. Mais ça doit rester une petite dose. Malheureusement, la plupart des entretiens au feeling sont hypersensibles, comme leur nom l’indique, à la séduction. Voire ne se repose quasiment que sur ça.

Sauf que les personnes les plus douées en séduction ne sont pas nécessairement les plus douées en poste. Même dans les métiers où on pourrait croire qu’ils sont très similaires. Combien de fois j’ai été séduit en entretien par une personne qui postulait au poste de commercial pour ensuite être déçu parce qu’elle n’arrivait pas à vendre chez nous…

Voilà pourquoi nous devons limiter au minimum nos interprétations. J’irai même jusqu’à dire qu’on devrait s’interdire d’interpréter quoi que ce soit. 

La plupart d’entre nous n’avons aucune formation en psychologie. Alors pourquoi nous prenons-nous pour des mentalistes ?

On ne peut pas s’empêcher de juger mais…

Ceci étant dit, je ne suis pas naïf : je sais pertinemment qu’il est impossible de s’empêcher de juger. Cependant, on peut apprendre à reconnaître le jugement et s’en détacher. De la même manière qu’on ne peut pas s’empêcher d’être en colère de temps en temps mais qu’on apprend à ne pas se laisser dominer par la colère.

Par exemple, je peux avoir du mal avec certaines personnalités et le conscientiser. Sans les pénaliser dans mon évaluation pour autant.

Imaginons que je trouve que le fait de fumer révèle un manque de discipline. C’est un jugement qui me regarde. Je peux en prendre conscience et en faire abstraction le plus possible dans l’entretien.

Surtout, en aucun cas, je ne vais chercher à légitimer mon jugement. C’est un des phénomènes les plus délétères que j’observe. Au lieu de dire nous avons un biais contre ce type de personnes on dit ces personnes méritent qu’on les pénalisent en entretien.

Imaginons que je trouve qu’une poignée de main ferme révèle une personnalité dynamique. Là encore, je dois identifier que c’est un jugement qui me regarde. J’en prends conscience, je fais abstraction le plus possible.

D’ailleurs, si je me sens mal à l’aise à partager ma pensée avec les candidats et les candidates c’est probablement qu’il s’agit d’un jugement. On se sent généralement beaucoup plus à l’aise quand on partage des faits sans interprétation ou alors qu’on cherche à évaluer une personnalité avec la conviction sincère qu’il n’existe pas de meilleure personnalité qu’une autre.

Si tu penses que les personnes diplomates sont de meilleures personnes que les personnes bourrues et que tu as le droit d’en faire un critère d’évaluation en entretien alors ça va se sentir. C’est là qu’on va commencer à te mentir.

Il faut être capable de dire je n’aime pas les personnes brutes de décoffrage mais ça n’est pas un critère lié à la culture.

Il faut pouvoir penser : le problème ce n’est pas si j’aime ou pas ces personnalité mais bien que ça n’est pas compatible avec notre culture. Ça ne remet absolument pas en question les compétences de la personne : dans une autre entreprise ça fonctionnera.

Tu auras alors moins de personnes tentées de te mentir.

Encore faut-il connaître ses critères

Bien entendu, tout ça demande d’avoir des critères préalablement définis. Donc de ne pas faire d’entretien au feeling. En effet, si tu ne sais pas ce que tu évalues tu auras l’instinct de revenir au feeling et donc au jugement.

C’est normal.

Heureusement, ça se corrige. Avec une méthodologie.

La méthode de l’entretien structuré, par exemple. Mais ce n’est pas mon sujet aujourd’hui. Si tu veux aller plus loin sur le sujet :

Mais, on peut prendre le temps de s’attarder sur une facette de la méthode : apprendre à distinguer les observations et les interprétations.

Fait ou interprétation ? Quelques exemples tirés du livre l’entrevue structurée 

Si je dis le candidat répond correctement à la question. Suis-je dans l’interprétation ou l’observation ?

Si tu as répondu “l’observation”, félicitations tu as répondu comme moi quand j’ai fait l’exercice pour la première fois. On est ensemble. Par contre… c’est la mauvaise réponse. Parce que le correctement est déjà un début de jugement. Qu’est-ce que ça veut dire correctement dans un entretien ?

Si je dis la candidate a obtenu son bac. Suis-je dans l’interprétation ou l’observation ?

Si tu as encore répondu “l’observation”, félicitations tu as répondu comme moi quand j’ai fait l’exercice pour la première fois. On est ensemble. Et cette fois, en plus, c’est la bonne réponse.

Si je dis le candidat est nerveux et manque d’assurance… Suis-je dans l’interprétation ou l’observation ?

Cette fois-ci, je suis encore dans l’interprétation. L’observation pourrait être le candidat avait la voix qui tremble et hésitait sur certaines réponses. L’interprétation semble alors légitime mais on a besoin de l’appuyer avec les faits observés.

Si je dis la candidate réfléchit avant de répondre. Suis-je dans l’interprétation ou l’observation ?

Ici on est toujours dans l’interprétation. L’observation pourrait être la candidate prenait quelques instants de silence avant de répondre. Sauf qu’on pourrait très bien interpréter ça comme de la nervosité ou comme l’envie de maîtriser ses propos.

De la même manière, dire le candidat répond franchement est une interprétation. On ne peut jamais savoir si quelqu’un est franc. Tout ce qu’on peut observer ce sont des indices.

Je te partage ces exemples pour te montrer à quel point l’interprétation se cache dans des choses qui ressemblent à des observations. Les exemples sont plus subtils. À la différence de ceux que j’ai pris au début qui sont plus grossiers. Ça montre tout le travail qu’on doit faire pour réussir à s’en tenir aux faits.

Une liste pense-bête pour savoir si je suis dans le jugement

Voici une liste non exhaustive que j’utilise pour savoir si je suis en train de produire un jugement ou une évaluation. Dix points qui sont des indices que je suis dans le jugement :

  1. Je ne peux pas partager ce que je pense à la personne en face
  • Ce n’est pas un indice infaillible mais ça reste un indice solide. Si je ne peux pas faire le feedback à la personne comme je le fais à mes collègues, il y a un souci.
  1. Les mots “ça ne se fait pas” ou une variante me viennent à l’esprit
  • L’entretien n’est pas le lieu pour s’affronter sur les bonnes manières. Surtout que le concept change énormément selon la culture, même régionale. Certains comportements banals à Paris seront vus comme très malpolis à Lille.
  1. Je me dis “elle pourrait faire un effort” ou une variante. Par exemple “quand même, avec le taux de chômage, comment ça se fait qu’elle ne lise pas mon site web”
  • Cette notion d’effort est souvent une forme légère d’abus de pouvoir. Je profite de ma position pour dire que je veux que les gens démontrent leur “motivation” mais en vrai c’est indirectement leur désespoir que je veux voir.
  1. Je suis dans le vocabulaire de l’infantilisation. Par exemple “les candidats sont des divas” (parce qu’on pense “enfants gâtés”)
  • Là encore, il s’agit d’une forme légère de l’abus de pouvoir. Je me vexe parce que je n’ai plus la position de puissance. En oubliant que, si j’étais à la place des personnes je ferais pareil. Les postes sur lesquels on dit qu’il y a des divas, sont ceux où il y a une pénurie. On a donc des candidats et des candidates qui ont davantage d’exigence. C’est bien normal et humain. Tout le monde en ferait de même. Mais ça nous vexe car on n’a pas l’habitude que le rapport de force soit équilibré, voire inversé.
  • J’ai même carrément entendu des recruteurs sur ce type de profils me dire qu’il fallait garder sa dignité. Je ne vais quand même pas relancer : ça veut dire que je m’abaisse. Alors qu’on parlait de faire une seule relance par email. Pas deux, pas trois : une seule.
  1. J’analyse des éléments qui sont non-verbaux. Au lieu de creuser directement avec la personne pour qu’elle verbalise ce que je crois observer avec mon talent de mentaliste.
  • Je ne peux pas le dire assez : le non-verbal est un élément bien trop complexe à prendre en compte. D’ailleurs ça mériterait un article à part entière : tirer des conclusions sur le non-verbal est un exercice qui ressemble plus à la grapholologie qu’à autre chose. Je suis toujours étonné de voir le nombre de personnes qui trouvent évident que la graphologie n’est pas pertinente mais qui, en revanche, utilisent ce qu’on appelle la synergologie (décoder le non-verbal) qui a pourtant été tout autant réfutée par la science.
  • Il faut faire le deuil de ce fantasme : nous ne sommes pas capables d’interpréter le non-verbal avec fiabilité. Sinon tous les jugements au tribunal seraient fiables.
  1. Je ressens une pointe de plaisir de supériorité morale
  • Si je ressens en moi un plaisir coupable de supériorité, je suis en train de juger et non pas d’évaluer. Quand on est dans l’évaluation simple, l’émotion est neutre. Ou alors c’est de la compassion, de l’empathie.
  1. Je me dis moi j’en ai bavé donc les autres aussi doivent en baver. Ou une variante.
  • Ce que j’ai appelé l’effet bizutage. C’est terrible car c’est un effet largement étudié : la rationalisation a posteriori. Nous vivons une injustice et, pour maintenir notre estime de nous-même, nous finissons par dire que ce n’était pas une injustice et que c’était légitime. J’ai vu tellement de camarades de classes outrés par le bizutage en première année d’école de commerce et qui, dès la seconde année, m’ont expliqué que finalement ça permettait d’évaluer la résistance au stress et que c’est important pour la suite…
  1. Je fais l’erreur fondamentale d’attribution.
  • L’erreur fondamentale d’attribution est un des biais les plus étudiés en sciences sociales. Il s’agit du fait de surestimer les causes internes au détriment des causes externes. Par exemple, on voit quelqu’un de stressé et on pense que la personne est de nature stressée plutôt que de se demander ce qui dans l’environnement est en train de la stresser.
  • Ou alors on voit des gens au chômage et on se dit qu’ils ne cherchent pas assez voire qu’ils sont fainéants plutôt que de nous demander s’il n’y a pas plutôt un chômage structurel de masse.
  1. J’ai eu besoin de dissimuler mes intentions pour piéger l’autre voire même carrément de me cacher physiquement pour l’observer à son insu
  • La meilleure manière d’évaluer quelqu’un est de lui faire savoir que c’est une évaluation. Déjà pour des raisons de confiance. Si vous évaluez quelqu’un par surprise vous entamez la confiance entre vous. C’est une très mauvaise manière de commencer une relation, sachant que la personne pourrait devenir votre collègue.
  • Ensuite, souvent on veut se cacher parce que précisément c’est un jugement moral qu’on porte et non une évaluation.
  1. J’utilise la notion de mérite ou une variante
  • Là encore une variation de l’abus léger de pouvoir. Nous ne sommes pas là pour dire qui mérite ou pas de travailler. Ce n’est pas à nous de dire si demander un salaire donné c’est mérité. Nous sommes là pour dire si ce salaire est possible ou non chez nous. La notion de mérite ne relève pas de notre champ d’expertise.

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Sources :

L’entrevue structurée

Le savoir-être professionnel existe-t-il ?

Je donne régulièrement des formations sur l’entretien structuré. Or, il y a une question qui revient régulièrement :

Comment évaluer le savoir-être des candidats en entretien ?

Il y a plusieurs présupposés derrière cette question. Notamment le fait qu’il faille évaluer différemment les compétences métier et les traits de personnalité. C’est un sujet à part entière qui mériterait un article entier. Mais ce que je veux fouiller ici c’est l’autre partie de la question : l’existence même du savoir-être. Car, je vais enfoncer une porte ouverte, pour évaluer quelque chose il faut savoir ce qu’est ce quelque chose.

Ces gens qui n’ont pas de savoir-être

Un des réflexes que j’ai développé grâce à mon professeur de philosophie de prépa c’est de toujours essayer de retourner les phrases. Par exemple si je lis qu’une entreprise a comme valeur “l’honnêteté”, je vais me demander mais qui peut bien se revendiquer de la malhonnêteté ?

C’est une bonne astuce pour jauger la profondeur d’un concept. Si personne ne peut se revendiquer de la malhonnêteté alors il est creux de se revendiquer de l’honnêteté. Or, ici, quand on retourne le concept de savoir-être, on tombe sur quelque chose d’assez effrayant.

S’il y a des gens qui ont du savoir-être ça veut dire qu’il y a des gens qui n’en ont pas ? 

Ça me paraît violent, non ? Qu’est-ce qu’une personne qui ne sait pas être ?

Même si on se place d’un point de vue strictement professionnel, j’ai du mal à bien comprendre où on veut en venir. Quand je pose la question, en formation, on me répond souvent sur les trois mêmes axes.

Le premier : l’impolitesse. Il y a des personnes qui manquent d’éducation. Là encore l’expression me glace le sang car je sais à quel point on part de là sans mauvaise intention et comment on peut arriver très rapidement à dire d’individus qui ont simplement une culture différente de la notre qu’ils manquent d’éducation. Comme s’il n’y avait qu’une éducation possible.

La deuxième axe qui revient : l’introversion. On ne me le dit pas comme ça, on me dit plutôt “on veut des personnes dynamiques”. C’est une notion tellement intégrée que les personnes qui candidatent ont tendance à la répéter. Dans les lettres de motivations, les candidat·es écrivent souvent“dynamique et motivé”. Mais qu’est-ce qu’une personne dynamique ? On pense souvent à quelqu’un qui a beaucoup d’énergie, d’enthousiasme. En d’autres termes, on pense à une personne extravertie.

Là encore, le propos est glissant. Doit-on refuser de recruter toutes les personnes introverties ? Sur certains postes, ça me semble évident. Mais sur d’autres c’est hors de propos. Je dirais même qu’il y a des postes où il vaut mieux être une personne introvertie.

Le troisième axe : le manque de rigueur. Là on me parle de personnes qui manquent de professionnalisme. Je pense que c’est le propos qui me pose le moins spontanément de problème. Mais quand même… qu’est-ce que le professionnalisme ? Chaque fois que je montre à des potes mes échanges avec mes collègues, on me dit “j’oserai jamais parler comme ça, c’est pas professionnel”.

Aussi, j’affirme que ce qu’on appelle le professionnalisme est totalement contextuel et dépend entièrement de la culture d’entreprise. Dans certaines entreprises, tutoyer au premier contact sera vu comme un manque de professionnalisme. Dans d’autres, ce sera la norme.

On le voit, le savoir-être est une notion floue. Ou alors carrément problématique quand on essaie de la préciser. Que veut-on donc vraiment dire quand on se demande comment évaluer le savoir-être ?

Je te rassure : je ne vais pas me contenter de dire le savoir-être n’existe pas et lâcher le micro comme si j’avais inventé l’eau tiède. 

En effet, je comprends très bien ce qu’on essaie de dire quand on utilise le concept flou. Je comprends qu’on utilise l’expression comme on dirait soft skills. Je comprends qu’on veut parler de la personnalité.

