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Les recruteurs ne méritent pas le respect

Pourquoi les recruteurs·se·s ne méritent pas le respect des managers

Ça fait plus de 9 ans que j’affirme que le recrutement mérite davantage de respect. Bien entendu, je le pense toujours. Encore plus aujourd’hui qu’hier.

Mais aujourd’hui je vais te raconter pourquoi, en l’état actuel des choses, les managers ont raison de ne pas respecter les recruteurs et les recruteuses. Car parfois, sans le vouloir, nous ne respectons pas le recrutement, nous-mêmes.

Feeling contre feeling

La plupart des recruteurs et recruteuses font encore des entretiens à l’intuition. J’entends même encore ce proverbe :

« la seule chose à se demander pendant un entretien c’est est-ce que j’aurais envie d’aller boire une bière après avec la personne qui candidate ».

C’est un bon résumé de l’entretien à l’intuition. Ça en montre les dangers : juger quelqu’un sur l’affinité avec nous plutôt que de l’évaluer sur ses compétences.

D’ailleurs, quand je recrutais je ne pouvais pas utiliser ce conseil puisque, moi, je n’aime pas aller boire (et encore moins des bières) avec des inconnus.

On justifie cette méthode de l’intuition en disant que ça permet davantage de spontanéité, que l’entretien est un rapport humain.

Mais, dans ce cas, on pourrait dire pareil d’un entretien de psychothérapie ? N’importe qui peut être psy : il suffit d’écouter la personne en face de nous et de faire preuve d’humanité.

Bien sûr que non : il existe une méthode scientifique de l’entretien psychologique (même si beaucoup de psys en France opèrent à l’intuition, mais c’est un autre sujet).

De même, tu imagines si les procès se faisaient uniquement à l’intuition ? Sans une intense recherche de preuves et une délibération intense d’un jury ?

Photo de Sasun Bughdaryan

Le ou la juge regarderait la personne accusée dans les yeux et diraient je la sens bien : je la déclare innocente ou je le sens pas : je le déclare coupable.Tu penserais quoi d’une telle justice si elle te disait oui mais ça permet de garder la spontanéité, l’humanité…<iframe width= »560″ height= »315″ src= »https://www.youtube.com/embed/vRXKr-LTlos?si=6ryOQYaC4WteNJdn » title= »YouTube video player » frameborder= »0″ allow= »accelerometer; autoplay; clipboard-write; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture; web-share » allowfullscreen></iframe>

Les managers voient très bien qu’on opère à l’intuition (ou en dehors d’une méthode efficace) et ça explique une partie de leur méfiance.

Puisque n’importe qui peut mener un entretien à l’intuition alors pourquoi se fier aux recruteurs ? Souvent les personnes qui défendent l’entretien à l’intuition disent je sens les gens ou je connais le comportement humain (sans avoir fait d’études en psychologie ou même ne serait-ce qu’ouvert un livre de psychologie ou de sociologie).

Pire encore, certaines personnes pensent avoir une forme de super-pouvoir :

Ici l’exemple d’une solution qui vend des tests et qui transcrit cette idée.

Mais dans ce cas, qu’est-ce qui empêche un manager de dire pareil ? Qu’est-ce qui empêche une manager de nous opposer son intuition ?

Surtout que, si on y réfléchit bien, les managers ont davantage de chance d’avoir une bonne intuition de qui recruter puisque, contrairement à nous, ils et elles sont au contact quotidien du métier. Souvent, les managers ont même exercé le métier cible par le passé.

Les managers connaîtront toujours mieux les métiers que nous. Alors, si on leur oppose uniquement notre intuition pourquoi nous feraient-ils confiance ?

Et encore… là c’est en acceptant le principe qu’un entretien à l’intuition fonctionne. Sauf que ça ne fonctionne pas. Toutes les études pointent dans ce sens, et le monde académique essaie désespérément de comprendre pourquoi la méthode de l’entretien structurée ne s’impose pas.

Sans critérologie on s’égare dans les critères

J’ai inventé le mot critérologie. Il me permet de décrire la sous-partie de la science de l’évaluation qui s’attache à définir de bons critères.

Car, au commencement étaient les critères. Si jamais j’ai une trame de questions mais que ces questions évaluent des critères erronés alors ça ne sera pas mieux qu’un entretien à l’intuition. D’ailleurs on peut même dire que c’est un entretien à l’intuition puisque c’est l’intuition qui a permis de fixer les critères.

Par exemple, une intuition courante mais inefficace consiste à vouloir relier la pratique d’un loisir à une compétence du poste. L’idée c’est que si la personne pratique un sport collectif alors je peux déduire qu’elle a l’esprit d’équipe.

Intuitivement ça semble se tenir. Mais on sait désormais que c’est faux. Pour réfuter cette idée il faudrait tout un article qu’on écrira peut-être un jour mais en résumé :

  1. On ne peut pas transférer n’importe comment une compétence. Je peux être collectif au rugby et ne pas l’être dans ma vie personnelle ou professionnelle
  1. Même si on pouvait… comment s’assurer que la personne est douée dans le sport ? Il y a plein de personnes qui jouent au foot et sont mauvaises car trop individualistes. Comment je vais vérifier ça ? Je demande aux candidats de jouer devant moi ? Je leur demande des vidéos de leurs matchs ?
  1. Il y a malheureusement un effet discriminatoire caché. Car on valorise uniquement certains loisirs. On va valoriser le rugby mais pas le rap ou la couture. Et, même si toi ce n’est pas ton cas, les candidats savent qu’ils ne doivent jamais répondre « mon loisir c’est d’être rappeur » s’ils veulent le job.

Une autre intuition courante dans le choix de critère c’est d’évaluer le savoir-être. En l’occurrence, cette fois, l’article qui explique l’erreur est déjà écrit : https://blog.lecoledurecrutement.fr/le-savoir-etre-professionnel-existe-t-il/

Mais en résumé le savoir-être appartient au champ lexical du jugement et non de l’évaluation. C’est, en réalité, une insulte déguisée (ou a minima un jugement condescendant). La preuve ? Une compétence qu’on évalue peut être possédée ou pas. Par exemple : je n’ai pas la compétence de créer des macro Excel. Je ne suis pas le seul, si je vais dans une entreprise et que je demande à toutes les personnes qui n’ont pas cette compétence de lever la main, j’aurais plein de main levées.

Maintenant imaginons que je fasse pareil avec le savoir-être ? Qui va lever la main si je demande qui manque de savoir-être ?

Personne ne peut se revendiquer du manque de savoir-être, parce que précisément ce n’est pas une compétence mais bien une insulte. Ce qui existe en revanche c’est la personnalité. Et surtout les personnalités socialement désirables. C’est généralement ce qu’on recherche quand on cherche quelqu’un qui a du savoir-être.

Sauf que… il n’y a pas de lien entre la performance en poste et la personnalité socialement désirable. Selon le poste, certains traits de la personnalité socialement désirable seront des avantages et d’autres des obstacles.

