“”

Pourquoi il ne faut pas recruter sur la “motivation” ?

“Il est venu en entretien sans avoir lu le site, avant ! C’est la preuve qu’il n’est pas motivé. Il vient les mains dans les poches”

“Mais tu lui avais demandé de regarder le site ?”

“Bah non ! C’est quand même la moindre des choses de se renseigner un minimum sur l’entreprise avant de faire un entretien. Surtout quand on connaît le taux de chômage. Les gens devraient se bouger”

J’ai souvent cet échange (ou une variante) en formation. Il révèle une croyance bien ancrée chez les recruteurs et les recruteuses : la motivation est une variable à évaluer. Ou en tout cas un prérequis pour poursuivre la démarche de recrutement. On retrouve la même idée quand on dit :

“Je ne relance jamais mes messages d’approche. En effet, si la personne ne répond pas la première fois c’est qu’elle n’est pas motivée”

C’est encore plus flagrant dans le nom de certains outils : la lettre de motivation par exemple. Au point même que l’argument le plus récurrent soit dynamique et motivé.

On veut éviter les recrues qui ne s’investissent pas

Cette recherche de la motivation repose sur une idée légitime : on a en tête des personnes qu’on a recrutées et qui “traînaient de la patte”. Quand ça arrive c’est la tuile : une personne démotivée va nécessairement contre-performer.

J’enfonce des portes ouvertes.  

Pour autant, il ne faut pas commettre une faute de raisonnement. En effet, ce n’est pas parce que les personnes “démotivées” font de mauvaises performances que ça veut dire que les personnes “motivées” font de bonnes performances.

De la même manière que c’est pas parce que les athlètes qui mangent mal ne gagnent pas les Jeux Olympiques que les athlètes qui mangent sainement gagnent les Jeux Olympiques. 

Il suffit d’être démotivé pour livrer une mauvaise performance, mais ce n’est absolument pas nécessaire.

Il y a des personnes motivées en entretien et nulles à leur poste

Je connais une personne qui n’a jamais raté un entretien dans sa vie. Elle en a fait plus d’une vingtaine et à chaque fois c’est un carton plein. Les recruteurs veulent qu’elle commence au plus vite. Parfois, on change même les conditions d’embauche spécialement pour elle tellement elle génère de l’enthousiasme.

Mais, une fois en poste, elle se lasse vite et postule à un autre job. Ce qui fait qu’elle reste rarement plus de 6 mois dans un endroit.

Elle est l’illustration d’un principe qu’on oublie trop souvent : le bon candidat n’est pas nécessairement la bonne recrue.

Candidat n’est pas un métier. Mais certaines personnes sont naturellement douées dans l’exercice. Sans que ça présage de leur niveau en poste.

C’est d’ailleurs mon cas : je pense que si vous me donnez un temps de préparation suffisant je peux rentrer dans n’importe quelle entreprise. Parce que, justement, je sais comment lire les sites et utiliser l’information pour me démarquer. Je sais comment faire la bonne blague au bon moment. Je sais envoyer un message après l’entretien pour passer pour quelqu’un qui fait du suivi (alors que je suis, en temps normal, incapable de gérer mes emails).

Ce qui est terrible c’est que beaucoup des personnes qui me disent qu’elles éliminent les candidat·es pas assez motivé·es sont, en même temps, conscientes que la motivation ne présage pas de la performance.

J’ai formé plusieurs entreprises avec des marques commerciales qui font rêver le grand public où on m’a dit : c’est une horreur, on a plein de personnes qui postulent parce que la marque fait rêver. On les prend car en entretien elles sont très motivées. Mais ensuite c’est la désillusion quand elles se rendent compte que c’est pas parce qu’on est Nintendo qu’on vient au bureau déguisé en Mario.

(J’ai changé l’entreprise pour l’anonymat. Nintendo n’a jamais travaillé avec moi. Bien que ça soit une de mes entreprises préférées.)

Ce qui est fou, c’est que ce sont les mêmes personnes qui, plus tard dans la journée de formation, vont me dire qu’elles éliminent un candidat qui ne montre pas assez patte blanche de motivation.

C’est paradoxal.

Nous avons conscience que les meilleurs dragueurs ne font pas forcément les meilleurs partenaires de vie, mais nous ne pouvons nous empêcher de juger sur ça au premier contact. Probablement parce que nous sommes flatté·es quand on nous drague et que ça nous vexe quand quelqu’un nous dit qu’il ne connaît pas notre marque.

Alors, inconsciemment, on favorise les personnes qui affichent le plus de motivation.

Mais… la motivation sur la base de quoi ?

Le décalage entre la marque employeur et la réalité

95% des entreprises avec qui je travaille n’ont pas vraiment de marque employeur : c’est la marque commerciale qui s’y substitue. Sans compter que les sites corporate sont souvent très mal faits, rébarbatifs et incompréhensibles.

C’est d’ailleurs pour ça que les candidat·es n’aiment pas y aller : ils se ressemblent tous et n’apportent pas de réelle information. Mais admettons. Imaginons un site employeur qui donne vraiment de l’information.

Quelque chose comme sait faire Welcome To The Jungle.

C’est précieux, je ne le nie pas. Cependant ça ne permet pas vraiment de savoir à quoi ressemblera son quotidien. Même si on faisait le site parfait, on couvrirait à peine 10% de la réalité.

Parce que certaines choses ne peuvent se comprendre qu’en les vivant. Par exemple, sur notre site à nous nous avons plusieurs valeurs. L’une d’elle s’appelle “dis les choses”. En gros, c’est l’idée que l’on préfère toujours le fond à la forme, la franchise à la diplomatie. C’est un choix culturel comme un autre. D’autres entreprises préfèreront la diplomatie et heureusement.

D’expérience c’est une de nos particularités les plus choquantes pour les recrues qui débutent chez nous. D’un coup, les nouveaux entrants se retrouvent entourés d’autres personnes qui se disent tout, dans un langage souvent fleuri (comme dans la vraie vie). Pire, on leur demande de s’exprimer franchement. C’est quelque chose dont la plupart n’ont pas l’habitude. Nous avons plutôt appris à marcher sur des oeufs quand on parle. Sinon on se fait gronder.

Chez nous, c’est l’inverse, on te gronde si tu parles en langue de bois. C’est écrit sur notre site, je l’explique en entretien. Pour autant, au bout de 3 mois toutes les recrues me font le même retour : je ne m’attendais pas à ce que ça soit à ce point !

Je ne raconte pas ça pour en faire un modèle. Encore une fois : il n’y a pas de culture d’entreprise supérieure à une autre. Je raconte ça parce que c’est mon expérience la plus révélatrice de ce phénomène de décalage entre ce qu’on perçoit de l’extérieur et ce qu’on vit à l’intérieur.

Sachant cela, la motivation d’une personne candidate est forcément biaisée. Parfois, on reçoit des candidatures de personnes très motivées à nous rejoindre. Souvent, cette motivation repose sur une idée erronée de ce qu’est notre quotidien.

Voilà pourquoi il y a peu de lien entre la motivation en entretien et la performance en poste. Parce que cette motivation repose sur l’image qu’on se fait du quotidien dans l’entreprise et non sur la réalité.

J’en arrive donc à la nuance essentielle de cet article : c’est la motivation à l’entrée qui est une information inutile, selon moi.

En effet, si on prend deux personnes en poste depuis 6 mois et qu’on évalue leur motivation à se lever le matin pour faire leur job, il est évident qu’on va trouver un lien entre cette motivation et la performance.

Ce que je dis c’est que ce n’est pas vrai en ce qui concerne la motivation à l’entrée, celle qu’on a avant même de commencer.

La motivation à l’entrée ne présage pas de la motivation ensuite

Voilà le calcul implicite que l’on fait quand on cherche à évaluer la motivation en entretien : on se dit qu’il vaut mieux que une personne A qui commence à 100 unités de motivation plutôt qu’une personne B qui commence à 30. Parce que, comme ça, quand la lune de miel du début finira et qu’elles perdront 30 unités, la personne A sera toujours à 70 alors que la personne B sera déjà démotivée, à 0.

Sauf que ça ne marche pas comme ça. Certaines personnes commencent neutres avec une motivation basse, puis sont totalement motivées 6 mois après. Certaines personnes commencent avec une motivation au plafond puis se heurtent à la désillusion. 6 mois après elles veulent partir.

J’aurais même tendance à dire qu’une personne trop motivée à l’entrée présente forcément ce risque de désillusion.

Voilà la seconde erreur de raisonnement : croire que l’évolution de la motivation est un phénomène linéaire et homogène. Alors que c’est un phénomène complexe et erratique.

Combien de fois a-t-on vu un candidat tellement motivé qu’il est prêt à faire 1h30 de transport tous les matins pour nous rejoindre. Puis… au bout d’un mois s’en mord les doigts. Encore une fois : le décalage entre ce qu’on projette et la réalité. 

On confond motivation et désespoir

Combien de fois ai-je entendu dire : ce n’est pas grave si notre site carrière est mal fait, ça permet de trier les plus motivé·es.

Ou alors en version blague : bon, le site est vraiment pas ergonomique mais au moins les personnes qui arrivent jusqu’à la fin on sait qu’elles sont motivées.

Ce à quoi je pourrais répondre et alors ? Quel est le lien entre la motivation du début et la performance future ?
Mais c’est un peu brutal. Alors je réponds par une blague : tu vas garder les personnes les plus motivées ou les plus désespérées ?

Ce n’est qu’à moitié une blague : on a effectivement tendance à masquer nos dysfonctionnements par cet argument de la motivation. Comme si les personnes devaient en baver pour mériter leur place. Comme si le recrutement était une sorte de Koh Lanta géant par lequel nous sommes nous-même passés et donc exigeons que les autres passent.

Ce faisant, on oublie que la position de recherche d’emploi génère des sentiments de vulnérabilité. Parfois même d’humiliation. J’ai vu passer sur Twitter quelqu’un qui disait :

(Faire des CV vidéos je trouve que c’est l’humiliation ultime qu’a pu produire notre société contemporaine)

Que l’on soit d’accord ou pas il faut que l’on garde en tête que c’est comme ça que beaucoup de personnes le vivent. Il faut donc prendre garde à ne pas créer ce sentiment. En évitant cette posture où on exige de la motivation (alors que ça n’a pas de lien avec la performance) sans nous-même montrer notre “motivation” en tant qu’employeur. Nous ne faisons jamais exprès de générer cette sensation d’humiliation. Heureusement. Mais elle existe néanmoins. Malheureusement.

Mais revenons à notre sujet de la motivation.

On comprend mal la motivation

On pourrait écrire un livre entier sur le sujet (et d’ailleurs ces livres existent) mais nous allons nous limiter à quelques exemples.

En vérité, le mot “motivation” laisse penser que la motivation est une force interne, un trait de personnalité. Alors qu’une partie vient du contexte. Tout le monde a en tête quelqu’un qui était démotivé dans une école puis qui se métamorphose en changeant d’école ou en arrivant sur le marché du travail.

De même, la procrastination. Parfois on l’imagine comme étant de la fainéantise intrinsèque à l’individu. Dans ce cas, comment expliquer que les personnes qui procrastinent soient toutes molles jusqu’à ce que la date fatidique approche et d’un coup abattent des montagnes de travail en accéléré ?

Il en va de même sur la notion de récompense. Notamment notre rapport aux incitations financières. Voilà ce que nous raconte Dan Pink dans son Ted Talk sur le sujet :


“Dan Ariely, l’un des plus grands économistes contemporains, et trois de ses collègues ont effectué une étude sur certains étudiants du MIT. Ils ont donné à ces étudiants du MIT un tas de jeux. Des jeux qui impliquent la créativité, et la motricité, et la concentration. Et ils leur ont proposé pour leurs performances trois niveaux de récompenses. Petite récompense, moyenne récompense, grosse récompense. OK ? Si vous réussissez vraiment bien, vous recevez la grosse récompense, etc. Que s’est-il passé ? Tant que la tâche n’impliquait qu’un talent mécanique les bonus ont marché comme attendu : plus la paie était haute, meilleure était la performance. OK ? Mais dès qu’une tâche demandait un talent cognitif, même rudimentaire, une plus grosse récompense conduisait à de moins bonnes performances. “

Il enchaîne avec une nouvelle encore pire :


“Le mois dernier, juste le mois dernier, les économistes de la LSE ont examiné 50 études de systèmes de rémunération à la performance dans des entreprises. Voilà ce que ces économistes ont dit: »Nous avons trouvé que les incitations financières peuvent causer un impact négatif sur la performance globale. » “

En d’autres termes : la motivation est un phénomène complexe qui échappe à notre intuition. Sachant cela, nous devrions garder une prudence extrême (surtout quand on n’a pas eu de formation à la psychologique) et nous entraîner à ne pas surinterpréter ce qu’on observe comme étant de la motivation en entretien.

Mais, le phénomène qui a le plus changé ma vision du sujet est celui de l’inertie de la motivation. Je l’ai découvert dans le livre L’art subtil de s’en foutre.


“L’action n’est pas seulement l’effet de la motivation ; elle en est aussi la cause.”

“La motivation ne fonctionne pas uniquement comme une chaîne en trois étapes. 

Elle s’inscrit aussi dans un cycle sans fin : 

Inspiration → motivation → action → inspiration → motivation → action → etc. 

Les actions engendrant de nouvelles réactions émo-tionnelles et inspirations qui elles-mêmes motivent de nouvelles actions, etc., il s’agit donc de refaçonner son état d’esprit de la manière suivante : 

Action → inspiration → motivation”


En d’autres termes, la motivation vient en faisant. C’est la sagesse contenue dans le proverbe populaire : l’appétit vient en mangeant.

Il est important de l’avoir en tête : la motivation est le moteur de nos actions mais nos actions sont aussi le moteur de la motivation. 

Rédéfinissons la motivation

Bon… je viens de passer mon temps à expliquer pourquoi je pensais que la motivation était une variable hors propos. Mais il est temps de nuancer. En réalité, il est utile d’évaluer la motivation. Seulement, il faut le faire à deux conditions. La première étant de ne pas confondre motivation, enthousiasme et désespoir. La seconde étant de ne pas la voir comme quelque chose de facile à évaluer.

Si on reprend les exemples que j’ai pris plus haut, le souci est qu’on observe de l’enthousiasme et qu’on en déduit de la motivation. Ou alors on observe un manque d’enthousiasme initial et on en déduit de la démotivation.

Alors que la motivation qui nous intéresse est plutôt la résultante de l’adéquation entre les valeurs de l’entreprise, les caractéristiques du job et la personnalité de la future recrue.

(Sans compter qu’il existe des personnes qui sont motivées mais n’affichent jamais de l’enthousiasme. Orelsan est un bon exemple d’une personne qui a l’air toujours flegmatique mais qui pourtant est un monstre de travail. Son air fainéant n’est qu’un air)

Quelqu’un qui se retrouve immergé dans une culture d’entreprise qui n’est plus adaptée à sa personnalité peut subitement perdre toute motivation. Quelqu’un qui se retrouve à un poste où sa performance n’est pas au rdv, perdra également la motivation au bout d’un moment.

C’est d’ailleurs un phénomène étonnant quand on recrute. On prend une personne qui était en situation de surperformance à son poste, on l’embauche exactement au même poste chez nous et… elle est en sous-performance, voire en échec. À se demander si c’est la même personne.

Oui, c’est la même personne mais immergée dans un contexte différent.

Dans le livre l’entrevue structurée est proposé un modèle nommé KSAO pour l’évaluation des candidat·es. 
Knowledge (connaissances) Skills (compétences) Aptitudes (potentiel) Other (autres caractéristiques)

La motivation, dans ce modèle, est présente mais elle est dans le O, dans le “autre”. Elle y côtoie les traits de personnalités, les besoins et les valeurs.

On ne va donc pas faire l’impasse sur la motivation mais la resituer dans cet ensemble. La définir comme une adéquation, a priori, avec la culture de l’entreprise et non un enthousiasme pour la marque commerciale ou un enthousiasme à passer le process.

“la motivation par rapport à l’emploi offert (soit la congruence des valeurs, objectifs, intérêts et attitudes du candidat à la culture, au climat, aux objectifs et aux normes de l’organisation)” 

“Donc, pour comprendre la motivation du candidat à travailler efficacement, il faut connaître ses objectifs, qui dépendront de : – ses besoins,– ses valeurs et attitudes, – ses intérêts.”

Seule une promesse employeur correctement définie nous permettra d’évaluer efficacement cette motivation

On arrive au point final : si l’on veut analyser une motivation il faut qu’elle s’appuie sur quelque chose de solide. Ce quelque chose c’est notre culture, notre promesse employeur.

Plus cette promesse sera claire et plus la motivation des candidat·es se reposera sur quelque chose de fiable et pourra être évaluée correctement.

Ce qu’on doit évaluer ce n’est pas si la personne montre patte blanche, si elle a lu notre site alors qu’on ne lui a pas demandé. Ce qu’on doit évaluer c’est l’adéquation entre ses valeurs, ses besoins et notre culture. C’est donc toujours une comparaison. On ne se demande pas si la personne en face est une personne motivée, en soi. On se demande si ses valeurs, ses besoins et ses intérêts sont en phase avec notre culture et nos intérêts. De là émanera la motivation.

Quand je dis “notre culture” je veux bien dire la culture de l’entreprise et celle de l’équipe qui va intégrer la recrue et non notre culture personnelle ou celle de notre équipe. En effet, certains propos sur la “motivation” sont en réalité des jugements de valeur qui procèdent de notre propre culture personnelle. Or, on ne cherche pas à recruter quelqu’un avec qui le recruteur ou la recruteuse s’entend, on cherche d’abord à recruter quelqu’un avec qui la personne qui manage s’entendra.

Du coup, la question pour une prochaine fois c’est comment bâtit-on une promesse employeur claire ? Comment faire pour clarifier notre culture à quelqu’un qui y est encore externe ? 

J’ai une idée. Mais pour la développer il me faudrait un autre article ou bien, tu jettes un oeil à notre parcours.

J’ai tout mis dedans 🙂

15 raisons de venir à un événement #Tru

TruParis revient bientôt. C’est l’occasion de vous redire votre interêt à venir dans un événement #Tru (#TruParis, #TruLyon, #TruNantes, #TruLille, #TruMarseille, etc)

(D’ailleurs si tu hésites encore à prendre ta place pour le prochain #TruParis c’est vraiment maintenant ou jamais : il reste encore quelques places, au moment où j’écris cette phrase. Clique ici pour prendre la tienne)

Ces événements sont pour vous si vous vous reconnaissez dans la majorité des raisons qui vont suivre.

(Si vous ne savez pas en quoi consiste concrètement un #TruParis alors commencez par lire cet article)

Ceci étant dit, c’est parti.

1 | Tout le monde peut participer

C’est un événement profondément démocratique. La parole de chacun a exactement le même poids. Que tu sois directeur d’un cabinet de recrutement ou chargé de sourcing en alternance, tu auras droit à la parole. De la même manière.

D’ailleurs nous avons volontairement supprimé le concept du badge. Pas de badge, pas de manière de différencier les participants autrement qu’en jugeant leurs paroles.

Tout le monde discute à égalité : il n’y a pas de scène surélevée ou de micro pour les modérateurs. D’ailleurs les modérateurs ne sont pas des speakers. Ils sont là pour s’assurer que le débat s’enclenche (au début c’est toujours un peu dur) puis ensuite pour veiller à ce que personne ne soit empêché de s’exprimer.

2 | Tu ne t’ennuieras pas

Je trouve pas qu’elle s’ennuie, mais mon moteur de recherche d’images me donne ça quand je tape ennui…et ça m’a fait rire

Si tu t’ennuies alors nous avons échoué notre mission. C’est probablement ce qui nous tient le plus à coeur : te faire passer un bon moment.

On a tous vécu des conférences où on s’ennuie tellement que ça en devient physiquement douloureux. Ici, tout est fait pour que ça n’arrive pas.

Comment ? Tout d’abord en multipliant les sujets en parallèle. Ce qui te permet de changer de salle quand un sujet t’intéresse moins. Ensuite, en rédigeant des sujets qui donnent envie de débattre. Un sujet mal rédigé et c’est toute la session qui sera moins intéressante.

Mais surtout…en te donnant la parole. Si tu n’aimes pas la conversation en cours, tu peux la changer. Tu as un impact.

3 | Il y en a partout en France (pas qu’à Paris)

Pour rester crédible dans notre mission de donner la parole à tout le monde, nous développons le concept dans un maximum de villes.

Nous sommes évidemment limités par notre propre capacité : si ça ne tenait qu’à nous il y en aurait vraiment dans toutes les villes. Pour l’instant nous avons :

D’ailleurs, si vous voulez nous aider à organiser un événement dans votre ville, il suffit de nous faire signe. On s’appuie systématiquement sur des organisateurs locaux.

Un peu comme une franchise.

4 | Ce n’est pas un événement commercial

Apparemment un commercial ça ressemble à ça, selon ma banque d’images

Parce que nous voulons protéger la qualité des discussions, nous sommes intransigeants : personne n’est là pour imposer un discours commercial.

Ça ne veut pas dire que les discussions ne mènent jamais à des opportunités commerciales ensuite. Bien au contraire. Ça ne veut pas dire que si on vous demande pour qui vous travaillez, vous devez avoir honte de le dire. Bien au contraire. Ça ne veut pas dire qu’on pense que l’argent est sale. Bien au contraire. Nous ne sommes pas une association non-lucrative mais bien une entreprise nous aussi.

Simplement, on cherche à créer un espace de discussion protégé pendant les sessions. Ce qui n’empêche pas de discuter entre chaque session. D’ailleurs, nous faisons nous-même notre propre publicité et celle de nos sponsors au tout début.

L’équilibre est subtil mais la plupart du temps les participants y arrivent sans difficulté.

5 | Pour les recruteurs, par les recruteurs

Cet événement est conçu pour les recruteurs par des recruteurs (ou au moins des anciens recruteurs). Ici, il ne s’agit pas de discuter de concepts managériaux ou du futur du recrutement. Ce n’est pas un événement conçu pour les dirigeants. Ce qui ne veut pas dire qu’on ne veut pas en voir à l’événement. Bien au contraire.

En revanche, les recruteurs sont mis à l’honneur : la parole est à eux, les sujets sont les leurs.

6 | Tu rencontreras/retrouveras tes pairs

Parfois je désespère. J’ai tapé « pair », il a compris « poire ». Donc tant pis pour vous : vous aurez une photo de poire

Tout ceci afin d’obtenir cet effet communautaire. Tu n’es pas seul. Tu n’es pas seule. Tu fais partie d’une communauté de recruteurs.

Ce n’est pas transposable à l’écrit mais crois-moi : rencontrer des pairs a toujours un effet bénéfique. Le recrutement est un métier qui fait facilement ressentir de la solitude.

Ici, tu verras que tout le monde vit les mêmes problèmes que toi. Tu n’es pas fou. Tu n’es pas folle. Les autres traversent les mêmes choses.

7 | Tu trouveras du soutien chez tes pairs

In fine, voici l’effet le plus souhaitable : se sentir soutenu par les autres. Sentir que les recruteurs sont une corporation au sens positif du terme. Sentir qu’il est possible d’être passionné de recrutement. Que le recrutement n’est pas forcément une étape pour faire autre chose ensuite.

Tu vas rencontrer des passionnés de recrutement. Des fous qui peuvent te parler d’un temps que les recruteurs de moins de 20 ans ne peuvent pas connaître.

Tu vas même rencontrer des experts en sourcing. Oui, oui. Des gens de plus de 15 ans d’expérience et qui te parlent de sourcing avec les étoiles dans les yeux comme d’autres te parlent d’art ou d’histoire (coucou Guillaume).

Tu verras qu’on peut s’épanouir dans ce métier.

8 | Tu te tiendras à jour des pratiques des autres recruteurs

Parce que le dire en anglais c’est so startup nation

Se confronter aux autres recruteurs te permettra de te tenir à jour sur les pratiques. Et surtout : ça permet la remise en question.

Y’a toujours des scènes cocasses dans cet événement. Quelqu’un dit « il est impossible de faire A dans un grand groupe ». Puis une autre lui répond « bah moi je fais A et je travaille dans le grand groupe directement concurrent au tien ».

Les certitudes se brisent.

Ou alors quelqu’un dit « il est évident qu’il faut faire B ». Puis toute la salle répond « surtout pas ». Le débat s’enclenche. Toujours dans la bienveillance. Même quand on a 40 personnes qui sont en contradiction avec une seule.

Pour revenir à mon sujet initial : il n’y a que deux types de réactions possibles à #TruParis. Soit tu te rends compte que tu es beaucoup moins en retard que ce que tu pensais et qu’en fait tu es même en avance sur le marché. Soit tu te rends compte que les autres ont les mêmes galères que toi.

9 | Tu pourras comparer les expériences

Allégorie du proverbe « on ne compare pas des pommes avec des oranges »

Les recruteurs viennent de tous les secteurs, tous les types d’entreprises, toutes les catégories. Un consultant en recrutement en cabinet ne fait pas exactement le même métier qu’un RH généraliste qui fait du recrutement.

C’est cet arc-en-ciel qui fait la richesse des échanges. Il permet de voir les points communs : ce qu’on peut transposer chez nous. Mais il permet aussi de voir les différences.

Parfois se rendre compte qu’on croyait s’épuiser dans le métier de recruteur. Alors qu’en fait on a juste besoin de changer de type de recruteur. Parfois on a besoin de passer de recruteur en cabinet, à recruteur en interne. Parfois on a besoin de passer de recruteur dans une multinationale à recruteur indépendant. Etc.

C’est le moment de profiter d’avoir autant de gens différents rassemblés pour poser des questions et nouer des contacts avec des recruteurs d’autres mondes.

10 | Tous les sujets sont abordés

C’est l’avantage de cumuler autant de sujets en parallèle : on peut couvrir l’ensemble des sujets du recrutement. Alors…évidemment quand je dis « tous », on se comprend. Il est impossible de couvrir tous les sujets.

Mais on en couvre une énorme partie. D’ailleurs il est impossible d’assister à tous les sujets. Dans un #Tru, tu es limité par ton incapacité à te dupliquer. Si on prend le prochain #TruParis par exemple : il y a 8 sujets en parallèle à chaque heure. Pendant 6 heures. Ce qui fait donc 48 sujets. Pour faire un peu des 48 sujets il faudrait donc passer 7 minutes sur chaque sujet, et changer de salle en 30 secondes. Impossible.

Et, même là, tu n’aurais vu qu’un tout petit bout de chaque sujet.

11 | Il n’y a pas de langue de bois

Nous faisons la chasse à la langue de bois. Parle clairement et simplement. Par respect pour toi, par respect pour les autres. Tu verras : c’est tellement plus agréable un endroit où on parle comme des humains normaux.