Le bon concept : la personnalité

Aujourd’hui quand j’écris personnalité ça ne choque pas. C’est un concept communément accepté. Mais ça n’a pas toujours été le cas. Nous n’avons pas toujours été convaincus qu’il existait chez les humains des caractéristiques mentales qui persistaient sur le long terme. Le concept de personnalité a été découvert, en environ un siècle.

Tout commence en 1884 quand Sir Francis Galton (le cousin de Darwin) se dit qu’il doit être possible d’analyser les personnalités en se servant des mots des dictionnaires de plusieurs langues. L’idée c’était que plus un trait de personnalité était important pour une société humaine et plus elle aura de chances d’avoir un mot pour le décrire. En croisant les dictionnaires de plusieurs langues et en regardant les mots en commun, il devrait donc être possible d’avoir un bon inventaire de toutes les variations de personnalité.

Et là… Francis Galton il se dit qu’il a assez travaillé comme ça et il passe à autre chose.
En même temps, il avait d’autres chats à fouetter, notamment tout un champ de la psychologie à révolutionner. Mais c’est une autre histoire.

Il faut attendre un peu plus de 50 ans pour que deux autres scientifiques essaient cette idée, en 1936. Ils commencent avec une liste de 4 500 mots. 4 500 adjectifs qui décrivent des caractéristiques de personnalités.

Je te passe les détails historiques mais s’ensuivent encore 50 ans de travaux. L’idée étant de fusionner chaque mot jusqu’à ce qu’on ne puisse plus. De la même manière que la science sociale a réussi à trouver un facteur qui réunit tous les aspects de la cognition (mesuré par le QI), elle a essayé de trouver un facteur qui réunit tous les aspects de la personnalité. 

C’est-à-dire une variable unique qui serait avantageuse : une intelligence émotionnelle, mesurée par un QE.

Je te spoile : ça a été un échec. On n’a pas trouvé le QE.

Car, en fusionnant les mots qui se ressemblaient on s’est heurté à un mur. En effet, une fois arrivé à 5 traits (ou 6 selon les équipes), plus personne n’arrivait à fusionner les caractéristiques. Par exemple, on peut dire que la gentillesse, la politesse et la générosité appartiennent à la même famille. Mais on voit bien que l’ouverture au changement et l’amour de l’abstraction ne peuvent pas être de la même famille.

Plusieurs équipes sont tombés sur les mêmes 5 traits, sans se concerter. Et à chaque fois l’incapacité de continuer la fusion.

Alors que pour les aptitudes cognitives on arrive à trouver un lien de fusion entre capacité à s’exprimer, facilité à lire, capacité à s’orienter dans l’espace, etc. On appelle ce lien le facteur g. On pourrait aussi l’appeler intelligence(mais le problème c’est que c’est polémique car tout le monde ne définit pas l’intelligence de la même manière).

Tout ça pour dire qu’on n’a pas trouvé d’intelligence émotionnelle. En revanche, on a trouvé 5 grands blocs irréductibles. Les voici :

  • Ouverture 
  • Conscienciosité 
  • Extraversion
  • Agréabilité
  • Névrosisme

Ce sont les 5 grands traits de personnalité. On les appelle aussi le Big 5. Le consensus scientifique est très large autour du Big 5 (même s’il y a des débats pour introduire un sixième trait qui serait l’honnêteté-humilité un poil différent de l’agréabilité). 

Conséquence : les seuls tests de personnalité valides scientifiquement sont ceux qui s’appuient sur le Big 5. En ce sens, le MBTI n’est pas fondé scientifiquement. Idem pour le DISC. Je ne développe pas car il faudrait un article à part entière pour réfuter correctement ces derniers. Notamment expliquer pourquoi ce qui fait consensus dans la communauté scientifique ne fait pas consensus dans le monde de l’entreprise.

Mais que veulent dire ces traits ? Voici la définition de Wikipédia :

Ouverture : appréciation de l’art, de l’émotion, de l’aventure, des idées peu communes ou des idées nouvelles, curiosité et imagination ;


Conscienciosité : autodiscipline, respect des obligations, organisation plutôt que spontanéité ; orienté vers des buts ;


Extraversion : énergie, émotions positives, tendance à chercher la stimulation et la compagnie des autres ;


Agréabilité (amabilité) : une tendance à être compatissant et coopératif plutôt que soupçonneux et antagonique envers les autres ;


Neuroticisme ou névrosisme, contraire de stabilité émotionnelle : tendance à éprouver facilement des émotions désagréables comme la colère, l’inquiétude ou la dépression, vulnérabilité.

L’extraversion est le trait de personnalité le plus connu. Probablement que si tu connaissais un trait de cette liste c’était l’extraversion. Même si on a tendance à confondre l’extraversion avec le contraire de la timidité, ce qu’elle n’est pas exactement. Par exemple : je ne suis pas du tout timide mais j’ai une haute dose d’introversion. Pourquoi est-ce un trait si connu ? Parce que c’est le premier qui a été découvert quand on a fait le travail de fusion des adjectifs dont je t’ai parlé. On le connaissait même 20 ans avant le début de ce travail, via d’autres travaux.

Si tu connais le MBTI, c’est pour ça qu’il est présent dans le MBTI. Car le MBTI est parti dans une autre direction, en se basant sur les travaux de Jung. Or, c’est justement Jung qui a inventé le mot extraversion.

Du coup, extraversion est probablement également le mot qui te choque le moins parmi les 4 inventés. Conscienciosité, agréabilité, névrosisme, il faut bien admettre que ça sonne bizarre. C’est parce qu’il a fallu inventer des mots pour véhiculer correctement la nuance. Par exemple, l’agréabilité (qui est une tentative de traduction d’agreeableness) mélange à la fois le concept de l’amabilité mais aussi le fait de faire passer les besoins des autres avant les siens. C’est pour ça qu’on dit pas juste amabilité. Pareil, la conscienciosité ça ressemble à la rigueur, mais ce n’est pas que ça, c’est aussi la prudence et la capacité à ne pas abandonner. Dur de trouver un mot en français qui décrit déjà ce groupe de caractéristiques.

Qu’est-ce que l’intelligence émotionnelle ?

Voilà le concept qui ressemble le plus à ce qu’on veut dire quand on parle de savoir-être. Comme je te l’ai dit, la quête de l’intelligence émotionnelle est globalement un échec. Et c’est une excellente nouvelle.

Pourquoi ? J’y viens. Mais avant…

Quand on essaie de tout lier à un seul facteur on trouve bel et bien une forme de QE. Un haut quotient émotionnel est atteint par les personnes qui obtiennent un score élevé à tous les traits de personnalité sauf le dernier.

C’est-à-dire des personnes avec : 

  • une grande ouverture aux nouvelles expérience, 
  • une grande rigueur/persévérance/prudence, 
  • une grande extraversion, 
  • une grande amabilité/sympathie/capacité de conciliation,
  • et une petite instabilité émotionnelle.

Sauf que, contrairement au QI, on ne peut pas dire que, toutes choses égales par ailleurs, il vaille mieux avoir un grand QE qu’un petit QE. En effet, la personnalité que je viens de décrire est une personnalité socialement désirable, c’est vrai. Mais ça s’arrête là.

Il en ressort que l’intelligence émotionnelle est la capacité à se faire apprécier par les autres. Mais elle ne dit rien de l’efficacité au travail. C’est parfois même l’inverse. On observe par exemple que les individus avec une petite agréabilité ont tendance à mieux réussir professionnellement que les autres. Pourquoi ? Parce que les personnes les plus conciliantes sont aussi celles qui vont le moins négocier leur salaire et leur position.

On ne peut donc pas dire qu’il vaut mieux avoir une grande agréabilité : ça dépend des situations et des contextes. C’est vrai pour tous les traits : il n’existe pas de bonne ou de mauvaise personnalité.

Voilà pourquoi je disais que l’échec des sciences sociales à trouver un véritable quotient émotionnel est une bonne nouvelle. Ça veut dire que chaque personnalité a une valeur ajoutée dans le bon contexte.

On veut une adéquation entre la personnalité et notre culture d’entreprise

La question est donc quel est mon contexte ? Donc, à part si je cherche à recruter pour un métier où il faut savoir se faire socialement apprécier (un commercial par exemple), je ne vais pas nécessairement vouloir quelqu’un qui a une grande intelligence émotionnelle.

Au final, l’intelligence émotionnelle est le piège que l’on devrait éviter. Effectivement, les personnes avec une grande intelligence émotionnelle (donc extraverties, conciliantes, ouvertes, peu sensibles au stress et ponctuelles) feront spontanément une meilleure impression dans un entretien.

Mais est-ce cela que l’on recherche ? Des personnes douées en entretien ?

On devrait, au contraire, en permanence chercher à ne pas être aspiré·e par l’intelligence émotionnelle en entretien.

Voilà pourquoi je pense que ce n’est pas qu’une question de terminologie. Le concept du savoir-être véhicule des notions contre-productives pour le recrutement. Quand on parle de savoir-être ou d’intelligence émotionnelle, on invisibilise la notion d’adéquation.

Il n’existe pas de situation où savoir lire vite (qui est une composante de ce que mesure le QI) est un désavantage. Il vaut mieux savoir lire vite que savoir lire lentement, en toutes circonstances. C’est pour ça qu’on utilise le mot “intelligence” (avec tous ses défauts). Mais on pourrait dire, de manière moins polémique que c’est une “compétence”. En revanche, il existe des cas où il vaut mieux être une personne introvertie qu’extravertie. L’extraversion n’est donc pas une compétence. L’introversion non plus. Ce sont simplement des traits de personnalité.

Je le vois dans le métier même du recrutement. Souvent, les personnes très extraverties sont allergiques au sourcing. Ou plutôt l’inverse : les personnes allergiques au sourcing sont souvent très extraverties. Alors qu’une personne très introvertie aura du mal à faire des entretiens.

Attention, je généralise par souci de pédagogie. Il ne s’agit pas ici de faire de la psychologie de comptoir : il faudrait tester mon observation. C’est pas parce que je le vois que c’est vrai.

De même, on pourrait croire que la résistance au stress (l’inverse du névrosisme) est toujours un atout. Je peux attester que non. Je fais partie des personnes les plus résistantes au stress selon les tests. Et bien je vois en quoi ça me porte préjudice : je commande toujours mes billets de train et d’avion la veille, même pour des voyages prévus depuis des mois. Je ne pourrais pas travailler dans l’événementiel : je suis trop détendu. Bien entendu, c’est un avantage dans mon métier où je dois donner des conférences ou publier un article que tout le monde va lire.

Autre exemple : l’agréabilité. C’est un atout dans plein de situations mais ça sera un préjudice dans un métier comme celui d’acheteur. Une personne trop conciliante aura du mal à tenir la posture de négociation musclée que ça demande. Et, on l’a déjà dit, les personnes les plus conciliantes sont aussi les personnes les moins bien payées.

Ce qu’on veut c’est donc une adéquation entre les traits de personnalité et ma culture d’entreprise. Ce qui compte ce n’est pas d’avoir quelqu’un qui me fait passer un bon moment en entretien car il a une personnalité socialement désirable. Ce qui compte c’est de faire l’inventaire des traits qui sont directement liés à la performance, car inscrits dans notre culture.

Que je sois introverti n’est pas le problème des candidat·es. La question que je me pose en entretien c’est faut-il être une personne introvertie ou extravertie pour travailler chez LEDR ? La réponse est ni l’un ni l’autre. Donc je me fais violence pour ne pas tenir compte de ce trait pendant l’entretien culturel.

En revanche, on constate que les individus qui s’épanouissent chez nous sont du côté de la grande ouverture aux nouvelles expériences. Ça se comprend assez facilement puisque nous sommes un organisme de formation. On a donc une culture qui valorise l’abstraction, l’ouverture aux nouveaux concepts, etc. On va donc (dans notre cas très précis) ignorer l’extraversion mais prêter attention à l’ouverture.

On veut une adéquation entre la personnalité et le métier

Rebelote avec le métier. Il y a la culture de l’entreprise et la culture du métier. Par exemple, pour réussir chez LEDR il n’y a pas de modèle au niveau de l’extraversion/introversion. En revanche, les commerciaux et commerciales qui s’épanouissent chez nous sont toujours des personnes extraverties.

Ça vient de la culture du métier, de sa nature même.

Il faut donc concilier non seulement la culture de l’entreprise mais également celle de l’équipe et celle du métier.

On veut une adéquation entre la personnalité et l’équipe visée

Rerebelote avec l’équipe qui sera intégrée. Parfois j’entends mon critère c’est aussi est-ce que je pourrais prendre une bière avec la personne.

Je comprends ce qu’on veut dire par là. Mais le problème c’est que la personne ne rejoint pas l’équipe de recrutement, elle rejoint l’équipe du manager qui a mandaté le recrutement. Donc ce qui compte c’est que le candidat et le manager puissent prendre une bière ensemble. Et d’ailleurs, parfois ce n’est pas une bière. Cf ce qu’on a dit sur l’introversion. Accessoirement, tout le monde ne boit pas de la bière, ni même d’alcool.

Les critères excluants arrivent plus vite qu’on ne le pense, même dans des phrases anodines. C’est plus qu’un détail : je me suis souvent senti mal à l’aise dans des moments professionnels où on me poussait à consommer de l’alcool pour me socialiser. Alors que je veux en boire le moins possible dans ma vie.

Stop au mépris

Au final, l’expression de savoir-être est un brin méprisante. En effet, contrairement à l’intelligence, je n’ai jamais entendu quelqu’un me dire qu’il manquait de savoir-être.

J’ai l’impression que les gens qui manquent de savoir-être sont toujours les autres. Ce qui fait que ces autres aussi pensent qu’on manque de savoir-être. Ça va toujours à double sens. Ça n’a donc aucun sens.

Mais maintenant tu comprends pourquoi : c’est parce qu’il n’y a pas de savoir-être, il n’y a que des adéquations de personnalité. Donc, si tu ne te sens pas en adéquation avec une personnalité, elle ne sentira pas en adéquation avec toi non plus. Aucun de vous deux n’est une personne supérieure : vos personnalités sont juste incompatibles.

Il n’y a pas une personne bête émotionnellement et une autre intelligente émotionnellement. Juste deux personnalités opposées.

L’accepter permet d’adopter une posture plus détendue en entretien. On a tout à y gagner. Le fait de penser sincèrement qu’il n’y a pas de personnalité supérieure à une autre va mettre les candidat·es plus à l’aise. Les gens le sentent quand vous pensez savoir-être. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles ils mentent en entretien.

On se plaint souvent des gens qui mentent en entretien mais on se pose trop peu la question de pourquoi ils mentent. Au final, dans le reste de leur vie, les gens mentent beaucoup moins. Alors pourquoi le font-ils autant sur leur CV ou en entretien ? 

J’ai plusieurs amies qui ont trafiqué leur fiches de paie pour obtenir un appartement. Pourquoi ? Parce qu’elles ne respectent pas le processus de décision. Si elles avaient confiance dans le processus elles ne le feraient pas. Elles sont intimement convaincues qu’elles sont capables de payer le loyer et que ce sont les critères qui sont stupides. Elles trichent parce qu’elles considèrent que le jeu est injuste.