Le plus souvent ça ne sera ni un avantage, ni un obstacle mais simplement une chose sans rapport.

Par exemple, l’extraversion n’est absolument pas corrélée à la performance. Pire encore, contrairement à ce qu’on pourrait croire, on n’observe pas que les commerciaux les plus extravertis, sont les plus performants.

Alors… comment savoir si un critère est efficace ? On a de la chance : la science de l’évaluation a fait le travail pour nous et a classé les critères qui permettent de prédire efficacement la performance en poste.

Cette classification s’appelle KSAO (Knowledge, Skills, Aptitude, Other) et Tania te l’a déjà détaillée dans cet article  : https://blog.lecoledurecrutement.fr/recruter-sans-cv/

En résumé l’idée c’est que la performance peut découler :

  • Des connaissances
  • Des savoir-faire qui s’apprennent
  • Des prédispositions et talents innés
  • De la personnalité et de l’intérêt à faire les tâches

La critérologie nous affirme que pour avoir un bon critère il doit 

1 – être choisi dans les KSAO

2 – être évalué le plus directement possible. 

3 – être explicité de manière à ne pas laisser la place à l’interprétation (mais dans l’exemple suivant vu que je ne connais pas le métier je vais enfreindre cette règle : il faudrait détailler beaucoup plus)

Prenons Laure Manaudou, la nageuse. Elle a besoin :

  • Des connaissances sur l’épreuve de natation (les règles, les techniques qui ont historiquement fait leur preuve ou pas…)
  • Des savoir-faire qu’elle a entraînés : la technique de la brasse, du crawl, etc
  • De sa prédisposition à nager. En effet, Laure Manaudou a ce qu’on appelle un taux de flottabilité plus haut qu’un humain moyen. En d’autres termes : la densité de ses os fait qu’elle flotte naturellement bien. On ne peut pas entraîner la flottabilité, on l’a ou on l’a pas.
  • D’une éthique d’entraînement et de persévérance qui sont reliés au trait de personnalité qui s’appelle la conscienciosité

Photo de Quimcy Dsouza

Au fait… depuis tout à l’heure j’utilise le mot « personnalité sans le définir. Si tu n’as jamais vu écrit le mot « conscienciosité » c’est probablement que tu ne connais pas la science de la personnalité.

On a déjà fait une conférence dessus que tu peux retrouver ici :<iframe width= »560″ height= »315″ src= »https://www.youtube.com/embed/bTtvUe49lZw?si=JWFwC5VioflfK7vl » title= »YouTube video player » frameborder= »0″ allow= »accelerometer; autoplay; clipboard-write; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture; web-share » allowfullscreen></iframe>

Mais, en résumé, le consensus scientifique c’est que la personnalité s’analyse en 5 (ou 6) grands traits de personnalité. On les appelle le Big Five.

Les autres analyses n’ont pas plus d’efficacité que l’astrologie. Il est donc de ta responsabilité de n’utiliser que des prestataires qui se fondent sur le Big Five.

Car, si nous utilisons des tests comme le DISC ou le MBTI… là encore on ne peut pas s’étonner que les managers ne nous respectent pas. Soit les managers croient en l’astrologie et ça va, soit les managers voient le problème, et leur estime pour notre métier diminue.

Comment être crédible quand on utilise un test DISC avec 4 couleurs qui est plus proche du test des 4 maisons d’Harry Potter :« Viktor Lau explique la large diffusion et la popularité du test DISC et de ses variantes (bien qu’il soit considéré comme dépassé, et que le modèle ignore les connaissances établies après les années 1920 concernant la recherche sur la personnalité), par l’effet Barnum, que l’astrologie utilise également »

Nous ne jouons pas suffisamment notre peau 

Photo de Oliver Sharp

En 2018, Nassim Taleb publie le livre Skin in the game. Il y développe dedans l’importance d’aligner les intérêts.

Pour illustrer le concept on prend souvent l’image du cochon et de la poule. Si un cochon et une poule ouvrent un restaurant, ils ne peuvent pas servir des oeufs et du bacon. Car, pour le cochon ça demande d’y mettre littéralement sa peau. Alors que pour la poule c’est un investissement mineur. Donc ils vont forcément avoir des tensions et des disputes sur comment gérer un tel restaurant.

La sagesse populaire française avait déjà saisi ce concept avec le proverbe : les conseilleurs ne sont pas les payeurs.

Il est facile de ne pas se rendre compte qu’on commet des erreurs quand ce sont d’autres personnes qui subissent les conséquences de ces erreurs.

Or, la posture de recruteur ou recruteuse est celle de la poule, pas du cochon.

Si le recrutement est mauvais, nous n’avons quasiment aucune conséquence. Souvent, nous ne le savons même pas. En plus, nous recrutons pour plein d’équipes différentes. Si on rate un recrutement, on peut se rattraper sur les autres. Ce n’est pas le cas des managers qui recrutent pour leurs équipes et doivent vivre au quotidien avec les conséquences du mauvais recrutement.

À cet égard je trouve que l’histoire de Marion est très éclairante. En effet, dans sa conférence j’ai découvert que je ne savais pas recruter… après 11 ans en cabinet, elle nous raconte comment elle a été recruteuse dans un grand cabinet de recrutement, pendant des années.<iframe width= »560″ height= »315″ src= »https://www.youtube.com/embed/gfc0ixhLCV0?si=mJuIfHje0tQDza0H » title= »YouTube video player » frameborder= »0″ allow= »accelerometer; autoplay; clipboard-write; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture; web-share » allowfullscreen></iframe>

Elle n’avait aucun doute sur le fait qu’elle recrutait bien. Elle adorait faire passer des entretiens, elle avait la bonne intuition, elle laissait la magie opérer.

Puis, un jour :

« j’ai rejoint L’École Du Recrutement en tant que directrice commerciale et j’ai dû monter mon équipe. Donc j’ai dû recruter des commerciaux…Et puis… bon… en fait je me suis trompée.

J’ai fait des erreurs : j’ai recruté des commerciaux qui n’étaient en réalité pas des commerciaux, j’ai recruté des commerciaux qui n’étaient pas si performants que je le pensais, j’ai recruté des commerciaux qui n’étaient pas si bons que ça en rendez-vous…

Patatras mon petit monde s’écroule. Je me dis : mince, je sais plus recruter « 

En passant de recruteuse à manager, Marion est passée de la position de poule à celle de cochon : de la position de conseilleuse à celle de payeuse.

Ça change tout : d’un coup on a un autre éclairage. Alors… je ne dis pas que ça suffit à avoir une expertise de recrutement… certains managers ne voient pas non plus leur incompétence car ils se disent que les mauvaises recrues sont des personnes qui les ont « escroqué » en entretien.

Tout le monde n’a pas la remise en question de se dire : j’y suis pour quelque chose.