Ne serait-ce que pour nous prémunir de l’ennui : la langue de bois a tendance à meubler. Si tout le monde s’exprime en allant droit au but, tout le monde y gagne en lisibilité.

12 | Tu peux dire tout ce que tu veux

Tu peux parler de tout ce que tu veux. On ne t’empêchera pas d’avoir un avis, on ne t’empêchera pas de le donner. Bien au contraire. Il n’y a pas de sujet tabou, il n’y a pas de discussion impossible.

Alors…bien entendu…pour que les discussions soient intelligibles, il faudra trouver une manière de le rattacher au sujet de base. Et encore que…parfois des discussions sans aucun rapport avec le titre initial émergent.

Ne te censure pas, ne te limite pas. Après, je rappelle que la liberté d’expression n’est jamais unilatérale.

Ne sois donc pas comme tous ces gens qui prennent position puis pleurent qu’ils ne peuvent pas s’exprimer car ils reçoivent de la contradiction. La liberté de s’exprimer vaut aussi pour tes contradicteurs.

13 | Tu y trouveras une bouffée d’oxygène

Ne cherche pas trop loin, je suis fatigué : moi l’oxygène ça m’évoque les bouteilles de plongée. Et les bouteilles de plongée ça fait le bruit de Dark Vador

Notre but est de te rebooster. Recharger ta batterie. Te donner une bouffée d’oxygène. Je crois que tu as compris la métaphore ?

Pour toutes les raisons précédentes, tu dois et tu vas repartir regonflé à bloc (promis c’est la dernière métaphore).

14 | Tu repars avec des idées directement applicables

Si tu écoutes correctement, tu devrais repartir avec des idées à appliquer dès le lendemain. Quand j’étais recruteur et que je venais à #TruParis, je repartais toujours avec au moins une astuce à essayer dans mon quotidien.

Je ne dis pas que ta vie va être révolutionnée. Mais ce bouillonnement intellectuel va forcément ricocher dans ta pratique.

15 | Tu repars plein de frustration

Étrange de nommer la frustration comme un point positif ? Et pourtant c’est principalement ce que nous vendons. Tout cet événement est organisé autour de la frustration.

Plusieurs sujets en parallèle : impossible de tous les faire. Une durée incompressible : quand le temps imparti est écoulé la discussion s’arrête. Même au milieu d’une phrase.

Comme là maintenant si je…

Ceci est un troll.

#TruParis revient mardi 16 avril 2019

Comme chaque année depuis 8 ans, #TruParis revient sur vos écrans.

Comme chaque année depuis 8 ans, le maître mot sera l’empouvoirement. C’est l’objectif principal de cet événement : donner la parole aux recruteurs et leur transmettre cette puissance intérieure qui permet de changer les choses. Une sorte de recharge géante de votre batterie.

Pour les recruteurs, par des recruteurs.

Un des retours d’expérience les plus fréquents est « ah, ça fait du bien de voir que je ne suis pas seule ». Il y a quelque chose de libératoire dans la sensation de faire partie d’une communauté.

« Pourquoi vous organisez cet événement ? »

Parce que nous croyons profondément que la parole de chacun mérite d’être entendue. Voilà pourquoi ce n’est pas une conférence. C’est un événement démocratique où un DRH avec 20 ans d’expérience n’a pas plus de légitimité qu’un stagiaire. Il n’y a d’ailleurs pas de badge pour les différencier.

Tout ceci en accord avec notre mission. Nous nous levons tous les matins dans le but de donner de la fierté aux recruteurs et aux recruteuses. Comme notre nom l’indique, nous le faisons principalement par l’enseignement mais…

L’enseignement descendant ne suffit pas à rendre autonome, fier. Si nous voulons être crédibles dans notre mission, il nous faut un espace où n’importe quel recruteur peut prendre la parole. Un moment où on discute entre pairs et non de sachant à apprenant.

Ça a une autre conséquence : nous ne pouvons pas nous limiter au microcosme parisien. Nous coordonnons donc le concept dans les principales villes de France : Lyon, Lille, Nantes, Bordeaux, Marseille… Mais c’est un autre sujet.

(La liste complète est ici : https://lecoledurecrutement.fr/evenements/)


Je dis « nous » mais en vrai nous sommes épaulés par des organisateurs qui sont des recruteurs bénévoles qui donnent de leur temps pour la communauté : Jean-Marie Caillaud, Guillaume Alexandre, Arnaud Pottier-Rossi, Laurent Cebarec.

On les remerciera jamais assez : vous les verrez pendant l’événement.

Nous recevons également la confiance (ça veut dire l’argent) d’Expectra, Yatedo et Yaggo qui soutiennent cet événement et qu’on ne remerciera pas suffisamment non plus !

« Qu’est-ce que vous me promettez ? »

De la frustration. Oui, oui…de la frustration. Nous considérons que la mission est remplie si et seulement si vous ressortez frustré de #TruParis. Tout est construit dans ce sens :

  • 8 sujets en parallèle à chaque instant
  • un chronomètre intransigeant : quand c’est fini, c’est fini…même si on était au milieu d’un sujet
  • la possibilité de naviguer entre les salles

Soyez donc prêt à recevoir un bouillon d’énergie. Nous aurons échoué si vous passez une seule seconde à vous ennuyer. Voilà pourquoi nous déployons tous nos efforts à vous protéger de la langue de bois et des démonstrations commerciales.

Pas de speakers, pas de slides, pas de badges.

Pas de speakers : tout le monde a le droit de prendre la parole. Ce n’est pas un événement où un sachant partage sa connaissance toute-puissante avec les autres mais un forum, où la parole de chacun participe à l’apprentissage de tous.

Pas de slides : seul l’échange d’idées compte. #TruParis est un événement garanti sans powerpoint qui va vous endormir. Seules les discussions entre les participants permettent de développer le sujet évoqué lors de la session.

Pas de badges : chaque parole a la même valeur. Que vous soyez stagiaire ou directeur du recrutement, ce que vous dites sera entendu par tous et perçu de la même manière.

De manière évidente, si vous cherchez un contenu descendant ou une formation à proprement parler : #TruParis n’est pas fait pour vous.

Mais ne soyez pas intimidé : on ne va pas pour autant vous forcer à prendre la parole. Vous pouvez venir et ne rien dire. Observer comme une petite souris et apprécier. La parole libre ça veut aussi dire la liberté de ne pas parler.

« D’accord mais c’est très conceptuel. Dis-moi concrètement ce que c’est »

Comment se passe concrètement une journée à #TruParis ?

Minute papillon ! J’y viens, j’y viens…

La journée commence par un petit café/croissant… On cherche des têtes connues, on se plonge dans le programme en encerclant les sujets qu’on a repéré sur le site www.truparis.com avant de venir, et auxquels on veut participer en priorité.

Après quelques small talks sur les galères de la ligne 1 ou du RER, celles pour arriver à bon port en plein coeur de La Défense, sur le mois d’avril où l’on ne peut pas se découvrir d’un fil… ouf ! le coup de sifflet marque le « vrai » début de la journée.

Là, on explique les fondamentaux des #Tru (pas de speaker, pas de slides, etc. ). On vous présente les Gentils Organisateurs, qui ont mis plein d’énergie et de bonne humeur à vous concocter une journée inoubliable, et tous ceux qui contribuent d’une manière ou d’une autre à rendre cette journée possible.

Puis… petite surprise ! Je n’en dis pas plus, venez et vous verrez !

A 9h30 vous serez sur les starting blocks pour vous lancer enfin dans les sessions. C’est parti pour 3 sessions (de 8 sujets) consécutives de 50 minutes. Donc 24 sujets.

Les 8 premiers sujets

Pause déjeuner à 12h30 (parce qu’il paraît qu’il faut manger), puis c’est reparti pour 3 nouvelles sessions jusqu’à 17h.

Si vous voulez vraiment plus de détails vous pouvez en trouver directement sur le site de #TruParis : http://www.truparis.com

« Qu’est-ce que je gagne à venir ? »

De l’énergie, de l’inspiration, de la stimulation intellectuelle.

Vous trouverez forcément des sujets pour vous.
Avec 48 sujets abordés tout au long de la journée, vous pourrez toujours participer à une session dont le sujet vous parle.

D’ailleurs, pour voir le programme complet de cette année, c’est ici.

Vous êtes libre de changer d’avis.
La discussion en cours ne vous parle pas ? Le sujet est moins intéressant que vous ne le pensiez initialement ? Pas de souci, les espaces de discussion sont ouverts et vous pouvez passer de l’un à l’autre en toute liberté sans vexer personne.

Vous avez le droit de ne pas être d’accord.
On a tous vécu ce moment en conférence où l’on n’est pas nécessairement 100% en phase avec ce qui est dit. À #TruParis, vous êtes libre de dire ce que vous pensez. Personne ne vous en voudra, on vous encouragera même à le faire.

Mais surtout…

Vous en ressortirez regonflé à bloc.
Il y a quelque chose de cathartique à voir que nous ne sommes pas seuls. On se rend compte que les autres ont les même problèmes que nous.

« C’est bien mais en même temps tu es dans l’équipe d’organisation…tu vas pas me dire que c’est nul »

Certes, certes…alors pourquoi ne pas regarder ce qu’en disent d’autres recruteurs ?

(Oui…des recruteurs et des recruteuses parlent dans cette vidéo, ne vous fiez pas à la miniature avec ma tête hébétée)

« Pourquoi je bloquerais une journée de productivité pour venir ? »

C’est une excellente question. Ce serait prétentieux de prétendre que le choix est évident. En revanche, je pense que s’arrêter de produire revient à mettre de l’essence dans sa voiture. On ne peut pas le faire tout le temps. Mais on ne peut pas non plus ne jamais faire d’essence. Même si on est très pressé.

Il en va de même avec sa veille professionnelle. Il est vital de prendre de la hauteur de temps en temps sur son métier pour ne plus avoir la tête dans le guidon.

Alors dans ce cas pourquoi ne pas aller à une conférence descendante ? Parce qu’il est important d’aller au contact de ses pairs. Les bonnes conférences sont très enrichissantes. Mais, personnellement, j’ai toujours la même frustration : j’aimerais avoir plus le temps d’échanger avec les participants entre chaque session. Et bien ici c’est une sorte « d’entre deux conférences » géant. On y vient pour l’énergie, pour apporter sa pierre à l’édifice.

Pourquoi ne pas plutôt faire une formation ce jour-là ? Notre métier est d’enseigner. Il ne s’agit donc pas de cracher sur les formations, bien au contraire. D’ailleurs si c’est vraiment ce que vous voulez, rendez-vous ici. Mais la différence c’est vraiment cette sensation d’empouvoirement : je ne suis pas seul, je ne suis pas seule.

Comment je fais pour venir ?

Alors, prêt à embarquer dans l’aventure #TruParis ? Vous pouvez acheter votre billet directement sur le site de l’événement. Cette année, le ticket d’entrée est à 290€ HT. C’est-à-dire l’équivalent d’un café par jour !

(Ne cherchez pas la logique, j’ai toujours rêvé de dire cette phrase, comme les pros américains du marketing).

>>> Cliquez ici pour réserver votre place <<<

Vous hésitez encore ? C’est normal. Surtout si vous êtes, comme moi, toujours à réfléchir sur les pour et les contre avant de prendre une décision. Mais ne tardez pas trop : si vous ratez le train, il faudra attendre une année entière avant d’avoir à nouveau l’occasion de venir à #TruParis.

D’autant plus que nous ne pouvons pas faire de compte-rendu ou de replay de l’événement. Par définition, il est impossible de retranscrire 48 débats enflammés. Et…pour filmer correctement, il faudrait un micro par participant (donc 300 micros). Il faudrait une équipe de tournage digne d’un film hollywoodien.

Autant vous dire que c’est mission impossible. On a déjà essayé plusieurs fois, sans succès. Pas le choix : il faut donc venir vivre #TruParis, en direct live. 

Vous ne pourrez pas dire qu’on ne vous l’avait pas dit !

Comment créer une école du recrutement ?

Nous avons enfin lancé notre école du recrutement. Dans cet article je vais vous raconter comment on en est arrivés là et comment s’est passé ce premier mois. L’objectif est double : permettre aux curieux de vivre la création de l’école de l’intérieur mais aussi inspirer toutes les personnes qui voudraient lancer une école. Peu importe le sujet.

La genèse

Tout a commencé avec le slogan « le recrutement mérite son école ». À l’époque, j’étais à la recherche d’une intensification de notre message. Je nous trouvais pas suffisamment clair dans notre mission. Voilà pourquoi j’avais déclaré en interne que 2017 serait l’année de la radicalisation. Ce n’est pas un hasard si c’est la même année que m’est venu le slogan « le recrutement n’est pas RH ».

Pourquoi radicaliser le message ? Parce que plus un message est exprimé de manière claire et intense et plus il est facile de rallier des gens à ce message. Et, évidemment, plus il est également facile de créer des relations allergiques à ce message. Avoir prononcé la phrase « le recrutement n’est pas RH » a déclenché une suite d’événements qui ont conduit à la première diffamation publique contre nous. (Si vous lisez cette phrase alors que vous n’êtes ni dans le recrutement, ni dans les RH, vous allez vous dire que nous sommes complètement fous et vous aurez raison).

De même, avoir prononcé la phrase « le recrutement mérite son école » a déclenché une suite d’événements qui ont conduit à cette école du recrutement. On ne devrait jamais négliger la puissance créatrice des mots. Cette phrase a dépassé toutes nos attentes. La réaction de la foule a été : « c’est trop vrai ! ». Puis « bah…vous avez qu’à la faire cette école ».

Par suite, nous avons commencé à ressentir une énorme pression de notre communauté (bienveillante évidemment). En même temps, je ressentais moi aussi une pression interne, une vocation qui me criait que c’était la chose à faire. Puis, un jour, la pression est devenue beaucoup trop forte. Quelqu’un de l’équipe a dit « on va monter une vraie école ». Au début pour rigoler, puis ensuite sérieusement. Jusqu’au jour où Laurent l’annonce officiellement, il y a maintenant un an et demi de cela.

Ce qui est marrant c’est qu’on se rappelle toujours des points de basculement d’une histoire. Comme si les choses arrivaient du jour au lendemain. Alors qu’en réalité la plupart des choses qui arrivent du jour au lendemain mettent des mois, voire des années d’incubation. Nous avons eu un énorme moment de doute. Laurent a renoncé à lancer l’école. C’était compréhensible : la décision n’a aucun sens économique. En vrai, on met même en danger la stabilité de l’entreprise avec ce projet car on détourne une partie des ressources qui servent à développer le produit qui rapporte 90% de nos revenus (# TruAcademy). Et, quand le doute est arrivé je suis retombé par hasard sur un vieil article de Laurent qui disait qu’il rêvait de créer une école pour les « RH ». On était en avril 2013 et Laurent décrivait ce projet comme un rêve.

Récemment je suis également retombé sur un vieil article de moi qui imaginait un master en recrutement et finissait par : « Bien entendu cet exercice est une pure fiction mais je serais aux anges si un jour quelqu’un concrétisait cette idée d’avoir un vrai master en recrutement ! Avis aux volontaires ! »

Quelques années plus tard, il n’y a pas eu de volontaires alors nous nous en sommes chargés nous-même.

Mon épopée

C’est ainsi qu’a commencé pour moi un long voyage de formation. Je ne savais de l’enseignement que ce m’avaient appris mes 3 ans en tant que formateur. Il me fallait donc m’éduquer. Et, comme à chaque fois que j’ai besoin de m’éduquer, j’ai commencé avec une recherche Google, puis Wikipédia, puis des conférences. Ce périple intellectuel m’a emmené virtuellement en Finlande, en Inde, aux USA, en Grèce antique…

Comme tous les sujets, vous avez une mode qui prend tout l’espace. À notre époque cette mode est incarnée par les pédagogistes. Le TED le plus vu est d’ailleurs un cas d’école caricatural de cette pensée. En résumé : le format actuel de l’école est stupide. Les enfants apprennent tous seuls à marcher, il suffit donc de donner envie. Et puis…dans un monde avec Google, à quoi sert d’apprendre des concepts théoriques ? Le discours est simpliste mais tellement séduisant…

Heureusement, je suis tombé sur le livre qui allait tout changer : 7 myths about education. Cet ouvrage m’a mis une claque. Il explique méthodiquement pourquoi ça n’a aucun sens de croire que Google met fin à la nécessité d’un enseignement théorique. J’ai d’ailleurs résumé mes découvertes dans une conférence qui s’appelait : le réveil du recrutement #5. Vous pouvez aller la voir par curiosité même si une partie des choses que j’y dis ne sont plus à l’ordre du jour. L’essentiel était déjà là.

En résumé : nous avons deux mémoires. Une mémoire de court-terme qui ne peut pas stocker plus d’une demi-douzaine d’objets et une mémoire de long-terme, beaucoup plus grande. Si la mémoire de travail est submergée vous êtes bloqué. Voilà pourquoi la plupart des adultes sont capables de faire 46×5 de tête mais pas 765×345. Et voilà également pourquoi les enfants ne sont pas capables de le faire. Car ils n’ont pas de raccourcis stockés dans leur mémoire de long terme (la factorisation, les astuces comme multiplier par dix puis diviser par deux, etc). Donc ils sont obligés de faire 46+46+46+46+46. La théorie sert à ça : elle sert à décharger la mémoire de travail en stockant des raccourcis dans le long terme. Voilà pourquoi vous ne pouvez pas chercher sur Google si vous n’avez pas déjà 95% des mots du sujet dans votre mémoire de long terme. Dire qu’il suffit d’avoir Google pour accéder à la connaissance est du même acabit que de dire qu’il suffirait d’un dictionnaire français-anglais en main pour parler anglais dans les rues de Londres.

L’autre intérêt de la théorie c’est d’être contre-intuitive. Si l’école ne vous l’avait pas dit, vous penseriez que la Terre est plate et que les objets les plus lourds tombent le plus vite. La pratique ne suffit pas : des millions d’humains ont pratiqué la Terre pendant toute leur vie sans jamais se rendre compte qu’elle était ronde. L’intuition est très limitée. Voilà pourquoi les enfants apprennent à marcher intuitivement mais sont incapables d’apprendre l’orthographe intuitivement. Voilà pourquoi il est faux de dire que les cours magistraux seraient une manière obsolète d’enseigner. Il est également faux de dire qu’on enseigne ainsi uniquement parce qu’on a créé des écoles sur le modèle des usines. Les cours magistraux existent depuis la Grèce Antique. Il y a une raison pour laquelle on enseigne ainsi. Ça veut pas dire que c’est parfait. Mais il y a une raison.

Après ce livre, j’avais obtenu 90% des connaissances qu’il me fallait. Il paraît que l’intuition n’est que du savoir stocké. Et bien j’avais absorbé une telle quantité de savoir que les choses ont commencé à m’apparaître intuitivement. Je savais quelle école je voulais faire. Je savais ce que je voulais garder du modèle finlandais, des pédagogistes, des républicains, des productivistes, des américains, de l’école démocratique, de l’école Montessori, de 42, des écoles de commerce, des MBA, des classes prépa, de la maternelle etc. Je savais aussi ce que je voulais jeter.

Les premières fondations

C’est ici que survint la particularité de notre projet : on ne voulait pas faire n’importe quelle école. On voulait faire l’école du recrutement. Il se trouve que c’est un métier qui manque de fierté. Voici donc le maître mot de tout ce que nous faisons : donner de la fierté aux recruteurs. La question de l’émancipation a donc été au coeur. Mais après tout…toute école ne devrait-elle pas être une puissance émancipatrice ?

C’est cet appel à l’émancipation que nous avons retranscrit dans cette vidéo :

Puis, de ce carburant, il a fallu théoriser notre pédagogie. J’avais déjà eu l’occasion de décrire ma théorie de l’enseignement :

Mais ici il fallait quelque chose de moins général et plus court. Un document qui permettrait de jeter les bases, une sorte de dix commandements de notre pédagogie. Et ça a donné les douze lois de la pédagogie :

#1 | L’enseignement est un divertissement
Voici, de loin, la loi la plus importante. L’ennemi principal de tout enseignement est l’ennui. Si les étudiants passent un bon moment on a déjà fait 80% du chemin.

#2 | On n’enseigne pas un métier, on enseigne des réflexes intellectuels
L’éducation ne sert pas à former à un métier. Sinon personne ne ferait plus d’études supérieures en philosophie. L’éducation sert à donner un socle de connaissances et de réflexes intellectuels.

#3 | L’éducation doit émanciper et non embrigader
L’éducation ne doit pas être une agence de publicité dont le but est de nous faire accepter le monde tel qu’il est. Au contraire, elle doit être la clé pour penser par soi-même.

#4 | Le professeur est un humain comme les autres. Il est l’égal des étudiants.Il n’est pas là pour faire régner une autorité. En revanche il est le garant de l’ordre. Il protège la parole de chacun ainsi que l’écoute de chacun. Personne ne le vouvoie, jamais. Il ne vouvoie pas non plus, jamais. Il peut se tromper et il le reconnaît quand ça arrive. Sa parole n’est pas infaillible, tout ce qu’il dit est questionnable.

#5 | Un élève qui n’a pas soif d’apprendre, n’apprendra jamais
Tant que cette soif ne naît pas, tout le reste est inutile. Si quelqu’un n’a pas la soif d’apprendre, il n’apprendra pas.

#6 | Plus un savoir est ancien, plus il est intéressant. Plus un savoir est nouveau, plus il faut s’en méfier
Nous nous foutons des modes. Elles se démoderont. Il n’y a pas d’ancienne et de nouvelle école, il y a une mauvaise et une bonne école. Or, les savoirs qui ont passé l’épreuve du temps ont de grandes chances d’être les plus pertinents. Le théorème de Pythagore est vieux de 3800 ans : il a plus de chance de continuer à être enseigné dans 3000 ans que les opérateurs booléens.

#7 | +=- (Plus, égal, moins)
Pour assimiler entièrement un savoir il faut un professeur (le +). Il faut ensuite un pair (le =). Cette personne traverse les mêmes problématiques que nous et peut parfois expliquer plus efficacement ce que le + n’arrive plus à formuler. Il faut enfin un élève (le -). On ne connaît vraiment que ce qu’on sait enseigner. Par exemple, vous avez l’impression de savoir comment fonctionne un vélo ? Pourriez-vous m’expliquer rapidement le mécanisme ?

#8 | La théorie doit être contre-intuitive ou ne pas être
On ne peut pas apprendre sur Google sans aide initiale. Pour apprendre tout le monde a besoin d’un minimum de théorie. Le vocabulaire minimum pour savoir quoi taper dans Google.

#9 | L’enseignement doit continuellement se réinventer
Il est interdit au professeur de revenir avec la leçon de l’année dernière sans changer au moins une virgule avant.

#10 | Pour devenir recruteur il suffit de devenir recruteur
Il suffit de se vouloir recruteur pour être recruteur. L’incarnation avant tout. Tout le reste découle de là. La plupart des personnes qui font mal le métier n’ont en fait pas envie de le faire.

#11 | Les étudiants sont des humains comme les autres. Ils participent à la gestion de la vie de l’école.
Il faut que les étudiants puissent participer aux prises de décision. Certaines écoles le font avec des enfants de 8 ans. Il n’y a donc aucune raison qu’on ne puisse pas le faire avec de jeunes adultes.

#12 | La biologie existe. La fatigue existe, la colère existe, la tristesse existe, la faim existe. Et ça a un impact sur l’apprentissage.

Que ce soit pour le professeur ou les étudiants, il faut arrêter de nier l’existence des corps. Nous ne sommes pas de purs esprits. Plein de facteurs peuvent intervenir sur la condition physique. On ne peut pas les négliger. Parfois il faudra arrêter un cours magistral et le remplacer par un jeu parce que toute la classe a fait une nuit blanche la veille.

Puis, il a fallu faire un inventaire des connaissances que l’on voulait transmettre. Comment ? Je suis parti de ce que j’imaginais être un recruteur idéal. J’ai donc fait le portrait-robot du recruteur parfait. Afin d’en déduire ses compétences. Voici ce que ça a donné : le recruteur parfait sortant de notre école. D’ailleurs, Jean-Marie Caillaud a fait ce même exercice ici : Mon ADN de recruteur
. J’en ai ensuite déduit 9 catégories de connaissances fondamentales que j’ai appelé les UV :

UV1 : Disposer d’une culture générale de l’ensemble du recrutement
UV2 : Maîtriser l’art de la conversation, à l’écrit comme à l’oral
UV3 : Devenir imprenable sur le sourcing
UV4 : Avoir une connaissance basique du fonctionnement de l’âme humaine (psychologie, sociologie, philosophie, vente, marketing, etc)
UV5 : Savoir différencier les pratiques rigoureuses des pratiques fumeuses. Notamment pour l’entretien.
UV6 : Disposer d’une culture générale du business
UV7 : Obtenir le bon état d’esprit, notamment face aux candidats
UV8 : Savoir mesurer, piloter, orchestrer le recrutement seul ou en équipe
UV9 : Connaître les outils du recrutement et apprendre à les choisir

Personne ne peut tout maîtriser : je ne maîtrise donc pas tout dans cette liste. Il était donc fondamental de faire l’inventaire. Sachant que je suis pour l’instant le seul professeur de l’école, il me faut acquérir au moins une notion de chaque élément. Quitte à me faire former par quelqu’un. Je me suis donc lancé dans un projet pharaonique : répertorier une fois pour toutes l’ensemble de mes sources et productions, classées selon ces UV.

C’est ainsi que nous avons eu ce que j’ai appelé l’encylopédie du recrutement. Dans ce document vous trouverez tous les livres, articles, vidéos, conférences dont je me sers pour créer mon propre contenu.

Enfin, il a fallu choisir la répartition des heures d’enseignement. Nous avons choisi le format de l’alternance (contrat de professionnalisation) : aussi bien pour des raisons administratives (on ne peut pas lancer un master en claquant des doigts) que financières (ça permet de mettre un prix d’entrée à 10 000€ par étudiant tout en maintenant la gratuité pour les élèves). Par conséquent nous avons 420 heures à notre disposition. C’est-à-dire 12 semaines de 35 heures (60 jours de 7 heures).

420 heures c’est peu : c’est une semaine par mois pendant un an. Le reste étant en entreprise. Les cours théoriques occupent donc une place plus grande que je n’aurais aimé : grosso modo 2/3 du temps. Voici la répartition :

Cours : 235h
Projets : 55h
Office Hours : 25h
Khôlles : 25h
Mémoire : 35h

La somme fait plus que 420 car pendant que 3 élèves sont en Khôlles, les autres travaillent leur projet. Et pendant qu’un élève est en Office Hours, les autres travaillent leur projet. Mais qu’est-ce qu’une Khôlle ou une Office Hour ? Je vous l’explique dans le chapitre suivant.