Par exemple, je connais quelqu’un qui gagne beaucoup d’argent mais en freelance. Elle n’avait donc pas de fiche de paie à présenter et on lui refusait des appartements car il fallait trois bilans comptables. Elle a alors décidé de trafiquer une fiche de paie.

Des exemples comme ça, j’en ai à foison. Et à chaque fois c’est la même raison de fond : la personne trouve le processus injuste.

C’est pareil avec le recrutement. Si tu demandes aux gens quels sont leur trois défauts et que tu penses qu’il y a un savoir-être, des défauts humainement pire que d’autres (et donc une bonne réponse à la question), ils vont le sentir. Ils vont trouver ça injuste car ce n’est pas lié avec leur performance dans le job. Ils vont donc te mentir.

Si tu crois fondamentalement que le savoir-être n’existe pas et que tu cherches à évaluer l’adéquation entre la personnalité du candidat et la culture de l’entreprise, le candidat aura tout de suite moins de raisons de mentir. En effet, il sentira qu’on ne remet pas en question ce qu’il est en tant qu’humain.

Sous-entendre à quelqu’un qu’il serait dépossédé d’un truc qui s’appelle le savoir-être et qui fait de meilleurs humains professionnels, c’est violent. Dans ce cas on remet en question la personne en tant qu’humain, dans l’absolu. Ce n’est pas pareil que de lui sous-entendre qu’il y a des personnalités qui s’entendent bien professionnellement et d’autres non. Dans ce cas, un refus en entretien ne dit rien de sa valeur humaine absolue. 

Pense vraiment qualité des défauts et défauts des qualité

C’est devenu cliché tellement on répète ce conseil en recherche d’emploi. On dit aux candidat·es de préparer les qualités de leurs défauts pour l’entretien.

C’est toujours fait de manière superficielle car le but est de contourner la question superficielle des 3 défauts. Mais ne pouvons-nous pas le repenser de manière plus profonde ?

De comprendre qu’une grande introversion ce n’est ni un défaut, ni une qualité. Encore moins une compétence. L’introversion vient avec des inconvénients dans certains contextes : la timidité quand on doit réseauter, par exemple. Mais elle vient aussi avec des avantages dans d’autres : j’étais bien content d’avoir suffisamment d’introversion pour vivre confortablement le confinement par exemple.

Bien sûr qu’une haute conscienciosité vient avec des avantages : la rigueur, par exemple. Mais ça peut aussi se transformer en inconvénient quand il s’agit d’être capable d’abandonner une idée qui ne fonctionne pas.

Certes, une ouverture aux nouvelles expérience et à l’abstraction apporte son lot d’avantages. Pour enseigner il vaut mieux aimer l’abstraction. Mais ça vient aussi avec un lot d’inconvénients : certains métiers demandent d’appliquer une méthode sans chercher à trouver d’autres moyens.

L’agréabilité est un des traits sur lequel je fais le plus petit score : j’ai tendance à faire passer mes intérêts en premier. Et je suis plutôt impoli. Parfois ça me porte préjudice : on a perdu des clients parce que je n’ai pas su me retenir de dire brutalement ce que je pensais. Mais parfois ça tourne à mon avantage : parce que je ne me retiens pas de dire ce que je pense et que ça débloque des situations.

Le Névrosisme vient avec des inconvénients évidents : être davantage soumis aux émotions négatives et au stress. Mais parmi les gens qui m’ont le plus impressionné professionnellement dans ma vie, il y a une personne qui a probablement un haut score de névrosisme. C’est justement ce qui lui permet de performer dans un métier d’événementiel où il faut prévoir tous les imprévus et délivrer des prestations où la préparation de plusieurs mois se joue sur une seule journée. À l’inverse, être moins sensible aux émotions négatives m’a souvent permis d’être le point de repère d’un groupe dans des moments de crise ou de panique.

Au risque de me répéter : il n’y a pas de savoir-être, au sens où il n’y a pas de compétences de personnalité, il n’y a pas de soft skills. Un trait de personnalité peut être un avantage dans un contexte et un inconvénients dans un autre.

Alors que si c’était des skills, des compétences, ça devrait être neutre ou positif. Par exemple, maîtriser Excel est une compétence. Ce n’est jamais un inconvénient. Au pire, ça ne sert à rien dans un métier.

Mais ça ne peut pas avoir d’incidence négative. Parce que justement c’est une compétence.

La personnalité ne se divise donc pas en compétence mais bien en traits de personnalité.

Il faut d’abord l’avoir en tête avant d’essayer d’évaluer une personnalité pour voir si elle est en adéquation avec notre culture. Une fois qu’on est solide là-dessus, on peut commencer à se demander non pas comment évaluer le savoir-être mais bien comment évaluer la triple adéquation entre une personnalité et notre culture d’entreprise, celle du métier et celle de l’équipe. Mais c’est encore un autre sujet …

Tu veux faire le big 5 sur toi même, voici un lien rapide qui propose un test en 30 questions et un débrief détaillé (seul défaut : c’est en anglais).

Pourquoi y’a-t-il tant de discriminations dans le recrutement ?

Je n’étonnerais pas beaucoup de monde en disant que le recrutement est particulièrement touché par la discrimination. C’est suffisamment prégnant pour que ça devienne un stéréotype des discussions sur le sujet. Dans les médias on a même consacré le terme “discriminations à l’embauche”.

Je ne vais donc pas te faire un récapitulatif des discriminations dans le recrutement. On va partir du principe que le fait est admis. 

On a régulièrement des opérations de testing (où on envoie par exemple à deux moments différents le même CV avec un prénom différent pour voir si l’entreprise appelle davantage quand le prénom sonne français ou pas). On a des milliers de témoignages sur les réseaux sociaux, dans les médias.

Ce ne sera pas mon sujet. Mon sujet ne sera pas décrire l’ampleur de la discrimination dans le recrutement, mais bien de comprendre la racine du problème. Je vais te partager les résultats de mon enquête personnelle.

Le parallèle avec la discrimination au logement

Le recrutement a une longue tradition de comparaison avec l’immobilier. On le voit avec le modèle économique des cabinets qui a repris le vocabulaire : les fees, les commissions en pourcentage du prix du bien, etc.

Pendant une formation, je filais donc la métaphore en expliquant l’inspiration que je trouvais dans l’émission Recherche appartement ou maison avec Stéphane Plazza. Je ne sais plus comment mais on s’est retrouvé à parler de ma propre recherche d’appartement. Je venais de déménager. 

J’ai alors partagé mon expérience : une agence m’a avoué que le fait que mon garant (mon père) soit en Guadeloupe était un frein. Ce n’était pas la première fois, quand j’étais étudiant et que je cherchais un appartement on m’avait raccroché au nez :

– Votre garant est français ?- Oui, mon père est en Guadeloupe
[Bruit de téléphone raccroché au nez]

Cette fois, je sentais bien que l’agent immobilier était gêné, j’ai alors creusé un peu. Il m’a dit que que ce n’étais pas sa faute, que si ça ne tenait qu’à lui … mais que certains de ses clients allaient tiquer.

Ça ne te rappelle rien ? Combien de recruteurs et de recruteuses en cabinet se retrouvent dans ce dilemme face à un client ?

Il m’a alors demandé si je pouvais avoir un autre garant. J’ai répondu que je n’avais personne de ma famille qui gagnait suffisamment et qui vivait dans l’hexagone. Un peu désespéré je lui demande si ce serait mieux avec une collègue. Soulagé, il m’a répondu que oui, ce serait bien mieux. J’étais surpris parce que, pour moi, le concept du garant c’est justement de mettre quelqu’un de sa famille qui sera forcément plus solidaire. Ma collègue peut arrêter d’être ma collègue, mon père n’arrêtera pas d’être mon père. Mais bon…

Voilà comment je me suis retrouvé dans la situation humiliante d’être un adulte qui demande à sa patronne d’être sa garante. Elle a immédiatement accepté.

Et au passage encore infiniment merci, Marion…

Des histoires comme ça, nous sommes énormément à les vivre. Que ce soit dans l’immobilier ou le recrutement.

Mais, du coup, la question que je me suis posé c’est : pourquoi. Qu’est-ce que ces secteurs ont de si spécial ? Pourquoi ce sont souvent les deux moments où le plus de personnes autour de moi ont des histoires de discrimination à raconter ? Pourquoi moi aussi, comme par hasard, c’est quand je cherche un appartement que je suis le plus ouvertement confronté à la discrimination ? Sachant que je n’ai pas été beaucoup candidat dans ma vie : ma seule expérience professionnelle en CDI c’est à LEDR. Sinon je ne doute pas que j’aurais eu aussi des histoires à raconter de quand je postulais.

Hypothèse #1 : le recrutement et l’immobilier attirent beaucoup de personnes malveillantes

Chaque fois que je pose la question c’est la réponse la plus commune, la plus naturelle de la salle. On se dit que s’il y a quelque chose de particulier en sortie c’est qu’il y a quelque chose de particulier en entrée. Logique.

En effet, on peut se dire que ce sont des situations avec impunité : en effet, il est très compliqué de prouver la discrimination à l’embauche. On peut toujours dire j’ai pris quelqu’un d’autre sans justifier plus que ça ou carrément en mentant.

Sans compter que c’est un domaine où on a le pouvoir. Or, qui dit pouvoir dit abus potentiels. Pourquoi observons-nous autant de corruption dans la politique ? Parce que les personnes ont du pouvoir dont elles peuvent abuser en quasi impunité.

Dis tonton Aurél’, tu pourrais nous raconter une histoire ? Okay, ça s’appelle « Gros poisson dans une petite mare  » Ça parle des gens qui s’donnent trop d’importance

L’effet gros poisson dans une petite mare est courant : donnez un peu de pouvoir à quelqu’un et il aura tendance à en abuser.

Le pouvoir tend à corrompre, le pouvoir absolu corrompt absolument 

On peut même pousser le vice plus loin en se disant que ces secteurs attirent des personnes qui aiment abuser d’un petit pouvoir. C’est un cercle vicieux : tout le monde sait qu’on peut y pratiquer la discrimination alors forcément, les personnes que ça attire… 

Un peu le même problème que dans la Police (qui est d’ailleurs un des autres secteurs où on a conscience des enjeux de discrimination) : on a forcément une partie des personnes qui viennent faire ce métier pour pouvoir donner libre cours à leur racisme. Là encore, je ne développe pas, les témoignages sont nombreux.

Sauf que… comme beaucoup d’hypothèses intuitive, je pense qu’elle est incomplète. En tout cas dans le recrutement. Déjà parce que ça me semble un peu gros et ensuite parce que ça relève selon moi de ce qu’on appelle en psychologie l’erreur fondamentale d’attribution. C’est-à-dire qu’on a tendance à surestimer les causes internes au détriment du contexte.

Ce n’est pas parce qu’on observe un taux de discrimination plus fort dans le recrutement et l’immobilier que ça veut dire qu’il est effectivement plus fort. Peut-être qu’il est simplement plus facile à observer ?

Hypothèse #2 : c’est juste plus facilement observable dans le recrutement et l’immobilier

Et si, en réalité, il y avait de la discrimination partout, à la même intensité, mais que ça serait juste plus visible dans certains secteurs ?

Après tout, si j’étais vendeur dans une boutique, je ne me rendrais pas compte de la discrimination opérée par les clients envers moi. Si un client refuse de me parler, il ira voir un autre vendeur. Je ne le saurai jamais. Ou en tout cas beaucoup plus rarement.

Pareil, quand je passe par Airbnb pour louer un appartement de manière ponctuelle, je n’ai jamais vraiment de contact avec le propriétaire. Surtout maintenant qu’on a inventé les boîtes à clé et qu’on peut donc faire sans jamais voir la personne. J’étais en formation à Lyon vendredi dernier, j’ai dormi dans un airbnb : à aucun moment je n’ai vu à quoi ressemblait la propriétaire, et vice-versa.

Il en va de même dans le reste du monde de l’entreprise : une fois qu’on est embauché, les discriminations sont plus subtiles car c’est beaucoup plus dur à assumer.

Cette hypothèse me semble déjà un peu plus solide mais je reste sceptique : l’intensité de ce qu’on observe dans le recrutement et l’immobilier me semble bien trop forte pour ne s’expliquer que comme ça.

Continuons donc l’enquête.

Hypothèse #3 : quand on doit faire un choix humain on le fait avec des biais inconscients

L’autre piste est connue : les biais cognitifs. Les biais sont à notre raisonnement ce que les illusions d’optique sont à notre vue. Ce sont des erreurs systématiques et inconscientes, mais surtout dures à corriger.

L’illusion de Müller-Lyer est archi-connue. Pourtant, même si ton cerveau la connaît, il tombe dedans :

Les deux traits font la même taille, tu le sais. Mais rien n’y fait : tu vois deux tailles différentes. Il en va de même avec les biais. 

Par exemple, le biais de sympathie est le biais qui fait que plus quelqu’un te ressemble (que ce soit en apparence ou en personnalité) plus tu vas avoir tendance à lui pardonner ses défauts et à amplifier ses qualités. Le savoir ne change rien : tu continueras à avoir ce sentiment qui fait qu’on donne plus spontanément de l’argent dans la rue à quelqu’un qui nous ressemble physiquement.

Le biais d’ancrage est le mécanisme qui explique que la première impression pèse de manière disproportionnée dans un jugement. On le sait. Pourtant, la plupart des personnes qui recrutent vont garder le jugement de leur première impression. Ce n’est ni volontaire, ni conscient : on a une première impression et ensuite notre cerveau construit les raisons pour l’appuyer. Tout en nous faisant croire qu’on a fait l’inverse : on a construit un raisonnement qui nous a mené à la conclusion. Mais non : on avait déjà la conclusion et on a construit le raisonnement.

Le biais de confirmation est le mécanisme qui explique que si je suis convaincu d’une chose, j’aurai tendance à ne prendre que les infos qui vont dans le sens de mon interprétation. Ou alors à interpréter dans le sens qui va avec ma vision du monde.

On voit ce que l’on croit, non pas l’inverse

Lors d’une conférence du SOSU (le sommet du sourcing) un intervenant avait pris cette phrase :

80% des personnes espagnoles récemment diplômées ont leur première expérience professionnelle à l’étranger.

Il nous avait alors demandé de l’interpréter. Selon la vision qu’on a de l’Espagne on peut dire : l’Espagne a tellement été ravagée par la crise de 2008 que les jeunes s’en vont après leurs études, il n’y a pas assez d’opportunités. 

Mais on peut aussi dire : les espagnols sont tellement ouverts d’esprit et appréciés à l’étranger que…

Alors qu’on partait de la même donnée.

La combinaison du biais d’ancrage et du biais de confirmation s’appelle l’effet de halo.

L’effet de halo, effet de notoriété ou encore effet de contamination, est un biais cognitif qui affecte la perception des gens ou de marques. C’est une interprétation et une perception sélective d’informations allant dans le sens d’une première impression(« il ne voit que ce qu’il veut bien voir »). 