Et puis, comme peu de gens connaissent de méthode d’évaluation… y’a une sorte de fatalisme : les managers voient que les entretiens à l’intuition ne fonctionnent pas mais n’ont pas d’alternatives à essayer. Donc ils et elles finissent par le voir comme un mal nécessaire.

Combien de fois j’ai entendu des patrons de Startup expliquer que la seule manière de recruter c’est de se tromper… de prendre des gens puis de voir pendant la période d’essai…Voilà ce qui est vrai : les entretiens à l’intuition sont inefficaces.

Pire encore : pour une évaluation efficace il faut plusieurs personnes impliquées. C’est ce qu’a mesuré Google en menant des recherches sur l’efficacité de ses entretiens. Il en est ressorti qu’aucune personne n’avait un jugement plus fiable que la moyenne du jugement du groupe.

Source : Work Rules – Laszlo Bock

En d’autres termes ça veut dire que personne ne possède une intuition efficace en entretien. Personne ne peut se vanter d’avoir le « compas dans l’oeil » : c’est en impliquant plusieurs personnes qu’on augmente significativement la fiabilité. Ce n’est pas un hasard si la justice fonctionne avec un jury.

À la lumière de tout ça, nous devons gagner en humilité et relativiser la confiance en notre propre capacité d’évaluation.Une personne très sûre d’elle dans l’évaluation n’est jamais une personne douée en évaluation, c’est une personne trop arrogante. Et, là encore, les managers le sentent. La plupart ne nous croient pas quand on leur dit je sens les gens.

Nous acceptons la discrimination

On a vu pourquoi les managers ont raison de ne pas respecter nos conseils si nous les fondons sur notre intuition (et dire l’expérience c’est pareil, ce n’est pas parce qu’on fait 11 ans une tâche qu’on la fait correctement).

Il est temps désormais d’aborder un sujet où je sais que, contrairement au point précédent, la quasi-totalité des gens qui me liront seront d’accord.

Ce sujet c’est la nécessité de lutter contre les discriminations.Pour le coup, si je devais parier je dirais que la position de la poule est, sur ce point, un avantage.

En effet, puisque je ne joue pas ma peau j’aurais peut-être moins tendance à me réfugier dans le confort de la discrimination. Mais il faudrait étudier correctement le sujet pour le savoir.

En tout cas ce que je peux dire c’est que, d’expérience, l’immense majorité des personnes qui recrutent ont déjà fait face à un manager qui, parce qu’il discriminait, a contredit leur conseil de recrutement.

Plus haut, je disais que les managers ont raison de ne pas nous écouter quand on fonde notre conseil sur l’intuition. Mais ça ne s’applique plus dans ce cas. Nous avons l’obligation légale de ne pas discriminer dans nos recrutements.

Sauf que, dans les faits, la plupart d’entre nous cédons sur ce point. Ça nous fait mal, on ne le fait pas de gaité de coeur, mais on le fait quand même.Quand on est en interne on se dit qu’on n’a pas de marge de manoeuvre. Quand on est en cabinet on se dit que si on commence à refuser les clients discriminants on n’aura plus assez de business.

Pour nous protéger, plus le temps passe, plus notre cerveau s’insensibilise à la question. Pour ne pas vivre en permanence avec ce poids.Je ne dis pas que c’est facile. C’est pour ça que j’insiste sur le fait que la majorité des gens aimeraient lutter. Mais ne trouvent pas le courage.

Sauf que, concrètement ça participe au fait que les managers ne nous respectent pas. En effet, s’ils ont le dernier mot sur quelque chose d’aussi absurde alors ils ont une forme de toute-puissance.Imagine ce que pense un manager quand tu acceptes sa requête discriminante ? Il sait pertinemment que c’est interdit. Mais tu vas lui fournir ce service interdit car il te le demande.Toute-puissance.

D’ailleurs, certaines entreprises prennent des actions fortes. C’est le cas de la SNCF où, si tu as un manager qui utilise un critère discriminant, un recruteur peut déclencher l’alerte auprès des RH. Après un certain nombre d’alertes, le manager en question se voit banni des process de recrutement.

Si cette personne a besoin de recruter à l’avenir, c’est un·e autre manager qui fera passer les entretiens.

Simple. Efficace.

À la dernière NCDR, la DRH d’un groupe de plusieurs milliers de personnes est d’ailleurs venue nous expliquer qu’elle avait mis sa démission en jeu car elle refusait d’accepter qu’un manager utilise ouvertement son homophobie comme critère de sélection.

L’entreprise a alors choisi de mettre un avertissement au manager en questionBien sûr… j’ai conscience que ça demande énormément de courage. J’ai également conscience qu’il y a également une responsabilité de l’entreprise et non pas uniquement notre responsabilité individuelle.

Mais, accepter que les managers utilisent des critères discriminants ne leur rend pas service. Notre rôle est précisément de les protéger d’eux-mêmes là-dessus.

D’autant plus que si un manager utilise ouvertement des critères de recrutement discriminants, imagine à quoi doit ressembler son management ?

C’est la remarque très juste d’une participante de la NCDR Paris : je comprends que tu aies accepté de ne pas recruter de femme à ce poste sur demande du manager, mais tu imagines à quoi doit ressembler son management sur les quelques femmes employées qu’il a sous sa responsabilité ? Ou même les interactions qu’il peut avoir au sein de l’entreprise ?

L’expérience candidat désastreuse

Photo de Francis Painchaud

Si le recrutement a si mauvaise presse c’est parce que nous traitons collectivement mal les candidat·es. On en a déjà parlé à de multiples reprises mais l’expérience candidat est, en moyenne, très mauvaise.

« L’une des sources de frustration les plus courantes pour les demandeurs d’emploi est l’absence de réponse des recruteurs après l’envoi de leur candidature.

Selon des études récentes, 81 % des candidats ne reçoivent jamais de réponse, positive ou négative, après avoir postulé à un emploi, ce qui les amène à s’interroger sur leurs perspectives et à se demander s’il vaut la peine de poursuivre le processus de candidature. »

Source : Pourquoi n’avez-vous pas de réponse à vos candidatures pour un poste à pourvoir ?

Pire encore, 79% des candidat·es déclarent avoir déjà passé au moins une fois un entretien à la suite duquel ils n’ont eu aucune réponse.

Dans la même étude, 24% déclarent avoir déjà eu « des questions déplacées, sans rapport avec le poste à pourvoir, ni avec leurs compétences. »

Mais surtout, énormément se plaignent d’avoir des annonces qui se ressemblent toutes et ne permettent pas de se positionner. Enormément ont l’impression que le process de recrutement est un tirage au sort géant qui dépend de l’affinité que l’on aura avec le recruteur le jour de l’entretien.

De manière générale, les gens qui passent une bonne expérience de candidature sont assez rares.

Mais, quel est le rapport avec le sujet ? Pourquoi parler de candidat·es quand on parle de respect des managers ?

Parce que les managers ont toutes et tous été en position de candidat·e un jour.