La mise en oeuvre

Une fois que toutes les fondations étaient posées, le reste « allait de soi ». J’avais carte blanche, y compris sur le budget. Je n’ai pas fait de folies mais ce point est fondamental. Quand j’interviens dans d’autres écoles je dois supporter des amphis mal entretenus, des rétroprojecteurs qui ne fonctionnent pas et des connexions internets défaillantes.

Il faut une maîtrise de son budget. Je rigole jaune à chaque fois que je vois des débats sur l’école à la télévision. Quand on connaît les moyens alloués à l’éducation nationale, tout devient ridicule. Comme si on débattait pour savoir ce qui va le plus vite entre une Ferrari et une Lamborghini mais qu’on avait uniquement le budget pour une Smart. Le budget de l’éducation nationale est de 10 000€ par élève, celui de HEC est de 28 000€ par élève. Tout est dit. Dans mon école de commerce on avait un budget de 200 000€ juste pour affréter un TGV et y faire une soirée géante qui nous amenait au weekend d’intégration.

De même, la gestion de l’espace est fondamentale. L’espace a un impact énorme sur l’expérience d’apprentissage. Mettez 15 élèves en rang, puis mettez les en « U ». La différence va être violente : dans un U chaque élève voit les autres élèves et peut interagir avec les autres, il n’y a plus de dernier rang, le professeur est au milieu et voit tout le monde. Après énormément de réflexions je suis arrivé (avec l’énorme aide de Marion) à l’espace tel qu’il est aujourd’hui.

C’est donc un rectangle de canapés, sauf sur un côté (celui du mur). On a mis une peinture veleda sur le mur, ce qui permet de pouvoir écrire directement dessus (le fantasme de tous les enfants. On a également installé un grand ordinateur pour afficher les vidéos, les slides, etc.

Je referme la parenthèse budget et espace. L’étape suivante a été la conception et l’agencement des différentes briques pédagogiques. Les voici brièvement :

Les cours

Les cours portent sur un des 9 UV, par exemple le sourcing. Le format est magistral : le professeur aborde le sujet selon le plan qu’il a prévu. Cependant, il peut être interrompu à n’importe quel moment. L’interaction des étudiants est vivement souhaitée. À la fin de ce cours, si on a le temps, un élève fait la synthèse. Puis, si le cours est le dernier de la demi-journée : toute la classe fait un quiz de révision. L’idée n’est pas de fliquer mais bien d’accompagner : il n’y a aucun enjeu dans le quiz si ce n’est de voir si on a retenu le cours.

La variante de ce format est le cours MBA. Je demande aux élèves de suivre un cours la veille. Soit en lisant un article, soit en faisant un module # TruAcademy, soit en regardant une conférence. Les élèves doivent ensuite venir avec un ensemble de questions. Et le professeur passe l’ensemble du temps à répondre à ces questions d’approfondissement. L’énorme avantage de ce format c’est qu’il permet d’adapter le discours en fonction des incompréhensions et des intérêts des élèves. L’inconvénient c’est qu’un élève qui ne joue pas le jeu la veille est totalement largué dans la discussion. Et même quand il joue le jeu, s’il ne comprend pas il peut avoir peur de le dire.

Enfin, nous avons également le format « Nouvelle École ». Du nom d’un podcast qui m’a montré qu’une interview pouvait être passionnante si elle était faite correctement. Et qu’en fait l’immense majorité des interviews que vous connaissez sont mal faites : on ne prend pas le temps de fouiller la vie de la personne donc on lui pose les questions les plus banales. Alors qu’il est possible de créer une discussion passionnante en faisant ses devoirs. Pourquoi ai-je choisi ce format ? Premièrement parce que ça me faisait kiffer de devenir intervieweur après avoir été auditeur. C’est en soi une raison suffisante. Mais également parce que c’est, de loin, le format qui assure la meilleure qualité aux étudiants.

Pourquoi autant d’intervenants en école sont ennuyants ? Parce que, contrairement à moi dont c’est le métier, un professionnel n’a pas le temps de passer 8 heures à préparer un cours d’une heure. Il faut donc trouver un format où la personne n’a rien à préparer. Elle vient les mains dans les poches. Et c’est le travail du professeur qui fait le reste. C’est-à-dire qu’il faut soigneusement choisir la bonne personne puis faire sérieusement le travail d’enquête pour poser les bonnes questions. D’ailleurs, quand le travail d’enquête est bien fait vous n’avez même pas besoin d’écrire les questions : elles vous viennent pendant la discussion.

Et c’est un bonheur de voir la surprise de l’invité : « mais ? Comment tu sais ça ? ». Vous rajoutez à ça des questions qui fonctionnent vraiment bien comme « de quoi tu rêvais à 18 ans ? » ou « c’est quoi le livre que tu offres le plus » et le tour est joué.

L’autre énorme avantage c’est que le professeur peut aiguiller la personne et la faire changer de sujet si ça devient ennuyant pour les étudiants. Étudiants qui peuvent d’ailleurs poser des questions à tout moment à l’oral ou à l’écrit dans la messagerie interne que je consulte tout au long de la discussion.

Le tour de table final

Chaque journée s’achève par un tour de table final d’environ 20 minutes qui permet aux étudiants de raconter comment ils ont vécu la journée et faire des suggestions d’amélioration. Ils expriment également ce qu’ils attendent de la journée suivante.

Les exercices quotidiens

Afin d’éviter le phénomène « ah mais j’ai oublié que y’avait un exercice pour aujourd’hui », il y a un exercice à faire tous les soirs, sans exception.

Les exercices hebdomadaires

Même principe mais à la fin de chaque semaine un exercice plus conséquent puisqu’ils ont 3 semaines pour le faire.

Les replays

Tous les cours sont filmés. Afin de proposer aux étudiants un replay de chaque cours et leur permettre d’écouter sans forcément prendre des notes lourdes.

La prise de notes

En parlant de prise de note, il existe un document de prise de note collective. Un étudiant se dévoue au début du cours pour prendre des notes légères. Ces notes sont ensuite partagées à l’ensemble des étudiants.

Les mini # tru

Une fois par semaine, entre 12h30 et 13h30, une vingtaine de professionnels viennent débattre avec les étudiants d’un sujet en lien avec le cours du moment. C’est donc un format totalement ouvert au public. L’intérêt est d’avoir des retours d’expérience de vrais recruteurs sur le terrain. Par exemple, le premier s’intitulait « comment améliorer le taux de retour de ses messages d’approche ? ».

Les projets

On l’a dit, une grosse partie du temps est dédiée aux projets. Il s’agit de créer quelque chose de concret et de pratique. Il y en a 4 : faire un audit des pratiques de recrutement d’une entreprise volontaire, créer une journée de formation au recrutement, organiser un événement sur le recrutement et recruter les prochains élèves de l’école.

Carte blanche totale aux étudiants pour la mise en oeuvre du projet. Je me suis librement inspiré du format « junior entreprise ».

Office Hours

Je vous en ai parlé plus haut. Les Office Hours répondent au besoin de suivi individualisé. Il s’agit d’une demi-heure avec l’élève, en individuel. C’est le moment de demander à l’élève comment il se sent, que ce soit dans son entreprise ou à l’école. L’élève peut parler de tout ce qu’il veut. S’il veut parler de problèmes de vie personnel, il peut. S’il veut demander des conseils de lecture, il peut. S’il veut demander de l’aide pour sa recherche d’emploi, il peut. Etc.

Les Khôlles

Ceux qui ont fait une prépa connaissent bien ce format. Il s’agit d’une interrogation orale portant sur un point précis du cours. Les élèves ont une demi-heure pour préparer un exercice, puis une demi-heure pour le présenter. On passe par groupe de 2 ou 3 (pendant qu’un groupe passe, le suivant prépare).

C’est un formidable outil car il permet d’aller en profondeur de manière individualisée avec un élève. Néanmoins, il faut faire très attention : le format entraîne une très forte dose de stress chez l’élève, même quand l’examinateur est bienveillant.

J’ai eu un élève à qui j’ai pourtant donné 20 (sachant que la note est indicative et n’a aucun impact) qui en est sorti comme si j’avais passé 30 minutes à lui crier dessus. Le stress est d’autant plus grand que vous avez habituellement une relation chaleureuse avec l’étudiant en question. Car pendant une khôlle, l’examinateur est obligé de rester neutre et de ne pas laisser ses affinités personnes rentrer en compte.

Le « mémoire »

Je hais le format actuel des mémoires. Surtout quand ce n’est pas en université. Au moins les universitaires ont cette culture de la recherche. Quand une école recopie la méthode sans avoir la culture ça donne une catastrophe. Ça vous donne des étudiants qui n’ont pas le droit d’utiliser de ressources Internet dans leur bibliographie car il faut à tout prix qu’un livre existe. Même sur des sujets qui ne se prêtent pas au livre. Ça vous donne des étudiants qui vont interviewer des professionnels pour leur poser des questions barbantes. Bref, moi vivant personne ne fera de mémoire dans mon école.

En revanche, j’apprécie le fait de se poser pour produire une pensée structurée. Le « mémoire » sera donc la production collective d’un mini-livre sur le recrutement. Il n’y aura pas de contraintes de format. Et, pour éviter le phénomène de dernière minute, j’ai décidé de bloquer une semaine complète à la production de ce « mémoire ». À 11 étudiants, il suffit que chacun écrive 5 pages (1 par jour) pour faire un mini-livre de 55 pages.

Pourquoi est-il collectif ? Pour envoyer le message que toute la promotion est dans le même bateau : vous réussissez tous votre année ou vous échouez tous votre année.

La vie de l’école

Tous les vendredis soir, on garde une demi-heure pour aborder des sujets de vie de l’école : le chauffage, la vaisselle, des améliorations de cours, des suggestions de cours, etc.

Ask Anything

Tous les mercredis matins, le professeur dépouille la boîte aux questions. Dans cette boîte les élèves ont posé des questions anonymes. Exemple de questions qui m’ont été posées : « combien gagnes-tu par mois ? » « quelle est ta plus grande peur ? » « qui est ton chouchou dans la promo ? » « peut-on avoir un cours de drague ? ». Aucune question n’est taboue. Le professeur décide bien entendu s’il veut répondre ou pas et j’ai d’ailleurs choisi de ne pas répondre à la question du chouchou.

Show&Tell

Tous les lundis matins, à la première heure, les élèves viennent raconter une histoire. Peu importe quoi. Il s’agit de les habituer à prendre la parole devant un public. Librement inspiré de ce que font les écoles primaires américaines.

Les livres

Tout est dans les livres. S’il y a une seule chose à retenir c’est bien ça. Si j’arrive à leur transmettre le goût de la lecture alors plus rien ne pourra jamais leur arriver. Ils ont donc 10 livres à lire parmi une sélection de 40. Pourquoi avoir fait une sélection ? Parce que je ne veux pas qu’ils puissent être dégoutés en lisant des mauvais livres. En revanche, les livres sont variés, il ne s’agit pas de livre de recrutement uniquement. J’y ai même mis un film, une bande-dessinée et des albums.

Je vous mets ci-dessous la liste des 40 oeuvres, je vous expliquerai pourquoi chaque oeuvre dans un article futur.

Recrutement pur

Who, the A method for hiring ✅
The talent fix ✅
Work rules! ✅
L’entrevue structurée ✅
L’entreprise du bonheur ✅

Biographie d’entrepreneur

Shoe dog
Steve Jobs
The founder (le film)

Travail sur soi

How to talk to anyone
The subtle art of not giving a fuck
L’obstacle est le chemin
Le jour où j’ai appris à vivre

Trouver le bon job

N’envoyez pas de CV !
The 2 hour job search
Business Model You

Fiction

La part de l’autre
Obélix et compagnie
3096 jours ⚠️ [Contenu pouvant choquer]⚠️
Rien ne s’oppose à la nuit ⚠️ [Contenu pouvant choquer]⚠️
Les liaisons dangereuses⚠️ [Contenu pouvant choquer]⚠️
Mygale ⚠️ [Contenu pouvant choquer]⚠️

Business Général

Le personal MBA
Stratégie Océan Bleu

Apprendre à convaincre

Présentation Zen
Parler en public. TED.
Comment faire tomber un dictateur quand on est seul, tout petit, et sans armes
Models : Attract women through honesty
Go for no

Psychologie

Thinking fast and slow
Influence et manipulation
The luck factor : The Scientific Study of the Lucky Mind

La science des décisions

Blind spot : Hidden Biases of Good People
Thinking in bets : Making smarter decisions when you don’t have all the facts
The wisdom of crowds
Superforecasting – The art & science of prediction
How to decide : what to do when you don’t know what to do

Essais sociétaux

King Kong théorie  ⚠️ [Contenu pouvant choquer]⚠️
Inferior
Feminist fight club : An Office Survival Manual for a Sexist Workplace

Une de ces trilogies d’album (au choix) :
Orelsan : Perdu d’avance, Le chant des sirènes, La fête est finie  ⚠️ [Contenu pouvant choquer]⚠️
Lino : Quelques gouttes suffisent, Paradis assassiné, Requiem  ⚠️ [Contenu pouvant choquer]⚠️
Booba : Mauvais Oeil, Temps Mort, Ouest Side  ⚠️ [Contenu pouvant choquer]⚠️
Keny Arkana : Entre ciment et belle 7, Désobéissance, Tout tourne autour du soleil

La coupe des 4 maisons

Vous avez lu Harry Potter ? Alors vous savez de quoi je parle : les élèves sont répartis en 4 maisons. Dans Harry Potter les maisons s’appellent Gryffondor, Serpentard, Poufsouffle et Serdaigle, du nom des fondateurs. Je me voyais mal appeler nos maisons : Galita, Brouat, Cosar, Hertzog. Alors j’ai été chercher des figures historiques méconnues qui ont eu un impact énorme sur le cours de l’humanité. J’ai également essayé de m’en tenir au modèle de base et donc d’avoir des figures qui expriment des penchants humains différents : le courage, la sagesse, la loyauté, l’ambition.

J’ai retenu : Charlotte Corday, Ada Lovelace, Ignace Philippe Semmelweis et Stanislas Petrov. Corday parce que son acte (elle a assassiné Marat dans sa baignoire) est incompris comme tous les actes de Serpentard. Elle était convaincue qu’il fallait tuer Marat pour éviter qu’il guillotine des milliers d’autres personnes. Lovelace parce qu’elle incarne parfaitement l’amour du savoir. Il s’agit du premier humain à avoir développé un algorithme moderne, à une époque où il n’y avait ni ordinateur ni d’accès à l’instruction pour les femmes. Semmelweis incarne à merveille le travail acharné et la loyauté : il a découvert qu’en se lavant les mains après une autopsie et avant de faire accoucher, on sauvait la vie des femmes enceintes. Personne ne l’a cru (on ne connaissait pas encore le concept de virus) et il est mort dans le dénuement. Enfin, Petrov est l’incarnation du courage : il a refusé de déclencher une guerre nucléaire, alors même que sa machine lui indiquait que 3 missiles nucléaires américains arrivaient dans sa direction. Sur un coup de foi, il a expliqué qu’il s’agissait forcément d’un bug et qu’il refusait donc de riposter. Et il avait raison : le soleil avait fait dysfonctionner le radar.

À quoi servent les maisons ? À infuser une dose équilibrée de compétition et collaboration. Les maisons sont en compétition (bon enfant) entre elles pour obtenir des points. Mais, au sein de ces maisons, les étudiants sont en collaboration. L’autre intérêt est d’éviter ce que je détestais dans mes études : les projets de groupe temporaires. Pourquoi ? Parce que vous aviez toujours des gens qui ne faisaient rien, des gens qui faisaient tout (tout aussi insupportable) et des gens au milieu qui ne savaient pas comment se placer. Ici, ce ne sera pas possible car vous savez que tous vos projets de groupe se feront avec les mêmes personnes. Vous n’avez pas la possibilité de changer de groupe. Vous avez donc tout intérêt à faire tout pour que le groupe fonctionne bien.

Au cous de l’année, chaque maison gagne des points grâce aux exercices, aux jeux, aux défis. La plupart des notes sont également par maison : il y a peu de notes individuelles.

La rentrée

Les trois premières semaines de cours sont consécutives. Ce afin de leur donner un socle assez solide avant de les jeter dans une entreprise. Ça permet également de créer un esprit de promotion.

Programme complet

Une fois que j’avais ces briques, j’avais tout ce qu’il me fallait pour créer un programme complet. J’ai fait en sorte que chaque semaine ait un thème. L’idée c’est de mobiliser chaque matière (les UV) au service de ce sujet. Voici les thèmes :

Semaine 1 : État d’esprit
Semaine 2 : Les annonces
Semaine 3 : Les entretiens
Semaine 4 : Approcher un humain
Semaine 5 : La relation avec les managers/opérationnels
Semaine 6 : Piloter un recrutement
Semaine 7 : Ordinateurs et Internet interdits
Semaine 8 : Dans la peau d’un candidat
Semaine 9 : On peut tout modéliser
Semaine 10 : Le mémoire
Semaine 11 : Hackathons
Semaine 12 : À déterminer

Semaine 1 : État d’esprit

Il s’agit d’inculquer l’état d’esprit du recruteur : notamment sur le rapport aux candidats. Cette première semaine était également l’occasion de faire des jeux pour se connaître (le loup-garou par exemple) ainsi que des activités de découverte de soi. On en profite également pour faire une première injection de cours de sourcing.

Semaine 2 : Les annonces

On profite d’avoir encore des esprits vierges des pratiques les plus dégueulasses pour donner une théorie de l’annonce.

 

Semaine 3 : Les entretiens

Assez logiquement, cette dernière semaine de la rentrée est consacrée à la matière qui demande le plus d’enseignement : l’entretien. Tout le monde pense savoir faire un entretien, alors tout le monde fait n’importe comment. On apprend donc la seule méthode validée scientifiquement : l’entretien structuré.

Semaine 4 : Approcher un humain

On va aborder la question du message d’approche mais plus largement de l’approche en général. Comment parler à une personne que l’on ne connaît pas ?

Semaine 5 : La relation avec les managers/opérationnels

Cette semaine est fondamentale mais ne peut pas arriver trop tôt : elle demande un peu de maturité professionnelle. Une partie sera dédiée à comprendre les tenants et les aboutissants de cette relation. Qui est vraiment propriétaire du recrutement ? Et l’autre sera dédiée au développement de capacités d’autodéfense intellectuelle.

Semaine 6 : Piloter un recrutement

Ici il s’agit d’apprendre à déployer, mesurer, orchestrer un recrutement. C’est une des parties sur lesquelles je suis moi-même en lacune, j’aurai donc besoin d’aide externe.

Semaine 7 : Ordinateurs et Internet interdits

Je me suis toujours demandé comment faisait les recruteurs avant la démocratisation des ordinateurs. Et bien on va faire l’expérience. On va essayer d’approcher des gens sans Internet, dans la rue, dans des boutiques. Idem, on va refaire des annonces papiers, comme à l’époque. Ce sera l’occasion de réinterroger notre rapport à l’outil.

Semaine 8 : Dans la peau d’un candidat

Le danger du recruteur est d’oublier ce que c’est d’être un candidat et de commencer à traiter les gens comme des RESSOURCES humaines. Pourquoi répondre à une ressource ? J’aimerais donc les marquer à vie. En les mettant dans la peau de candidats. D’abord en les faisant postuler à tous les sites carrières du CAC 40. Pour les confronter au silence. Puis en les inscrivants sur un jobboard en tant que développeurs java. Pour les confronter au harcèlement. Ce sera également l’occasion d’inviter des candidats à témoigner de leurs pires expériences.

Semaine 9 : On peut tout modéliser

On va profiter d’avoir une dizaine de cerveaux et une vingtaine de mains pour créer des templates pour tout. Des modèles d’annonces, de messages d’approche, de guide d’entretien, de réponse aux objections, de script téléphonique, etc.

Semaine 10 : Le mémoire

Comme dit précédemment, cette semaine est entièrement dédiée à la conception et rédaction du mémoire collectif.

Semaine 11 : Hackathons

La semaine du Hackathon consiste à construire des choses qui représentent des défis. Par exemple créer un vrai site web de cabinet. Ou alors reconstruire le listing détaillé de tous les gens qui ont participé à un événement de recrutement. Ou bien construire un chatbot. Des Google CSE. Etc.

Semaine 12 : À déterminer

Je garde cette dernière semaine pour avoir une flexibilité en fonction des cours qu’on aura eu le temps de faire ou pas.

Les outils

Enfin, voici les outils que j’ai choisi d’utiliser.

Slack

Probablement la pièce maîtresse du dispositif. Slack est un espace de discussion semi-instantané et organisé par sujets. Ce qui est frappant avec Slack c’est son ergonomie. C’est tellement bien fait que ça devient vite addictif. C’est l’équivalent d’une machine à café géantes où tous les sujets sont abordés.

Slack permet d’abolir totalement l’usage des emails en interne ainsi que d’avoir un accès en temps réel au professeur pour lui poser des questions rapides.

(Petit conseil si vous voulez utiliser un Slack pour une école : mettez un channel que vous appelez « agenda » et connectez-le à un Google Agenda. Comme ça tous les matins il envoie un message aux étudiants avec un récapitulatif de la journée qui arrive. Et tous les soirs il envoie un rappel pour l’exercice)

Paper

Comme Google Docs, permet de créer un document collaboratif. On peut collaborer en temps réel dessus. Et, cerise sur le gâteau : il y a un mode présentation. Donc je prépare mes supports de cours dessus au lieu de faire des slides. Ce qui permet à l’élève qui prend des notes de le faire en direct.

Socrative

Cet outil permet de créer rapidement des questionnaires en ligne pour évaluer ce que les élèves ont retenu. Il a été pensé dans la philosophie de l’évaluation formative. Je vous épargne la théorie mais en gros ça veut dire qu’il me fournit des statistiques pour comprendre ce que la classe a le moins bien compris. Ce n’est pas tant l’info individuelle que l’info collective qui est intéressante. Si toute la classe échoue sur une question je peux en déduire que j’ai mal enseigné.

Son seul défaut : les rapports statistiques se font par session. Mais il est impossible d’avoir un rapport individuel sur l’année.

#TruAcademy

On utilise notre propre plateforme de formation pour accompagner les cours. Premièrement, il est obligatoire pour les élèves de faire tout le parcours et d’obtenir la certification. Ensuite, je m’appuie dessus pour les cours format MBA : ils font d’abord les vidéos et ensuite on en discute. Enfin, la fonction atelier est particulièrement intéressante car elle permet de leur proposer un exercice individuel à faire pendant un cours.

J’ai été agréablement surpris de découvrir le produit côté client. En effet, il y a un gouffre entre savoir en théorie et pratiquer. Et là j’ai pu utiliser # TruAcademy comme on le propose aux responsables de formation. C’est-à-dire que je suis capable de voir qui sont les élèves qui font les vidéos, ce qu’ils regardent, leur progression pendant la semaine, etc. C’est un outil de suivi incroyable.

J’envisage pour la seconde année de tout mettre dans TruAcademy : les exercices, les sujets, les cas pratique, etc. Afin de pouvoir tout mesurer.

Il m’a également été d’une grande aide pour prescrire un programme de révisions aux deux élèves arrivées en cours de rentrée.

Conclusion

J’avais prévu de vous raconter les trois premières semaines de rentrée mais j’ai déjà dépassé les 6000 mots, ce qui en fait un des articles les plus longs que j’ai jamais écrit. Je crois qu’il est donc grand temps de vous libérer !

Pour la prochaine fois je vous prépare :

La liste des lectures expliquées en détail
Un pack de création d’une école à télécharger pour tous les gens qui voudraient lancer leur école
Un récit détaillé des trois premières semaines de cours.

 

Notre encyclopédie du recrutement en 9 tomes

 

[Si vous voulez accéder au document sans plus attendre, je ne vais pas vous infliger la lecture d’un article. Le voici : bit.ly/abcdurecrutement.]

 

On nous demande régulièrement comment trouver des « lectures » sur le recrutement. Jusqu’à maintenant, je renvoyais à ce qui me venait en mémoire selon le sujet de mon interlocuteur. Avec tout ce que la mémoire peut avoir de non-fiable. D’ailleurs, il m’arrive régulièrement de me dire, une heure après, quelque chose du style : « ah mince ! J’aurais dû lui parler du slideshare de Netflix sur la culture ». Parce que c’est un des soucis de la mémoire. C’est le même phénomène que de se rappeler que les clés sont à l’intérieur juste à la seconde d’après la fermeture (et non pas la seconde d’avant).

J’ai donc fini par me poser pour faire l’inventaire de toutes les sources que je connaissais et que je trouvais intéressante pour faire du recrutement. Ça ne parle donc pas QUE du recrutement : je trouve intéressant de connaître les fondamentaux de la psychologie par exemple. Et ça ne parle que de ce que j’apprécie à titre personnel. Inconvénient : cet exercice est complètement subjectif. Avantage : vous avez un filtre qui vous fait gagner du temps.

Et voilà ce que ça donne : bit.ly/abcdurecrutement

Wikipédia ne nous respecte pas

En créant ce document, j’ai logiquement eu le réflexe d’aller chercher l’article Wikipédia sur le recrutement. Sur la plupart des sujets que je ne connais pas, c’est généralement mon premier point de départ avec une simple requête Google.

Je ne m’attendais pas à voir un article aussi…nul. Je savais que l’article sur le sourcing était ridicule car j’avais été le consulter quand j’ai découvert le mot dans le premier article que j’ai lu de Laurent. D’ailleurs ce n’est même pas un article, mais le sous-chapitre d’un article qui est lui même si court qu’on dirait le sous-chapitre d’un autre article. Et, ça ne s’invente pas, il finit par la phrase « on parle alors de sourcing évolutif ou de smart sourcing« .

Donc, je m’attendais déjà à être un peu déçu en tapant recrutement dans Wikipédia. Et je n’ai pas été déçu sur la déception. Ma première pensée a été « même Wikipédia ne nous respecte pas« .

Déjà, l’article commence avec deux bandeaux d’avertissement, ce qui est très mauvais signe sur Wikipédia.

Deux alertes sur le manque de sources. On est très très mal parti.

L’article commence par une section sur les enjeux du recrutement… qui ne parle presque que des enjeux de discrimination. Bien entendu, je suis le premier à dire que l’enjeu est crucial. Mais de là à en faire le premier et seul enjeu du recrutement ? Quid de l’adéquation entre candidat et culture d’entreprise ? Quid de la capacité d’apprentissage ? Quid de la difficulté à savoir où chercher ? Etc.

On y trouve même au passage un morceau de langue de bois qui a miraculeusement réussi à passer les filtres de l’encyclopédie :

« La cooptation, encouragée par certaines formes de réseautage et de sourcing (via par exemple les réseaux d’anciens élèves de grandes écoles ou professionnels), génère de la reproduction sociale qui peut freiner l’innovation adaptative « 

Quelqu’un saurait m’expliquer ce qu’est une innovation adptative (ou plutôt à quoi ressemble une innovation qui n’est pas adaptative) ?