Et… Wikipédia suggère explicitement que ce biais est potentiellement impliqué dans le racisme :

Cet effet pourrait par exemple avoir un rôle dans des phénomènes comme le racisme. Margaret Clifford et Elaine Walster ont pu montrer, en 1973, que des enfants étaient jugés plus intelligents que d’autres par leurs enseignants sur la base de leur attrait physique

Il semblerait donc que ce soit une bonne piste. Le pire avec les biais ? On l’a dit plus haut : les connaître ne suffit pas à les combattre. Car, malheureusement, un de nos biais s’appelle la tâche aveugle à l’égard des préjugés. C’est le biais qui fait qu’on ne voit pas nos biais.

Voilà pourquoi cette hypothèse me paraît plus solide et plus explicative que les précédentes. Ça explique notamment comment, même quand on veut faire bien on peut discriminer. Ça explique pourquoi il y a tant de discrimination inconsciente.

On parle souvent des discriminations conscientes car ce sont les pires. Quand un propriétaire ou un manager dit explicitement “je veux des français de souche” ou “je ne veux pas de femme à ce poste”.

Mais on oublie que la plupart des discriminations s’opèrent de manière inconsciente via des personnes de bonne intention.

C’est d’ailleurs tout le sujet du livre Blindspot : the hidden biases of good people.

Mais… tu dois te dire que je t’ai fait perdre ton temps. Tout ça pour ça ? Juste pour dire que c’est à cause des biais ?

Non, je te rassure : ce n’est pas la fin de mon enquête. Je vais te proposer une quatrième voie d’explication.

Quel est le point commun entre l’embauche et l’accès au logement ?

Voilà comment cette dernière hypothèse m’est venue : je me suis demandé quel était le point commun entre les deux situations. J’avais quand même l’impression que les deux secteurs avaient une particularité. J’étais également intrigué que la similarité des deux disciplines aille jusque là.
Il doit forcément y avoir un point commun qui déclenche ces situations ?

L’hypothèse de l’abus de pouvoir, on l’a vu, me semble trop courte. C’est vrai que c’est une condition nécessaire : on discrimine parce qu’on peut se le permettre. Que ce soit dans le recrutement ou le logement parisien, il y a un déséquilibre entre l’offre et la demande. Il y a tellement de personnes qui cherchent un appartement à Paris que chaque offre d’appartement déclenche des dizaines de candidature. Idem dans le recrutement (excepté sur certains postes).

Cette configuration me semble nécessaire. Il me semble bien que quand on recrute pour des postes en pénurie, on a beaucoup moins de discrimination, car les employeurs n’ont pas ce “luxe”.

Pour autant, cette configuration ne me semble pas suffisante. En effet, il y a plein de situations asymétriques où on n’exerce pas autant de discrimination pour autant. Quand une console ou un téléphone est en pénurie on ne favorise pas les clients blancs. C’est premier arrivé, premier servi.

Le recrutement et l’immobilier partagent une deuxième caractéristique.

Laquelle ?

Mettons fin au suspense, cette caractéristique c’est l’incapacité de garantir qu’on fait le bon choix sur le long terme.

Je m’explique : admettons pour les besoin de la démonstration que les boules de cristal existent. Je suis donc en possession d’un outil fiable qui permet de lire l’avenir. Admettons que tout le monde le sache, tout le monde y croit. Personne n’a aucun doute sur la fiabilité des boules de cristal. 

Je suis convaincu que si j’arrivais devant une agence, que je montrais dans la boule de cristal que j’allais bien payer tous mes loyers en temps et en heure pendant 5, 10, 15 ans et que je rendrai l’appartement dans un état nickel… la discrimination s’effondrerait.

La plupart des gens me diraient okay, même s’ils ont des préjugés. Car ils auraient la preuve que leur préjugé ne prédit pas l’avenir dans ce cas.

D’ailleurs, n’est-ce pas pour ça qu’on vit moins de discrimination sur Airbnb ? Parce que les gens ont la garantie que la plateforme va les indemniser en cas de problème. 

Idem dans le recrutement : si on avait une boule de cristal qui démontrait quelle personne performerait le mieux à un poste, ce serait également la fin d’une grande partie de la discrimination. Elle diminuerait car elle aurait moins de raison d’être.

Peut-être que tu continues à te dire que je t’ai fait perdre ton temps puisque les boules de cristal n’existent pas. 

C’est vrai. Mais il ne faut pas négliger ce qu’apporte l’identification de la solution rêvée. Car, nous allons désormais nous demander comment nous approcher de la boule de cristal.

Hypothèse #4 : l’absence d’une méthode fiable

Les boules de cristal n’existent pas. Même la NASA ne peut pas dire avec 100% de fiabilité si sa fusée va effectivement décoller sans souci. En revanche, elle a une méthode qui peut le dire avec une fiabilité de, disons, 98%. La météo ne nous prédit pas le temps à 100% de fiabilité mais c’est suffisamment fiable pour lui faire confiance quand on s’habille.

De la même manière, nous n’avons rien qui fonctionne à 100% contre le coronavirus. Tout ce qu’on a ce sont des stratégies qui fonctionnent très bien, mais jamais parfaitement. 

Les problèmes arrivent quand on n’a pas de méthode fiable ou qu’on ne croit pas en la fiabilité de la méthode. D’ailleurs c’est le cas avec le vaccin contre le coronavirus : les personnes qui ne croient pas en sa fiabilité déclenchent leur instinct et ça peut donner des choses assez étonnantes.

Idem quand on n’avait pas de météorologie : on faisait des danses de la pluie, on avait des personnes qui prétendaient pouvoir prédire le mauvais temps avec leur arthrite, et ainsi de suite… 

La méthode c’est ce qui permet d’aller contre l’instinct. Mais quand on n’a pas de méthode à laquelle on se fie… l’instinct revient immédiatement. Chassez l’instinct et il revient au galop.

Or, l’instinct est biaisé. Ce n’est même pas un bug : c’est sa fonction première. L’intuition est un raccourci cognitif qui nous aide à prendre des décisions rapidement en l’absence d’information. C’est un outil formidable. 

En effet, sans l’intuition, on verrait un jour une panthère tachetée attaquer un camarade… puis le lendemain on croiserait une panthère noire et on dirait : rien ne permet de conclure qu’une panthère noire est aussi agressive. Si ça se trouve ce n’est même pas le même animal.

L’intuition fait fonctionner ses mécanismes et le biais de la généralisation hâtive est ici une force : il nous pousse à nous cacher plutôt que de tenter de caresser l’animal.

Notre instinct a donc cet incroyable atout d’être une protection contre les dangers. Il va plus vite que le raisonnement conscient et heureusement. Car il est des situations où il vaut mieux courir parce que tout le monde court, sans comprendre pourquoi.

Quand on doit faire un choix important : embaucher quelqu’un ou lui louer un logement, notre instinct démarre donc sur les chapeaux de roue. Après tout, c’est son rôle.

Là, il y a deux options : soit j’ai une méthode rationnelle à laquelle je me fie, soit j’en ai pas. Or, dans l’immense majorité des cas, la personne qui prend la décision n’a pas une telle méthode.

Quelle méthode utiliser ?

Bien sûr, il n’existe aucune méthode fiable à 100% pour évaluer une personne que l’on veut recruter. Mais en revanche, on sait que l’instinct est très peu fiable. On sait également qu’il existe des méthodes d’évaluation beaucoup plus solides. On a le recul d’un siècle de travaux des sciences sociales à ce sujet. 

L’une d’entre elles c’est l’entretien structuré. Mais, même sans déployer une méthode aussi exigeante, on peut déjà adopter quelques réflexes. Premièrement, en explicitant le flou. L’instinct adore le flou. Si je dis à quelqu’un je veux une personne dynamique à ce poste. Ça peut vouloir dire tellement de choses…

On va donc demander une description plus fouillée de ce qu’on entend par une personne dynamique.

Décrire de manière plus fouillée et précise va nous permettre de mettre en lumière les instincts discriminants. Parfois, demander à l’autre d’être plus précis va suffire à lui faire se rendre compte du problème. Par exemple si un manager me dit je ne veux pas une personne qui a des enfants. Je peux lui demander pourquoi, creuser davantage, et me rendre compte qu’au final le vrai critère c’est plutôt la capacité à rester tard le soir une fois par semaine. Ce n’est plus du tout pareil. Le Diable est dans le flou.

De même, inciter les personnes à être plus précises que je ne sens pas cette personne va nous être d’une grande aide. Quand la plupart des retours d’entretien se résument à je la sens bien et je la sens pas on a un énorme souci. C’est dans ce flou que va se cacher la discrimination. Car, le biais de sympathie fait qu’on a tendance à mieux sentir les gens qui nous ressemblent ou alors les gendres idéaux. 

On l’a d’ailleurs vu quand on parlait d’intelligence émotionnelle : ce qu’on appelle intelligence émotionnelle est un ensemble de traits de personnalité qui composent les personnalités socialement désirables. Ce qui veut dire que, instinctivement, nous avons tendance à trouver sympathiques les personnes extraverties et polies par exemple.

C’est d’ailleurs pour cette raison que les plus grands escrocs sont extravertis et polis. Chaque fois qu’on interroge leur voisinage, les gens disent : je ne comprends pas, il était super souriant, un bon voisin. Bah oui… forcément. Le concept même d’escroc c’est de savoir comment adopter une personnalité socialement désirable.  L’escroc connaît nos biais, notre instinct, et il appuie dessus.

Pour revenir à nos moutons : on a le même souci en recrutement. En entretien il y a des personnes qui vont faire montre d’une personnalité socialement désirable. On aura tendance à intuitivement vouloir les recruter davantage.

D’ailleurs, l’appartement depuis lequel je t’écris, je l’ai eu en “draguant” l’agent immobilier. J’ai appuyé à fond sur ce biais. On a parlé de tout et de rien, de son métier de ce que le confinement avait changé pour lui, etc.

Sauf qu’on ne devrait pas chercher des gens qui nous semblent sympathiques en situation d’entretien, on devrait chercher des gens qui nous semblent aptes à occuper le poste avec brio. Car, au jeu de la personnalité socialement désirable, ce sera toujours le gendre idéal qui gagnera. Ce seront toujours les personnes minorées qui perdront.

L’autre arme qu’on peut utiliser c’est le fait d’être plusieurs à décider. En effet, nous avons tous des biais, nous avons toutes les mêmes, mais pas dans les mêmes proportions. Nous avons des cocktails différents. Par conséquent, en croisant les avis, on peut supprimer une partie des biais. Impliquer 2 à 4 personnes dans l’évaluation va diviser les biais d’autant, pour peu qu’on ne s’influence pas trop les uns, les unes, les autres.

L’importance de l’entretien structuré

Voilà pourquoi je mets tant d’énergie à promouvoir la méthode de l’entretien structuré. Non pas parce que c’est la seule méthode fiable d’évaluation. Mais parce que c’est la méthode qui est la plus facilement déployable sans outil supplémentaire. Alors que, par exemple, pour faire un test de personnalité un minimum fiable, il faut un outil.

Peu importe la méthode, l’important est de perfectionner la sienne. Mais on ne peut pas se contenter d’évaluer sans méthode. Car, c’est ce qui laisse la porte ouverte aux discriminations. D’ailleurs, ça marche dans tous les sens. Même si ce n’est pas toi qui discrimines, comment répondre à un client, à un manager qui propose un critère discriminant si on n’est pas capable de lui offrir une méthode fiable ?

Se contenter de lui rappeler que c’est illégal rate l’objectif : en le prenant la main dans le sac tu vas l’inciter à être plus subtil et à déguiser ses décisions discriminantes. Tant que tu ne l’auras pas convaincu qu’il existe une méthode plus efficace, il continuera à utiliser son instinct.

On en revient à ce que je disais sur l’erreur fondamentale d’attribution : son comportement est contextuel. Je ne nie pas qu’il existe des personnes malveillantes. Mais beaucoup de personnes sont simplement convaincues de faire au mieux. 

On ne peut pas se contenter de dire à quelqu’un tu ne peux pas empêcher les gens qui ont un enfant de rejoindre ce poste. Car, si le manager n’est pas convaincu il va juste te contourner la prochaine fois. Il faut, d’une manière ou d’une autre le convaincre qu’il existe une meilleure méthode. Pour ce faire, il faut accepter d’évaluer sa méthode, de parler son langage dans un premier temps. Il faut accepter de dire qu’effectivement il y a une corrélation entre le fait d’avoir un enfant et le fait d’être flexible sur les horaires. Mais une corrélation n’est pas une causalité. Plutôt que de contredire frontalement son intuition on peut donc creuser et se rendre compte que c’est la flexibilité le vrai critère, peu importe le reste.

Mais pour le faire, il faut pouvoir être en mesure d’évaluer correctement ce critère. Si je ne peux pas montrer au manager comment il peut l’évaluer simplement, il continuera à utiliser son critère discriminant.

En d’autres termes : il faut une méthode pour remplacer les mauvais critères par des critères directement liés à l’emploi.

Il faut quelque chose pour appuyer notre refus des critères discriminant, sinon on perdra toujours la bataille argumentative. Ce quelque chose ça peut être la méthode de l’entretien structuré, ça peut être autre chose. Mais ça ne peut pas être “rien”. Notre responsabilité est bien trop importante.

Pour conclure, tu veux te former à la non-discrimination ?

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Comment féminiser ses annonces ?

Avec ou sans point médian

Tu as probablement déjà entendu l’énigme qui va suivre.

Elle faisait fureur dans les cours de récréation quand j’étais enfant. Je crois que la première fois que je l’ai lue c’était dans un Astrapi ou dans un Journal de Mickey.

La voici :

Un père et son fils ont un grave accident de voiture. Le père meurt. Le fils est entre la vie et la mort. On l’amène aux urgences et le chirurgien qui le voit dit : « Je ne peux pas l’opérer car c’est mon fils. » 

Comment cela se fait-il ?

Si tu ne l’as jamais entendue, prends quelques secondes pour y réfléchir avant de lire les phrases d’après.

La première fois que je l’ai lue, je suis resté 15 minutes sans trouver la réponse. J’ai dû regarder.

La réponse c’est que le chirurgien en question est la mère.

Vu le titre de l’article, peut-être que tu y as spontanément pensé. Mais, généralement, les gens n’y pensent pas.

Comment ça se fait ?

Il y a plein de variables qui l’expliquent. Une d’entre elles étant l’absence d’un genre neutre en français, contrairement au latin ou d’autres langues européennes. Du coup, quand on utilise le genre masculin comme un genre neutre, notre esprit a du mal à le détacher de ce qu’il est habituellement : un genre masculin.

Une autre raison est la relative récence du masculin comme neutre. Ça fait longtemps et pas longtemps à la fois que c’est le cas. On parle souvent du français comme étant la langue de Molière. Et bien à l’époque de Molière ça n’était pas encore le cas, par exemple. D’ailleurs, anecdote marrante et inutile, Molière écrivait “ortografe” et non “orthographe”. 

La masculinisation des textes fut, elle aussi, un projet politique à une époque où plusieurs formes féminines étaient couramment utilisées, comme peintresse ou philosophesse, et où l’accord de l’adjectif et du verbe se faisait avec le nom ou le sujet pertinent le plus proche, qu’il soit féminin ou masculin.