Donc, une fois en poste, pourquoi nous feraient-ils confiance ?

Photo de Thao LEE

D’ailleurs, contrairement à ce que beaucoup de recruteurs et recruteuses m’ont dit : les managers sont en grande majorité enthousiastes à l’idée d’avoir une méthode.

Comment je le sais ? Parce que ça fait des années que des responsables de recrutement nous sollicitent en disant qu’il faudrait former les managers mais que ça va être compliqué car ils ne voudront pas.

Pendant des années nous avons poliment décliné en expliquant que notre public c’était les recruteurs. Puis, un jour, j’ai accepté à la condition que je sois mis directement en contact avec des managers.

Ça peut paraître évident, mais à l’époque la question qui se posait c’était de leur proposer directement un parcours en ligne.

J’ai répondu que je ne pouvais pas me fonder sur ce que les recruteurs et recruteuses me disaient des managers. Je devais aller voir par moi-même ce public qu’on me décrivait comme totalement réfractaire et n’ayant pas le temps d’une formation au recrutement.

Et j’ai bien fait puisqu’on ne pouvait pas être plus loin du compte. J’ai eu face à moi un des meilleurs publics de ma carrière. Parce qu’ils n’avaient aucun ego à se dire ah bah oui en effet l’entretien au feeling c’est inefficace puisqu’ils savaient que ce n’était pas leur métier.

De même, la méthode de l’entretien structuré leur plaît… parce que c’est une méthode. Les bons managers aiment les méthodes. L’anarchie, l’intuition ne sont pas des méthodes.

Depuis, nous continuons à former de temps en temps des managers et Aurélien comme Tania (les deux autres formateurs) sont unanimes : les managers sont le meilleur public.

Photo de Dean Machala

Parce qu’ils ne sont pas victimes de l’effet Semmelweis. L’effet Semmelweis c’est quand on s’accroche à une mauvaise pratique parce que sinon il faudrait accepter qu’on a mal fait pendant des années.

Ou, formulé par GPT :

« L’effet Semmelweis est nommé d’après un docteur hongrois, Ignaz Semmelweis. Il travaillait dans un hôpital à Vienne au 19e siècle. Il a remarqué que beaucoup plus de femmes mouraient après avoir accouché dans une clinique dirigée par des docteurs par rapport à une autre dirigée par des sages-femmes.Semmelweis a pensé que le problème venait des docteurs et des étudiants en médecine qui touchaient des cadavres puis allaient aider les femmes à accoucher sans se laver les mains. Il a donc demandé à tout le monde de se laver les mains avec de l’eau contenant du chlore. Après ça, beaucoup moins de femmes sont mortes.Beaucoup de docteurs ont détesté cette idée. Ils étaient vexés et ne croyaient pas que ce soient eux le problème. Ils ont alors commencé une campagne de dénigrement. Semmelweis a perdu son travail et est mort à 47 ans dans un hôpital psychiatrique.Aujourd’hui, on utilise le terme « effet Semmelweis » pour parler des moments où des idées simples et efficaces sont rejetées parce qu’elles remettent en question la manière habituelle de faire les choses. »

Les managers n’étant pas soumis à cet effet ils sont preneurs de formation et de méthode.

Alors, dans ce cas, pourquoi la plupart des recruteurs me disaient que les managers étaient réfractaires ? On en revient à mon hypothèse : je pense que c’est avant tout parce que beaucoup de recruteurs opposent leur feeling à celui des managers. Or, ce qui va les convaincre c’est une méthode.

Il faut que l’on se forme

Photo de Again Faster

Bien entendu je dis tout ça en connaissant la réalité du métier : il n’existe quasiment pas de formations académiques au recrutement. Ce qui se rapproche le mieux d’une formation au recrutement selon moi c’est une formation en psychologie. Quelqu’un qui a un diplôme de psychologie du travail a davantage de chance de connaître la « critérologie » et le reste de la science de l’évaluation.

Mais il lui restera à apprendre la partie sourcing et copywriting.Par conséquent, l’immense majorité d’entre nous devons apprendre en formation continue. Avec toutes les difficultés que ça pose : pouvoir se bloquer du temps, trouver une formation de qualité, réussir ensuite à appliquer ce que l’on a appris en embarquant les autres, etc.

Je le sais car moi-même, j’ai le plus grand mal à trouver des formations pour mon métier de formateur.Bien entendu, tu me vois venir, je vais te dire que je peux t’aider à te former.

PRENDRE 15 MIN POUR SE FORMER OU FORMER SON ÉQUIPE

Mais, pour ne pas te laisser sur ta faim, voici quelques pistes pour t’auto-former.

7 pistes d’auto-amélioration

#1 | Envisage-toi comme la personne experte en méthode d’évaluation

Prends-toi de passion pour les sciences de l’évaluation. Afin de devenir la personne référente en méthode d’évaluation et non pas la personne qui se pensent naturellement douée en évaluation.

C’est un changement total de posture. Plutôt que de faire feeling contre feeling, je le sens pas contre je le sens bien… tu vas accepter que ton jugement est biaisé et que tu es une des personnes les moins bien placées car tu ne joues pas ta peau sur un recrutement.

Ça va te permettre une posture plus détendue. Tu vas pouvoir laisser le manager utiliser sa connaissance du métier tout en le guidant. Tu deviens la personne qui connaît par coeur les règle de la manière de faire une bonne évaluation, plutôt que de croire que tu es la personne la plus douée en évaluation.

#2 | Apprends la critérologie

Tu l’as compris, ce mot n’existe pas. Mais si tu tapes dans Google « KSAO » tu vas commencer à explorer ce champ. L’idée c’est que tu acquières une maîtrise telle de la science de sélection des critères que tu puisses rapidement dire : ce critère ne peut pas marcher.

Par exemple : un diplôme est-il une connaissance ? Un savoir-faire qui s’entraîne ? Une prédisposition ? Un trait de personnalité ?

Rien de tout ça. Un diplôme est un critère indirect : on fait confiance à d’autres gens qui ont évalué les connaissances à notre place.

Le savoir-être ? Tu vas devoir ce que tu veux dire dans la carte KSAO des critères. Par exemple peut-être que ce que tu recherches c’est l’extraversion (la facilité à sourire en clientèle, etc). Mais dans ce cas… est-ce directement lié à l’emploi ? Ou est-ce un critère qui te sert à juger au lieu d’évaluer ?

#3 | Adopte la posture de l’agence immobilière

Les agent·s ont la même problématique que nous : devoir choisir quelque chose à la place d’une autre personne. Par conséquent, il faut trouver la bonne posture.

À la fois être capable d’aider la personne à mettre des mots sur ce qu’elle cherche. Mais également lui dire quand elle fait manifestement fausse route car elle cherche quelque chose qui n’existe pas sur le marché.

À cet égard, j’aime beaucoup le triangle d’or de la gestion de projet : Qualité – Délais – Coût.