Ensuite, dans la section sur les  modes de « recrutement externe » on a, sur le même plan : les « petites annonces », les candidatures spontanées, les réseaux sociaux, la cooptation, les forums et…les entretiens collectifs (?). Seul élément qui dénote avec le reste puisque ce n’est pas un canal d’acquisition mais plutôt une voie d’évaluation. Ne parlons même pas de la fameuse « loi Borlot » sur l’intérim. C’était tellement gros que j’ai eu un moment de doute et que j’ai été vérifier dans Google que la loi venait bien du Jean-Louis Borloo que même ma maman connaît et non pas d’un ou d’une Borlot moins connu qui m’aurait échappé.

Mention spéciale pour « le facteur général (G) » qui serait un des critères de recrutement.

« Lors du recrutement, un grand nombre d’éléments sont pris en compte dans le choix des candidats retenus (formation, expérience professionnelle, réussites professionnelles majeures, intérêt professionnel, personnalité, facteur général (G), valeurs…) »

Je ne sais pas combien de recruteurs discutent du facteur général G devant la machine à café ?

À ce stade, on peut pardonner le manque de mise à jour de l’article qui parle de 18 critères (sans les citer) de non-discrimination au lieu des 23 au moment où j’écris. Mais j’ai fini d’être achevé par le fait que le sous-chapitre législation ne détaille qu’une seule chose : il est interdit de faire travailler des enfants. Merci pour l’info.

Bref, Wikipédia ne m’a pas été de la moindre aide, même si j’ai augmenté ma culture générale en découvrant ce qu’était le facteur G.

Variété des sources

Je suis donc retourné à ma quête en faisant l’inventaire de toutes les sources qui m’avaient touché de près ou de loin, pour les rajouter avec nos propres articles. C’est pour ça que j’ai appelé ce document « notre encyclopédie du recrutement » et non pas « l’encyclopédie du recrutement » : parce que le but est aussi de pouvoir organiser et répertorier nos propres articles.

Premièrement parce que nous allons en avoir besoin pour lancer le parcours étudiant de l’école du recrutement. Deuxièmement, parce qu’en fait on en avait déjà besoin mais qu’on avait la flemme de le faire. Troisièmement parce qu’à chaque fois qu’un étudiant me demandait ma bibliographie, je répondais à moitié sérieusement : « je ne sais pas, nous sommes notre propre bibliographie ». Mais que je n’étais pas capable de lui proposer quelque chose de plus structuré que « va fouiller sur le blog ».

Pour autant, vous y trouverez des sources venant d’un peu partout. Sous des formats différents : vidéos, articles, livres…Le tout organisé en 9 grandes thématiques. Gardez juste à l’esprit ce double objectif : vous aurez également des contenus qui ne vous concernent pas si vous n’avez pas de compte #TruAcademy. À vous de faire le tri. J’ai essayé de vous faciliter  la tâche en étiquetant chaque catégorie :

[Article maison] Pour les articles qui viennent de notre blog
[Article externe] Pour tous les autres articles
[Livre blanc] Pour les livres blancs, les pdf, les ppt, etc
[Livre] Pour les livres
[Vidéo] Pour les conférences
[Blog] Quand tout le blog est intéressant et que je n’ai pas eu le temps de trier
[Email] Pour les contenus qui viennent de programme email
[Module vidéo maison] Pour les modules #TruAcademy

Le contenu (sommaire)

Sans plus attendre…voici donc les 9 grandes thématiques. Notez que je vous mets un lien direct vers la thématique en question à la fin. Cliquez dessus et attendez une trentaine de secondes que le document aille tout seul au bon endroit.

Thème #1 | Savoir organiser un recrutement de A à Z

C’est une partie très générale qui repose sur des définitions et des guides complets de recrutement. C’est ici que vous trouverez les articles et les livres qui parcourent l’ensemble de la chaîne.

Culture générale du recrutement
Guides complet
Les annonces
LinkedIn
L’offre d’embauche
Le sourcing
Le message d’approche
L’entretien
Prendre un besoin
La cooptation
L’intégration
La culture

Cliquez ici pour accéder directement à cette partie

Thème #2 | Maîtriser l’art de la conversation

On entend la conversation au sens large. Nous pensons que le recrutement est une conversation et qu’énormément de dysfonctionnement viennent du fait que certaines sont des monologues plutôt que des dialogues. Beaucoup d’annonces sont des monologues : on fait une liste de ce qu’on attend sans jamais évoquer la réciproque. Que peut-on attendre de nous ? Dans cette partie vous trouverez des ressources sur les techniques d’écriture de vente, mais aussi sur la conversation orale ou l’art de l’approche à froid.

L’écriture de vente
L’écriture des messages d’approche
La conversation orale
L’art de la relance
Empathie et écoute

Cliquez ici pour accéder directement à cette partie

Thème #3 | Être imprenable sur le sourcing

Probablement la partie sur laquelle nous sommes le plus solides. Ou en tout cas la partie par laquelle la plupart d’entre vous nous ont connu. C’était notre sujet historique et on le sent encore. Cette partie couvre à la fois les définitions de base des opérateurs booléens, mais aussi des méthodologies et des études de cas un peu plus complètes. Et pour les puristes, j’ai ressuscité tant bien que mal (dans un dossier Evernote) les articles de mon ancien blog (Les Sourceurs) qui ne fonctionne plus. Juste pour le clin d’oeil (et parce que vous avez été plusieurs à me dire que vous auriez aimé les ravoir).

Connaissances générales
Les opérateurs booléens (vocabulaire)
La syntaxe booléenne (conjugaison)
La méthodologie
Les synonymes
X-ray scan et études de cas

Cliquez ici pour accéder directement à cette partie

Thème #4 | Comprendre les bases des sciences humaines

Le marketing, la sociologie, la psychologie, la vente, l’amélioration de soi, l’équilibre de vie… toutes ces matières qui enrichissent la pensée parce qu’elles s’intéressent à l’âme humaine. Beaucoup d’erreurs pourraient être évitées avec la simple connaissance du fonctionnement de la « motivation » par exemple. Malheureusement, comme toutes les disciplines, la théorie est contre-intuitive. Et, malheureusement, la plupart des gens ont le sentiment de pouvoir savoir sans apprendre, simplement en s’observant soi-même.

Marketing
Psychologie et ingénierie sociale
Vente
Science de la décision
Gérer son équilibre de vie personnelle
Développer sa confiance et son estime de soi

Cliquez ici pour accéder directement à cette partie

Thème #5 | Différencier les pratiques scientifiques des pratiques aléatoires et des concepts fumeux

Nous avons encore d’énorme progrès à faire ici et ce sera une des clés de la construction d’une théorie du recrutement solide. Faire la jonction entre les professionnels et le monde de la recherche. Il existe déjà pas mal de recherches qui permettent d’invalider certaines pratiques. Notamment les entretiens non-structurés. De même, quand on s’intéresse à la littérature scientifique il est facile de comprendre que le concept de génération Y ne repose sur rien et qu’il est même un contresens fâcheux. On profitera également de cette partie pour se désintoxiquer à la langue de bois.

Et surtout : on fait un zoom sur la discipline de l’entretien, car c’est elle qui est la plus fragile face à l’aléatoire.

Connaissances générales
L’entretien n’est pas une discipline qu’on improvise
La définition du besoin peut être méthodique
Les concepts fumeux

Cliquez ici pour accéder directement à cette partie

Thème #6 | Avoir une culture générale business minimale

Ici, il s’agit de lever un peu le nez du guidon pour s’intéresser aux fondements d’un business. Afin d’avoir au moins des bases dans toutes les autres disciplines : finance, marketing, contrôle de gestion, RH (même si le recrutement n’est pas RH, ça ne nous interdit pas d’étudier la discipline).

Vous trouverez également des sources sur la construction d’un business model, l’élaboration d’une stratégie ou une réflexion sur l’utilité des process en entreprise.

Bien entendu, il y a également des ressources pour se cultiver sur le recrutement vu en tant que secteur.

Et, enfin, une partie pour apprendre à choisir et trouver un emploi.

Fonctionnement général d’un Business
Culture générale business du recrutement
L’autre côté de la barrière : apprendre à chercher un emploi et à trouver sa voie

Cliquez ici pour accéder directement à cette partie

Thème #7 | Obtenir le bon état d’esprit

Candidat n’est pas un métier, les outils ne nous sauveront pas, le recrutement n’est pas RH… Et surtout : comment on devient un bon recruteur. Ici on abordera la partie qui est à la source de tout le reste. Tout commence par l’état d’esprit. Comment on devient mentalement un recruteur et comment on s’améliore une fois qu’on l’est. J’en ai profité au passage pour vous donner des ressources pour apprendre la prise de parole en public.

Vision du recrutement
Candidat n’est pas un métier – Soignez les candidats
Les réseaux sociaux ?
Qu’est-ce qui fait un bon recruteur ?
Le recrutement n’est pas RH
S’améliorer

Cliquez ici pour accéder directement à cette partie

Thème #8 | Etre en mesure de penser, orchestrer, déployer, piloter puis automatiser un process de recrutement

C’est une des parties où nous sommes le moins solide. On continue d’ailleurs à se faire former sur le sujet. Comment mettre en mouvement un recrutement ? Seul, mais surtout en équipe. Comment s’organiser ? Comment orchestrer, mesurer les efforts de recrutement ?

Gérer le temps et l’organisation
Piloter une équipe
Mesurer le recrutement
Connaître le terrain de bataille
Déployer une bonne expérience candidat

Cliquez ici pour accéder directement à cette partie

Thème #9 | Maîtriser les outils

Même si je me tue à répéter que ce ne sont pas les chaussures d’Usain Bolt qui le font courir comme ça, il n’empêche que pour courir la finale du 100 mètres, il vaut mieux avoir un minimum de culture générale pour choisir les bonnes chaussures.

Cette partie se focalise donc sur la maîtrise des outils les plus efficaces. Avec le défaut évident de refléter nos propres lacunes. Par exemple, je n’ai jamais utilisé de CVthèque, je suis donc mal très placé pour sélectionner ou écrire des articles sur le sujet.

Google
Trouver, vérifier des emails
LinkedIn
Outils pour faciliter le sourcing
Pour l’annonce
Autres

Cliquez ici pour accéder directement à cette partie

Appel à l’aide

Comme je vous le disais au début, nous avons des lacunes. Si vous avez de quoi nous aider, n’hésitez pas à laisser un commentaire sur cet article (ou m’envoyer un sms au 06 10 99 62 68). Voici les lacunes dont j’ai le plus conscience et qui sont les plus urgentes à combler :

  1. L’intégration/Onboarding
  2. La vente au sens large
  3. La vente dans le contexte cabinet de recrutement
  4. Les parties juridiques
  5. La cooptation
  6. Les RH

Conclusion

Ce n’est que la première version et le format sera appelé à évoluer et à changer selon vos retours. N’hésitez pas à me dire si vous pensez qu’il manque quelque chose de pertinent. L’équilibre est délicat à trouver entre exhaustivité et filtre.

Dans tous les cas, ce document aura servi à une personne : moi. Je pourrai enfin répondre aux étudiants qui m’envoient des messages pour leur mémoire en me demandant des sources.

J’espère que ça vous servira aussi à vous : bit.ly/abcdurecrutement

Ma théorie secrète de l’enseignement en 21 découvertes

Notre croyance : Le recrutement mérite son école. Notre mission : contribuer à la créer. Ce qui veut dire que nous avons acquis de l’expérience sur le recrutement mais aussi sur l’enseignement (au sens large de pédagogie, formation, éducation…).

Une fois n’est pas coutume ce n’est donc pas de recrutement que je veux vous parler mais bien d’enseignement. Afin de partager avec vous notre vision. Bien entendu, c’est le résultat de ce que j’ai découvert au fil de mon expérience en formation et en école. Du coup, c’est forcément orienté par cette expérience particulière. Par exemple, je n’ai jamais enseigné à des enfants.

Trêve de paroles. Voici les choses les plus contre-intuitives que je crois avoir découverte :

#1 – Les gens ne veulent pas apprendre

J’ai mis du temps à l’intégrer mais, peu importe ce qu’ils en disent, les gens ne veulent pas apprendre. Attention, ça ne veut pas dire qu’ils n’aiment pas apprendre. Mais, par défaut, ils ne veulent pas. Au même titre que les gens ne veulent pas spontanément faire du sport : ils ont envie d’avoir envie de faire du sport.

Notre inertie naturelle fait qu’on aimerait savoir sans apprendre, courir un marathon sans transpirer.

« J’ai passé ma vie à enseigner (…). Et j’ai découvert qu’il y a une chose (et une seule) qui distingue les bons étudiants des mauvais. Les bons viennent et disent : « Je veux apprendre ». Ils voient l’échec et le désordre comme des états transitoires et disent : « Ça n’a pas marché, montre-moi autre chose ». Ils ont soif.

Les autres veulent savoir quel sera le sujet de l’examen. Ils restent les bras croisés. Ils ont besoin d’être d’abord convaincus. Et à vrai dire c’est essentiellement ce qui se produit dans l’éducation classique. Si vous n’arrivez pas à les convaincre, les gens n’apprennent pas. Quand la frustration pointe le bout de son nez, la plupart renoncent.

L’éducation en ligne était censée tout changer. Plus de 100 000 personnes s’inscrivent régulièrement à des cours d’informatique en ligne, gratuits, faits par d’excellents professeurs. Et, chose incroyable, 99% des étudiants abandonnent avant la fin. Ils n’ont pas assez soif. « 

Cette planche de BD résume tout : la première mission de l’enseignant est de parvenir à donner envie d’apprendre. Sans quoi, la difficulté de la mission décuple instantanément. Quand quelqu’un n’a pas envie d’apprendre quelque chose, il vous dit « dans mon secteur c’est différent » avant de retourner à une pratique que tous les autres font dans tous les autres secteurs. Ou alors il vous dit « ça ne marchera pas », avant même d’avoir essayé.

C’est une spirale que l’enseignant doit briser en permanence. Car ce phénomène aggrave spontanément les inégalités : les meilleurs ont soif d’apprendre et les moins bons pensent tout savoir, ou ne pas être assez doués pour apprendre, ou que ce savoir là ne les concerne pas et ne sera pas applicable. Ce qui veut dire que, spontanément, les meilleurs deviennent encore meilleurs et les moins bons stagnent.

D’ailleurs, paradoxalement, les meilleurs commencent spontanément par vous dire « je veux m’améliorer » et les moins bons commencent par vous dire « je ne vois pas ce que je peux apprendre, je connais déjà le sujet ». Votre travail d’enseignant est d’arriver à entraîner les moins bons.

#2 – Les gens ne PEUVENT pas aller chercher sur Google

Ce phénomène était le plus grand mystère du métier pour moi. Je suis resté plusieurs années à me demander pourquoi la plupart des gens se comportent comme si Google n’existait pas. On me paie pour répondre à des questions dont je n’ai pas la réponse mais que je vais trouver sur Google.

Par exemple, la première fois que j’ai donné une formation, je ne savais pas répondre de manière argumentée à la question « est-il légal de débaucher ?« . J’ai donc été sur Google (comme ceci) et j’ai eu la réponse. En moins de 30 secondes. Pourtant, c’est une des questions que l’on me pose le plus (encore aujourd’hui).

Heureusement, j’ai découvert un livre qui répond à cette question et qui a résolu ce mystère qui me rendait fou. Dans 7 myths about education, l’auteure explique le phénomène. Tout d’abord, il faut comprendre le concept de la mémoire de travail.

La mémoire de travail est une mémoire temporaire qui peut stocker environ 3 à 7 objets. C’est pour ça que si je vous demande de faire de tête l’opération 46 x 5, vous allez y arriver. Il vous suffira, par exemple, de vous dire :

46 x 5 = (40+6) x 5
= 40 x 5 + 6×5
= 200 + 6 x 5
= 200 + 30
= 230

Vous avez besoin de stocker deux résultats intermédiaires : 200 et 30. Pour ensuite les additionner entre eux. Stocker deux résultats dans la mémoire de travail est à la portée de l’immense majorité des individus.

En revanche, si je vous demande de faire de tête : 431 x 567 …la tâche se complique d’un coup. Pourtant c’est toujours une multiplication. Que se passe-t-il ? Le nombre de résultats intermédiaires qu’il faut retenir en utilisant la procédure précédente est désormais de 9, ce qui dépasse la capacité de ma mémoire de travail. Je suis bloqué. La plupart des gens ne peuvent pas faire cette opération de tête parce qu’ils vont oublier les premiers résultats intermédiaires en voulant retenir les derniers.

Pour aller plus vite, appelons désormais cet effet « l’inondation cognitive ». Et bien, comme vous le constatez en essayant de faire l’opération de tête, l’inondation cognitive vous paralyse totalement. Vous êtes tout simplement incapable de mener l’opération de tête. Vous bloquez. Et, non seulement vous bloquez mais en plus vous ressentez une sensation ultra désagréable. Presque une douleur physique.

Vous avez le même effet quand vous arrivez dans une ville inconnue et que vous découvrez le système de métro. Vous avez beau avoir un système de métro dans votre ville, les quelques différences vont inonder votre mémoire de travail.

La bonne nouvelle c’est que nous avons une mémoire de long terme. Une mémoire qui peut accueillir beaucoup (beaucoup !) plus d’éléments. Grâce à elle nous pouvons contourner la mémoire de travail. D’ailleurs c’est exactement ce que vous avez fait avec l’opération 46 x 5. Vous avez des notions stockées dans votre mémoire de long terme. Par exemple, vous connaissez la loi de la distributivité. C’est elle qui vous permet de savoir que 46 x 5 = (40+6) x 5. Cette loi est tout sauf intuitive. Si vous ne l’aviez pas apprise à l’école vous ne l’auriez sans doute jamais découverte.

De la même manière, vous connaissez la table de multiplication de 5 par coeur. C’est ce qui vous permet de faire 6×5 si vite. Puis, vous connaissez également les propriétés de la multiplication par 10. C’est ce qui vous permet de faire 40×5 si vite. En vrai, j’ai caché une étape intermédiaire. La plupart des gens ne savent pas immédiatement faire 40×5. Ils vont faire 4×5 (résultat connu par la table de multiplication), puis multiplier le tout par 10. Car on sait que 40 x 5 = 4 x 5 X 10. Et on sait que multiplier par 10 c’est rajouter un zéro.

Vous voyez tous les pré-requis qu’il faut maîtriser pour faire ce calcul de tête ? Maintenant vous comprenez pourquoi un débutant total sera inondé cognitivement par cette opération. Si vous demandez à un enfant de vous faire 46×5, sa seule manière de le faire sera de faire : 46 + 46 + 46 + 46 + 46 = 40 + 6 + 40 + 6 + 40 + 6 + 40 + 6 +40 + 6. .

Maintenant vous savez pourquoi les débutants butent sur des choses évidentes. Ils sont confrontés à l’inondation cognitive et ne peuvent rien y faire.

Il en va de même à chaque fois que l’on découvre un nouveau sujet, une nouvelle discipline. Notez qu’il suffit de 5% de mots inconnus pour qu’un élève commence à faire des contresens dans sa compréhension d’un texte. D’autant plus qu’en général, les mots qu’on ne comprend pas sont les mots les plus importants. Prenons la phrase suivante :

« Le sourcing est une discipline fondamentale dans le recrutement et c’est pourquoi nous allons investir massivement dessus. »

Sur quel mot vont buter la plupart des gens qui n’ont jamais fait de recrutement ? Ils ne buteront pas sur le mot « le ». Encore moins sur le verbe « être » ou le mot « discipline ». Non, ils buteront sur le mot le plus important dans la phrase : « sourcing ». Si vous ne comprenez pas le mot sourcing, vous ne comprenez pas la phrase.

Si jamais c’est le seul mot que vous ne comprenez pas, vous pouvez effectivement aller chercher la définition sur Google. Mais maintenant supposons que je dise cette phrase à un enfant ou à un étranger. Il y a de grandes chances qu’il bute sur les mots « discipline », « fondamentale », « investir », « massivement ». Et là, non seulement il ne comprendra pas la phrase mais il va falloir beaucoup plus de temps pour lui expliquer chaque mot.

En fait, dire que parce que Google existe il suffit que les gens y aillent pour s’éduquer, revient à croire qu’on peut parler une langue uniquement avec un dictionnaire à la main. Ce n’est pas impossible, mais si vous ne connaissez que 10% des mots courants de cette langue, vous n’aurez pas le temps de consulter le dictionnaire en permanence à chaque fois que l’on vous parle. Cette stratégie fonctionne uniquement si vous connaissez déjà une grande majorité des mots.

Pire encore, il y a des concepts qui vous échapperont totalement. Vous ne saurez alors pas que vous ne savez pas. C’est la pire situation. Quand vous ne savez pas que vous ne savez pas, il devient impossible d’avoir l’idée de chercher sur Google. Si je reviens à mon exemple sur le débauchage : la plupart des gens ignorent qu’ils ne savent pas la réponse correcte. Ils ne se donnent donc même plus la peine de chercher.

#3 – L’importance de la théorie

Si vous saisissez pleinement le phénomène précédent alors vous comprenez l’importance de la théorie. La théorie c’est ce que vous allez stocker dans votre mémoire de long terme, pour contourner les limitations de la mémoire de court terme.

C’est une très mauvaise nouvelle : il faut de la connaissance pour accumuler de la connaissance. Vous remarquerez d’ailleurs que la plupart des gens très doués pour faire des recherches sur Google sont également des gens avec une grande culture générale. La mauvaise nouvelle c’est que ça tend à creuser l’inégalité. Les gens qui ont appris plein de choses, vont encore plus vite à apprendre plein d’autres choses.

La théorie est donc fondamentale. Si jamais vous allez sur Wikipédia et que vous tapez « Relativité Générale » voici les premières phrases :

« La relativité générale est une théorie relativiste de la gravitation, c’est-à-dire qu’elle décrit l’influence sur le mouvement des astres de la présence de matière et, plus généralement d’énergie, en tenant compte des principes de la relativité restreinte. La relativité générale englobe et supplante la théorie de la gravitation universelle d’Isaac Newton qui en représente la limite aux petites vitesses (comparées à la vitesse de la lumière) et aux champs gravitationnels faibles. »

Je ne comprends pas tout mais je sais globalement ce qu’est l’énergie, ce qu’est la théorie de gravitation de Newton, ce qu’est une limite en mathématique, ce qu’est la vitesse de la lumière dans le vide et ce qu’est un champ gravitationnel. Je mettrai beaucoup moins de temps à comprendre cette phrase que quelqu’un qui n’a pas la moindre idée de ce qu’est le principe fondamental de la dynamique de Newton.

La théorie (plus précisément la culture générale) est donc un formidable raccourci dans l’apprentissage. Attention : elle doit donc être la plus intemporelle possible. Souvent, les gens s’écharpent sur le fait que l’école enseigne des choses obsolètes et que le monde s’accélère tellement que ça ne sert plus à rien d’enseigner du savoir théorique. Ou alors qu’il faut donner les savoirs théoriques les plus actuels possibles.

Grave erreur. Dans les années 80 il valait mieux enseigner aux enfants l’histoire et les mathématiques que le Fortran ou le COBOL (langages informatiques de l’époque). Qu’est-ce qui avait le plus de chance de devenir obsolète (et qui l’est devenu) ? Certains savoirs ont passé l’épreuve du temps à un point qu’on peut dire qu’ils sont intemporels. On a des traces du théorème de Pythagore jusqu’en 1800 av. J-C. Ce qui veut dire que ce théorème est vieux de plus de 3800 ans ! Quasiment quatre millénaires.

C’est la marque d’un savoir théorique à enseigner. L’autre caractéristique de la théorie c’est qu’elle doit être complète. Vous avez plein de gens qui donnent un argument sophiste pour critiquer le savoir théorique. Ils vous disent « mais à quoi ça sert de savoir par coeur que la bataille de Marignan a eu lieu en 1515 ? On fait quoi dans la vie avec ça ? »

Effectivement rien. Mais c’est la question qui est stupide. Je pourrais faire la même en disant « mais à quoi ça sert de savoir par coeur que 4 fois 4 font 16 ? On fait quoi dans la vie avec ça ? ». Certes, si la seule multiplication que vous connaissez c’est 4 x 4…vous n’irez effectivement pas très loin. Ce résultat n’a d’intérêt que si vous connaissez toutes les tables de multiplication.

Il en va de même pour l’Histoire. Connaître une seule date n’a aucun intérêt. Ce qu’on essaie d’enseigner aux enfants c’est une compréhension globale des grands mouvements de l’humanité. Notamment les mouvements politiques tragiques et les guerres… pour ne pas les reproduire. Si vous ne savez pas qu’en 1789 il y a eu une révolution en France qu’en 1940, il y a eu une occupation dans ce même pays, qu’en 1958 on a créé la Ve république, vous aurez du mal à comprendre la politique actuelle dans ce pays. Si vous ne savez pas qu’il y a eu une première guerre mondiale, vous ne pouvez pas comprendre pourquoi se déclenche la seconde. Et ainsi de suite.

Enfin, la bonne théorie est nécessairement contre-intuitive. Vous pouvez laisser un humain expérimenter le monde pendant 50 ans et il pensera que la Terre est plate. Ça se saurait si on pouvait comprendre les choses uniquement avec son expérience.

#4 – La forme est aussi importante que le fond

Plutôt que de disserter des heures, voici une vidéo qui l’illustre à merveille. C’est un orateur qui montre comment on peut être captivant en ne disant rien de sensé.

Travailler la forme est une marque de respect pour son public. C’est l’équivalent de se mettre sur son 31 pour un rencard. Les humains ont besoin d’une bonne présentation. Point. C’est pour ça que les bons cuisiniers passent autant de temps à donner un bon aspect à leurs plats. Quelqu’un qui se dit que la forme n’est pas importante en enseignement parce que de toutes façons le fond est intéressant est l’équivalent de quelqu’un qui ne comprend pas pourquoi on ne sert pas tous les plats en bouillie. Après tout, ça irait plus vite et c’est le même résultat nutritif final.

#5 – L’enseignement doit être un divertissement

Rappelez-vous du premier point : les gens ne veulent pas apprendre. Il faut donc réussir à les divertir pour leur donner envie. Si je vous demande de réfléchir à des professeurs qui vous ont marqué, il y a de grandes chances que les meilleurs étaient drôles. Déjà parce que le rire et le jeu sont connectés à l’apprentissage. Même les animaux jouent pour apprendre.