C’est avec la création de l’Académie française, au 17e siècle, que sera instaurée la règle du masculin générique, puisque, selon les académiciens, « le genre masculin est réputé plus noble que le féminin, à cause de la supériorité du mâle sur la femelle »

Cette règle d’accord des adjectifs, décrite dans le passage que je viens de citer s’appelle l’accord de proximité.

C’est-à-dire qu’on accorde l’adjectif avec le nom le plus proche, plutôt que forcément le nom masculin. Cette règle était encore en vigueur quand on a rédigé la  Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et on peut la retrouver à l’article IV.

Napoléon, lui-même, a affirmé que c’est la règle de proximité qu’on devait continuer à utiliser.

Napoléon (et ses contemporains) aurait donc écrit : “Julien, Jean, Nicolas et Mélanie sont de bonnes élèves”

Ça fait donc longtemps mais pas si longtemps que ça que le masculin est utilisé comme un neutre. Ou, pour le dire avec une formule horrible qu’on a entendu en cours, que le masculin l’emporte sur le féminin.

On dirait que je pinaille mais ça a un impact dans nos inconscients collectifs. Aujourd’hui on écrit :
Les candidats et les candidates sélectionnés.

Alors que la règle de proximité nous ferait écrire : les candidats et les candidates sélectionnées.

On écrit aussi sans trop de peine (même si ça pique un peu plus) :

Les avis et les opinions exprimés.

Mais on se sent tout de suite beaucoup plus mal à l’aise d’écrire :

Jean et ses 40 soeurs sont beaux.

Là, on sent bien que c’est bizarre. Alors pour l’éviter on se contorsionne, on évite de faire cette phrase. Mais pourquoi ? 

Si le masculin est neutre pourquoi a-t-on tant de mal à dire que Jean et ses soeurs sont beaux ?

Il faut se rendre à l’évidence : nous n’arrivons pas à assimiler totalement le masculin à du neutre.

C’est d’ailleurs pour cette raison que la loi nous impose de faire un effort dans nos annonces.

Que dit la loi sur les annonces ?

Voilà ce que nous dit le site du ministère du travail :Il en est de même en ce qui concerne le sexe. Nul ne peut ainsi mentionner ou faire mentionner dans une offre d’emploi le sexe ou la situation de famille du candidat recherché. 

Cette interdiction est applicable pour toute forme de publicité relative à une embauche et quels que soient les caractères du contrat de travail envisagé. 

L’offre doit donc être rédigée de façon à faire apparaître clairement qu’elle s’adresse indifféremment aux hommes et aux femmes. Ainsi, par exemple « Cadre H/F » ou « Employé(e) ». Pour plus de précisions, on peut se reporter à la fiche »L’égalité professionnelle homme-femme ».

Remarquons que le texte est à la fois précis et vague. Commençons par le vague : il n’y a que deux moyens proposés pour rédiger une annonce qui s’adresse indifféremment aux hommes et aux femmes. Le première est la mention H/F, la deuxième est la parenthèse.

C’est pour ça qu’on a vu fleurir la mention H/F dans toutes les annonces. Parce qu’elle est explicitement citée. Certaines personnes sont même convaincues qu’il s’agit d’une mention obligatoire. Alors que pas du tout : c’est un simple exemple. La loi me laisse libre de neutraliser mon texte comme je veux. Elle précise bien qu’il s’agit d’un exemple. Elle m’impose de neutraliser le genre mais elle ne m’impose pas le comment.

D’ailleurs, le paradoxe c’est que beaucoup d’entreprises utilisant la mention H/F sont en réalité probablement dans une zone ambigüe de la légalité. Pourquoi ? Parce qu’elles se contentent de le mettre dans le titre. Puis, ensuite c’est open bar : comme je l’ai mis dans le titre, je ne le mets plus. Or, la loi dit bien que l’offre doit être rédigée de manière à s’adresser indifféremment aux hommes et aux femmes. Elle ne dit pas explicitement que c’est le titre seulement qui doit le faire. Il y a donc matière à interprétation.

En revanche, je trouve que le texte est également précis. En effet, les exemples retenus sont très parlant. Le premier est le mot cadre. Or, il s’agit d’un mot neutre à l’écrit. On pourrait donc se dire qu’il n’y a pas besoin de faire l’effort de neutraliser. Pourtant, c’est l’exemple choisi. 

De même, l’exemple du mot employé(e) est suffisamment précis pour nous suggérer qu’on doit faire l’effort de féminiser les mots qui sont par défaut au masculin.

Il y a donc bien une obligation de faire un effort par rapport à la langue courante.

La guerre de l’écriture inclusive

Cette législation et d’autres discussions de société ont poussé les individus à proposer des solutions pour écrire de manière neutre. On a appelé cet effort l’écriture inclusive.

Alors attention : cette expression est très chargée politiquement au moment où je l’écris. Je ne vais donc plus l’utiliser dans le reste de l’article, une fois que j’aurais désamorcé les confusions les plus courantes à son sujet. Je me remettrai à dire féminiser ou neutralisermon texte, selon les cas.

L’écriture inclusive est un terme qui a malheureusement été agité par des politiciens réactionnaires pour jeter l’opprobre sur ce travail. Et, comme tout ce qui est touché par des politiciens et des médias, c’est devenu la foire d’empoigne. 

D’ailleurs, on peut observer l’impact de cette foire. En effet, en 2017, quand on sondait les français et les françaises sur l’écriture inclusive, 75% se disaient favorables (et 67% des hommes et 83% des femmes). Ce qui est intéressant dans ce sondage c’est qu’une grande partie n’avaient jamais entendu l’expression écriture inclusive. On a donc dû leur expliquer avant ce que c’était.

Ce sondage contraste très fortement avec celui de 2021. Cette fois, 63% des personnes se sont déclarées opposées à l’écriture inclusive. Avec toujours autant de personnes (41%) qui déclarent ne pas savoir ce que c’est.

En un quinquennat, l’opinion c’est dont totalement inversée sur le sujet. Nous avons d’ailleurs posé la question sur LinkedIn. Bien entendu, ce ne peut être considéré comme un sondage rigoureux. Mais la réponse nous a étonné :

Pour avoir déjà abordé le sujet en formation, je suis convaincu qu’une partie de l’opposition vient du climat politique mais que l’autre vient également de la caricature du sujet (qui en est une conséquence). Par exemple, énormément de personnes se disant contre l’écriture inclusive se diront pour les efforts d’écriture neutre ou même de féminisation des mots. Alors que c’est la même chose.

Pourquoi ? Parce que beaucoup de personnes confondent écriture inclusive et point médian. C’est-à-dire quelque chose comme : employé·e, employé·e·s, employé·es ou recruteur·euse·s

Alors que la mention H/F est de l’écriture inclusive. L’écriture inclusive est :

« un ensemble d’attention graphiques et syntaxiques permettant d’assurer une égalité des représentations entre les femmes et les hommes ».

Alors que beaucoup de gens utilisent déjà les parenthèses, depuis plus de 30 ans. Ça n’a rien de nouveau d’écrire employé(e). Et bien ça aussi c’est de l’écriture inclusive. Le point médian est un outil de l’écriture inclusive mais ce n’est pas le seul.

Il faut donc dépassionner le débat et se recentrer sur notre mission en tant que recruteurs et recruteuses. La loi nous impose de neutraliser nos annonces. C’est donc ce qu’on doit viser, peu importe le moyen.

Au-delà de la loi : une responsabilité professionnelle

Même si la loi ne nous imposait pas de neutraliser nos annonces, l’exemple du début nous montre l’importance de le faire. Quand on dit un chirurgien, un docteur, un ministre, on pense spontanément à un homme.

Or, quand nous écrivons une annonce, notre objectif est évidemment d’attirer les personnes indifféremment de leur genre. Rares sont les personnes à pratiquer consciemment de la discrimination. L’essentiel de la discrimination est véhiculée par nos erreurs inconscientes, nos biais cognitifs. 

Le problème c’est que la définition d’un biais inconscient c’est d’être inconscient. Donc même en demandant, la totalité des personnes répondront que ça n’influe pas sur elles. Moi le premier. Si on me demande mon instinct, je suis convaincu que ça ne change rien de mettre chirurgien ou alors chirurgien(ne). Mais en même temps… mon instinct il me convainc aussi que la Terre est plate. Je n’ai pas conscience d’être incapable de voir la courbure de la Terre à l’oeil nu. C’est pareil ici.

C’est pour ça qu’on a inventé la science : pour faire des expériences qui contredisent l’instinct.

En 2005, lorsque des métiers étaient présentés à des enfants en mentionnant explicitement les deux genres, les effets des stéréotypes de genre quand les enfants estimaient s’ils pourraient faire tels ou tels métiers étaient significativement réduits.

Quand on a présenté des métiers “masculins” à des petites filles en les présentant au masculin neutre, elles se sont auto-attribuées une moyenne de 10,8/20 d’aptitude dans ces métiers. Les métiers étaient entre autres : mathématicien, directeur commercial, mécanicien, informaticien, chirurgien (ah bah tiens).

On a ensuite présenté ces métiers à un autre groupe de petites filles en les présentant soit avec des parenthèses soit avec des slashs (ex : mathématicien(ne) et mathématicien/mathématicienne). 

Résultat ?

Cette fois, les petites filles se sont auto-attribuées une moyenne de 12,7/20. On a donc une amélioration significative de la perception juste en faisant ce petit effort de présentation.

Pour comparaison : le groupe de petits garçons, sur les mêmes métiers, s’est auto-attribué une moyenne de 18/20.
Une autre expérience, cette fois en anglais, a été réalisée dans les années 80. On a inventé de toutes pièces un nom de métier : wudgemaker

Cette fois, les petits garçons et les petites filles s’évaluent de la même manière sur ce métier imaginaire à condition qu’on utilise le pronom she, they ou he or she. Mais dès qu’on utilise le pronom he, les résultats s’effondrent chez les petites filles qui diminuent leur note de 23%.

L’impact d’un seul pronom est dingue.

La dernière expérience que je voulais te partager sur le sujet n’en est pas une à proprement parler puisqu’il s’agit d’une question annexe à un sondage. Elle n’a donc pas été soumise au protocole scientifique, contrairement aux deux précédentes. Mais elle nous éclaire néanmoins :

Pour illustrer les conséquences de l’utilisation de l’écriture inclusive, l’organisme sondeur a également posé des questions ouvertes aux interrogés. Trois questions étaient déclinées en trois formulations différentes.

1 – Un premier tiers de personnes entendait des questions genrées, utilisées habituellement, comme“pourriez-vous citer deux présentateurs du journal télévisé”.

2 – Un deuxième tiers une question à formulation inclusive, soit“pourriez-vous citer deux présentateurs ou présentatrices du journal télévisé”.

3 – Enfin, le troisième tiers dut répondre à des questions dites“épicènes”, soit dénuées de genre, comme“pourriez-vous citer deux personnes présentant le journal télévisé.”

Les réponses montrent que la formulation habituelle(1) favorise le choix d’animateurs masculins : seuls 41% des répondants citent spontanément une femme présentatrice. Ce chiffre  passe respectivement à 42%  et 51% pour les questions 2 et 3.

En d’autres termes, utiliser une formulation dénuée de tout genre (ex : une personne qui présente le journal) permet d’augmenter significativement le nombre de personnes qui citent spontanément au moins une femme.
Pouvons-nous vraiment rester insensible à ces effets, quand une partie de notre métier consiste à attirer des candidatures via des textes (des annonces) ?

Est-ce vraiment professionnel d’ignorer totalement le sujet une fois qu’on en prend conscience ?

Mais c’est compliqué !

Oui. Je ne veux pas me placer en donneur de leçon. C’est dur. Moi-même dans mes articles je n’ai pas toujours fait l’effort.

La langue française est genrée. Et elle n’a pas de troisième genre qui serait le genre neutre. Ça nous met donc face à un défi. Moi-même j’ai mis du temps à produire du contenu de formation sur le sujet car toutes les sources dont je disposais étaient anglo-saxonnes.

Il y a par exemple un outil qui s’appelle textio et qui permet d’analyser si une offre d’emploi utilise un langage qui va attirer davantage les hommes que les femmes. Mais ça ne fonctionne qu’en anglais.

Or, en français, la tâche est bien plus compliquée puisqu’il y a la question du genre des noms.

C’est dur.

Certaines solutions ralentissent la lisibilité. On ne peut pas nier que le point médian pose un souci de lisibilité notamment pour les personnes dyslexiques ou illettrées. Mais, encore une fois, le point médian est une arme parmi les autres dans l’arsenal. Nous sommes donc libres de l’utiliser ou non.

L’important c’est de mener l’effort de neutralisation du texte. Sans jeter le bébé avec l’eau du bain.

Ça demande un effort. Moi-même ça a été mon frein principal si je suis honnête avec moi-même. Je me suis beaucoup dit que c’était par souci de lisibilité que je ne faisais pas d’effort. Puis un jour je me suis rendu compte que c’était surtout un souci d’écriture.

D’ailleurs, je remarque que nous savons très bien faire ce genre d’efforts quand il s’agit d’éviter de choisir entre le tutoiement et le vouvoiement quand on rencontre quelqu’un.

Je remarque également que nous savons nous contorsionner quand il s’agit d’utiliser le masculin neutre. Car, contrairement à ce qu’on peut penser, le masculin neutre demande aussi des contorsions. On a juste beaucoup plus l’habitude de les faire.

Au lieu d’écrire Jean et ses soeurs sont beaux on va écrire Jean est beau. Ses soeurs sont belles aussi. Ou encore Jean est aussi beau que ses soeurs. 

On arrive à trouver des solutions et je n’ai jamais vu personne se plaindre de cette contorsion : parce qu’elle nous paraît naturelle. On sent bien que ce serait une invisibilisation beaucoup trop grande du genre féminin que d’écrire Jean et ses soeurs sont beaux.

Quelques astuces pour féminiser et neutraliser nos annonces

Ceci étant dit, comment faire concrètement ? Voilà quelques astuces que j’ai trouvé dans un guide rédigé par l’institut national de la recherche scientifique québécois.

Astuce #1 | Pense et rédige de manière inclusive dès le départ

C’est un principe qui est connu des personnes qui essaient d’apprendre une langue : il vaut mieux essayer de penser dans la langue d’arrivée plutôt que de penser dans sa langue maternelle puis essayer de traduire. C’est pareil ici : il vaut mieux penser d’emblée l’annonce en intégrant ce souci de neutralisation. Plutôt que de vouloir féminiser une annonce qu’on a écrit au masculin, il est plus facile et plus fluide de la créer directement en pensant neutralité.

Astuce #2 | Pense aux parenthèses

  • L’OQLF souligne que les parenthèses sont déjà couramment utilisées dans la formulation des doublets abrégés. Elles le sont également pour introduire une alternance possible entre le singulier et le pluriel (ex. : Cochez le(s) critère(s) correspondant à votre situation.). 
  • Y recourir pour exprimer une alternance entre le féminin et le masculin est donc une extension d’emploi logique.