L’idée c’est qu’on ne peut jamais avoir tout le triangle, on peut avoir uniquement deux points à la fois. 

Par exemple on peut faire un recrutement rapide, d’un profil pas cher, mais la qualité du recrutement va en pâtir. On peut trouver un profil pas cher et maintenir notre exigence de qualité mais dans ce cas ça va prendre du temps.

On peut trouver un profil de qualité, rapidement mais dans ce cas il faudra proposer un salaire au-dessus du marché. Et ainsi de suite.Cet outil pédagogique permet de demander au manager ce qu’il préfère parmi les 2.

#4 | Faire du brief une priorité

Le triangle d’or est un raccourci mais rien ne peut remplacer un vrai brief. Or, c’est malheureusement une des étapes les plus négligées.

Nous sommes face à un cercle vicieux : les managers ne font pas confiance en notre valeur ajoutée alors ils veulent passer le moins de temps possible avec nous. Sauf que… ça diminue la qualité de notre recrutement ce qui… renforce la défiance des managers.

Photo de Jigar Panchal

Il faut réussir à briser ce cercle et expliquer qu’on ne peut jamais économiser le brief. Tout ce qu’on gagne à bâcler un brief c’est des erreurs de recrutement en bout de chaîne.

D’autant plus que la plupart des gens négligent à quel point ils ont une idée flou de ce qu’ils veulent. Se poser en brief va obliger le manager à mettre des mots dessus. C’est beaucoup plus compliqué que l’on ne croit.La dernière fois que j’ai recruté pour mon équipe, Vincent Cochet (un recruteur indépendant) m’a demandé ce que je cherchais chez un formateur ou une formatrice. Au début je n’avais rien qui me venait.

Je me suis senti bête, surtout après avoir enseigné le brief pendant tant d’année. Mais en fait c’est très dur quand on est dans la position du manager.

Après un temps de réflexion, j’avais des mots vagues en tête comme : empathique ou amour de la prise de parole en public.

Vincent m’a alors aidé à les approfondir. À la sortie du brief j’avais les idées beaucoup plus claires. Ce qui a permis ensuite d’avoir un cadre commun de discussion.

Car, si Vincent avait bâclé le brief en disant ok tu veux quelqu’un avec de l’empathie et qui aime parler en public, pendant les entretiens j’aurais repéré d’autres problèmes (parce que 2 critères ne peuvent pas suffire). Mais j’aurais probablement aussi été en désaccord avec les candidat·es qui m’auraient été présenté comme empathiques (car on aurait pas défini clairement ce que c’était).

Au final, j’aurais ressenti de la frustration et Vincent aussi.

De même, Vincent m’a obligé à faire des choix, à limiter la liste des critères. Sinon une fois qu’il m’avait débloqué, j’étais parti pour demander la lune.

Sa posture m’a permis d’identifier quels seraient les critères indispensables et quels seraient les endroits où je pourrais former la personne à son arrivée si besoin est.

Dernier bénéfice, et pas des moindres, ça permet à Vincent de savoir quoi dire lors d’un retour négatif. Au-delà de juste Nicolas ne t’a pas senti.

#5 | Apprends l’entretien structuré comportemental

Les points précédents vont forcément te mener ici. Cette méthode (qui comprend donc la critérologie) va te permettre d’avoir des outils directement opérationnels pour mener des entretiens efficaces.

Par exemple en sachant reconnaître en une fraction de seconde si une question est prédictive ou pas.

Photo de Lucas van Oort

Malheureusement, la plupart des questions que l’on pose en entretien sont en réalité inefficaces.

Mais, là encore, ça mériterait tout un article. Ce que tu peux retenir c’est qu’une bonne question va essayer de faire décrire un comportement. Pour ensuite le comparer aux comportements attendus sur le poste.

Par exemple si je cherche quelqu’un qui arrive à s’organiser en autonomie je pourrais demander aux candidats de me raconter une fois où ils ont dû prendre une décision en l’absence de leur manager.

Ou alors je pourrais leur présenter une situation et leur demander quels seraient leur comportement face à cette situation.

#6 | Renseigne-toi sur la communication non-violente (CNV)

Selon mon expérience, une grande partie des problèmes entre recruteurs et managers proviennent de la peur du conflit des premiers.

Comme on a peur du conflit, on ne va pas exprimer notre avis sur le recrutement. Que ce soit sur des sujets lourds comme la discrimination mais également simplement sur la décision de prendre le candidat A plutôt que la candidate B.

De manière générale, les outils de la CNV sont vraiment efficaces pour réussir à tenir la ligne de crête entre se laisser marcher sur les pieds et déclencher une guerre.

Le livre que j’ai trouvé le plus facile à comprendre et à appliquer c’est Cessez d’être gentil soyez vrai ! » dont le titre est très mal choisi.

Ou plutôt c’est un très bon titre pour vendre. Mais ça ne décrit absolument pas le contenu du livre. Si j’avais su je l’aurais lu beaucoup plus tôt car il propose vraiment des outils opérationnels pour réussir à tenir cet équilibre. Sortir du dilemme : je me tais ou je l’agresse.

Avoir une troisième voie.

#7 | Suivre une formation à la non-discrimination

L’an dernier, j’ai suivi une formation à la non-discrimination. Merci au passage à la formatrice : Pascaline du groupe SOS.

J’avais beau m’être énormément renseigné sur le sujet, j’ai quand même identifié des points morts sur lesquels il me faut travailler.

Petit conseil : choisir une formation qui aborde frontalement la question de la discrimination. Je sais que c’est tentant de choisir une formation qui prend l’angle des biais (c’est moins vexant de se dire qu’on a des biais inconscients plutôt que des lacunes dans notre formation), mais ces formations ont tendance à passer à côté du sujet.

Savoir qu’on a des biais, ok. Mais déjà la discrimination ne passe pas uniquement par des biais : quand on accepte la requête ouvertement discriminante d’un manager c’est une décision consciente. Et ensuite, le propre des biais inconscients et d’être inconscients… donc faire toute la liste est souvent un peu inutile.

Plus d’expertise et moins d’ego

J’espère que tu l’as compris : l’idée ici n’est pas de jeter la pierre et de dire que le recrutement ne mérite pas de respect. Je le redis : le recrutement doit être respecté. Mais, justement, nous devons être les premiers et les premières à respecter le recrutement en développant une expertise.

Nous ne pouvons pas nous contenter de nos intuitions si nous voulons gagner le respect des managers qui recrutent et qui contrairement à nous « jouent leur peau ».

D’autant plus que l’expertise a un effet contre-intuitif : elle rend humble.

Plus on a d’expertise sur quelque chose, plus on en voit les subtilités et plus on sait que les choses ne sont pas si simple. Du coup on a tendance à avoir des avis moins tranchés et prendre davantage de précaution.

Mais surtout… l’expertise se voit. Si jamais tu apprends la critérologie, tu vas impressionner des managers : car tu auras les bons réflexes, la bonne pertinence.