L’autre raison c’est que la mémoire est reliée aux émotions. Si jamais vous perdez votre faculté à ressentir des émotions, vous perdez aussi votre faculté à retenir de nouvelles choses. Ça a été étudié sur Phineas Gage, un américain qui a eu un accident qui a atteint son cerveau. Dans un livre qui s’appelle L’erreur de Descartes.

L’enseignement se doit d’être un spectacle, un show. Avec le temps, j’ai fini par avoir autant de blagues préparées que de phrases explicatives. Les blagues ont d’ailleurs toujours un but pédagogique. Par exemple, pour expliquer que les gens passent par Google (et non les sites emploi) pour chercher un travail, je raconte que Google est devenu la porte d’entrée de tout. Que ma mère, quand elle allume son ordinateur, commence par taper Google dans Google. Et seulement ensuite elle continue. À chaque fois que je raconte cette histoire je sais que les gens vont rire ET qu’ils vont retenir ce savoir. D’ailleurs, j’ai tellement raconté et joué cette histoire que je ne sais même plus si elle est vraie. On verra pourquoi quand on abordera les effets de la répétition sur le cerveau.

Vous remarquez que j’ai bien dit « joué cette histoire ». Car un cours, une formation, ça se joue. Il y a de grande chances que vous deviez répéter des centaines de fois le même texte. La blague de ma mère et Google, j’ai dû la raconter 200 fois. Mais l’enseignement est un spectacle : vous n’avez pas le droit de débiter un texte de manière monotone. Il faut incarner et jouer le texte. Faire semblant de réfléchir, faire semblant de venir d’avoir l’idée de la blague. Par respect pour le public qui découvre ce texte pour la première fois.

#6 – Les gens ne comprennent que leur propre expérience

C’est lié à la mémoire de travail. Si vous utilisez l’expérience des gens, c’est ça de moins à stocker dans la mémoire de travail. C’est pour ça qu’on utilise des animaux pour faire compter les très jeunes enfants. On va leur dire « combien font 3 vaches plus 2 vaches ». Pourquoi ne dit-on pas simplement « 3 plus 2 » ? Parce que mettre des vaches permet de se rattacher à quelque chose qu’ils connaissent bien.

Ce phénomène peut bloquer l’apprentissage. Pendant longtemps j’ai été imprudent et négligeant. On me faisait souvent le retour suivant : « tu prends beaucoup d’exemple de recrutement de développeurs, j’aurais aimé des exemples plus généraux ». À chaque fois j’avais la réaction interne (mauvaise) : « mais on s’en fiche ? Ça ne changerait absolument rien de changer les exemples ».

J’avais complètement tort. Le jour où j’ai accepté de varier les exemples, je n’ai plus eu les blocages. Ce n’est pas un détail : les gens peuvent vraiment se bloquer parce que les exemples ne leur parlent pas. Parce que les exemples ne résonnent pas avec leur expérience.

#7 – Les gens refusent de réfléchir à une situation sur laquelle ils n’ont aucun pouvoir

Cette découverte a été un choc pour moi. En cours, j’aime bien faire connaissance avec les élèves en leur demandant ce qu’ils feraient avec 10 millions d’euros. Et j’ai été stupéfait de voir combien de gens refusent de répondre à la question. On a beau leur dire que c’est juste pour le jeu, ils refusent ou répondent volontairement à côté.

Pourquoi ? Parce que si quelqu’un a le sentiment qu’une chose n’est pas en son pouvoir, il va être réticent à y réfléchir. C’est un réflexe logique d’économie de son énergie cognitive. Il faut donc faire très attention. Si vous commencez à parler d’un sujet sur lequel les gens ne se sentent pas en capacité d’agir, ils ne vous écouteront plus.

#8 – On peut avoir le bon message sans être le bon messager

C’est quelque chose de dur à comprendre. Et quand ça vous arrive c’est terrible. Les gens ne vous écouteront pas si vous êtes le mauvais messager. Le premier cours que j’ai donné, j’étais tellement stressé (et aussi complexé par ma calvitie) que j’ai oublié d’enlever mon chapeau. J’ai appris plus tard que les élèves avaient passé leur temps à en parler entre eux sur Facebook pendant le cours.

De même, au début de certaines formations, les gens ne veulent pas m’écouter parce que je suis « jeune ». La bonne nouvelle c’est qu’une fois que vous savez ce qui dérange votre audience, vous pouvez contrecarrer en jouant tout l’inverse. Par exemple, j’adore commencer mes formations par « je ne crois pas en la modernité. Ce qui m’intéresse ce n’est pas l’ancienne ou la nouvelle école, c’est la mauvaise ou la bonne école ».

Dans la même idée, quand j’ai envie d’expliquer l’intérêt d’être végétarien, je sais qu’une grande partie des gens ne vont pas m’écouter parce qu’ils se disent que c’est de la sensiblerie envers les animaux. Donc je commence par « je n’aime pas les animaux, je m’en contrefiche. Ce n’est pas pour les animaux que je le fais » (ce qui est vrai par ailleurs). Et je regagne instantanément l’attention de toute l’audience.

Parfois l’enjeu ce n’est pas de trouver le bon enseignement, c’est de trouver la bonne personne pour le dire. D’autres fois, votre enjeu sera de devenir la bonne personne pour le dire.

#9 – Répéter n’est pas savoir. Répéter c’est croire. Croire n’est pas savoir.

Dans une émission lambda de télé-réalité, une candidate s’interroge. Elle se demande pourquoi on voit la Lune au Brésil alors qu’on la voit en même temps en France.

Elle postule alors qu’il y a deux lunes. Ce qui est marrant dans cette histoire ce n’est pas tant son hypothèse que les réactions. Que ce soit l’autre candidat dans la vidéo, où les gens sur les réseaux sociaux, vous avez eu une vague de moqueries.

Là où ça devient intéressant c’est que quand vous demandez aux gens d’expliquer pourquoi c’est faux, ils commencent par rire et refuser de répondre à une question si basique, si évidente. Puis vous insistez. Alors ils bredouillent des choses encore plus stupides avec un air scientifique. Ils lancent des concepts en l’air comme « décalage horaire », « la Terre est ronde », etc. Puis vous leur dites que vous n’avez toujours pas compris et là ils s’énervent (ou à l’inverse se mettent en position d’élève que l’on gronde).

Pourtant, que la Terre soit ronde (une des raisons les plus citées) c’est plutôt un argument en faveur de l’hypothèse de la candidate. Car sur une Terre plate, sans obstacles, on pourrait justement voir n’importe quel objet, à n’importe quelle hauteur. Je pourrais même voir les montagnes de France depuis le Brésil.

La réponse c’est plutôt que la Lune est très très loin. À une distance telle qu’on peut la voir depuis n’importe quel endroit de la moitié de la Terre qui lui fait face. Encore une fois, si la Terre était plate on pourrait voir la Lune de n’importe quel endroit tout court (pas juste la bonne moitié).

Accessoirement, ça demande aussi de savoir que la Lune est très grande. Si elle faisait la taille d’un avion, on ne la distinguerait plus à cette distance. Si je ne connais pas la distance et la taille de la Lune alors postuler que ce n’est pas possible n’est pas stupide. Bien au contraire : c’est une démarche scientifique. Dans cette vidéo, la personne la plus bête ce n’est pas la candidate, c’est le candidat qui ne cherche même pas à comprendre.

Pourquoi je vous raconte ça ? Parce que beaucoup de gens pensent savoir quelque chose alors qu’ils ne font que le répéter. Le candidat en question ne sait pas qu’il y a une seule Lune, il le répète. Mais si vous êtes incapable d’expliquer un concept ça veut dire que vous ne le savez pas. De la même manière, beaucoup d’enseignants oublient de différencier savoir et répéter. En tant qu’enseignant ce n’est pas la candidate qui doit vous désoler, c’est la réaction du candidat.

Corollaire : il ne faut pas confondre la culture et l’intelligence. La candidate en question est inculte. En revanche sa question est plutôt intelligente. Malheureusement, je croise énormément de gens qui confondent les deux. Parmi mes collègues, Marion est une spécialiste de ça : « je me suis sentie bête parce que je ne connaissais pas le mot ». On peut être très intelligent et n’avoir aucune culture. On peut avoir beaucoup de culture et être bête. Ce n’est pas parce que vous avez appris par coeur le théorème de Pythagore que vous êtes aussi intelligent que lui.

#10 – Le modèle +=-

Tout ceci nous amène à ce point fondamental : si vous ne pouvez pas expliquer un concept c’est que vous ne le savez pas. Le modèle +=- est un modèle qui vous dit que pour apprendre quelque chose correctement vous avez besoin d’un professeur/mentor pour vous enseigner la chose. C’est le +. Ensuite il vous faut des pairs, des gens de votre niveau, avec qui vous allez discuter pour confronter les exemples, vos situations, votre compréhension du cours. C’est le =. Enfin, il faudra que vous expliquiez le concept à quelqu’un pour qui vous serez le professeur. C’est le -.

Et, en effet, tant que vous n’êtes pas passé par ces trois phases, vous n’avez pas vraiment appris. Ce qui veut dire que l’enseignement doit prendre en compte cette mécanique et encourager les élèves à discuter entre eux puis à carrément enseigner à des nouveaux. L’école 42 a fondé sa pédagogie là-dessus. Vous êtes obligé de corriger les « copies » d’autres élèves pour passer les étapes.

#11 – La simplicité est impitoyable

La simplicité ne vous pardonnera pas de la tromper. C’est une dictatrice impitoyable et sanguinaire. Vous n’avez pas le choix : pour enseigner vous devez être simple.

« Une des plus grandes règles de l’enseignement c’est qu’il faut simplifier. Si vous voulez que quelqu’un se rappelle de quelque chose il faut simplifier le message à un point où il peut comprendre l’idée de base pour ensuite progresser par lui-même. Si je veux vous enseigner les maths et que vous n’avez jamais fait de math de votre vie. Admettons que je commence par les équations différentielles, vous n’allez rien retenir, ni même rien comprendre. Par contre si je vous enseigne l’addition et comment compter vous aurez une première idée basique de ce que sont les maths. »

En fait, c’est paradoxal mais la simplicité demande un degré de maîtrise incroyable. Plus je répète le même cours et plus je le simplifie. Parce que, pour expliquer simplement quelque chose, vous avez besoin d’un niveau de compréhension très élevé. La plupart des gens qui savent me répondre instantanément qu’on voit la Lune au Brésil et en France parce que la Lune est loin et grosse, ont souvent fait des études supérieures scientifiques.

À ce titre, l’art de la punchline est une des armes les plus redoutable de l’enseignant. La punchline est une phrase coup de poing qui résume tout un concept en très peu de mots. Par exemple, je peux vous faire une dissertation pour vous expliquer le rapport entre outils et recrutement. Ou alors je peux vous dire : « Les outils ne vous sauveront pas. Ce ne sont pas les chaussures d’Usain Bolt qui le font courir à cette vitesse ». Et vous avez compris. Je peux vous expliquer le mécanisme psychologique qui fait que vous avez l’impression que les gens s’expriment majoritairement négativement sur les réseaux sociaux alors que c’est faux. Ou je peux simplement vous dire : « un arbre qui tombe fait plus de bruit qu’une forêt qui pousse ». Et vous avez compris.

#12 – Il faut enseigner à partir du bon début

Dit comme ça c’est trivial. Et pourtant, la plupart des enseignements que je vois pêchent à ce niveau. Les gens ne prennent pas le temps de comprendre qui est l’audience pour savoir à partir de quel niveau de connaissance il faut s’exprimer. Si vous devez expliquer le recrutement à des étudiants en finance ou à des DRH, vous devez partir d’un point différent. Rappelez-vous : les gens ne comprennent que leur propre expérience.

Du coup, le seul jargon auquel vous avez le droit est celui des gens qui vous écoutent. Comment savoir d’où partir ? Et bien, si vous avez deux heures avec des apprenants, posez leur simplement la question au début. Gardez une dizaine de minutes pour demander ce qu’ils attendent du cours.

#13 – Les experts font souvent de mauvais professeurs

Le problème d’un expert c’est qu’il oublie souvent ce que c’est que d’être débutant. Il oublie le calvaire du début quand on ne comprend rien (à cause de l’inondation cognitive) et qu’on bute sur chaque mot de la discipline. L’expert oublie jusqu’à quel niveau il faut descendre pour commencer à apprendre. L’expert ne se rappelle plus que lui non plus il ne savait pas ce que voulait dire « ATS » la première fois qu’il l’a vu. Et donc il oubliera de vous rappeler que c’est un acronyme du recrutement pour décrire un système de gestion de candidatures.

L’expert ne se rappelle plus que lui non plus n’a pas toujours su ce qu’était une extension Chrome. Et d’ailleurs quand la salle lui dit, il a tendance à s’agacer et à se dire que les gens sont bêtes.

Corollaire : commencer quasi-débutant est une force incroyable. Beaucoup de gens ont peur de se lancer dans l’enseignement parce qu’ils ont l’impression de ne pas maîtriser assez le sujet. Au contraire : commencer à enseigner alors qu’on se rappelle encore du stade du débutant est la meilleure manière d’ancrer en soi les bons réflexes pédagogiques.

C’est la meilleure manière de partir du bon début, des bonnes questions. Bien sûr, votre niveau technique sera bas. Mais vous allez vous améliorer en cours de route. Sans compter qu’enseigner c’est apprendre. Donc vous allez apprendre bien plus vite en enseignant.

S’il fallait forcément être le meilleur d’une discipline pour l’enseigner, les meilleurs joueurs de football seraient tous les meilleurs entraîneurs.

#14 – Répéter, répéter, répéter, répéter, encore répéter, toujours répéter. Vraiment répéter.

On oublie une grande partie de ce qu’on écoute. C’est déprimant à constater en tant qu’enseignant. Mais la mémoire est extrêmement limitée. 6 mois après un cours, si les gens se rappellent encore de 20%, c’est un exploit.

C’est pour ça qu’il faut répéter en permanence. On va profiter d’un mécanisme psychologique simple : le cerveau se dit que ce qui est répété est important. C’est pour ça que les gens se préoccupent plus du terrorisme que du danger du tabac ou des accidents de la route. Parce que c’est répété dans leur télévision. Le cerveau se dit que ce qui est répété est important. Le cerveau se dit que ce qui est répété est important. Le cerveau se dit que ce qui est répété est important. Le cerveau se dit que ce qui est répété est…

#15 – L’autorité n’est pas toujours importante

Sur ce point, il est important de rappeler que je n’ai jamais géré un public avec des gens de moins de 21 ans. J’imagine que c’est différent avec une classe plus jeune.

En tout cas, avec des adultes, il faut apprendre à concéder de la liberté à la salle. Même si elle dévie du sujet que vous vouliez aborder, même si elle aborde un sujet la matinée alors que vous vouliez l’aborder l’après-midi, etc.

Parce qu’en laissant la salle discuter, vous favorisez la partie = du modèle +=-. Vous permettez aux gens de commencer à confronter le savoir qu’ils viennent de recevoir. Mieux encore, certains sceptiques vont être convaincus par leurs camarades qui vont dire « ah bah si, moi j’ai déjà essayé et ça marche carrément ».

#16 – Désapprendre est plus difficile qu’apprendre

C’est un des plus grands obstacles. Quelqu’un qui pense savoir est encore plus dur à gérer que quelqu’un qui ne sait pas. Quand les gens ont une croyance, ils ne la lâchent pas si facilement. Essayez d’expliquer à quelqu’un que l’hiver ne commence pas le 21 décembre, contrairement au mythe journalistique. La première réaction sera une opposition au changement.

La première fois qu’un médecin a découvert qu’en se lavant les mains avant un accouchement, on divisait par 6 le taux de mortalité maternelle, il a été conspué par toute la communauté médicale. Il a fini sa vie interné dans un asile psychiatrique. C’était il y a seulement 156 ans. La femme la plus vieille du monde a 157 ans. Pourtant aujourd’hui ça ne viendrait à l’idée de personne de manipuler des cadavres en autopsie puis de faire accoucher une femme dans la foulée, sans se laver les mains.

Pourquoi est-ce si difficile d’apprendre ce genre d’idée nouvelle ? Parce qu’elle rentre violemment en contradiction avec ce que les médecins avaient appris toute leur vie. Parce qu’il est plus facile de continuer à faire comme tout le monde fait et comme on a toujours fait. Parce que ça veut dire qu’il faut accepter de s’être trompé toute sa vie.

C’est pour ça qu’on dit qu’une découverte scientifique n’est acceptée que le jour où tous les contemporains sont morts.

#17 – Les slides ne sont pas un prompteur

La fameuse mort par Powerpoint arrive parce que les enseignants confondent les diapositives avec des prompteurs géants. Le problème c’est que les gens lisent plus vite qu’ils n’entendent. Si vous écrivez tout sur les slides, ils ne vous écoutent plus et vous ne servez à rien.

L’enseignement est un divertissement. Les slides sont une partie du show. Des éléments visuels qui permettent d’ancrer des concepts. Quand vous allez au théâtre vous ne voyez pas le texte des acteurs écrit en grand. Ce serait insupportable.

Une fois pour toutes : un slide c’est, AU MAXIMUM, une phrase. Il vaut mieux faire dix slides de dix phrases qu’un slide de dix phrases. Ne serait-ce que pour une question de digestion de la connaissance.

#18 – La partie que les élèves ne comprennent pas c’est la partie que VOUS comprenez le moins

J’ai mis énormément de temps à l’admettre. Mais si on vous pose régulièrement des questions sur le même passage de votre cours c’est que vous le maîtrisez moins que le reste. Ne vous accordez aucune excuse. Imposez-vous l’hygiène mentale de toujours vous dire que si les gens ne comprennent pas c’est VOUS le problème.

Obligez-vous à arrêter de vous dire que les gens sont bêtes. Non, c’est vous qui expliquez mal. Point final. Il n’y a pas de mauvais élèves, il n’y a que des mauvais profs. Imposez-vous strictement cet état d’esprit.

Déjà parce que ça vous obligera à vous améliorer en permanence pour devenir de plus en plus clair. Ensuite parce que ça vous donne le bon état d’esprit pour vous connecter émotionnellement avec votre audience. Comment vous voulez que les gens vous écoutent s’ils sentent que vous les méprisez ?

D’ailleurs, le savoir dans ma vie professionnelle, ne m’empêche pas de tomber en permanence dans le piège dans ma vie personnelle. De m’énerver parce que quelqu’un ne comprend pas quelque chose ou d’adopter un ton méprisant qui fait qu’on ne m’écoute plus. La bonne nouvelle c’est que ça veut dire que même si ce n’est pas naturel vous pouvez travailler dessus de manière à y arriver quand vous enseignez (même si vous n’y arrivez pas dans la vie courante).

#19 – Le contenu est secondaire

Ou plutôt : ce n’est qu’un élément parmi d’autres. C’est un corollaire de tous les points précédents. Si les gens n’ont pas envie d’apprendre, que la forme est médiocre, que vous n’êtes pas la bonne personne, que leur mémoire n’est pas stimulée… votre contenu est inutile.

Et ça va au-delà de ça : une formation ne se limite pas au contenu. Pour plein de raisons, j’ai fait un Master 2 où le contenu laissait à désirer (on a eu notamment deux professeurs absents). Pourtant j’en ai retiré énormément. Pourquoi ? Parce qu’on y a créé un réseau. Des amitiés profondes se sont nouées. Certains professeurs ont eu un impact décisif sur ma vie. Notamment sur le choix de m’intéresser aux petites entreprises. Notamment sur l’envie d’aller aller lire des livres pour aller plus loin.

Un cours, une formation ce n’est pas uniquement le contenu. Très loin de là. Par exemple, dans les formations d’entreprise on a souvent des gens qui ne se voient pas souvent dans l’année. Du coup, j’ai appris à ménager des temps pour que les gens échangent. Et ce qui est marrant c’est qu’un des retours positifs que j’ai le plus souvent c’est « j’ai beaucoup aimé cette journée car j’ai pu discuter avec mes homologues ». Je n’y suis évidemment pour rien : il suffit de les réunir dans la même salle et de les laisser parler pour avoir cet effet.

Si jamais je voulais m’arcbouter sur le contenu (ce que je faisais quand j’étais débutant) je louperais une grosse partie du coche. Il vaut mieux que je ne délivre que 70% de mon contenu parce que la salle se sera mise à discuter plus que prévu. Encore une fois c’est la partie = du modèle +=-.

#20 – La connaissance doit se cimenter

Non seulement on oublie très vite ce qu’on écoute mais il y a une différence entre comprendre, savoir et savoir-faire. C’est là qu’intervient l’expérience. D’ailleurs c’est de ce phénomène que découlent les critiques sur la théorie. Il faut évidemment pratiquer pour apprendre réellement.

Sans compter l’effet Médicis : c’est-à-dire que plus vous apprenez de choses et plus vous faites des liens entre des choses qui n’ont a priori rien à voir mais qui éclaire la discipline avec une lumière différente.

#21 – Vous n’avez pas les bases

Si vous voulez enseigner, il va falloir accepter l’idée que vous n’avez pas les bases. Vous ne les aurez jamais. Il faut faire, refaire et défaire en permanence les bases de votre discipline. D’ailleurs, est-ce qu’un footballeur professionnel arrête de s’entraîner à faire des passes ? Est-ce qu’un boxeur professionnel arrête de s’entraîner à faire un crochet ? Est-ce qu’un sprinteur arrête de s’entraîner à bouger correctement ses bras ?

Le secret de la maîtrise d’une discipline ce sont les bases et non pas le reste. D’ailleurs, travailler les bases vous oblige à travailler le reste. On l’a vu : pour être capable de transmettre un message simple et basique il faut maîtriser la discipline. Plus vous maîtrisez la discipline (et l’art de l’enseignement) et plus ça devient simple d’expliquer le simple.

Conclusion : ce que je n’ai pas découvert

Il me reste encore énormément de choses à apprendre dans l’art de l’enseignement. Mais en ce moment le mystère qui me pèse le plus, celui auquel je n’arrive pas encore à trouver la solution c’est : comment on choisit un bon professeur ? Comment on le reconnaît facilement ? Autrement qu’en essuyant les plâtres avec des élèves ? Si quelqu’un a des pistes, je suis preneur !

L’autre question sur laquelle j’essaie d’avancer c’est de comprendre le rôle de l’espace, de l’environnement physique sur l’apprentissage. J’ai appris récemment qu’on apprenait plus facilement en marchant. Dans ce cas, pourquoi n’enseigne-t-on jamais en marchant ?

J’ai encore d’autres interrogations mais je crois que je vous ai suffisamment retenu et que c’est le moment de s’arrêter. Le compteur de mots de mon logiciel d’écriture vient d’apparaître et je suis en train de réaliser avec stupeur que c’est l’article le plus long que j’ai jamais écrit donc félicitations si vous êtes encore là. J’espère que tout ceci vous a éclairé sur le sujet. Dans tous les cas, n’hésitez pas à me remonter vos propres découvertes, désaccords, sur le sujet !

Pourquoi le recrutement est-il si souvent mal fait ?

Après le réveil du recrutement sur l’écriture, celui sur le temps et celui sur l’indépendance du recrutement, voici le replay de la quatrième édition du réveil du recrutement !

Ainsi que les slides :

Le réveil du recrutement #4 – Pourquoi les recruteurs sont ils mauvais ? from Nicolas Galita

 

Avant de commencer, petit conseil de lecture : lisez tout jusqu’au bout avant de réagir. Ou alors lisez directement la dernière phrase.

C’est une question qui me traverse très souvent : pourquoi le niveau global dans le recrutement est si bas ? Regardez les annonces par exemple. Pourquoi sont-elles systématiquement si mauvaises ? Alors que tout le monde est capable de voir qu’elles sont mal écrites. Y compris les gens qui les postent.

Or, l’histoire économique nous apprend qu’il faut être particulièrement vigilant à ce genre de configurations. On parle « d’ubérisation » à tort et à travers. À tel point que j’ai fait une overdose de ce mot. Mais on oublie souvent un point essentiel : personne ne se fait ubériser. On s’ubérise toujours soi-même. Que propose Uber de plus sur le marché des Taxis ? Des chauffeurs sympathiques, des bouteilles d’eau, et une application qui fonctionne. Rien de bien extraordinaire.

La première fois que j’ai pris un Uber, je me suis juste dit « ah…tiens c’est juste un taxi qui fonctionne normalement ». Les taxis faisaient juste très mal leur métier. Personne ne les a ubérisé.

Il en va de même pour la plupart des marchés que vous voyez se faire « ubériser ». Généralement, vous avez les mêmes caractéristiques d’un marché défaillant. Comme par exemple le fait d’accepter un comportement que l’on n’accepterait pas sur un autre marché. On acceptait qu’un taxi refuse une course en nous répondant que ce n’était pas sur sa route, ou que c’était trop loin. On accepte qu’un recruteur ne réponde pas aux candidatures qu’il a lui-même sollicité.

On accepte qu’un recruteur écrive « si vous n’avez pas de réponse d’ici 3 semaines alors considérez que nous n’avons pas donné suite à votre candidature ». Alors qu’on bondirait si un commerçant nous disait « si vous n’avez pas de réponse d’ici 3 semaines, considérez que nous n’avons pas donné suite à votre réservation ».

Le constat

Constatation #1 – La communication est déplorable

Quand on regarde la moyenne des annonces, des messages d’approche, des messages vocaux…il y a de quoi avoir froid dans le dos.

Vous vous rappelez de la fois où on m’a fait la blague de mettre un faux CV de développeur Java, à mon nom ? Le plus choquant n’a pas été de recevoir 80 sollicitations en 5 jours. Le plus choquant c’est que les messages étaient quasiment tous les mêmes.

Cet effet perroquet était particulièrement saisissant. Si bien que si j’avais vraiment été développeur Java, il m’aurait été impossible de faire un choix éclairé. Car, non seulement tout le monde écrit la même chose, mais en plus ils n’écrivent pas grand chose. Je veux dire par là qu’ils n’écrivent pas grand chose de signifiant. La plupart des messages sont transparents et se contentent de broder et de meubler pour cacher qu’ils tiennent en une seule phrase : « j’ai la flemme d’écrire et de travailler mais rappelez-moi, s’il vous plaît ».

Et comme si « perroquets » et « transparents » n’étaient pas déjà suffisant, se rajoute une troisième tare : le ton robotique. Le tout est écrit sur un ton tellement froid, tellement désincarné, tellement administratif qu’on dirait qu’un robot l’a écrit.

Constatation #2 – L’insensibilité

Oubliez toutes ces fadaises lénifiantes autour du thème de l’humanité. Vous savez ? « Je fais du recrutement pour l’humain » (on reconnaît d’ailleurs la langue de bois au fait que plein de gens se mettent à répéter des fautes de syntaxe). En vrai, le recrutement est dans une configuration qui déshumanise extrêmement vite.