Je fais le même constat : je vois cet usage depuis que j’ai l’âge de lire. Si tu te sens davantage à l’aise avec cette manière de faire, c’est également une manière de neutraliser.
Certes ce n’est pas parfait car ça envoie symboliquement le message que le féminin est entre parenthèses. Mais il vaut mieux un effort imparfait que de ne rien faire parce que la solution plus lourde te braque.

C’est d’ailleurs, un des deux exemples proposés par le ministère du travail : employé(e).

Astuce #3 | Utilise des noms collectifs ou des noms de fonction

Par exemple le personnel plutôt que les employés. La direction plutôt que le directeur ou la directrice. Ou encore : assemblée, communauté, corps professoral, public

Astuce #4 | Utilise le mot personne

C’est probablement l’astuce que j’utilise le plus souvent. Je l’ai utilisé dans le texte de cet article. Par exemple les personnes qui recrutent plutôt que les recruteurs et les recruteuses.

Ou alors la personne que nous allons retenir pour ce poste sera qualifiée…

Cette astuce à l’avantage de réintroduire du féminin neutre dans le texte. En effet on peut dire d’un homme qu’il est une personne douée sans que ça sonne bizarre. Du coup, utiliser un féminin neutre permet de compenser pour les moments où on va utiliser un masculin neutre. 

Astuce #5 | Pense aux adjectifs neutres à l’écriture

Par exemple l’adjectif apte est neutre à l’écriture alors que l’adjectif qualifié doit s’accorder.

De manière générale, il faudra essayer de trouver des synonymes aux adjectifs qui finissent en é. 

Astuce #6 | Voilà une liste de pronoms neutres

On, personne, quiconque, plusieurs, n’importe qui, nul, tout le monde, chaque…

Par exemple, j’utilise énormément le “on” pour ne pas avoir à utiliser un mot genré.

Quand j’ai écrit plus haut

On a ensuite présenté ces métiers à un autre groupe de petites filles 
ça m’a permis d’éviter d’écrire  :

les chercheurs et les chercheuses ont ensuite présenté ces métiers à un autre groupe de petites filles.

Astuce #7 | Préfère la voix active à la voix passive

De manière générale, les textes écrits à la voix actifs sont préférables dans les annonces car ça véhicule plus spontanément une énergie. Mais ça nous aide de surcroit pour notre sujet de neutralisation du genre du texte. En effet, la voix passive va t’obliger à rajouter un accord.

Par exemple, à la voix active tu vas écrire :

On invite les candidat(e)s à postuler.

Alors qu’à la voix passive il faudrait écrire :

Les candidat(e)s sont invité(e)s à postuler.

On voit bien que la voix passive te rajoute un accord de plus et donc un effort de plus (ici j’ai choisi les parenthèses mais ça serait pareil avec un point médian ou un doublet).

Astuce #8 | Pense aux doublets

C’est également une des armes que j’utilise le plus fréquemment. Quand j’écris les recruteurs et les recruteuses c’est un doublet.

Pareil pour les candidats et les candidates.

Astuce #9 | Répéter le H/F tout au long du texte

J’aurais plus de mal à le faire, à titre personnel, car je n’ai jamais aimé cette mention. Mais je me dis que quelqu’un qui a eu l’habitude d’utiliser cette mention pourrait être davantage à l’aise à l’utiliser tout au long du texte. Et pas seulement dans le titre.

Accepte de débuter et de progresser

J’ai remarqué qu’un des plus grands obstacles de la formation était la sensation de se sentir jugé·e. Ou, pire encore, la sensation d’impuissance. Alors on abandonne avant d’essayer et on se réfugie derrière une opposition. 

Moi le premier. Au début j’étais plutôt réticent à utiliser le point médian dans mes écrits. Puis, un jour… j’ai tout simplement essayé. C’était dur : mais moins que ce que je pensais. Puis, au fur et à mesure j’ai développé plein de stratégies de contournement et j’ai intégré le point médian à mon arsenal. Mais c’est surtout les doublets qui ont changé ma pratique. Le fait d’écrire et dire recruteurs et recruteuses.

Un jour, j’ai reçu un email d’une personne qui me disait qu’elle avait suivi une de mes formations et qu’elle avait été très marquée par le fait que j’utilise les doublets. Que quand elle entend pour être un bon négociateur elle a du mal à s’identifier à cette discipline qui est stéréotypée masculine. Alors que quand on dit pour être un bon négociateur et une bonne négociatrice ça lui insuffle direct un bol de confiance.

Est-ce que ça me demande un effort d’utiliser les doublets en formation ? Oui. 

Mais quand je vois l’impact que ça peut avoir sur une personne, je ne peux pas négliger la question en mon âme et conscience.

L’idée ce n’est pas de me comparer aux autres et me désespérer de mon niveau dans la discipline d’écriture neutre.

L’idée c’est de faire mieux que ce que j’ai fait la semaine précédente. Chaque personne à son rythme.

Un peu c’est mieux que rien

J’insiste sur ce point depuis le début parce que c’est fondamental. Je peux comprendre que certains outils de l’écriture neutre te rebutent si tu débutes. En revanche, il n’y a pas d’excuse pour en pas faire le moindre effort. On ne peut pas se contenter d’utiliser un masculin neutre quand on voit les effets que ça a sur l’audience. 

Tu vois, là j’ai écrit audience plutôt que candidats et candidates ou candidat·es : c’est l’astuce 4.

La bonne nouvelle c’est que ce n’est pas binaire : ce n’est pas tout ou rien. Les efforts de neutralisation du genre sont un spectre. Ton travail est de t’améliorer sur ce spectre, mais en partant de là d’où tu pars.

Je t’ai proposé quelques astuces pour le faire, mais moi-même je suis en plein apprentissage. J’en trouverai donc probablement d’autres. C’est pareil pour toi : l’écriture est un sujet très personnel, très intime, donc c’est à toi de t’approprier ta langue pour voir comment tu la nettoies. Peu importe comment tu la nettoies, l’important c’est d’avoir conscience de la nécessité de nettoyer.

Sinon, tu veux te former à l’écriture de tes annonces ?

Teste le parcours là-dessous 👇

Sources :

Ecriture inclusive : trois quarts des Français·e·s sont pour

L’écriture inclusive : parlons faits et science

Offre d’emploi et embauche : les droits du candidat

Guide de rédaction inclusive

Pourquoi il ne faut pas recruter sur la “motivation” ?

“Il est venu en entretien sans avoir lu le site, avant ! C’est la preuve qu’il n’est pas motivé. Il vient les mains dans les poches”

“Mais tu lui avais demandé de regarder le site ?”

“Bah non ! C’est quand même la moindre des choses de se renseigner un minimum sur l’entreprise avant de faire un entretien. Surtout quand on connaît le taux de chômage. Les gens devraient se bouger”

J’ai souvent cet échange (ou une variante) en formation. Il révèle une croyance bien ancrée chez les recruteurs et les recruteuses : la motivation est une variable à évaluer. Ou en tout cas un prérequis pour poursuivre la démarche de recrutement. On retrouve la même idée quand on dit :

“Je ne relance jamais mes messages d’approche. En effet, si la personne ne répond pas la première fois c’est qu’elle n’est pas motivée”

C’est encore plus flagrant dans le nom de certains outils : la lettre de motivation par exemple. Au point même que l’argument le plus récurrent soit dynamique et motivé.

On veut éviter les recrues qui ne s’investissent pas

Cette recherche de la motivation repose sur une idée légitime : on a en tête des personnes qu’on a recrutées et qui “traînaient de la patte”. Quand ça arrive c’est la tuile : une personne démotivée va nécessairement contre-performer.

J’enfonce des portes ouvertes.  

Pour autant, il ne faut pas commettre une faute de raisonnement. En effet, ce n’est pas parce que les personnes “démotivées” font de mauvaises performances que ça veut dire que les personnes “motivées” font de bonnes performances.

De la même manière que c’est pas parce que les athlètes qui mangent mal ne gagnent pas les Jeux Olympiques que les athlètes qui mangent sainement gagnent les Jeux Olympiques. 

Il suffit d’être démotivé pour livrer une mauvaise performance, mais ce n’est absolument pas nécessaire.

Il y a des personnes motivées en entretien et nulles à leur poste

Je connais une personne qui n’a jamais raté un entretien dans sa vie. Elle en a fait plus d’une vingtaine et à chaque fois c’est un carton plein. Les recruteurs veulent qu’elle commence au plus vite. Parfois, on change même les conditions d’embauche spécialement pour elle tellement elle génère de l’enthousiasme.

Mais, une fois en poste, elle se lasse vite et postule à un autre job. Ce qui fait qu’elle reste rarement plus de 6 mois dans un endroit.

Elle est l’illustration d’un principe qu’on oublie trop souvent : le bon candidat n’est pas nécessairement la bonne recrue.

Candidat n’est pas un métier. Mais certaines personnes sont naturellement douées dans l’exercice. Sans que ça présage de leur niveau en poste.

C’est d’ailleurs mon cas : je pense que si vous me donnez un temps de préparation suffisant je peux rentrer dans n’importe quelle entreprise. Parce que, justement, je sais comment lire les sites et utiliser l’information pour me démarquer. Je sais comment faire la bonne blague au bon moment. Je sais envoyer un message après l’entretien pour passer pour quelqu’un qui fait du suivi (alors que je suis, en temps normal, incapable de gérer mes emails).

Ce qui est terrible c’est que beaucoup des personnes qui me disent qu’elles éliminent les candidat·es pas assez motivé·es sont, en même temps, conscientes que la motivation ne présage pas de la performance.

J’ai formé plusieurs entreprises avec des marques commerciales qui font rêver le grand public où on m’a dit : c’est une horreur, on a plein de personnes qui postulent parce que la marque fait rêver. On les prend car en entretien elles sont très motivées. Mais ensuite c’est la désillusion quand elles se rendent compte que c’est pas parce qu’on est Nintendo qu’on vient au bureau déguisé en Mario.

(J’ai changé l’entreprise pour l’anonymat. Nintendo n’a jamais travaillé avec moi. Bien que ça soit une de mes entreprises préférées.)

Ce qui est fou, c’est que ce sont les mêmes personnes qui, plus tard dans la journée de formation, vont me dire qu’elles éliminent un candidat qui ne montre pas assez patte blanche de motivation.

C’est paradoxal.

Nous avons conscience que les meilleurs dragueurs ne font pas forcément les meilleurs partenaires de vie, mais nous ne pouvons nous empêcher de juger sur ça au premier contact. Probablement parce que nous sommes flatté·es quand on nous drague et que ça nous vexe quand quelqu’un nous dit qu’il ne connaît pas notre marque.

Alors, inconsciemment, on favorise les personnes qui affichent le plus de motivation.

Mais… la motivation sur la base de quoi ?

Le décalage entre la marque employeur et la réalité

95% des entreprises avec qui je travaille n’ont pas vraiment de marque employeur : c’est la marque commerciale qui s’y substitue. Sans compter que les sites corporate sont souvent très mal faits, rébarbatifs et incompréhensibles.

C’est d’ailleurs pour ça que les candidat·es n’aiment pas y aller : ils se ressemblent tous et n’apportent pas de réelle information. Mais admettons. Imaginons un site employeur qui donne vraiment de l’information.

Quelque chose comme sait faire Welcome To The Jungle.

C’est précieux, je ne le nie pas. Cependant ça ne permet pas vraiment de savoir à quoi ressemblera son quotidien. Même si on faisait le site parfait, on couvrirait à peine 10% de la réalité.

Parce que certaines choses ne peuvent se comprendre qu’en les vivant. Par exemple, sur notre site à nous nous avons plusieurs valeurs. L’une d’elle s’appelle “dis les choses”. En gros, c’est l’idée que l’on préfère toujours le fond à la forme, la franchise à la diplomatie. C’est un choix culturel comme un autre. D’autres entreprises préfèreront la diplomatie et heureusement.

D’expérience c’est une de nos particularités les plus choquantes pour les recrues qui débutent chez nous. D’un coup, les nouveaux entrants se retrouvent entourés d’autres personnes qui se disent tout, dans un langage souvent fleuri (comme dans la vraie vie). Pire, on leur demande de s’exprimer franchement. C’est quelque chose dont la plupart n’ont pas l’habitude. Nous avons plutôt appris à marcher sur des oeufs quand on parle. Sinon on se fait gronder.

Chez nous, c’est l’inverse, on te gronde si tu parles en langue de bois. C’est écrit sur notre site, je l’explique en entretien. Pour autant, au bout de 3 mois toutes les recrues me font le même retour : je ne m’attendais pas à ce que ça soit à ce point !

Je ne raconte pas ça pour en faire un modèle. Encore une fois : il n’y a pas de culture d’entreprise supérieure à une autre. Je raconte ça parce que c’est mon expérience la plus révélatrice de ce phénomène de décalage entre ce qu’on perçoit de l’extérieur et ce qu’on vit à l’intérieur.

Sachant cela, la motivation d’une personne candidate est forcément biaisée. Parfois, on reçoit des candidatures de personnes très motivées à nous rejoindre. Souvent, cette motivation repose sur une idée erronée de ce qu’est notre quotidien.

Voilà pourquoi il y a peu de lien entre la motivation en entretien et la performance en poste. Parce que cette motivation repose sur l’image qu’on se fait du quotidien dans l’entreprise et non sur la réalité.

J’en arrive donc à la nuance essentielle de cet article : c’est la motivation à l’entrée qui est une information inutile, selon moi.

En effet, si on prend deux personnes en poste depuis 6 mois et qu’on évalue leur motivation à se lever le matin pour faire leur job, il est évident qu’on va trouver un lien entre cette motivation et la performance.

Ce que je dis c’est que ce n’est pas vrai en ce qui concerne la motivation à l’entrée, celle qu’on a avant même de commencer.

La motivation à l’entrée ne présage pas de la motivation ensuite

Voilà le calcul implicite que l’on fait quand on cherche à évaluer la motivation en entretien : on se dit qu’il vaut mieux que une personne A qui commence à 100 unités de motivation plutôt qu’une personne B qui commence à 30. Parce que, comme ça, quand la lune de miel du début finira et qu’elles perdront 30 unités, la personne A sera toujours à 70 alors que la personne B sera déjà démotivée, à 0.

Sauf que ça ne marche pas comme ça. Certaines personnes commencent neutres avec une motivation basse, puis sont totalement motivées 6 mois après. Certaines personnes commencent avec une motivation au plafond puis se heurtent à la désillusion. 6 mois après elles veulent partir.

J’aurais même tendance à dire qu’une personne trop motivée à l’entrée présente forcément ce risque de désillusion.

Voilà la seconde erreur de raisonnement : croire que l’évolution de la motivation est un phénomène linéaire et homogène. Alors que c’est un phénomène complexe et erratique.

Combien de fois a-t-on vu un candidat tellement motivé qu’il est prêt à faire 1h30 de transport tous les matins pour nous rejoindre. Puis… au bout d’un mois s’en mord les doigts. Encore une fois : le décalage entre ce qu’on projette et la réalité. 