Et que tu vas arrêter d’essayer de jouer leur rôle. Tu restes dans le tien : la connaissance des méthodes d’évaluation. Plutôt que de jouer ton ego sur mon intuition a plus de valeur que la sienne.

C’est comme tout dans la vie : plus je maîtrise un sujet, plus j’ai une expertise véritable et plus je suis solide, moins je risque de mettre d’ego.

Se former au recrutement ? c’est ICI 🙂

Sources de l’article

Pourquoi on se repose de manière si têtue sur l’intuition et la subjectivité dans le recrutement : https://www.cs.jhu.edu/~misha/DIReadingSeminar/Papers/Highhouse08.pdfRepenser la vision du commercial idéal, l’avantage des ambivertis : https://faculty.wharton.upenn.edu/wp-content/uploads/2013/06/Grant_PsychScience2013.pdfLa fiche wikipédia du test DISC :https://fr.wikipedia.org/wiki/DISC

Quand utiliser le feeling dans le recrutement ?

Le feeling dans le recrutement, toujours mauvais ?

Je discutais avec Carole David et Aurélien dans le cadre de la préparation du talk de Carole pour La Conférence du Recrutement. On débattait de la place du feeling dans le recrutement. Et c’est là qu’Aurélien a eu une révélation : en fait, notre relation au feeling est l’inverse de ce qu’il faudrait faire. Et j’irai même plus loin : le débat entre feeling ou pas est en réalité le mauvais débat.

On va voir pourquoi. Mais avant il faut séparer le recrutement en deux enjeux.

Séduire et évaluer

Le recrutement est un équilibre entre ces deux forces contraires : à la fois je cherche à évaluer quelqu’un et à la fois je cherche à le séduire. Ce conflit est à l’origine de beaucoup de difficultés dans le métier.

Par exemple, on a du mal à assumer nos retours négatifs : alors on les fuit. Parce que d’un coup il faut basculer d’une posture où on a essayé de séduire une personne à une posture où on doit lui rendre une évaluation clinique.

Ou alors, on se laisse emporter parce qu’on a passé un super moment avec un·e candidat·e et on veut lui faire un retour à chaud super positif. Puis, on dort dessus, on prend du recul et on se rend compte qu’au final l’évaluation est un poil moins positive. Ou, pire encore, on s’en rend compte uniquement une fois que la personne est en poste.

L’entretien est probablement la phase où c’est le plus compliqué. En effet, là où la préqualification téléphonique et le tri de cv sont majoritairement un enjeu d’évaluation, l’annonce et l’approche un enjeu de séduction… l’entretien est exactement à mi-chemin entre les deux.

Je pense que c’est en partie ce qui explique pourquoi on finit par sacrifier une des deux forces. En effet, la plupart des personnes que je croise en formation font la même chose : elles font passer la séduction par dessus bord. Il y a même des personnes qui recrutent et qui pensent que la séduction est une faiblesse. Que, les gens doivent être motivés dès le début du process, par la simple évocation du nom de notre marque. Syndrome d’autant plus exacerbé que l’entreprise est grosse.

On se retrouve alors avec des recrutements entièrement tournés vers l’évaluation, avec un petit côté professoral (au mauvais sens du terme). Ça me fait penser au collège.

Les élèves si populaires qu’ils en deviennent froids. Jusqu’à ce qu’un jour le vent tourne et que ça soit le désarroi. Je n’ai pas pu m’empêcher d’avoir cette pensée quand j’ai vu la crise sanitaire faire paniquer des services recrutement : on n’y arrive plus, les gens nous snobbent.

Pire encore, on finit par surestimer ses capacités d’évaluation. J’ai déjà écrit un article sur le sujet ICI.

Mais ça mériterait encore un article entier sur le sujet : ce biais de surconfiance. À force de tout miser sur l’évaluation on finit par oublier que c’est un exercice hautement aléatoire. On finit par vraiment croire qu’on a un pouvoir magique, qu’on sent les gens. Alors que si c’était vrai on serait une célébrité mondiale. Si quelqu’un avait ce pouvoir il serait immédiatement convoité par toutes les polices du monde.

Je m’égare. Un jour j’écrirai cet article. Mais en attendons revenons à celui-ci : quand utiliser le feeling dans le recrutement.

Nous sommes froids quand il faut être chauds et chauds quand il faut être froids

C’était ça la révélation d’Aurélien. Prendre subitement conscience qu’on fait les choses à l’envers. En effet, nous avons tendance à être chaud·es dans l’évaluation et froid·es dans la séduction. En d’autres termes on utilise le feeling pour évaluer et on s’en prive pour séduire. Alors qu’il faudrait faire l’inverse.

La plupart des personnes qui recrutent sont attachées à leur feeling dans l’évaluation. Notamment à l’issue de l’entretien. Mais pas que.

Malheureusement, ça a de lourdes conséquences. Le feeling dans l’évaluation c’est ce qui amène à succomber à tous nos biais cognitifs. D’ailleurs, ces mots sont presque des synonymes : le feeling EST la somme de nos biais. Le sujet est abordé à merveille dans le livre Système 1 / Système 2 : Les deux vitesses de la pensée (Thinking Fast and Slow).

Le feeling c’est ce que l’auteur appelle Fast Thinking. Ce n’est pas de la magie : on peut décortiquer les mécanismes de l’intuition. On peut même apprendre à ne pas l’écouter quand ce n’est pas bénéfique.
En l’occurrence, utiliser son intuition, son feeling pour évaluer quelqu’un nous conduit nécessairement à des résultats injustes. Et le pire c’est qu’il est impossible de s’en rendre compte par soi-même. Donc il est très certain qu’en me lisant vous vous disiez que c’est faux. Ou alors que c’est vrai pour tout le monde sauf pour vous.

Voilà pourquoi c’est si compliqué de mettre en pause son intuition : elle ne nous laisse pas faire. Pire : elle ne nous laisse pas voir pourquoi il faut le faire.
Mais c’est bien de l’intuition que provient l’essentiel des discriminations. On en a déjà parlé ici.


Notre instinct a donc cet incroyable atout d’être une protection contre les dangers. Il va plus vite que le raisonnement conscient et heureusement. Car il est des situations où il vaut mieux courir parce que tout le monde court, sans comprendre pourquoi.

Quand on doit faire un choix important : embaucher quelqu’un ou lui louer un logement, notre instinct démarre donc sur les chapeaux de roue. Après tout, c’est son rôle.Là, il y a deux options : soit j’ai une méthode rationnelle à laquelle je me fie, soit j’en ai pas. Or, dans l’immense majorité des cas, la personne qui prend la décision n’a pas une telle méthode.

Sans méthode d’évaluation on s’en remet à son instinct, et c’est bien cet instinct qui va discriminer. Inconsciemment.