On retrouve là encore la même situation que les taxis. Ce n’est d’ailleurs pas nouveau. Depuis Montesquieu (qui est né exactement 320 ans avant Uber) on sait que quiconque a du pouvoir est porté à en abuser. Jusqu’à en trouver la limite. Or, l’abus de pouvoir est extrêmement fréquent dans le recrutement.

Traiter une file d’attente comme on le fait, c’est de l’abus de pouvoir. Il n’existe aucun autre marché où on accepterait une gestion par le silence d’une file d’attente. Acceptez-vous quand vous entrez dans une boutique et qu’on vous snobe ? Même si vous n’avez rien acheté ? Même si vous n’êtes pas la clientèle ?

Le silence est la forme la plus puissante du mépris. À force de traiter les gens comme des RESSOURCES humaines on les objectifie au point de se dire que la réponse est optionnelle. C’est le syndrome du film d’horreur.

Vous savez ? Dans les films d’horreur, tant que le héros ne meurt pas, vous pouvez voir des milliers de morts et être content à la fin. Il en va de même quand on met des annonces en ligne. Tant qu’on répond aux gens qu’on voit en entretien, on est content. Des fois c’est même pire : tant qu’on répond à la personne qu’on retient (puisque 79% des candidats ont déjà vécu un entretien sans nouvelles ensuite).

Ce réflexe du recruteur possédant le pouvoir est malheureusement solidement ancré dans les imaginaires. On peut le sentir quand un recruteur dit « il ne m’a pas répondu, il n’était pas motivé ». Alors que si ça se trouve c’est le message qui n’était pas intéressant. Je ne vous parle même pas de tous les gens qui font des entretiens collectifs et se plaignent d’avoir des gens qui ne s’y présentent pas.

Je me rappelle d’un cours avec Jennifer Boukris (joyeux anniversaire au passage ^^) où l’on avait orienté le débat sur la lettre de motivation. La conclusion était quasiment unanime : inutile car on ne la lit plus.

Rien d’inattendu jusque là. Ce qui m’a surpris c’est quand une étudiante qui venait de dire qu’elle ne lisait pas les lettres de motivation a rajouté : « par contre, si un candidat ne fournit pas de lettre de motivation, je ne regarde pas son CV »

– Mais ? Tu viens de dire que tu ne lisais pas les lettres de motivation !
– Oui, sauf que lui il ne le sait pas. Et c’est pas à lui de décider !
– Pourquoi ?
– Je sais pas c’est comme ça ?
– En fait tu veux juste garder le pouvoir !
– Ça doit être ça.

Encore une fois : réflexe de position de pouvoir.

Constatation #3 – Les bons recruteurs

Malgré cet environnement hautement toxique, vous avez évidemment des bons recruteurs. Mais ce qui est surprenant c’est que la plupart d’entre eux et d’entre elles n’ont aucune idée de tout ce que je viens de dire. Ils sont tellement centrés sur leur métier qu’ils ne voient plus le niveau des autres autour. Au point que la plupart ne me croient pas quand je raconte à quoi ressemble le message d’approche moyen.

Par ailleurs, ce n’est pas un hasard s’ils sont souvent immergés dans des conditions très particulières. Ils sont souvent dans des niches de marché qui échappent aux conditions de toxicité précédentes. Par exemple, on en trouve beaucoup chez les recruteurs qui recrutent des développeurs. Parce que c’est un marché ou le rapport de force est inversé. Il y a donc une prime à ceux et celles qui font autre chose que les approches copiées-collées. J’observe le même phénomène dans les tout petits cabinets qui se battent pour avoir des missions.

C’est un phénomène important car il nous donne un indice : le marché est plus fort que les individus. Le système est plus puissant que les personnalités qui le composent.

Les racines du mal

#1 – La puissance du système

Dans les pays où il faut cocher une case pour donner ses organes (opt-in), vous avez un taux faible de donneurs d’organes. Dans les pays où il faut cocher une case pour refuser de donner ses organes (opt-out) vous avez un taux élevé de donneurs d’organes. C’est un phénomène psychologique surpuissant mais souvent ignoré.

Confronté à une décision difficile, le cerveau a tendance a choisir le chemin avec le moins d’efforts. Donc le choix par défaut. Pourtant si l’on questionne les gens, ils ne diront pas « j’ai répondu ça car le formulaire m’y a poussé » mais se raconteront une histoire pour justifier leur choix a posteriori. Forcer le choix peut changer totalement son issue.

L’impact de l’environnement est donc incroyablement puissant…et inconscient. Mais pensez-y deux secondes…avez vous déjà remarqué que les acteurs économiques possédant un monopole avait une fâcheuse tendance à abuser de ce pouvoir ? Pensez aux opérateurs téléphoniques, aux banques, aux taxis. Quand les clients sont captifs, vous n’avez plus beaucoup d’incitation pour vous améliorer.

Qu’est-ce qu’un marché captif ? C’est quand le client ne peut pas vous remplacer par quelqu’un de meilleur. Ce qui crée un monopole de secteur. Vous avez beau avoir plusieurs banques : elles proposent globalement toutes le même service et pratiquent toutes les mêmes absurdités. Ce qui veut dire que procurer un mauvais service client ne sera pas puni économiquement.

Or, quand un marché est captif, pourquoi prendre des feedbacks ? Quand un marché est captif, pourquoi chercher à s’améliorer ? Combien de recruteurs ont déjà demandé aux candidats ce qu’ils pensaient de leur processus de recrutement, annonce comprise ?

#2 – La déconnexion du terrain

Il n’y a rien de plus dangereux que de perdre le contact avec le terrain. On finit par oublier ce que c’est que d’être client ou candidat. C’est le syndrome Jean-François Copé. Vous savez ? On lui demande combien coûte un pain au chocolat et c’est le drame. Il ne le fait évidemment pas exprès. Il est juste totalement ignorant de cette réalité car il ne la vit plus.

Mais que disait-on ? Le système est plus puissant que les individus. Ce n’est donc pas Copé le souci. Regardez NKM incapable de savoir combien coûte un ticket de métro. La même qui proclame trouver des moments de grâce dans le métro. Regardez Myriam El Khomri, ministre du travail, échouer à répondre à la question « combien de fois peut-on renouveler un CDD ».

Tous ces gens ne sont ni nuls, ni malveillants : ils sont juste coupés de cette réalité. L’absence de feedback finit par vous faire sombrer dans l’effet bulle.

#3 – Le rapport de force

On en vient à être tellement hors sol qu’on sort des âneries comme « on ne veut pas améliorer le design et l’ergonomie de notre site carrières car avoir un mauvais site permet de faire le tri entre les gens qui veulent
vraiment postuler et les autres ». Le pire c’est qu’on le pense vraiment et que tout le monde autour de soi le pense aussi. Vous n’imaginez pas le nombre de fois que j’ai entendu cette phrase. Il suffit de demander « vous pensez que vous attirez les plus motivés ou les plus désespérés, du coup ? », pour que d’un coup tout le monde se réveille brutalement de sa léthargie. Sauf que plus personne ne se pose la question.

Le rapport de force est tellement déséquilibré en faveur des recruteurs qu’aucun candidat ne leur dira jamais. Comme pour les appartements parisiens. Tout le monde trouve ignoble de faire des visites collectives. Mais personne n’osera le dire. Le rapport de force est tellement en faveur du propriétaire que les gens sont prêts à tout et d’abord à se taire. Il en va de même pour les entretiens collectifs. Personne ne vous dira en face que c’est déshumanisant. N’oubliez jamais que le rapport de force pousse les gens à accepter l’inacceptable. Voici un email qu’une amie a reçu :

Et on n’a pas été le chercher bien loin, donc ce n’est pas quelque chose de rare. Pour en arriver à écrire un email pareil, il faut un rapport de force sacrément déséquilibré.

#4 – Les forces externes

En plus de tout ça, vous avez des puissances externes qui s’exercent sur les recruteurs. La première c’est la viralité de la médiocrité. Puisque tout le monde écrit de mauvaises annonces, alors ça devient plus facile d’écrire une mauvaise annonce. On a même peur d’en écrire une bonne pour ne pas sortir du rang.

Ensuite, vous avez l’effet désastreux de la culture RH. Cette culture administrative dont on a déjà parlé ici et qui nous fait écrire comme des contrôleurs des impôts.

Vous avez également évidemment le problème de formation, puisqu’il n’existe pas vraiment de formation académique au recrutement. Or, quasiment rien de ce qu’on enseigne en cursus RH ne vous permet d’apprendre le recrutement (le sourcing étant quasiment absent).

Enfin, l’illusion de l’entretien rend vite arrogant. Il faut faire très attention : on a vite fait de se croire doué en entretien. Alors que la plupart d’entre nous sommes très mauvais. Le problème c’est que, contrairement au sourcing, vous n’avez aucun feedback dans l’entretien. Si vous ratez votre sourcing, vous le voyez immédiatement. Si vous ratez votre entretien, vous ne le saurez jamais. Pire encore, plus on est mauvais et plus on a tendance à se croire bon. Plus on commence à croire qu’on possède un fluide magique qui nous permet de lire les gens et plus il devient facile de se faire rouler par un candidat qui sait faire des sourires au bon moment.

Les fausses excuses

« Je n’ai pas le temps »

Depuis la seconde édition du réveil du recrutement, vous savez que c’est toujours une fausse excuse. Le manque de temps n’existe pas. Ce qui existe c’est principalement le manque de priorité. Je me rappelle d’un recruteur qui m’a raconté qu’il pensait ne pas avoir le temps de répondre aux candidats, jusqu’au jour où on lui a mis un variable sur le taux de réponse. Depuis, il répond à tout le monde ! C’est donc bien une affaire de priorité.

« Je n’ai pas les outils »

Si vous n’avez pas la volonté, les outils ne vous servent à rien. L’ordre normal des choses c’est d’essayer sans outil PUIS de se procurer un outil quand on atteint les limites de ses capacités. Ce n’est pas de rester les bras croisés en attendant qu’un outil nous sauve.

Vous n’imaginez pas le nombre de gens que j’ai eu en formation qui m’ont dit « je ne me suis pas intéressé par LinkedIn car je n’ai pas la licence Recruiter ». Et à la fin de la journée me disent « Waouh, je ne savais pas qu’on pouvait en faire autant avec un compte gratiuit. Je vais commencer par ça ».

Bien sûr que vous ne pouvez pas courir la finale du 100 mètres avec des claquettes. Mais quand vous débutez, vous n’avez pas besoin des chaussures dernier cri pour commencer à vous entraîner.

« C’est la direction qui ne veut pas »

Là encore, on rejette la faute sur quelque chose qui n’est pas là pour se défendre. Ce qui est marrant c’est que souvent on s’auto-censure. Et, au lieu de réaliser que c’est de l’auto-censure, on dit que c’est la direction. Grand classique.

« Répondre à tout le monde est impossible »

Bien sûr que si c’est possible. Après, est-ce que c’est possible dans un temps qui en vaille la peine ? C’est encore autre chose. Si vous voulez des idées, voici un article qui propose quelques solutions.

Notamment la magie de la segmentation qui permet de parler de manière différenciée à des foules sans leur écrire un message personnel. Ainsi que l’instauration d’un seuil maximal de candidatures reçues avant suspension temporaire de l’offre, le temps d’y travailler. Une gestion normale de la file d’attente, en somme.

« Moi je n’aurais pas aimé que »

On avait appelé cette réaction, l’effet Trump. L’effet Trump c’est cette propension à croire que tout le monde vote comme vous, tout le monde mange comme vous, tout le monde pense comme vous, tout le monde réagit comme vous. Puis un jour vous réalisez que Trump vient de gagner. Vous croyez que vous n’êtes pas touché par cette erreur ? C’est que vous êtes encore plus touché !

Amélie Collinet  m’a récemment dit une phrase clé : « en termes de message d’approche, plus je pense que quelque chose ne marchera pas et plus ça marche. Donc j’ai arrêté de me fier à mon a priori et je me suis mis à tout essayer ».

Ce n’est pas parce que vous aimez les messages vocaux que votre cible aime les messages vocaux. Je déteste ça par exemple. Si vous voulez me joindre, vous pouvez essayer pendant longtemps par ce canal. Mon message vocal non écouté le plus vieux date du 16 juin 2016 ! À l’inverse, si j’étais recruteur, ce serait une erreur de ma part de ne pas utiliser ce canal avec les candidats qui l’apprécient.

Ce n’est pas parce que vous ne savez pas utiliser Facebook qu’on ne peut pas recruter avec. Ce n’est pas parce que vous savez utiliser un téléphone que les gens préfèrent le téléphone. Ça fait mal mais…vous n’êtes pas la mesure universelle de ce monde.

« Mon secteur/ce métier est différent »

Un grand classique de la résistance au changement. Vous n’imaginez pas le nombre de gens qui me disent « mon secteur est différent » et qui font EXACTEMENT comme tout le monde. C’est presque déstabilisant quand on débute dans le métier de la formation.

Pareil, dire « on n’écrit pas à un comptable de 50 ans comme on écrit à un jeune diplômé » est le plus souvent une excuse pour ne pas travailler et continuer à copier-coller des messages en langue de bois. Tous les êtres humains préfèrent les messages bien écrits aux messages mal écrits.

« C’est un métier humain »

Sachant que c’est un des métiers les plus déshumanisants du monde, j’éclate de rire intérieurement à chaque fois que j’entends cette phrase. Y’a rien de plus anormal que le recrutement. Ça vous arrive souvent dans la vie, de rencontrer des inconnus et de leur poser des questions pendant 1h30 ? Unilatéralement en plus ?

Ça vous arrive souvent dans la vraie vie, de ne pas répondre aux gens qui vous parlent ? Ça vous arrive souvent dans la vie de renter dans une boulangerie en disant : « Madame la Boulangère, votre boulangerie ayant retenu toute mon attention, je me permets de passer la porte de votre établissement afin que je puisse vous parler d’une opportunité professionnelle. En effet, je suis prêt à vous rémunérer contre cette structure panée que vous avez confectionnée. »

Il n’y a rien de naturel dans les interactions suscitées par le recrutement. C’est d’ailleurs pour ça que c’est aussi dur : il faut être capable de reproduire le naturel…artificiellement. Tout un paradoxe.

« C’est la faute des candidats »

Sans commentaire. Malheureusement j’ai vu cette faute même chez des recruteurs talentueux. La tentation de se plaindre en public des candidats. Très mauvaise idée. Imaginez un commercial qui se battrait avec un client parce que ce dernier l’a insulté ? Vous pensez que son manager serait compatissant ? Bien sûr que non. Pourquoi ? Parce que client n’est pas un métier ! C’est le commercial qui est payé à la fin du mois.

De la même manière, on oublie bien vite que candidat n’est pas un métier. Se plaindre des candidats c’est un peu comme si un sauteur à la perche se plaignait d’avoir un sol trop bas.

Accepteriez-vous ces excuses vous-mêmes ?

Réfléchissez-y quelques secondes… que penseriez-vous d’une profession qui se justifierait ainsi ? Que pensez-vous quand un livreur ne trouve pas votre adresse et ne vous délivre pas votre colis à temps ? Comment réagissez-vous quand la SNCF annule votre train, sans vous tenir au courant et en communiquant en langue de bois (comme on le fait sur nos annonces) ?

Êtes-vous compatissant ? Bien sûr que non : en tant que client vous n’en avez rien à faire des fausses excuses. Pourtant, convenez avec moi que la SNCF fait un métier un million de fois plus compliqué que la plupart des recruteurs.

On a dû mal à répondre à une centaine de candidatures ? La SNCF gère 15 000 trains par jour ! Un train toutes les dix minutes. La RATP gère jusqu’à 700 000 voyageurs par jour sur la ligne 1 du métro. Et pourtant personne n’accepte qu’un métro ait 4 minutes de retard. Alors que dans les deux cas on parle d’un niveau de logistique extrême. Il y a des vies en jeu (un accident de train arrive plus vite qu’on ne croit), des enjeux complexes d’optimisation, des équations que les mathématiques ne savent pas résoudre simplement, etc.

Pourtant, par définition, les clients et les utilisateurs se moquent de vos problèmes internes : ils ont été habitué à recevoir des services de qualité.

Les solutions

Solution #1 – Se recentrer sur l’art de la conversation

Le recrutement est une conversation. Pas un monologue. La première étape est donc de sortir de son égocentrisme naturel. Tout ne tourne pas autour des besoins du recruteur. Tout ne tourne pas autour de sa vision.

(La planche originale est à retrouver sur l’excellent Commitstrip)

Une fois que c’est fait, il faut se concentrer sur le niveau d’écriture. L’écriture est un des piliers du recrutement. Plus précisément : l’écriture de persuasion. Si vous copiez-collez vos annonces, vous aurez des candidatures copiées-collées. Si vous n’écrivez pas vos messages d’approche, pourquoi vous répondrait-on ?

Rien de tout ça n’est nouveau, rien de tout ça n’est du recrutement 2.0, rien de tout ça n’est du e-recrutement. On parle ici d’une notion vieille comme les auberges : le service client. J’ai récemment lu « les recruteurs doivent DESORMAIS tenir compte de l’expérience candidats ».

Ce n’est pas « désormais ». Ça a toujours été le cas. Ce n’est pas la nouvelle école que de tenir compte du parcours candidat, c’est la bonne école. Ce n’était pas l’ancienne école que d’ignorer le parcours candidat, c’était la mauvaise école. Ce n’est pas du recrutement classique ou traditionnel, c’est du recrutement mal fait.

Encore faut-il en prendre conscience et développer une culture du feedback, pour éviter le piège mortel d’un marché captif. Pour éviter de finir déconnecté de la réalité comme un homme politique. Discuter avec des candidats (recrutés et non recrutés) à l’issue du processus est une mine d’or d’information. Mais avant cela, développer une culture de l’auto-feedback est également profitable. Je ne compte plus le nombre d’entreprise où je vais chercher une de leurs annonces pour la donner à lire et on me répond « mais c’est une vraie annonce de chez nous ? ». Pire encore j’ai eu « Non. Dans nos annonces il n’y a jamais cette rubrique, ça ne peut pas venir de notre site ».

Pourquoi ? Parce que les gens ne lisent même plus leurs propres annonces. Il ne testent plus les parcours candidats. Ils en arrivent à ignorer le contenu de leur propre site carrière.

Solution #2 – Sortir de sa naïveté

Arrêter de se plaindre et se prendre en main est un bon début. La tactique c’est faire ce qu’on peut avec ce qu’on a. Pas se plaindre de ce qu’on n’a pas.

De même, s’éduquer à la psychologie humaine est une bonne piste. Je suis effaré par le nombre de gens qui répètent « c’est un métier humain » mais n’ont jamais ouvert le moindre bouquin de pyschologie ou de sociologie. Par exemple dire « il n’a pas répondu à mon message d’approche DONC il n’est pas intéressé/motivé » relève d’une naïveté incroyable sur les mécanismes de motivation.

À cet égard, vouloir en dire le plus possible et proposer un poste dès le premier message, c’est encore un comportement de débutant en vente (et je le dis d’autant plus sereinement que j’ai commencé comme ça, comme tout le monde). En fait, on pense qu’on va conclure la vente plus rapidement. Alors qu’en fait, un prospect/profil aura toujours besoin de développer un minimum de relation avec vous avant de devenir un client/candidat. Même si vous avez le produit/poste idéal pour lui. On est des êtres humains et on a besoin de créer un minimum de relation avant de s’investir. C’est pour ça que quand vous rencontrez un inconnu vous commencez par lui parler de la pluie, du beau temps ou des transports en commun.

Ensuite, penser que parce qu’on a une marque connue, on peut se passer de travailler son sourcing n’est que pure folie. Ce n’est pas parce que vous avez un flux entrant de candidatures que vous devez vous reposer entièrement dessus.

Enfin, croire qu’on est bon en entretien est la naïveté ultime. Surtout si on fait un entretien non-structuré. L’efficacité d’un entretien non-structuré a déjà été calculée, il y a 20 ans, par les sciences sociales : 14% de prédiction de la performance. 14% c’est pathétiquement faible. C’est comme si à chaque fois qu’on vous demande « quel jour est-il ? », vous répondiez complètement au hasard. Vous trouveriez la bonne réponse une fois sur sept.

Il faut donc réussir à garder son humilité et admettre que l’entretien est une discipline si complexe que personne ne la maîtrise vraiment.

Solution #3 – Changer de posture intellectuelle

Plutôt que de se plaindre des candidats, mettez-vous dans la posture des meilleurs vendeurs : le client est roi. Mettez-vous dans la posture des meilleur pédagogues : il n’y a pas de mauvais élèves, que des mauvais profs. Vous verrez : c’est libérateur.

De même, une fois que vous avez pris conscience que la plupart des recruteurs sont mauvais vous pouvez réaliser qu’il est complètement déconseillé de répéter bêtement les pratiques moyennes du secteur. Développez un sens critique pour fuir les pratiques absurdes. La langue de bois par exemple. Ce n’est pas parce que tout le monde écrit en langue de bois que c’est efficace.

Enfin, il n’y a pas de secret : pour s’améliorer il faut se former, en permanence. Il ne se passe pas la moindre semaine sans que je n’apprenne quelque chose de nouveau. Je vous invite à cultiver ce même état d’esprit. Vous n’avez plus d’excuses : quand j’étais recruteur il n’y avait pas grand chose de disponible en français pour se former au recrutement. Aujourd’hui vous avez une explosion du contenu en français. Gratuit comme payant. Si vous dites une phrase comme « je connais mon métier, je n’ai pas le temps de me former », vous êtes déjà virtuellement mort.

Après…j’ai un conflit d’intérêt évident puisque c’est notre métier de vendre de la formation (d’ailleurs si vous voulez en discuter ce sera avec plaisir par ici)

Conclusion

Au final, je ne vous ai pas livré le vrai fond de ma pensée sur cette question. Je ne pense pas que la plupart des recruteurs sont mauvais. Je pense que la plupart des gens qui font du recrutement le font mal. La nuance est importante. Parce qu’en vrai il existe très peu de recruteurs. (C’était ma septième théorie, rappelez-vous). L’immense majorité des gens sont des gens qui font du recrutement. De la même manière que je fais de la cuisine sans pour autant être un cuisinier. De la même manière que l’immense majorité des brasseries à Paris ne font pas de la cuisine (merci les surgelés).

Les recruteurs ne sont pas mauvais, ils sont rares. Pour plein de raisons. Notamment le fait que le recrutement n’est pas valorisé et est présenté comme un métier de transition en attendant de faire des choses plus intéressantes. Notamment parce que beaucoup de gens font du recrutement entre autres tâches et quand ils ont un vrai besoin, font appel à un cabinet.

Or, maintenant que vous avez vu les puissances en jeu, vous comprenez que quelqu’un qui n’est pas passionné par le recrutement n’a aucune chance de résister à toutes les tentations de mal faire le job. Et c’est pour ça qu’on se lève tous les matins : pour donner l’envie à de plus en plus de gens d’en faire leur métier, à part entière.

Comment trouver sa voix ? Le secret d’une écriture qui motive

Après la gestion du temps et la déclaration d’indépendance du recrutement, le réveil du recrutement s’est penché sur le sujet de l’écriture. Voici donc le replay de cette troisième édition :

Ainsi que les slides :

Le réveil du recrutement 3 – Le secret d’une écriture qui attire et motive from Nicolas Galita

 

Et c’est parti !

Le paradoxe de l’écriture

L’écriture est une discipline paradoxale. D’un côté, l’écriture est un média de communication inefficace pour transmettre sa pensée. Déjà parce qu’un seul mot résume une multitude de réalités. Quand quelqu’un aime un film et dit « j’aime ce film », il résume une palette d’émotions et de ressentis qui seront différentes d’un autre qui dirait la même phrase : « j’aime ce film ».

Ensuite, parce que certaines réalités sont dures à retranscrire en peu de mots. Si jamais vous deviez décrire mon visage à quelqu’un, vous feriez mieux de lui envoyer une photographie que de tenter de faire une description textuelle. C’est de là que vient le fameux « une image vaut mille mots ».

Certains vont même jusqu’à dire que quand on communique avec quelqu’un, les mots compteraient pour 7%. L’expression faciale compterait pour 55% et le ton de la voix compterait pour 33%. Heureusement, c’est un mythe facile à démonter. Il repose sur une étude dont le sens a été totalement dévoyé et dont l’auteur dit lui-même :

« Je suis évidemment mal à l’aise du fait que mon travail soit mal cité. Dès le début, j’ai tenté d’expliquer aux gens les limites de mes découvertes. Malheureusement, nombreux sont les praticiens parmi les « consultants image corporate » et autres « consultants en leadership » qui ont une très faible expertise psychologique »

En effet, si c’était vrai et que les mots ne comptaient que pour 7% d’une communication, on pourrait faire un discours sans jamais utiliser de mots et se faire comprendre à 93%. Absurde.

Quand on y réfléchit, même avec ses faiblesses, le texte est finalement un média de communication diablement efficace. L’écriture a un impact tellement grand qu’on fait commencer l’Histoire de l’humanité au moment de l’invention de l’écriture. « Les paroles s’envolent, les écrits restent ». Les plus grandes idées se sont transmises par des livres.

Or, l’écriture est au coeur du métier de recruteur. Entre l’art de faire un message d’approche qui suscite une réponse et celui de créer une annonce qui engendrent les bonnes candidatures. Le bon recruteur est nécessairement bon en écriture. Et pas n’importe quelle écriture : une écriture de persuasion. Le problème c’est qu’on manque de formation à l’écriture dans ce métier. Prenons les annonces : on a tendance à les copier-coller sans réfléchir et sans essayer de les écrire justement. Idem pour les messages.

Du coup, comment améliorer son écriture de persuasion ?

Le copywriting

On a de la chance : le marketing est une discipline scientifiquement plus mature que le recrutement. Et on peut se servir de son expérience qui a déjà essuyé les plâtres pour nous.

Le copywriting est la branche du marketing qui s’intéresse à l’art d’écrire pour convaincre de faire acheter. On pourrait faire tout un blog sur le sujet mais essayons de voir les concepts essentiels qu’on peut s’approprier.

Le premier c’est le modèle des 4 questions. Une écriture de vente doit toujours tenter de répondre à ces 4 questions.

1) Qu’est-ce que je propose ?
2) En quoi est-ce unique ?
3) Quelle promesse je fais au lecteur ?
4) Quelles peurs de ma cible puis-je résoudre ?

Toute la difficulté étant de réussir à répondre de manière claire et percutante. Par exemple, notre premier slogan était « Changeons le recrutement ». Il répond à la première question (bien que vaguement): on propose de changer le recrutement. En ce qui concerne la seconde (l’unicité), c’est encore plus vague. La promesse ? Le changement. Mais là encore c’est vague. Quant à la dernière question : la peur résolue serait celle de stagner dans ses pratiques.