On confond motivation et désespoir

Combien de fois ai-je entendu dire : ce n’est pas grave si notre site carrière est mal fait, ça permet de trier les plus motivé·es.

Ou alors en version blague : bon, le site est vraiment pas ergonomique mais au moins les personnes qui arrivent jusqu’à la fin on sait qu’elles sont motivées.

Ce à quoi je pourrais répondre et alors ? Quel est le lien entre la motivation du début et la performance future ?
Mais c’est un peu brutal. Alors je réponds par une blague : tu vas garder les personnes les plus motivées ou les plus désespérées ?

Ce n’est qu’à moitié une blague : on a effectivement tendance à masquer nos dysfonctionnements par cet argument de la motivation. Comme si les personnes devaient en baver pour mériter leur place. Comme si le recrutement était une sorte de Koh Lanta géant par lequel nous sommes nous-même passés et donc exigeons que les autres passent.

Ce faisant, on oublie que la position de recherche d’emploi génère des sentiments de vulnérabilité. Parfois même d’humiliation. J’ai vu passer sur Twitter quelqu’un qui disait :

(Faire des CV vidéos je trouve que c’est l’humiliation ultime qu’a pu produire notre société contemporaine)

Que l’on soit d’accord ou pas il faut que l’on garde en tête que c’est comme ça que beaucoup de personnes le vivent. Il faut donc prendre garde à ne pas créer ce sentiment. En évitant cette posture où on exige de la motivation (alors que ça n’a pas de lien avec la performance) sans nous-même montrer notre “motivation” en tant qu’employeur. Nous ne faisons jamais exprès de générer cette sensation d’humiliation. Heureusement. Mais elle existe néanmoins. Malheureusement.

Mais revenons à notre sujet de la motivation.

On comprend mal la motivation

On pourrait écrire un livre entier sur le sujet (et d’ailleurs ces livres existent) mais nous allons nous limiter à quelques exemples.

En vérité, le mot “motivation” laisse penser que la motivation est une force interne, un trait de personnalité. Alors qu’une partie vient du contexte. Tout le monde a en tête quelqu’un qui était démotivé dans une école puis qui se métamorphose en changeant d’école ou en arrivant sur le marché du travail.

De même, la procrastination. Parfois on l’imagine comme étant de la fainéantise intrinsèque à l’individu. Dans ce cas, comment expliquer que les personnes qui procrastinent soient toutes molles jusqu’à ce que la date fatidique approche et d’un coup abattent des montagnes de travail en accéléré ?

Il en va de même sur la notion de récompense. Notamment notre rapport aux incitations financières. Voilà ce que nous raconte Dan Pink dans son Ted Talk sur le sujet :


“Dan Ariely, l’un des plus grands économistes contemporains, et trois de ses collègues ont effectué une étude sur certains étudiants du MIT. Ils ont donné à ces étudiants du MIT un tas de jeux. Des jeux qui impliquent la créativité, et la motricité, et la concentration. Et ils leur ont proposé pour leurs performances trois niveaux de récompenses. Petite récompense, moyenne récompense, grosse récompense. OK ? Si vous réussissez vraiment bien, vous recevez la grosse récompense, etc. Que s’est-il passé ? Tant que la tâche n’impliquait qu’un talent mécanique les bonus ont marché comme attendu : plus la paie était haute, meilleure était la performance. OK ? Mais dès qu’une tâche demandait un talent cognitif, même rudimentaire, une plus grosse récompense conduisait à de moins bonnes performances. “

Il enchaîne avec une nouvelle encore pire :


“Le mois dernier, juste le mois dernier, les économistes de la LSE ont examiné 50 études de systèmes de rémunération à la performance dans des entreprises. Voilà ce que ces économistes ont dit: »Nous avons trouvé que les incitations financières peuvent causer un impact négatif sur la performance globale. » “

En d’autres termes : la motivation est un phénomène complexe qui échappe à notre intuition. Sachant cela, nous devrions garder une prudence extrême (surtout quand on n’a pas eu de formation à la psychologique) et nous entraîner à ne pas surinterpréter ce qu’on observe comme étant de la motivation en entretien.

Mais, le phénomène qui a le plus changé ma vision du sujet est celui de l’inertie de la motivation. Je l’ai découvert dans le livre L’art subtil de s’en foutre.


“L’action n’est pas seulement l’effet de la motivation ; elle en est aussi la cause.”

“La motivation ne fonctionne pas uniquement comme une chaîne en trois étapes. 

Elle s’inscrit aussi dans un cycle sans fin : 

Inspiration → motivation → action → inspiration → motivation → action → etc. 

Les actions engendrant de nouvelles réactions émo-tionnelles et inspirations qui elles-mêmes motivent de nouvelles actions, etc., il s’agit donc de refaçonner son état d’esprit de la manière suivante : 

Action → inspiration → motivation”


En d’autres termes, la motivation vient en faisant. C’est la sagesse contenue dans le proverbe populaire : l’appétit vient en mangeant.

Il est important de l’avoir en tête : la motivation est le moteur de nos actions mais nos actions sont aussi le moteur de la motivation. 

Rédéfinissons la motivation

Bon… je viens de passer mon temps à expliquer pourquoi je pensais que la motivation était une variable hors propos. Mais il est temps de nuancer. En réalité, il est utile d’évaluer la motivation. Seulement, il faut le faire à deux conditions. La première étant de ne pas confondre motivation, enthousiasme et désespoir. La seconde étant de ne pas la voir comme quelque chose de facile à évaluer.

Si on reprend les exemples que j’ai pris plus haut, le souci est qu’on observe de l’enthousiasme et qu’on en déduit de la motivation. Ou alors on observe un manque d’enthousiasme initial et on en déduit de la démotivation.

Alors que la motivation qui nous intéresse est plutôt la résultante de l’adéquation entre les valeurs de l’entreprise, les caractéristiques du job et la personnalité de la future recrue.

(Sans compter qu’il existe des personnes qui sont motivées mais n’affichent jamais de l’enthousiasme. Orelsan est un bon exemple d’une personne qui a l’air toujours flegmatique mais qui pourtant est un monstre de travail. Son air fainéant n’est qu’un air)

Quelqu’un qui se retrouve immergé dans une culture d’entreprise qui n’est plus adaptée à sa personnalité peut subitement perdre toute motivation. Quelqu’un qui se retrouve à un poste où sa performance n’est pas au rdv, perdra également la motivation au bout d’un moment.

C’est d’ailleurs un phénomène étonnant quand on recrute. On prend une personne qui était en situation de surperformance à son poste, on l’embauche exactement au même poste chez nous et… elle est en sous-performance, voire en échec. À se demander si c’est la même personne.

Oui, c’est la même personne mais immergée dans un contexte différent.

Dans le livre l’entrevue structurée est proposé un modèle nommé KSAO pour l’évaluation des candidat·es. 
Knowledge (connaissances) Skills (compétences) Aptitudes (potentiel) Other (autres caractéristiques)

La motivation, dans ce modèle, est présente mais elle est dans le O, dans le “autre”. Elle y côtoie les traits de personnalités, les besoins et les valeurs.

On ne va donc pas faire l’impasse sur la motivation mais la resituer dans cet ensemble. La définir comme une adéquation, a priori, avec la culture de l’entreprise et non un enthousiasme pour la marque commerciale ou un enthousiasme à passer le process.

“la motivation par rapport à l’emploi offert (soit la congruence des valeurs, objectifs, intérêts et attitudes du candidat à la culture, au climat, aux objectifs et aux normes de l’organisation)” 

“Donc, pour comprendre la motivation du candidat à travailler efficacement, il faut connaître ses objectifs, qui dépendront de : – ses besoins,– ses valeurs et attitudes, – ses intérêts.”

Seule une promesse employeur correctement définie nous permettra d’évaluer efficacement cette motivation

On arrive au point final : si l’on veut analyser une motivation il faut qu’elle s’appuie sur quelque chose de solide. Ce quelque chose c’est notre culture, notre promesse employeur.

Plus cette promesse sera claire et plus la motivation des candidat·es se reposera sur quelque chose de fiable et pourra être évaluée correctement.

Ce qu’on doit évaluer ce n’est pas si la personne montre patte blanche, si elle a lu notre site alors qu’on ne lui a pas demandé. Ce qu’on doit évaluer c’est l’adéquation entre ses valeurs, ses besoins et notre culture. C’est donc toujours une comparaison. On ne se demande pas si la personne en face est une personne motivée, en soi. On se demande si ses valeurs, ses besoins et ses intérêts sont en phase avec notre culture et nos intérêts. De là émanera la motivation.

Quand je dis “notre culture” je veux bien dire la culture de l’entreprise et celle de l’équipe qui va intégrer la recrue et non notre culture personnelle ou celle de notre équipe. En effet, certains propos sur la “motivation” sont en réalité des jugements de valeur qui procèdent de notre propre culture personnelle. Or, on ne cherche pas à recruter quelqu’un avec qui le recruteur ou la recruteuse s’entend, on cherche d’abord à recruter quelqu’un avec qui la personne qui manage s’entendra.

Du coup, la question pour une prochaine fois c’est comment bâtit-on une promesse employeur claire ? Comment faire pour clarifier notre culture à quelqu’un qui y est encore externe ? 

J’ai une idée. Mais pour la développer il me faudrait un autre article ou bien, tu jettes un oeil à notre parcours.

J’ai tout mis dedans 🙂

15 raisons de venir à un événement #Tru

TruParis revient bientôt. C’est l’occasion de vous redire votre interêt à venir dans un événement #Tru (#TruParis, #TruLyon, #TruNantes, #TruLille, #TruMarseille, etc)

(D’ailleurs si tu hésites encore à prendre ta place pour le prochain #TruParis c’est vraiment maintenant ou jamais : il reste encore quelques places, au moment où j’écris cette phrase. Clique ici pour prendre la tienne)

Ces événements sont pour vous si vous vous reconnaissez dans la majorité des raisons qui vont suivre.

(Si vous ne savez pas en quoi consiste concrètement un #TruParis alors commencez par lire cet article)

Ceci étant dit, c’est parti.

1 | Tout le monde peut participer

C’est un événement profondément démocratique. La parole de chacun a exactement le même poids. Que tu sois directeur d’un cabinet de recrutement ou chargé de sourcing en alternance, tu auras droit à la parole. De la même manière.

D’ailleurs nous avons volontairement supprimé le concept du badge. Pas de badge, pas de manière de différencier les participants autrement qu’en jugeant leurs paroles.

Tout le monde discute à égalité : il n’y a pas de scène surélevée ou de micro pour les modérateurs. D’ailleurs les modérateurs ne sont pas des speakers. Ils sont là pour s’assurer que le débat s’enclenche (au début c’est toujours un peu dur) puis ensuite pour veiller à ce que personne ne soit empêché de s’exprimer.

2 | Tu ne t’ennuieras pas

Je trouve pas qu’elle s’ennuie, mais mon moteur de recherche d’images me donne ça quand je tape ennui…et ça m’a fait rire

Si tu t’ennuies alors nous avons échoué notre mission. C’est probablement ce qui nous tient le plus à coeur : te faire passer un bon moment.

On a tous vécu des conférences où on s’ennuie tellement que ça en devient physiquement douloureux. Ici, tout est fait pour que ça n’arrive pas.

Comment ? Tout d’abord en multipliant les sujets en parallèle. Ce qui te permet de changer de salle quand un sujet t’intéresse moins. Ensuite, en rédigeant des sujets qui donnent envie de débattre. Un sujet mal rédigé et c’est toute la session qui sera moins intéressante.

Mais surtout…en te donnant la parole. Si tu n’aimes pas la conversation en cours, tu peux la changer. Tu as un impact.

3 | Il y en a partout en France (pas qu’à Paris)

Pour rester crédible dans notre mission de donner la parole à tout le monde, nous développons le concept dans un maximum de villes.

Nous sommes évidemment limités par notre propre capacité : si ça ne tenait qu’à nous il y en aurait vraiment dans toutes les villes. Pour l’instant nous avons :

D’ailleurs, si vous voulez nous aider à organiser un événement dans votre ville, il suffit de nous faire signe. On s’appuie systématiquement sur des organisateurs locaux.

Un peu comme une franchise.

4 | Ce n’est pas un événement commercial

Apparemment un commercial ça ressemble à ça, selon ma banque d’images

Parce que nous voulons protéger la qualité des discussions, nous sommes intransigeants : personne n’est là pour imposer un discours commercial.

Ça ne veut pas dire que les discussions ne mènent jamais à des opportunités commerciales ensuite. Bien au contraire. Ça ne veut pas dire que si on vous demande pour qui vous travaillez, vous devez avoir honte de le dire. Bien au contraire. Ça ne veut pas dire qu’on pense que l’argent est sale. Bien au contraire. Nous ne sommes pas une association non-lucrative mais bien une entreprise nous aussi.

Simplement, on cherche à créer un espace de discussion protégé pendant les sessions. Ce qui n’empêche pas de discuter entre chaque session. D’ailleurs, nous faisons nous-même notre propre publicité et celle de nos sponsors au tout début.

L’équilibre est subtil mais la plupart du temps les participants y arrivent sans difficulté.

5 | Pour les recruteurs, par les recruteurs

Cet événement est conçu pour les recruteurs par des recruteurs (ou au moins des anciens recruteurs). Ici, il ne s’agit pas de discuter de concepts managériaux ou du futur du recrutement. Ce n’est pas un événement conçu pour les dirigeants. Ce qui ne veut pas dire qu’on ne veut pas en voir à l’événement. Bien au contraire.

En revanche, les recruteurs sont mis à l’honneur : la parole est à eux, les sujets sont les leurs.

6 | Tu rencontreras/retrouveras tes pairs

Parfois je désespère. J’ai tapé « pair », il a compris « poire ». Donc tant pis pour vous : vous aurez une photo de poire

Tout ceci afin d’obtenir cet effet communautaire. Tu n’es pas seul. Tu n’es pas seule. Tu fais partie d’une communauté de recruteurs.

Ce n’est pas transposable à l’écrit mais crois-moi : rencontrer des pairs a toujours un effet bénéfique. Le recrutement est un métier qui fait facilement ressentir de la solitude.

Ici, tu verras que tout le monde vit les mêmes problèmes que toi. Tu n’es pas fou. Tu n’es pas folle. Les autres traversent les mêmes choses.

7 | Tu trouveras du soutien chez tes pairs

In fine, voici l’effet le plus souhaitable : se sentir soutenu par les autres. Sentir que les recruteurs sont une corporation au sens positif du terme. Sentir qu’il est possible d’être passionné de recrutement. Que le recrutement n’est pas forcément une étape pour faire autre chose ensuite.

Tu vas rencontrer des passionnés de recrutement. Des fous qui peuvent te parler d’un temps que les recruteurs de moins de 20 ans ne peuvent pas connaître.

Tu vas même rencontrer des experts en sourcing. Oui, oui. Des gens de plus de 15 ans d’expérience et qui te parlent de sourcing avec les étoiles dans les yeux comme d’autres te parlent d’art ou d’histoire (coucou Guillaume).