Je suis convaincu que si j’arrivais devant une agence, que je montrais dans la boule de cristal que j’allais bien payer tous mes loyers en temps et en heure pendant 5, 10, 15 ans et que je rendrai l’appartement dans un état nickel… la discrimination s’effondrerait.

La plupart des gens me diraient okay, même s’ils ont des préjugés. Car ils auraient la preuve que leur préjugé ne prédit pas l’avenir dans ce cas.
D’ailleurs, n’est-ce pas pour ça qu’on vit moins de discrimination sur Airbnb ? Parce que les gens ont la garantie que la plateforme va les indemniser en cas de problème.

Idem dans le recrutement : si on avait une boule de cristal qui démontrait quelle personne performerait le mieux à un poste, ce serait également la fin d’une grande partie de la discrimination. Elle diminuerait car elle aurait moins de raison d’être.

On ne peut pas avoir de boule de cristal, mais justement : la meilleure manière d’améliorer sa prédiction de l’avenir est d’abord d’accepter qu’il est largement imprévisible.


D’autre part, nous avons la fâcheuse tendance à faire preuve de froideur dans les phases de séduction. En effet, quand on écrit des annonces ou des messages d’approche on le fait avec une telle prudence, une telle distance (et au fond une telle peur) qu’on finit par écrire des choses très froides, quasiment illisibles.
Du type :

Pour ce poste, vous justifiez d’une première expérience opérationnelle en Ressources Humaines.

Vous maîtrisez les logiciels du Pack Office, et plus particulièrement Excel, Outlook, Word.

Intervenant dans un environnement international, vous êtes en capacité de comprendre des documents techniques en anglais.

Rigoureux(se), vous êtes reconnu(e) pour vos capacités d’analyse et de synthèse. Pour cette alternance, vous faites également preuve de discrétion, de flexibilité, d’un bon relationnel et d’ouverture d’esprit.

Vous souhaitez en parallèle de vos apprentissages théoriques, les mettre en pratique immédiatement en entreprise, merci de nous transmettre vos CV et lettre de motivation

Mais le pire ce sont les présentations d’entreprise :

Les 529 adhérents XXXXX exploitant 662 magasins indépendants en France, emploient 125.000 salariés. L’enseigne XXXXX a réalisé un chiffre d’affaires de 43,4 milliards d’euros en 2016 et est le leader de la distribution française avec une part de marché de 20,4 %.

Faire partie de l’enseigne XXXXX, c’est intégrer une fédération d’entreprises dynamiques, en croissance et qui se démarquent autant par leur mode de fonctionnement que par leur capacité à innover et à bouleverser les idées reçues.
Qui ça enthousiasme de savoir que l’entreprise fait 43,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires ?
Peut-on faire plus froid que ça ? Malheureusement c’est la description de l’immense majorité des annonces.

Il en va de même avec les messages d’approche. On écrit des choses du type :

Bonjour,

J’ai pu identifier votre CV sur Monster et je me demandais si vous êtes toujours à l’écoute du marché ? Je pense que XXXX pourrait être un joli terrain de jeu pour vous compte tenu des missions innovantes et variées que nous proposons.

Aujourd’hui nous sommes à la recherche d’un profil de développeur Java/JEE.

Seriez-vous intéressé pour en discuter avec moi ?

Dans l’attente de votre retour,

Je vous souhaite une excellente journée

Cordialement,

Pareil… qui peut s’enthousiasmer en recevant un tel message ? Pourquoi écrire avec autant de langue de bois, autant de flou ? Qu’est-ce que ça veut dire des missions variées et innovantes ? Pourquoi on ne me donne pas au moins quelques exemples ?

Développeur Java ? Peut-on faire plus vague ? Il y a dix façons différentes d’être développeur java. De la même manière qu’il y a dix façons différentes d’être recruteur ou recruteuse. Le périmètre d’une consultante en recrutement dans un cabinet sera très différent de celui d’un chargé de recrutement dans un groupe industriel.

Pourquoi écrivons-nous de manière si froide au moment même où il faudrait faire preuve de chaleur ? Pourquoi on se coupe subitement du fameux feeling ?


Mon hypothèse c’est qu’on a peur parce qu’on sait qu’on écrit en public. Alors on se réfugie dans cette neutralité pour ne pas se mouiller. De même, on se permet d’être dans l’instinct quand on rend le verdict de l’entretien parce que personne ne nous voit. D’ailleurs, si nous n’avions pas le choix que de faire un retour honnête à chaque décision d’entretien, probablement qu’on s’y prendrait autrement.

Si le process d’évaluation était filmé et retransmis on ferait autrement.

On n’oserait pas se contenter de je le sens pas ou, pire encore, d’accepter les consignes discriminantes d’un manager.

Au final, on se retrouve donc avec le pire des deux mondes. On laisse le feeling l’intuition, faire des dégâts dans l’évaluation et le détachement faire des dégâts dans la séduction.

Là où ça marche sur la tête c’est quand on s’intéresse à l’expérience des candidat·es. La plupart se retrouvent à commencer la relation avec l’entreprise en se heurtant à un mur de froideur. Personne ne leur répond, ils lisent des annonces sans saveur…

Puis, d’un coup tout bascule : les personnes se retrouvent en entretien et d’un coup c’est “la chaleur”. Ce qui crée d’ailleurs une sensation encore plus violente quand ça finit par un refus, surtout si le refus est lui-même émotionnel du type : vous manquez de savoir-être.

Sachant ça, ne pourrait-on pas chercher à avoir le meilleur des deux mondes ? En inversant.

Une évaluation plus froide



Commençons par l’évaluation : c’est le moment où nos biais vont jouer à fond pour nous amener à des injustices. Il est donc de notre devoir éthique d’essayer de les limiter.

En tant que société, on a vite compris le danger d’injustice que renferme l’intuition. C’est pour ça que dans le système judiciaire on utilise une méthode “froide” pour juger. Ce froid permet de nous protéger des dégâts d’injustice que peut occasionner le feeling. Dans un sens comme dans l’autre d’ailleurs. Un feeling positif peut faire libérer un coupable. Un feeling négatif peut faire condamner un innocent.

Or, dans le recrutement, la seule méthode efficace connue des sciences sociales au moment où j’écris s’appelle l’entretien structuré.

D’ailleurs, elle a été mise au point par l’auteur de Système 1 / Système 2 : Les deux vitesses de la pensée quand il était un jeune psychologue chargé de mettre au point le process de recrutement de l’armée israélienne, état nouvellement créé.