Comment on reconnaît que notre slogan actuel est mieux écrit ? Parce que : « le recrutement mérite son école », répond bien mieux à ces 4 questions. Que propose-t-on ? De l’éducation au recrutement. En quoi est-ce unique ? On sous-entend (avec le mot « son ») que ça n’existe pas encore. Quelle est la promesse ? De militer pour qu’existe cette école. Quelles peurs je résous ? Celle du manque de valorisation du métier et de la suprématie des formations RH qui ont le quasi-monopole de l’éducation au recrutement.

L’autre chose que l’on peut retenir du copywriting c’est que le titre et la première phrase ont un impact bien plus puissant que tout le reste du texte. Pour s’en convaincre il suffit de regarder comment les journaux en quête d’audience produisent des titres aguicheurs qui ne reflètent pas toujours fidèlement le contenu de l’article. Le titre c’est ce qui va décider mon lecteur à s’attarder ou pas, à ouvrir ou pas. Si dans une annonce le titre décrit le poste en jargon interne, on est déjà mal engagé. De la même manière, dans un message d’approche, si l’objet de l’email est « opportunité professionnelle » on est également mal engagé.

Ensuite, le copywriting assume l’inefficacité du texte sur certains points. On va donc utiliser abondamment les images pour appuyer son texte. Pensez à la tête d’une publicité dans la rue ? Vous avez généralement une image en grand, avec un gros titre, puis un sous-titre.

C’est la structure de base. Et quand on y pense…dans une annonce, si je veux décrire mes locaux ou mon ambiance, je fais mieux d’utiliser une photo qu’une description textuelle.

Le dernier point qu’on retiendra c’est que l’écriture de persuasion doit être ciblée. Cette phrase, qui paraît évidente, est pourtant le piège principal dans lequel viennent mourir 95% des messages d’approche et des annonces. Attirer c’est dissuader : cibler c’est renoncer. Il est impossible d’écrire pour tout le monde. On va donc définir sa cible pour pouvoir répondre aux 4 questions pour elle. Quand on dit qu’il faut résoudre les peurs on parle bien des peurs de sa cible. On ne cherche pas à atténuer les peurs de ceux qui ne sont pas la cible, au contraire.

Comment définir sa cible ? Il existe plein de méthodes mais une des plus simples est la carte d’empathie.

Vous vous mettez dans la peau de votre cible et vous tentez de découvrir ses besoins et ses douleurs, en partant de l’environnement dans lequel elle est plongée. Un exemple (tristement) célèbre d’une cible marketing : la ménagère de moins de 50 ans.

Une fois que la cible est choisie, on est capable de créer un message qui va lui parler. Parce qu’on comprend ses motivations. À condition d’arriver à descendre de sa tour d’ivoire. L’écriture institutionnelle, froide et robotique est la plus grande ennemie de l’écriture de persuasion. Malheureusement, la plupart des annonces sont écrites avec le même ton que le Trésor Public ou les communiqués de presse du Gouvernement. Alors que le recrutement devrait être une conversation. Et, comme le rappelle le brillant manifeste des évidences :

« #3 – Les conversations entre humains sonnent de façon humaine. Elles sont menées sur un ton humain. »

Il est donc totalement contre-productif d’essayer d’écrire comme écrirait une institution. Sachant qu’en plus on est soumis à un deuxième obstacle : quand on est immergé dans sa propre culture d’entreprise on finit par utiliser des mots différents de ceux du monde externe. Il faut donc faire un effort gigantesque de traduction quand on s’adresse à un public extérieur.

« #25 – Les entreprises doivent descendre de leur Tour d’Ivoire et parler avec les personnes avec lesquelles elles espèrent instaurer une relation ».

Voici donc fini notre petit cours accéléré de copywriting. Si vous voulez aller plus loin vous avez ici : 7 techniques volées au copywriting pour améliorer vos annonces.

Les erreurs les plus courantes

Maintenant qu’on a une idée de ce qu’est l’écriture de persuasion, passons en revue les erreurs les plus courantes à éviter.

#1 La communication SNCF

On a déjà eu l’occasion d’en parler, en détails, ici. Quand la communication est floue, désincarnée et sans émotions elle n’accroche plus, elle ne fonctionne plus.

#2 Confondre longueur et concision

Il faut écrire des messages concis. C’est-à-dire des textes où il n’y a plus rien à enlever. En revanche ça ne veut pas dire qu’il faille à tout prix écrire des choses courtes. Ce sont deux choses très différentes mais qu’on confond tout le temps.

Alors que, contrairement aux idées reçues, les longs textes fonctionnent extrêmement bien, dans énormément de contextes. Parce qu’ils demandent plus d’engagement pour le lecteur, qui vous accorde vraiment son attention quand il le fait et sera enclin à faire une action (partager, cliquer, répondre) pour ne pas avoir le sentiment d’avoir passé ce temps en vain.

Il s’agit donc d’écrire des choses captivantes, peu importe la longueur. Non pas des choses courtes à tout prix. Il y a des annonces d’une demie-page qui sont plus imbuvables que 100 pages d’Harry Potter.

#3 – Confondre le ton et le talent

L’erreur de débutant la plus classique est de vouloir écrire à tout prix de manière fun. Il est vrai que beaucoup de messages funs sont bien écrits. Mais ce n’est absolument pas parce qu’il faut être fun pour bien écrire. C’est parce que quelqu’un qui essaie d’être fun fait généralement davantage d’efforts d’écriture.

De même…tutoiement ou vouvoiement ? Faux dilemme : ça dépend de votre cible. On peut faire des messages captivants en vouvoyant et des messages nuls en tutoyant.

#4 – Parler comme les autres / Se différencier comme les autres

Les deux faces d’une même pièce. Le problème de la plupart des débutants en écriture de persuasion c’est qu’ils écrivent exactement ce qu’écrivent tous les autres. Ce qui revient à dire qu’ils n’écrivent pas : ils récitent. Écrire est douloureux : il faut se faire violence, il faut travailler.

Et, dans la même logique, pour éviter d’avoir à travailler, beaucoup de débutants comprennent qu’ils doivent répondre à la seconde question du copywriting et donc écrire un texte unique, différenciant. C’est là que survient le drame. Ils vont se mettre à singer le contenu de quelqu’un d’autre. Le problème c’est qu’on arrive vite au syndrome du papa qui veut parler djeuns. Ça se voit comme le nez au milieu de la figure.

#5 – Se cacher derrière les différences individuelles

Premièrement, si votre ciblage est fait correctement, vous êtes en mesure de vous adresser à votre personne-type de manière à ce que ça résonne pour tous les lecteurs de la cible.

Ensuite, il existe de grandes règles universelles pour une écriture efficace qui ne dépend pas de la cible. Il faut donc éviter la facilité de se dire « je ne peux pas faire ça parce qu’on écrit pas comme ça à un comptable ». Tous les êtres humains préfèrent les messages bien écrits aux messages mal écrits, même les comptables. D’ailleurs il faudra qu’on m’explique pourquoi 80% des gens prennent les comptables comme exemple quand ils me font cette objection !

L’art de créer l’engagement en 4 étapes

Une fois qu’on comprend les erreurs à éviter, comment améliorer son écriture de façon à susciter de l’engagement chez ma cible ?

Étape 1 : captiver

La première chose à comprendre c’est que l’ennui est mon plus grand ennemi. La vraie opposition n’est pas entre décalé et sérieux. Ou entre fun et formel. La vraie opposition est entre ce qui est intéressant et ce qui ne l’est pas. Encore une fois : on peut écrire des choses ennuyeuses sur un ton léger. Tout comme on peut écrire des choses captivantes sur un ton très sérieux.

C’est pour ça qu’on parle d’écrire quelque chose d’unique. Parce que ce qui n’est pas unique n’est pas digne d’intérêt. Ce qui est unique draine immédiatement l’attention. C’est l’idée du livre « La vache pourpre ». Dans un champ vous ne remarquerez pas la plus belle des vaches noires et blanches. Votre attention sera immédiatement captée par la vache violette et blanche.

L’idée d’un email d’approche réussi est donc de se demander ce que la cible reçoit à longueur de journée (exemple : « opportunité professionnelle ») et d’écrire quelque chose de différent. Ce mécanisme est bien décrit dans ce cours sur l’emailing :

Dans la même logique, un des enjeux va être d’insuffler une âme au texte. Quelque chose qui frappe instantanément. Et une des astuces pour y arriver est de commencer par le pourquoi. Souvent on écrit le quoi, sans comprendre le pourquoi. C’est un des chemins les plus courants pour écrire quelque chose de fade et vide.

La différence de communication et perspective entre un ouvrier qui dit « je casse des pierres » et un autre qui dit « je bâtis une cathédrale » est immédiatement perceptible. Parce qu’il y a un quoi contre un pourquoi. Ce concept de commencer par le pourquoi est décrit plus en détail dans le Ted Talk suivant :

 

Étape 2 : se connaître

Le moyen le plus simple d’écrire quelque chose d’unique et intéressant est d’écrire avec sa propre voix. Au sens large : ça peut être la voix d’une entreprise. D’ailleurs, certaines entreprises ont une voix immédiatement reconnaissable dans leur marketing. Par exemple, dès que vous voyez des jeux de mots qui mélangent sport, fruit et boisson : vous savez que c’est Oasis.

Voici un des secrets les plus méconnus de l’écriture : il vaut mieux mal écrire avec sa voix que bien écrire avec celle d’un autre. Pour qu’on soit dans une conversation il faut que vous parliez avec votre propre voix. Si vous voulez séduire quelqu’un il sera plus touchant de lui écrire un poème vous-même, plutôt que de copier un poème de Rimbaud.

À l’échelle d’une entreprise, découvrir sa voix passe par la connaissance de sa culture. On pourrait écrire tout un article sur la culture (et d’ailleurs c’est ce qu’on a fait ici ) mais pour résumer il s’agit de découvrir ce qui rassemble les gens qui travaillent chez nous et qui ne rassemble pas ceux qui n’y travaillent pas.

La dernière partie étant la plus négligée mais la plus importante. Si vous identifiez une valeur que toutes les entreprises ont, ce n’est plus vraiment une valeur. Par exemple, vous ne pouvez pas dire que vous avez une culture de l’honnêteté. Parce que tout le monde se revendique de l’honnêteté. (Si vous voulez aller plus loin sur ce test de retournement d’une valeur c’est par ici).

Une écriture efficace s’articule donc autour de cette culture. Le luxe étant de connaître la phrase de synthèse de cette culture. Ce qu’on appelle la déclaration de mission. Par exemple, celle d’Uber a longtemps été : « Rendre le transport aussi fiable que la distribution d’eau courante ». La notre : « Le recrutement mérite son école ». La déclaration de mission est la synthèse de la raison d’être de l’entreprise. Elle explique d’ailleurs très souvent sa culture.

Étape 3 : voler aux meilleurs

Je sais : je vous ai dit de ne pas copier les autres. Mais en vérité on peut voler intelligemment. C’est-à-dire copier les bonnes pratiques sans tenter de transposer une écriture qui n’est pas la notre. Plus vous allez lire d’écritures talentueuses et plus vous allez acquérir un instinct d’écriture. Malheureusement il y a peu de ressources en français (en voici néanmoins une), mais si vous tapez « great copy » dans Google vous aurez des exemples.

Étape 4 : persuader

Enfin, si vous voulez susciter des actions avec vos textes vous aurez besoin de devenir lucide sur les mécanismes de persuasion.

« Pour persuader il faut en appeler davantage à l’intérêt qu’à l’intelligence »

La plupart des gens font la même erreur : ils essayent de convaincre uniquement avec des arguments rationnels. La triste vérité c’est que nous ne sommes pas des êtres entièrement rationnels. Combien de fois avez-vous « perdu » un débat parce que l’autre a réussi à faire rire l’auditoire ? Ou à jouer sur ses peurs ? Combien de fois avez-vous quelqu’un se convertir à une idée uniquement sur la base des faits ?

L’autre erreur qu’on fait c’est de croire qu’il existe des situations où « c’est déjà vendu ». Ce n’est jamais déjà vendu. Sortez dans la rue et essayez de donner 10€ à des gens au hasard et constatez comment c’est dur ! Morale : s’il faut faire des efforts pour persuader les gens d’accepter 10€ d’un inconnu alors il faut faire des efforts pour persuader de n’importe quoi.

Le défi de la simplicité

Mauvaise nouvelle : tout ceci ne suffira pas. Vous voilà désormais devant un nouvel obstacle, terrible. Comment faire tout ceci tout en restant simple ?

Défi #1 – La précision

Le flou est un de vos grands ennemis. Le flou est ennuyeux, le fou me fait perdre du temps au lecteur comme à moi. Une bonne écriture est celle qui sait illustrer.

Plutôt que de dire « je vous propose un baladeur numérique qui a un disque dur de stockage de 1go », on va dire « je vous propose d’avoir 1000 chansons, dans votre poche. »

Au lieu de dire « le multitâche fait perdre 28% de productivité », on va dire « le multitâche fait perdre l’équivalent d’une semaine et demie tous les mois ».

Au lieu de dire : « il gagne 12 milliards alors que son prédécesseur gagnait 5 millions », on va dire « il gagne plus de 800 000 années de SMIC alors que son prédécesseur gagnait plus de 300 années de SMIC ».

On gardera également à l’esprit une règle d’or : si vous ne pouvez pas dire quelque chose : taisez-vous. Ça ne sert à rien d’écrire « salaire attractif » si vous ne pouvez pas écrire combien. À quoi bon écrire « votre expérience m’intéresse » si vous n’écrivez pas pourquoi ? Il n’y a rien de pire que la demi-écriture. Car on est en train de meubler le vide.

À cet égard, la langue de bois est un fléau qu’il faut désapprendre. La langue de bois c’est l’art d’utiliser des mots complètement creux mais qui donnent une impression d’avoir un sens. Voici un des plus beaux échantillons de langue de bois que j’ai croisé cette année :

« Les #RH devraient s’emparer du digital, Big data, IA pour ubériser leur partie administrative et se concentre sur l’humain. Transformer l’entreprise de Business centric vers data centric est une erreur ! Le but est qu’elle devienne enfin people centric pour assurer développement, performance économique et sociale. »

On dirait que ça a du sens, votre cerveau nage et essaie de remettre du sens dans chacun des mots vides. Et vous finissez soit par croire que vous avez compris un truc, soit par penser que vous êtes bêtes. Si vous voulez apprendre comment guérir de la langue de bois, vous avez un article par ici.

Défi #2 – La clarté

Ce qui se pense clairement s’énonce clairement. Vous avez donc tout à gagner à vous exprimer le plus clairement (et donc le plus radicalement) possible. Déjà qu’il est dur se faire comprendre à travers les interprétations, il est inutile de se rajouter une difficulté supplémentaire. Le but est donc de dire les choses le plus clairement et le plus simplement possible.

(Si vous voulez vous muscler sur le sujet vous avez cette conférence : )

L’autre discipline à obtenir c’est une exigence implacable envers soi-même. Si les autres ne comprennent pas ce que j’écris, c’est mon écriture le problème. Si les autres me posent toujours la même question ce n’est pas que les autres sont trop bêtes pour comprendre : c’est que c’est mal écrit.

Défi 3 – Mieux écrire qu’un robot

On a déjà eu l’occasion d’en parler ici : Les robots vont-ils remplacer les recruteurs ?

Malheureusement, beaucoup de messages ne sont pas mieux écrits que ce que pourrait écrire un robot. On en revient au concept clé du début :

« #3 – Les conversations entre humains sonnent de façon humaine. Elles sont menées sur un ton humain. »

Sinon, le creux répond au creux, le rien répond au rien. Aux annonces copiées-collées répondent des lettres de motivation copiées-collées.

Partir de l’autre

Nous sommes presque au bout de nos peines. La dernière chose à maîtriser pour une écriture de persuasion efficace est de réussir à sortir de son égocentrisme naturel.

Si vous voulez persuader quelqu’un vous devez partir de sa réalité et non pas de la votre. Si vous voulez intéresser quelqu’un que vous abordez vous devez vous intéresser à la personne avant d’essayer de lui vendre votre produit (que ça soit un tapis ou un emploi).

Un des flops marketing les plus connus est celui du cigarettier RJ Reynolds (Camel). En 1988, ils commercialisent une cigarette sans fumée.

Problème ? Ils sont partis d’une idée qui venaient d’eux-mêmes, sans se poser la questions de ce que leur cible voulait. Or, quel intérêt pour un fumeur d’acheter une cigarette sans fumée ? Rappelons qu’en 1988, on peut encore fumer librement dans les entreprise et même dans le métro. Quant aux non-fumeurs, ils ne vont pas acheter des cigarettes pour les fumeurs.

Si vous ne partez pas de la réalité de l’autre pour le persuader, c’est déjà compromis. C’est pour cela que si vous voulez débattre avec quelqu’un du bord politique opposé, il vaut mieux lui parler dans le langage de ses valeurs et non pas des vôtres.

« Les gens ne comprennent les choses que dans le langage de leur propre expérience. Ce qui veut dire que vous devez vous introduire dans cette expérience. Si vous essayez de véhiculer vos idées aux autres sans écouter ce qu’ils ont à vous dire, vous êtes condamnés à l’échec »

On dit souvent qu’il faut raconter des histoires. C’est vrai. Mais le but ultime c’est de faire en sorte que les gens se racontent eux-mêmes l’histoire. L’idée c’est de réussir à raconter quelque chose qui résonne immédiatement avec leur propre expérience. Pourquoi on aime autant faire le parallèle entre la drague et l’approche dans le recrutement ? Parce que tout le monde a déjà expérimenté la drague dans sa vie.

Ce qui est magique, c’est que si vous partez sérieusement de l’autre vous finissez toujours par débloquer leur sérum de parole. C’est-à-dire un sujet qui les fait parler spontanément. Les gens sont par exemple souvent contents de discuter de leurs projets professionnels.

Dans un registre très différents, quand je cherchais un appartement, pour sympathiser avec les agents je posais toujours la même question dont j’avais découvert le potentiel « sérum de parole » :

« Ce n’est pas trop dur pour vous depuis la nouvelle loi Allur ? Vous arrivez à rester rentables ? »

Et c’était parti pour une minute de plaintes, que j’écoutais avec empathie.

Conclusion

Si vous ne deviez retenir qu’une seule chose c’est que l’écriture de persuasion est une conversation. Le recrutement est une conversation. D’ailleurs à l’oral on sait généralement le faire. J’ai rarement vu un recruteur accueillir quelqu’un en entretien en lui parlant en langue de bois : « Bonjour, actuellement en instance de m’asseoir sur cette chaise quadripède, je me permets de vous proposer d’en faire de même sur votre propre chaise quadripède. Merci de bien vouloir me notifier quand c’est fait ».

Faire l’effort d’écrire c’est donc retrouver ce talent de conversation qu’on a tous à l’oral et le transposer à l’écrit (avec évidemment les règles de l’écrit). Or, qui dit conversation dit interlocuteur. Il faut donc que je sache à qui je parle, pourquoi je lui parle et surtout…que je l’écoute. C’est la différence entre un monologue et un dialogue. Beaucoup de messages d’approche sont malheureusement des monologues. Beaucoup d’annonces sont malheureusement des monologues.

La culture RH est toxique pour le recrutement

On a déjà vu ensemble pourquoi le recrutement n’était pas un sujet RH et pourquoi les recruteurs faisaient souvent de mauvais RH (et vice-versa). Mais plus j’y réfléchis et plus je me dis que c’est pire que ça : en fait, la culture RH est toxique pour les recruteurs. J’avais survolé le sujet dans « ma théorie secrète du recrutement en 19 découvertes », et je vous avais promis d’y revenir.

Avant de commencer

Avant de nous jeter dans le vif du sujet, posons quelques bases préalables. La première c’est que j’aurais pu donner un autre nom à cette culture. Par exemple : « la culture administrative ». Avec pour avantage d’éviter de réduire la RH à son côté administratif. Mais avec pour inconvénient de masquer la provenance du poison.

La seconde c’est que je ne vise évidemment pas les individus en tant que tels. C’est un dysfonctionnement structurel. Des puissances qui dépassent donc les individus. Comme les chauffeurs de taxi parisiens. Qu’est-ce que les chauffeurs Uber ont de différent individuellement ? Rien : il y a peu de chances qu’Uber fasse son recrutement chez un public particulièrement plus bienveillant. En revanche, Uber a construit un effet de structure surpuissant : la notation des chauffeurs.

Imaginez-vous dans un milieu où il a un monopole, où les clients sont bien plus nombreux que les chauffeurs et où il n’y a jamais de conséquences à mal se comporter. Que feriez-vous ? Vous seriez inconsciemment et progressivement tiré vers de mauvais comportements. Maintenant imaginez-vous dans un milieu où c’est l’inverse : et vous n’auriez même pas d’autre choix que de bien vous comporter. C’est pourquoi l’existence de chauffeurs de taxi bienveillants ne suffit pas à compenser la toxicité de la structure. L’écosystème est plus puissant que les individus qui le composent.

Troisièmement, la culture RH est toxique pour le recrutement parce que le recrutement n’est pas RH. Mais ça ne veut pas dire que cette culture n’a pas sa place en entreprise. La culture comptable est toxique pour un hôpital. Pourtant ça ne veut pas dire que la culture comptable n’a pas sa place…en comptabilité.

Quatrièmement, la culture RH n’est pas la RH. De la même manière que la culture française n’est pas la France. Et ce n’est pas non plus immuable. Ce qui veut dire que tous les jours en RH vous avez des gens de bonne volonté qui se battent de toutes leurs forces pour infléchir les choses.

Enfin, ce qui est toxique n’est pas immédiatement mortel. Mais c’est ce qui est le plus dangereux : on finit par ne plus sentir les effets de l’intoxication. Si on n’en a pas conscience on adopte des comportements néfastes pour sa performance.

L’important dans RH ce n’est pas le H…c’est le R

Le ver est dans le fruit jusqu’au nom de la discipline. C’est d’ailleurs un nom récent : certains et certaines d’entre vous ont connu l’époque où la RH ne s’appelait pas RH. Or, ce n’est pas anodin, le nom est le vecteur d’une philosophie.

Et quel nom hideux, ma parole ! Les RESSOURCES Humaines ? Presqu’un oxymore : soit je suis traité comme une ressource, soit je suis traité comme un humain. Ne nous y trompons d’ailleurs pas : c’est bien le R qui est prédominant sur le H. Personne ne devrait être dupe du rajout du mot « humain » pour adoucir le concept. Car le procédé est classique en langue de bois : vous prenez une réalité violente et vous lui donnez un nom adoucissant en exagérant jusqu’au ridicule.

 

Exemples : la République Démocratique d’Allemagne (RDA). La République Démocratique Populaire du Yemen. Le « dialogue » social. Ce qui est marrant c’est qu’on rajoute toujours un mot qui ne devrait logiquement jamais se rajouter. Qu’est-ce qu’un dialogue qui ne serait pas social ?

De la même manière, pourquoi se sent-on obligés de rajouter le mot humain à un département de l’entreprise ? Par exemple, on ne dit pas « le marketing humain » ou « le contrôle de gestion » humain. D’ailleurs, vous remarquez qu’on ne dit même pas (encore) « le recrutement humain ».

La page Wikipédia de « Ressources Humaines » est d’ailleurs sans équivoque :

Dans un premier temps, cette fonction est entendue dans une perspective opérationnelle. Il s’agit d’administrer un personnel qui peut être numériquement important et réparti en différents niveaux de hiérarchie ou de qualification : (gestion de la paie, droit du travail, contrat de travail, etc.).

Dans un second temps, la fonction acquiert une dimension plus fonctionnelle. Il s’agit d’améliorer la communication transversale entre services et processus et de mettre en œuvre un développement des collaborateurs tout au long de leur séjour dans l’organisation (gestion des carrières, gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ou (GPEC), recrutement (sélection), formation, etc.)

Le premier temps est bien celui de l’administration, que ce soit historiquement ou culturellement. Le problème de la logique d’administration de ressources c’est qu’elle étouffe les conversations normales. À partir du moment où quelqu’un est une ressource, c’est normal de lui parler comme à un robot.

Vous vous rappelez de la blague que l’on m’a faite ? On avait mis un CV de développeur java à mon nom sur Monster. Et je peux vous dire, qu’en effet, je me suis senti traité comme une ressource plus qu’un humain.

Les gardiens du temple

L’erreur la plus commune que je vois c’est de mettre des RH au recrutement. Je pense que c’est même la raison numéro un qui fait que la plupart des entreprises sont nulles à recruter. Les tâches du RH moderne se résument toutes à un objectif principal : éviter que le patron finisse en prison. 80% de ce que fait le RH typique a pour but de réduire les chances que l’entreprise se fasse poursuivre en justice par ses employés, anciens et actuels. Et c’est normal. C’est une fonction administrative nécessaire et précieuse pour une entreprise.

 (source : Is your company a chicken bus ?)

Il est normal d’avoir des gens qui soient chargés de garder le temple. Ce qui est moins normal c’est de transposer leur philosophie au recrutement.

 (…) bien recruter exige stratégie, vitesse, talent de vente et une certaine prise de risque. Un état d’esprit qui est diamétralement opposé à l’approche RH. Pensez-y : mettriez-vous un comptable en charge du développement de votre stratégie marketing ? Probablement pas. Alors pourquoi mettre votre stratégie d’acquisition de talents dans les mains d’un RH ?

Sans compter que, par définition, les gardiens du temple sont du côté…du temple. Ils auront beau vous dire que c’est mieux pour tout le monde, il n’empêche que leur allégeance va au temple.

De la même manière, l’allégeance de la RH va à la direction. Vous pouvez vous raconter que non, vous pouvez faire toutes les contorsions intellectuelles que vous voulez, vous énerver parce que ça met à nu la réalité mais il n’empêche que l’allégeance de la RH est forcément du côté de la direction.

De la même manière que l’administration du Trésor Public fait serment d’allégeance à l’État. Ou que l’allégeance d’un agent immobilier va au vendeur. Ça ne veut en aucun cas dire qu’on ne peut pas faire des choses bien pour les deux parties : direction et salariés. Quand tout se passe bien l’allégeance devient invisible. C’est la définition même d’une allégeance. On ne peut la voir qu’en cas de litige entre les deux parties.

Sans compter que même sans litige, cela a une conséquence sur l’approche. Quand le département de Gestion des Ressources Humaines vous dit qu’il cherche le bonheur des salariés, il le justifie immédiatement en disant que c’est dans l’intérêt de la direction. On ne dit pas qu’il faut rendre les salariés heureux pour le seul but de les rendre heureux ou d’améliorer la société dans son ensemble. Et c’est normal.

D’ailleurs, personne n’est dupe. Le taux de satisfaction des salariés envers la RH est faible.