Tu verras qu’on peut s’épanouir dans ce métier.

8 | Tu te tiendras à jour des pratiques des autres recruteurs

Parce que le dire en anglais c’est so startup nation

Se confronter aux autres recruteurs te permettra de te tenir à jour sur les pratiques. Et surtout : ça permet la remise en question.

Y’a toujours des scènes cocasses dans cet événement. Quelqu’un dit « il est impossible de faire A dans un grand groupe ». Puis une autre lui répond « bah moi je fais A et je travaille dans le grand groupe directement concurrent au tien ».

Les certitudes se brisent.

Ou alors quelqu’un dit « il est évident qu’il faut faire B ». Puis toute la salle répond « surtout pas ». Le débat s’enclenche. Toujours dans la bienveillance. Même quand on a 40 personnes qui sont en contradiction avec une seule.

Pour revenir à mon sujet initial : il n’y a que deux types de réactions possibles à #TruParis. Soit tu te rends compte que tu es beaucoup moins en retard que ce que tu pensais et qu’en fait tu es même en avance sur le marché. Soit tu te rends compte que les autres ont les mêmes galères que toi.

9 | Tu pourras comparer les expériences

Allégorie du proverbe « on ne compare pas des pommes avec des oranges »

Les recruteurs viennent de tous les secteurs, tous les types d’entreprises, toutes les catégories. Un consultant en recrutement en cabinet ne fait pas exactement le même métier qu’un RH généraliste qui fait du recrutement.

C’est cet arc-en-ciel qui fait la richesse des échanges. Il permet de voir les points communs : ce qu’on peut transposer chez nous. Mais il permet aussi de voir les différences.

Parfois se rendre compte qu’on croyait s’épuiser dans le métier de recruteur. Alors qu’en fait on a juste besoin de changer de type de recruteur. Parfois on a besoin de passer de recruteur en cabinet, à recruteur en interne. Parfois on a besoin de passer de recruteur dans une multinationale à recruteur indépendant. Etc.

C’est le moment de profiter d’avoir autant de gens différents rassemblés pour poser des questions et nouer des contacts avec des recruteurs d’autres mondes.

10 | Tous les sujets sont abordés

C’est l’avantage de cumuler autant de sujets en parallèle : on peut couvrir l’ensemble des sujets du recrutement. Alors…évidemment quand je dis « tous », on se comprend. Il est impossible de couvrir tous les sujets.

Mais on en couvre une énorme partie. D’ailleurs il est impossible d’assister à tous les sujets. Dans un #Tru, tu es limité par ton incapacité à te dupliquer. Si on prend le prochain #TruParis par exemple : il y a 8 sujets en parallèle à chaque heure. Pendant 6 heures. Ce qui fait donc 48 sujets. Pour faire un peu des 48 sujets il faudrait donc passer 7 minutes sur chaque sujet, et changer de salle en 30 secondes. Impossible.

Et, même là, tu n’aurais vu qu’un tout petit bout de chaque sujet.

11 | Il n’y a pas de langue de bois

Nous faisons la chasse à la langue de bois. Parle clairement et simplement. Par respect pour toi, par respect pour les autres. Tu verras : c’est tellement plus agréable un endroit où on parle comme des humains normaux.

Ne serait-ce que pour nous prémunir de l’ennui : la langue de bois a tendance à meubler. Si tout le monde s’exprime en allant droit au but, tout le monde y gagne en lisibilité.

12 | Tu peux dire tout ce que tu veux

Tu peux parler de tout ce que tu veux. On ne t’empêchera pas d’avoir un avis, on ne t’empêchera pas de le donner. Bien au contraire. Il n’y a pas de sujet tabou, il n’y a pas de discussion impossible.

Alors…bien entendu…pour que les discussions soient intelligibles, il faudra trouver une manière de le rattacher au sujet de base. Et encore que…parfois des discussions sans aucun rapport avec le titre initial émergent.

Ne te censure pas, ne te limite pas. Après, je rappelle que la liberté d’expression n’est jamais unilatérale.

Ne sois donc pas comme tous ces gens qui prennent position puis pleurent qu’ils ne peuvent pas s’exprimer car ils reçoivent de la contradiction. La liberté de s’exprimer vaut aussi pour tes contradicteurs.

13 | Tu y trouveras une bouffée d’oxygène

Ne cherche pas trop loin, je suis fatigué : moi l’oxygène ça m’évoque les bouteilles de plongée. Et les bouteilles de plongée ça fait le bruit de Dark Vador

Notre but est de te rebooster. Recharger ta batterie. Te donner une bouffée d’oxygène. Je crois que tu as compris la métaphore ?

Pour toutes les raisons précédentes, tu dois et tu vas repartir regonflé à bloc (promis c’est la dernière métaphore).

14 | Tu repars avec des idées directement applicables

Si tu écoutes correctement, tu devrais repartir avec des idées à appliquer dès le lendemain. Quand j’étais recruteur et que je venais à #TruParis, je repartais toujours avec au moins une astuce à essayer dans mon quotidien.

Je ne dis pas que ta vie va être révolutionnée. Mais ce bouillonnement intellectuel va forcément ricocher dans ta pratique.

15 | Tu repars plein de frustration

Étrange de nommer la frustration comme un point positif ? Et pourtant c’est principalement ce que nous vendons. Tout cet événement est organisé autour de la frustration.

Plusieurs sujets en parallèle : impossible de tous les faire. Une durée incompressible : quand le temps imparti est écoulé la discussion s’arrête. Même au milieu d’une phrase.

Comme là maintenant si je…

Ceci est un troll.

#TruParis revient mardi 16 avril 2019

Comme chaque année depuis 8 ans, #TruParis revient sur vos écrans.

Comme chaque année depuis 8 ans, le maître mot sera l’empouvoirement. C’est l’objectif principal de cet événement : donner la parole aux recruteurs et leur transmettre cette puissance intérieure qui permet de changer les choses. Une sorte de recharge géante de votre batterie.

Pour les recruteurs, par des recruteurs.

Un des retours d’expérience les plus fréquents est « ah, ça fait du bien de voir que je ne suis pas seule ». Il y a quelque chose de libératoire dans la sensation de faire partie d’une communauté.

« Pourquoi vous organisez cet événement ? »

Parce que nous croyons profondément que la parole de chacun mérite d’être entendue. Voilà pourquoi ce n’est pas une conférence. C’est un événement démocratique où un DRH avec 20 ans d’expérience n’a pas plus de légitimité qu’un stagiaire. Il n’y a d’ailleurs pas de badge pour les différencier.

Tout ceci en accord avec notre mission. Nous nous levons tous les matins dans le but de donner de la fierté aux recruteurs et aux recruteuses. Comme notre nom l’indique, nous le faisons principalement par l’enseignement mais…

L’enseignement descendant ne suffit pas à rendre autonome, fier. Si nous voulons être crédibles dans notre mission, il nous faut un espace où n’importe quel recruteur peut prendre la parole. Un moment où on discute entre pairs et non de sachant à apprenant.

Ça a une autre conséquence : nous ne pouvons pas nous limiter au microcosme parisien. Nous coordonnons donc le concept dans les principales villes de France : Lyon, Lille, Nantes, Bordeaux, Marseille… Mais c’est un autre sujet.

(La liste complète est ici : https://lecoledurecrutement.fr/evenements/)


Je dis « nous » mais en vrai nous sommes épaulés par des organisateurs qui sont des recruteurs bénévoles qui donnent de leur temps pour la communauté : Jean-Marie Caillaud, Guillaume Alexandre, Arnaud Pottier-Rossi, Laurent Cebarec.

On les remerciera jamais assez : vous les verrez pendant l’événement.

Nous recevons également la confiance (ça veut dire l’argent) d’Expectra, Yatedo et Yaggo qui soutiennent cet événement et qu’on ne remerciera pas suffisamment non plus !

« Qu’est-ce que vous me promettez ? »

De la frustration. Oui, oui…de la frustration. Nous considérons que la mission est remplie si et seulement si vous ressortez frustré de #TruParis. Tout est construit dans ce sens :

  • 8 sujets en parallèle à chaque instant
  • un chronomètre intransigeant : quand c’est fini, c’est fini…même si on était au milieu d’un sujet
  • la possibilité de naviguer entre les salles

Soyez donc prêt à recevoir un bouillon d’énergie. Nous aurons échoué si vous passez une seule seconde à vous ennuyer. Voilà pourquoi nous déployons tous nos efforts à vous protéger de la langue de bois et des démonstrations commerciales.

Pas de speakers, pas de slides, pas de badges.

Pas de speakers : tout le monde a le droit de prendre la parole. Ce n’est pas un événement où un sachant partage sa connaissance toute-puissante avec les autres mais un forum, où la parole de chacun participe à l’apprentissage de tous.

Pas de slides : seul l’échange d’idées compte. #TruParis est un événement garanti sans powerpoint qui va vous endormir. Seules les discussions entre les participants permettent de développer le sujet évoqué lors de la session.

Pas de badges : chaque parole a la même valeur. Que vous soyez stagiaire ou directeur du recrutement, ce que vous dites sera entendu par tous et perçu de la même manière.

De manière évidente, si vous cherchez un contenu descendant ou une formation à proprement parler : #TruParis n’est pas fait pour vous.

Mais ne soyez pas intimidé : on ne va pas pour autant vous forcer à prendre la parole. Vous pouvez venir et ne rien dire. Observer comme une petite souris et apprécier. La parole libre ça veut aussi dire la liberté de ne pas parler.

« D’accord mais c’est très conceptuel. Dis-moi concrètement ce que c’est »

Comment se passe concrètement une journée à #TruParis ?

Minute papillon ! J’y viens, j’y viens…

La journée commence par un petit café/croissant… On cherche des têtes connues, on se plonge dans le programme en encerclant les sujets qu’on a repéré sur le site www.truparis.com avant de venir, et auxquels on veut participer en priorité.

Après quelques small talks sur les galères de la ligne 1 ou du RER, celles pour arriver à bon port en plein coeur de La Défense, sur le mois d’avril où l’on ne peut pas se découvrir d’un fil… ouf ! le coup de sifflet marque le « vrai » début de la journée.

Là, on explique les fondamentaux des #Tru (pas de speaker, pas de slides, etc. ). On vous présente les Gentils Organisateurs, qui ont mis plein d’énergie et de bonne humeur à vous concocter une journée inoubliable, et tous ceux qui contribuent d’une manière ou d’une autre à rendre cette journée possible.

Puis… petite surprise ! Je n’en dis pas plus, venez et vous verrez !

A 9h30 vous serez sur les starting blocks pour vous lancer enfin dans les sessions. C’est parti pour 3 sessions (de 8 sujets) consécutives de 50 minutes. Donc 24 sujets.

Les 8 premiers sujets

Pause déjeuner à 12h30 (parce qu’il paraît qu’il faut manger), puis c’est reparti pour 3 nouvelles sessions jusqu’à 17h.

Si vous voulez vraiment plus de détails vous pouvez en trouver directement sur le site de #TruParis : http://www.truparis.com

« Qu’est-ce que je gagne à venir ? »

De l’énergie, de l’inspiration, de la stimulation intellectuelle.

Vous trouverez forcément des sujets pour vous.
Avec 48 sujets abordés tout au long de la journée, vous pourrez toujours participer à une session dont le sujet vous parle.

D’ailleurs, pour voir le programme complet de cette année, c’est ici.

Vous êtes libre de changer d’avis.
La discussion en cours ne vous parle pas ? Le sujet est moins intéressant que vous ne le pensiez initialement ? Pas de souci, les espaces de discussion sont ouverts et vous pouvez passer de l’un à l’autre en toute liberté sans vexer personne.

Vous avez le droit de ne pas être d’accord.
On a tous vécu ce moment en conférence où l’on n’est pas nécessairement 100% en phase avec ce qui est dit. À #TruParis, vous êtes libre de dire ce que vous pensez. Personne ne vous en voudra, on vous encouragera même à le faire.

Mais surtout…

Vous en ressortirez regonflé à bloc.
Il y a quelque chose de cathartique à voir que nous ne sommes pas seuls. On se rend compte que les autres ont les même problèmes que nous.

« C’est bien mais en même temps tu es dans l’équipe d’organisation…tu vas pas me dire que c’est nul »

Certes, certes…alors pourquoi ne pas regarder ce qu’en disent d’autres recruteurs ?

(Oui…des recruteurs et des recruteuses parlent dans cette vidéo, ne vous fiez pas à la miniature avec ma tête hébétée)

« Pourquoi je bloquerais une journée de productivité pour venir ? »

C’est une excellente question. Ce serait prétentieux de prétendre que le choix est évident. En revanche, je pense que s’arrêter de produire revient à mettre de l’essence dans sa voiture. On ne peut pas le faire tout le temps. Mais on ne peut pas non plus ne jamais faire d’essence. Même si on est très pressé.

Il en va de même avec sa veille professionnelle. Il est vital de prendre de la hauteur de temps en temps sur son métier pour ne plus avoir la tête dans le guidon.

Alors dans ce cas pourquoi ne pas aller à une conférence descendante ? Parce qu’il est important d’aller au contact de ses pairs. Les bonnes conférences sont très enrichissantes. Mais, personnellement, j’ai toujours la même frustration : j’aimerais avoir plus le temps d’échanger avec les participants entre chaque session. Et bien ici c’est une sorte « d’entre deux conférences » géant. On y vient pour l’énergie, pour apporter sa pierre à l’édifice.

Pourquoi ne pas plutôt faire une formation ce jour-là ? Notre métier est d’enseigner. Il ne s’agit donc pas de cracher sur les formations, bien au contraire. D’ailleurs si c’est vraiment ce que vous voulez, rendez-vous ici. Mais la différence c’est vraiment cette sensation d’empouvoirement : je ne suis pas seul, je ne suis pas seule.

Comment je fais pour venir ?

Alors, prêt à embarquer dans l’aventure #TruParis ? Vous pouvez acheter votre billet directement sur le site de l’événement. Cette année, le ticket d’entrée est à 290€ HT. C’est-à-dire l’équivalent d’un café par jour !

(Ne cherchez pas la logique, j’ai toujours rêvé de dire cette phrase, comme les pros américains du marketing).

>>> Cliquez ici pour réserver votre place <<<

Vous hésitez encore ? C’est normal. Surtout si vous êtes, comme moi, toujours à réfléchir sur les pour et les contre avant de prendre une décision. Mais ne tardez pas trop : si vous ratez le train, il faudra attendre une année entière avant d’avoir à nouveau l’occasion de venir à #TruParis.

D’autant plus que nous ne pouvons pas faire de compte-rendu ou de replay de l’événement. Par définition, il est impossible de retranscrire 48 débats enflammés. Et…pour filmer correctement, il faudrait un micro par participant (donc 300 micros). Il faudrait une équipe de tournage digne d’un film hollywoodien.

Autant vous dire que c’est mission impossible. On a déjà essayé plusieurs fois, sans succès. Pas le choix : il faut donc venir vivre #TruParis, en direct live. 

Vous ne pourrez pas dire qu’on ne vous l’avait pas dit !

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