Si les RH estiment à 74% que la gestion des salariés est de bonne qualité, les salariés européens, eux, ne sont que 38% à partager cette opinion. En Europe, seuls 42% des salariés estiment qu’il est facile d’obtenir des réponses à leurs questions sur les RH.

Pour une fonction qui a le mot « humain » dans son titre c’est quand même un comble.

Manifestations toxiques de la culture RH

Quels sont les effets de la culture RH sur le recrutement ? J’adorerais pouvoir vous dire « aucun ». Ce serait logique : la fonction recrutement devrait être imperméabilisée. De la même manière qu’elle est imperméabilisée à la culture comptable. Malheureusement, dans la majorité des grandes entreprises (mais pas toutes), le recrutement est piégé au sein de la fonction RH et en subit les effets culturels.

#1 Le langage froid et désincarné

Pourquoi les offres d’emploi sont écrites en langage administratif ? Si quelqu’un vous parlait dans la vraie vie comme dans la plupart des annonces, vous lui mettriez une baffe ou lui ririez au nez. C’est une langue qui décrit le monde de manière la plus technique et la moins émotionnelle possible. Comme s’il fallait enlever toute trace de personnalité dans le message.

À ce titre c’est totalement réussi : il est généralement impossible de différencier (en blind test) les annonces d’une entreprise A de celles de l’entreprise B. Le langage est uniforme. Vide de sens, sans saveur et ennuyant mais uniforme. D’ailleurs j’ai vu des recruteurs se faire refuser par la RH des annonces écrites dans un langage d’être humain  normal parce que « ce n’était pas pro ». Comble du comble.

Cela peut avoir sa place quand on gère la paie ou qu’on fait du droit du travail. Après tout, je ne demande pas à ma fiche de paie d’être écrite chaleureusement (et encore que…). Mais si vous utilisez cette langue dans le recrutement, vous courrez droit à la catastrophe. En plus, ce qui est marrant (ou déprimant) c’est qu’en retour les candidats vous répondent aussi dans cette langue. Ils s’auto-censurent pour s’ôter toute saveur, toute personnalité et tous vous répondre dans ce même langage : « Cher Monsieur, chère Madame, dynamique et motivé je me permets de vous écrire pour vous proposer une collaboration mutuellement profitable où je pourrais mettre mon expérience au service de votre savoir-faire blablablablabla ». En fin de compte, vous avez des perroquets qui parlent à des perroquets. Triste.

Le recrutement est une conversation. Une conversation ne peut avoir lieu dans ce langage. Si votre métier est d’avoir des conversations alors il faut apprendre l’art de l’écriture.

#2 La passion pour le flou

Pour les mêmes raisons, il flotte dans la culture RH une sorte de passion pour le flou qui m’a toujours déstabilisé. En dire le moins possible pour ne fâcher personne, ne pas communiquer les salaires, faire des annonces où on cache des éléments essentiels pour piéger les gens. Par exemple cacher la localisation exacte du poste. S’exprimer dans un langage qui dit le moins de chose possible, pour surtout ne rien casser. Ne surtout pas prendre position. Le problème c’est que ça ne fonctionne pas en recrutement. En recrutement il faut prendre position.

#3 La peur de la technologie et du changement

En tant que gardiens du temple, les RH ont peur du changement, par définition. Ce n’est pas un bug, c’est un attribut de la fonction. Au-delà des ressentis qui sont toujours contestables, cette peur a été mesurée dans un sondage sur la « transformation digitale » :

« Globalement, les RH sont moins confiants (-25 points) et impatients (-29) que les salariés opérationnels. Ils sont davantage perdus (40% contre 8% des salariés), sur la défensive (+25) ou indifférent (+23) et ils ont plus peur des transformations digitales (+30). »

Le différentiel est trop grand pour ne pas voir que c’est consubstantiel à la fonction : 40% contre 8%. On parle ici d’un facteur 5. Concrètement, vous avez 5 fois plus de RH qui ont peur de la « transformation digitale » que la moyenne des autres salariés. On ne peut donc pas dire « c’est comme ça partout ».

#4 Confusion et perte de temps dans les carrières des recruteurs

J’ai mis énormément de temps à comprendre que le recrutement était un sujet à part de la RH. Quand j’étais jeune je disais que je voulais faire de la RH, alors qu’en vrai je voulais faire du recrutement. Mais, à cause de la confusion, je n’arrivais pas à formuler ni même à penser « je veux être recruteur ». Quand vous n’avez pas les mots pour exprimer une idée, vous ne pouvez pas la penser.

Et je ne suis pas le seul : je reçois régulièrement ce même témoignage de recruteurs qui ont commencé en étant perdus. Souvent en passant par des formations RH où ils s’étaient ennuyés. Formations où, en prime, on leur disait de ne surtout pas faire de recrutement.

#5 L’allergie au recrutement

Ce qui nous amène au point suivant. On en a déjà parlé mais il flotte également un mépris pour le recrutement. Ce qui est d’ailleurs totalement compréhensible. Le recrutement demande des facultés aux antipodes de la culture RH. Même sans aller jusqu’au mépris, énormément de RH qu’on force à faire du recrutement, détestent ça. Ce qui est aussi entièrement compréhensible.

#6 L’ignorance du comportement humain

Je ne finis jamais d’être surpris par ce phénomène. Énormément de recruteurs clament « faire ce métier pour l’humain » mais n’ont jamais ouvert le moindre livre de psychologie ou de sociologie. Or, la simple ignorance des biais cognitifs que nous avons tous en entretien est plus que toxique. Les effets sont dévastateurs et expliquent pourquoi énormément d’entretiens de recrutement sont en fait inutiles.

#7 La position de supériorité

Vous avez encore des gens qui se placent en domination face aux candidats. Avec des comportements ancrés comme celui d’être méchant en entretien et de le revendiquer. Ce qui est culturellement logique dans la philosophie RH : la ressource est forcément inférieure à son gestionnaire. Elle est à sa disposition.

Sans aller jusqu’à la logique de domination, vous avez des logiques de supériorité, ancrées très solidement dans les inconscients. Ce n’est même pas malveillant. Vous pouvez voir les effets de cette culture dans les messages d’approche de profils qui n’ont rien demandé.

Dans la plupart, on part de son propre besoin, de sa propre entreprise et on demande à la personne qu’on approche, ses disponibilités. Sans jamais lui demander ce qu’elle recherche, ou s’intéresser à sa psyché. En somme, on ne se place pas d’égal à égal comme dans une conversation normale. D’ailleurs, dans la vraie vie essayez d’approcher quelqu’un qui ne vous a rien demandé en lui disant :

« Bonjour, je m’appelle Camille, je suis célibataire et à la recherche d’une personne motivée pour saisir cette opportunité relationnelle. Merci de me communiquer vos coordonnées et vos disponibilités. »

Surtout, filmez le tout en caméra cachée : je paierais pour voir les réactions !

Conclusion

La culture RH est toxique pour le recrutement et ses effets sont pernicieux. Pas parce qu’elle est problématique en soi mais parce qu’elle n’est pas adaptée au recrutement. Il va donc falloir que l’on construise notre propre culture, notre propre théorie, nos propres écoles. En attendant, en tant que recruteur, vous pouvez adopter des mécanismes de survie pour résister à la toxicité. Par exemple, refuser catégoriquement de vous exprimer en langage RH. Ou encore d’aller vous imprégner des cultures d’autres disciplines comme le marketing ou la vente pour ouvrir vos horizons.

Si vous êtes plutôt côté RH, vous pouvez en prendre conscience et faire un travail sur vous quand vous recrutez ou que vous devez juger ce que font les recruteurs. Par exemple, rester ouvert quand vous lisez des annonces qui changent de ce que vous avez toujours vu.

Dans tous les cas, nous avons tous et toutes un énorme travail de fond à mener. Si on pouvait régler ne serait-ce que la seule question du langage administratif pour l’expulser du recrutement, on aura déjà fait un énorme pas.

 

Ma théorie secrète sur le recrutement en 19 découvertes

Plus j’avance et plus je découvre des choses étonnantes sur le recrutement. Des choses que je ne pouvais pas voir quand je venais d’arriver. J’ai eu la chance de former plus de 500 recruteurs. Forcément à force on en déduit des choses.

Pour mon dernier article avant la pause estivale je vous propose de partager mes « découvertes ». Bien entendu, ce ne sont que des points de vue. Vous serez probablement en désaccord avec certains points. Et il y a des chances que si je relis cet article dans un an j’aurais changé de point de vue sur 1 ou 2 points.

Voici donc mes 19 découvertes :

#1 – Le recrutement mérite son école

S’il ne devait rester qu’un seul point ce serait celui-ci. Nous déplorons l’absence de formation académique au recrutement. Il y a des formations RH mais pas de formation au recrutement. Les conséquences sont graves : ce qui n’a pas d’école n’est pas respecté, les mêmes erreurs de débutants deviennent des comportements hégémoniques et tout le monde a l’impression de savoir recruter. Du coup, tout le monde conteste au recruteur son expertise.

Or, si l’on veut prendre du plaisir à faire un métier il faut qu’il soit valorisé par le reste de la société et par soi-même. Si l’on veut prendre du plaisir à faire un métier, il faut que l’on ait un minimum d’éducation théorique pour devenir autonome et inventer ses propres recettes plutôt que de copier ce qui se fait déjà. Si l’on veut prendre du plaisir à faire un métier, il faut en maîtriser suffisamment les rouages pour que cela devienne un jeu.

#2 – La culture RH est toxique pour le recrutement

Je pense que le recrutement n’est pas RH. Que les recruteurs ne sont pas des RH et que les RH ne sont pas des recruteurs. Vous le savez déjà. Mais en fait c’est pire que ça : je pense que la culture RH est carrément toxique.

Alors attention, je parle bien de la culture RH et non des individus, ni même de la fonction. Qu’est-ce que j’appelle culture RH ? J’aurais pu aussi l’appeler la culture administrative.

La culture RH a sa raison d’être…en RH. C’est quand elle sort de son domaine que ça devient dangereux. De la même manière que la culture comptable a sa raison d’être…en comptabilité. Mais si vous appliquez la culture et la logique comptable dans la santé ou l’école…vous avez vite un problème.

Vous voyez les dégâts de cette culture administrative dans les messages d’approche et les annonces. On parle comme des robots parce qu’en fait on parle comme le Trésor Public. On convoque les gens, on a peur du risque, on leur parle froidement dans une langue administrative qui serait risible à l’oral. Sérieusement, qui oserait dire dans la vrai vie : « votre profil ayant retenu mon attention, je me permets de vous contacter afin de vous présenter une opportunité professionnelle » ?

Il y a beaucoup à dire donc on reviendra dessus à la rentrée avec un article. Une chose est sûre : tant que vous traitez les gens comme des ressources, vous ne pouvez pas les traiter comme des clients.

#3 – Le soin des candidats vaut bien plus que le reste

La plupart des gens pensent être d’accord avec cette phrase mais en fait ne le sont pas. Par exemple, si vous ne répondez pas à toutes les candidatures et que ça ne vous fait pas mal, vous n’êtes pas d’accord avec cette phrase.

Le traitement que l’on apporte aux candidats est, sur le long terme, crucial. Le problème c’est que les pressions du court terme en font une mission impossible. Parce qu’on doit aller vite, parce que notre manager s’en fiche, parce que tout le monde fait pareil, etc. Le soin du candidat est généralement la première variable d’ajustement.

#4 – Candidat n’est PAS un métier

J’aime beaucoup la formulation de Mohamed : « les candidats n’aiment pas candidater ». On l’oublie souvent. Souvent je vois des recruteurs mettre les mauvais comportements des candidats sur un pied d’égalité avec les mauvais comportements des recruteurs. Le pire c’est que je vois ce réflexe parmi les meilleurs recruteurs que je connaisse. Cependant, c’est un péché originel. Tombez dans ce piège et vous vous éloignez drastiquement du soin des candidats, sans même le sentir.

C’est tentant, je sais. Comme un professeur qui dit qu’il y a des mauvais élèves. Comme un vendeur qui dit qu’il y a des mauvais clients. Mais il faut se l’interdire mentalement. Les candidats ne sont pas payés pour faire ce qu’ils font. Même s’ils le font mal. Et les mauvaises pratiques des recruteurs sont tellement répandues et fréquentes que votre propos sera incompris par la majorité des gens. La plupart des gens qui voient un recruteur écrire ça se diront juste « que les recruteurs balaient devant leur porte avant de donner des conseils ». Mais ils n’oseront pas vous le dire car beaucoup ont peur de se faire griller auprès d’un recruteur.

Encore une fois, c’est tentant, et je comprends : pour les bons recruteurs c’est extrêmement frustrant. Mais il faut s’interdire de le penser. Le candidat a le droit d’avoir des mauvaises pratiques car il n’est pas en train de faire son métier. De la même manière qu’un vendeur qui s’énerve en public sur un client aura toujours tort.

N’oubliez jamais que personne n’aime candidater. Alors que vous, vous êtes censé aimer recruter.

#5 – Arrêtez avec l’humain

Je ne sais pas pourquoi autant de gens me disent « je fais du recrutement pour l’humain ». Cette platitude devrait être strictement interdite et punie d’amende sévère. Déjà parce que c’est une faute de français. Allez faire un tour sur le Larousse et constatez que cette forme n’existe pas. Sauf si l’on essaie de dire que l’on veut sauver l’être humain. Un peu prétentieux. L’Abbé Pierre faisait ce qu’il faisait pour l’humain, ok, pourquoi pas.

J’imagine que les gens font en fait plutôt l’abréviation de « le côté humain ». Mais ça ne veut toujours rien dire. Si vous aimez interagir avec des humains, devenez psychologues, médecins, professeurs, avocats, chauffeurs de taxi, commerciaux, publicitaires, sportifs … Oui en fait quasiment tous les métiers humains demandent d’interagir avec des humains. Même un vétérinaire interagit avec des humains.

En vrai c’est plutôt l’inverse : le recrutement est une interaction très peu naturelle entre deux humains. C’est pour ça que tout le monde stresse en entretien : ce n’est pas une situation normale de voir un autre humain qu’on ne connaît pas et de lui raconter immédiatement sa vie.

Et j’anticipe la remarque : ce point là est effectivement valable pour nous, le « humans » de Link Humans m’a toujours hérissé le poil.

#6 – Il n’y a pas de nouvelle et d’ancienne école. Il y a une mauvaise et une bonne école.

La fascination pour la nouveauté est mortelle. Ça fait 4 ans que j’entends que Snapchat VA arriver dans le recrutement, 4 ans que Facebook VA arriver, 4 ans qu’un jour tous les recruteurs AURONT LinkedIn.

Quand je suis arrivé dans l’écosystème du recrutement c’est la première chose qui m’a choqué : cette fascination pour ce qui brille. J’ai fini par comprendre. Mon père me répétait souvent « quand quelqu’un met trop quelque chose en avant c’est que c’est son défaut ». En fait, le recrutement est plutôt un secteur hostile au changement. Tout y arrive plus tard. Du coup on compense en parlant de révolution à longueur de temps. Parce que si la révolution est pour demain, elle n’est jamais pour aujourd’hui.

Et non ce n’est pas partout pareil. Ce n’est pas pour rien si 40% des « RH » se disent perdus face à la « transformation digitale » (désolé, j’utilise les termes du sondage). Contre 8% du reste des salariés. Vous imaginez l’étendue du fossé ?

Ce n’est pas anodin : mettre tout sur le dos de la nouveauté permet de se dédouaner à peu de frais. Au lieu de dire qu’on a de mauvaises pratiques on dit qu’on a des anciennes pratiques. Alors que la vraie différence dans le recrutement se fait rarement entre digital ou pas digital. Elle se fait entre chasseur ou pêcheur. Si vous passiez des annonces dans le journal, vous passerez des annonces sur Monster. Si vous chassiez des gens dans l’annuaire, vous chasserez des gens sur LinkedIn.

La confusion est telle que beaucoup de gens utilisent le mot « digital » pour en fait dire « la chasse digitale ». Des gens me demandent si le digital VA (encore le futur) changer le recrutement. Je leur réponds : bah ? Et Monster ? On ne fait plus d’annonces papier. On me regarde à chaque fois étonné : « mais non le digital genre LinkedIn ou Facebook ! ». Chaque fois je me dis : « Ah ? Je ne savais pas qu’il y avait deux ‘digital’. »

#7 – Il y a très peu de recruteurs

Ce n’est pas un jugement de valeur : je ne suis pas recruteur non plus. Et je fais de la cuisine sans être un cuisinier. De la même manière, énormément de gens font du recrutement sans être des recruteurs. La plupart sont des RH généralistes qui font du recrutement entre autres missions. Ce n’est pas forcément un problème. Là où ça devient problématique c’est que beaucoup de gens n’ont aucune idée de ce qu’est le recrutement. Le retour le plus fréquent que j’ai en formation c’est « waouh…mais c’est un vrai métier en fait ! Je n’ai pas le temps de faire tout ça ! ».

Si vous avez déjà dit : « le sourcing c’est chronophage », vous n’êtes pas un recruteur. Et ce n’est pas grave. De la même manière que quand je dis « je n’ai pas le temps d’aller acheter des champignons frais tous les jours donc j’en prends en conserve », on voit que je ne suis pas un chef cuisinier. Ce n’est pas ma priorité.

Si vous ne faites que poster des annonces en attendant des candidatures, vous n’êtes pas un recruteur. Et ce n’est pas grave. Le recrutement ce n’est pas d’attendre et prier. De la même manière que les gens qui restent statiques à attendre le ballon quand ils jouent au foot ne sont pas des footballeurs.

Si vous pensez que le recrutement se résume à l’entretien, vous n’êtes pas un recruteur. Et ce n’est pas grave.

Si vous n’avez jamais fait de recherche avancée sur LinkedIn (au moins une fois dans votre vie par curiosité), vous n’êtes pas recruteur. Et ce n’est pas grave. L’appât du gain est si fort sur LinkedIn, que c’est impossible d’y résister quand on est recruteur. Ne serait-ce que par curiosité.

Et ce n’est pas grave : tout le monde ne veut pas être chef cuisinier. Vous avez deux options : le devenir ou accepter que ce n’est pas votre ambition.

#8 – Les vrais recruteurs n’ont aucune idée de leur rareté

C’est très amusant à observer. Les meilleurs recruteurs n’ont souvent aucune idée de leur niveau. J’ai des gens qui ne me croient pas quand je leur explique que 30% des gens que je forme n’ont pas LinkedIn (dédicace à Marion et Fiona). J’ai des gens qui ne me croient pas quand je leur explique que beaucoup de gens disent « le sourcing c’est chronophage ». Les mêmes ne me croient pas non plus quand je leur explique qu’il existe encore des gens qui font des entretiens en jouant les méchants.

En général c’est en venant à #TruParis ou #TruSourcing qu’on finit par me croire. Beaucoup de gens viennent pour apprendre des choses et se retrouve à enseigner aux autres, à leur grande stupéfaction.

Souvent (mais pas tout le temps), ces recruteurs sont dans des situations hyper-compétitives. Les gens qui recrutent des développeurs, ceux qui montent leur cabinet, ceux qui recrutent pour des startups inconnues, etc. En fait, il n’ont pas eu le choix ou le temps de faire des annonces nulles et de se demander si LinkedIn pourrait leur servir. Ils seraient morts avant.

#9 – C’est aussi le candidat qui recrute

Se prendre pour un recruteur tout puissant qui donne sa chance à quelqu’un ne vous amènera pas loin. Il faut comprendre que c’est une relation entre deux adultes et que les deux font un choix. Donc le candidat est autant en train de vous recruter que l’inverse. Les entretiens méchants sont une stupidité sans nom.

#10 – Les outils ne vous sauveront pas

La tactique c’est faire ce qu’on peut avec ce qu’on a. Jouer avec les cartes que l’on a et non celles qu’on aimerait avoir. La fascination pour les outils est malsaine. Je vois énormément de gens qui ne savent pas courir mais qui me disent « si j’avais les chaussures d’Usain Bolt, ça irait mieux ».

Inutile de pester contre ses outils : il faut trouver un moyen de sublimer ce que l’on a déjà. Il est évident que si vous atteignez le niveau d’Usain Bolt, vous ne pourrez plus courir en claquettes. Et il faudra à nouveau réfléchir aux outils. Mais avant, il vaut mieux tirer le maximum de ce que vous avez déjà.

Vous n’imaginez pas le nombre de gens persuadés qu’ils ont besoin de LinkedIn Recruiter en début de formation. Puis à la fin de la formation ils me disent « je ne pensais pas qu’on pouvait faire autant avec la version gratuite en fait ». Symptomatique.

#11 – Recruteur n’est pas une étape

Laurent appelle ça le problème du turnover personnel. Beaucoup de gens font du recrutement pour faire autre chose après, parce qu’on ne leur laisse pas le choix. On entend des aberrations comme « ne fais pas de recrutement trop longtemps car ça enferme ». Dans la culture RH, le recrutement est une étape, un bizutage avant d’avoir le droit de faire de la vraie RH.

Le recrutement se porterait beaucoup mieux si on pouvait envoyer tous les gens qui veulent le faire comme une étape, à l’étape d’après ! C’est un métier si dur et éprouvant que vous ne pouvez pas le faire sérieusement si ce n’est qu’une étape pour vous.

#12 – C’est un métier qui fait perdre son empathie

On en arrive très vite à des aberrations parce que ce métier fait perdre l’empathie. Même quand vous en avez beaucoup. Il faut donc faire très attention. C’est un phénomène naturel : on finit par oublier ce que c’est que d’être un candidat. J’ai récemment eu une discussion avec quelqu’un qui m’expliquait très sérieusement que c’était normal d’obliger les gens à postuler deux fois : une fois sur Monster, puis une fois avec son CV en format word.

C’est d’ailleurs aussi pour ça que la phrase « je fais ça pour l’humain » me rend allergique. Le recrutement a plus tendance à déshumaniser qu’à humaniser : parce que vous voyez passer trop de gens.

#13 – Honte à ceux qui dévalorisent le sourcing

Je suis consterné à chaque fois que j’entends quelqu’un se vanter de son ignorance du sourcing. Car il ne fait que les entretiens. C’est comme si un enquêteur se vantait de ne faire que l’interrogatoire, mais pas le reste de l’enquête.

Je ne dis pas que tout le monde devrait faire du sourcing, mais tout le monde doit réaliser que le sourcing est un goulot d’étranglement qui conditionne entièrement le recrutement. Le sourcing n’est pas une sous-discipline. Si je ne pouvais enseigner qu’une seule discipline à un élève, je ne lui enseignerais pas l’entretien, je lui enseignerais le sourcing.

#14 – Le bon CV n’est pas la bonne personne

Le passé est-il un bon indicateur du futur ? On peut avoir 20 ans d’expérience dans un métier et être moins bon que quelqu’un qui a 6 mois d’expérience. Sans compter qu’un CV dit ce qu’une personne a fait mais pas ce qu’elle veut faire.

De la même manière, les meilleurs en entretien ne sont pas les meilleurs en poste.

#15 – Nous sommes tous nuls en entretien

En parlant d’entretien, il faut l’accepter : nous sommes tous nuls en entretien. Nous avons trop de biais cognitifs pour faire de bons entretiens sans méthode. Pire encore, les gens qui se sentent les meilleurs sont les plus faciles à arnaquer en entretien. Parce qu’ils baissent leur garde face à la sympathie et au charisme.

#16 – Le recrutement est une conversation

Si on résume, l’atome fondamental du recrutement c’est la conversation. Vous discutez avec quelqu’un pour le faire venir chez vous. Malheureusement, beaucoup de gens font des monologues dans leurs annonces ou leurs messages d’approche.

Il faut donc apprendre à écrire et se sensibiliser aux disciplines liées à l’écriture de conviction (le marketing, la sociologie, le copywriting, etc).

#17 – La théorie du recrutement reste à construire

L’hégémonie de la culture RH étouffe la discipline du recrutement. Vous avez encore très peu de contenu vraiment orienté sur le recrutement. Surtout en français. Je lis très peu sur le recrutement… ça m’ennuie très vite. Quand j’étais recruteur, en français, je ne lisais que ce qu’écrivait Laurent.

D’ailleurs je suis embêté à chaque fois qu’un étudiant me demande des livres pour son mémoire sur le sourcing. J’ai fini par répondre pour rire « c’est nous la bibliographie ». Mais la vérité c’est qu’on manque de livres structurants. Ou alors c’est moi qui ne les vois pas ? Si vous en connaissez (d’autres que Who et Work Rules), c’est le moment de les recommander en commentaires.

C’est un vrai problème et je ne sais pas si nous sommes les mieux placés pour le résoudre. Nous sommes une entreprise avec des intérêts commerciaux et donc une vision forcément biaisée. On a également des conflits d’intérêts. Les gens l’oublient souvent. Je me suis empêché pendant plusieurs mois d’écrire sur Viadeo, car ils sponsorisaient la première version de Link Humans. Encore aujourd’hui, il y a des articles que je n’écris pas pour ne pas cracher dans la soupe.

#18 – Les robots sont déjà là

Je ne sais pas si les robots vont remplacer les recruteurs. Je rigole intérieurement à chaque fois que j’entends un recruteur dire « aucune machine ne remplacera jamais un humain qui recrute ». Déjà parce qu’il faut avoir sacrément confiance dans sa capacité à prédire le futur. Ensuite parce que beaucoup de candidats trouvent que le recrutement est mal fait. Donc ils n’hésiteront pas une seule seconde à nous contourner. Comme les consommateurs avec les taxis contre Uber.

Le plus grand des paradoxes c’est que la plupart des messages d’approche en recrutement pourraient être écrits par des robots. La plupart des recruteurs s’expriment déjà exactement comme des robots.

D’ailleurs, un répondeur automatique c’est déjà un robot. Vous savez la machine qui répond instantanément « merci pour votre candidature, sans nouvelle d’ici 3 semaines veuillez considérer que c’est mort ». La question c’est surtout de savoir ce qu’on fait du robot. Est-ce qu’on s’en sert pour envoyer plus de bons messages ou pour envoyer plus de mauvais messages ?

#19 – Il va falloir se prendre en main

Le recrutement n’a ni école, ni théorie. J’ai voulu aller chercher sur Wikipedia et je suis tombé des nues ! La page du mot « recruteur » est maigrichonne. Et dans la page Wikipedia pour le mot « recrutement », le sourcing n’est cité qu’une seule fois, et à mauvais escient en plus.

Si l’on veut être respecté par les autres fonctions, il va falloir que l’on se prenne en main.

Et…il n’y aura pas de 20ème point car j’ai découvert que le mot « recruteuse » existait officiellement. En voulant écrire en 20ème point qu’il fallait un féminin officiel et reconnu pour ce mot. Il ne me reste plus qu’à l’utiliser moi-même plus souvent.

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