En 1955, alors qu’âgé de vingt et un ans, j’étais lieutenant dans l’armée israélienne, on m’a demandé de mettre au point un système d’entretiens de recrutement valables pour l’ensemble des forces armées. Si vous vous demandez pourquoi une telle responsabilité a pu être imposée à quelqu’un de si jeune, n’oubliez pas qu’alors l’État d’Israël lui-même n’avait que sept ans. Toutes ses institutions étaient en chantier, et il fallait bien que quelqu’un les bâtisse. Aussi bizarre que cela puisse paraître aujourd’hui, l’option psychologie que j’avais choisie faisait probablement de moi le psychologue le mieux formé de l’armée.
Il existait déjà une procédure de routine pour les entretiens quand on m’a confié cette mission. Chaque soldat appelé dans l’armée passait une batterie de tests psychométriques, et chaque homme considéré comme apte au combat était interrogé pour que l’on juge de sa personnalité. Le but était d’attribuer à chacun une note d’aptitude générale au combat et de trouver quel corps lui correspondait le mieux : l’infanterie, l’artillerie, les blindés, etc. Les interrogateurs étaient eux-mêmes de jeunes appelés, choisis en fonction de leur grande intelligence et de leur intérêt pour le relationnel.

(…)

Malheureusement, des évaluations de contrôle avaient déjà montré que cette procédure était presque inutile lorsqu’il s’agissait de prédire la réussite future des recrues. Je reçus l’ordre de mettre au point un système d’entretiens plus fiable, mais qui ne prendrait pas plus de temps. On me demanda également de le tester et d’évaluer son efficacité.

En s’appuyant sur les recherches, l’auteur va alors décliner les fondamentaux de la méthode de l’entretien structuré. Le nom est, à ce titre, trompeur. On a tendance à retenir qu’il faut une trame de questions, ce qui est vrai mais n’est pas l’essentiel.


L’essentiel est de diviser la décision en plusieurs sous-décisions indépendantes (les critères) pour ne pas laisser l’intuition nous déborder :

Ce qu’il y a à retenir dans ce chapitre ne sert pas seulement au recrutement de candidats pour l’armée. La mise en œuvre de procédures d’entretien dans l’esprit de Meehl et Dawes n’est pas très compliquée, mais nécessite de la discipline. Supposons qu’il vous faille engager un commercial pour votre entreprise. Si vous tenez sérieusement à recruter le meilleur candidat possible pour ce poste, voici ce qu’il faut faire.

Pour commencer, sélectionnez quelques caractéristiques préalables à la réussite à ce poste (compétences techniques, personnalité engageante, fiabilité, etc.).
N’en faites pas trop – six est un bon chiffre.

Ces caractéristiques doivent, autant que possible, être indépendantes les unes des autres, et vous devez avoir le sentiment que vous pouvez les évaluer de façon fiable en posant simplement quelques questions factuelles. Ensuite, dressez la liste de ces questions pour chaque caractéristique et imaginez comment vous allez les noter, disons sur une échelle de 1 à 5.

Ayez une idée de ce qui, pour vous, sera « très faible » ou « très fort ». Ces préparatifs devraient vous prendre à peu près une demi-heure, soit un investissement modeste pour faire la différence en termes de qualité de recrutement.

Pour éviter les effets de halo, vous devez rassembler les informations pour une caractéristique après l’autre, et consigner vos notes avant de passer à la suivante. Ne vous éparpillez pas. Pour évaluer chaque candidat, additionnez les six notes. Étant responsable de la décision finale, vous ne devriez pas « fermer les yeux ». Décidez fermement d’embaucher le candidat dont le score final sera le plus élevé, même si votre préférence va à un autre – résistez à votre envie d’inventer des jambes cassées pour modifier le classement.

À en juger par les nombreuses recherches entreprises dans ce domaine, vous avez plus de chances de trouver le meilleur candidat en ayant recours à cette procédure qu’à la procédure habituelle dans ce genre de situation, c’est-à-dire se lancer dans l’entretien sans préparation et faire son choix d’après un jugement intuitif d’ensemble, type : « J’ai regardé dans ses yeux et ce que j’y ai vu m’a plu. »

La méthode de l’entretien structurée est plus étoffée que ça mais c’est déjà un bon résumé de l’essentiel. L’idée qu’on va juger chaque critère l’un après l’autre plutôt que de rendre un verdict général dominé par l’intuition.

Une séduction chaude


À l’inverse, on a tout à gagner à introduire du feeling dans la séduction. Là encore, les sciences sociales livrent une piste : les annonces qui font l’effort de dire ce que l’on propose aux candidat·es et non uniquement ce qu’on attend fonctionnent mieux.

Les organisations qui recrutent veulent avoir plus de candidatures et la condition N-S (celle où on dit ce que les gens peuvent attendre de nous, ndlr) a produit 13,62% de candidatures en plus que la condition D-A (celle où on fait uniquement la liste de ce qu’on attend des profils, ndlr) à niveau de vues égal.

Mais les organisations qui recrutent sont généralement plus intéressée par le fait de recruter des candidat·es de haute qualité, et de ce point de vue, les effets trouvés dans cette étude sont effectivement significatifs : la proportion de candidatures bien notées (par les managers, ndlr) dans la condition N-S a été en moyenne trois fois plus élevée que dans la condition D-A (celle où on fait uniquement la liste de nos exigences, ndlr)

Étant donné le faible coût et la facilité relative avec laquelle une offre d’emploi peut être écrite de manière à présenter l’information N-S (c’est-à-dire en faisant l’effort de dire ce que les gens gagnent à nous rejoindre) d’une manière qui est attrayante pour les candidat·es, nos résultats suggèrent que cela peut créer un retour sur investissement substantiel. Grâce à la fois à la quantité et la qualité des candidatures générées en comparaison.

Du même coup, nous suggérons que mettre l’accent sur ces informations va augmenter la performance du process de sélection de l’organisation et, in fine, avoir le potentiel d’augmenter la performance grâce au recrutement d’employé·es qui auront une meilleure performance.

En d’autres termes : nous avons tout intérêt à introduire de l’empathie dans nos annonces. Le simple fait de faire l’effort de présenter ce qu’on peut offrir va multiplier nos performances. Et quand on dit “offrir” on ne parle pas (seulement) d’avantages financiers. On parle de tout ce qui fait qu’une personne va trouver chez nous de quoi s’épanouir et progresser professionnellement.


En ce qui concerne les messages d’approche, je n’ai pas trouvé d’études des sciences sociales sur le sujet. Je ne peux donc que donner mon retour d’expérience : les messages avec un peu d’empathie fonctionnent mieux que les messages bateaux.

Surtout quand il s’agit de message à froid, non sollicité. La première chose à faire est de créer une relation, une connexion. On n’a pas le mot en français pour dire ce que les anglo-saxons appellent rapport (ce qui est ironique puisque c’est un mot qu’ils ont emprunté au français). Voilà la première définition que je trouve sur Google :

“Rapport is a harmonious relationship between people who have established mutual trust. Building rapport is how humans connect, identify shared feelings, and establish two-way communication. Rapport develops out of meaningful conversations and a willingness to embrace different points of view.”
En résumé : c’est le fluide qui permet les conversations. D’ailleurs on pourrait le traduire par le feeling.

Or, quand deux personnes ne se connaissent pas, elles ont besoin de d’abord construire ce minimum de feeling pour discuter dans des conditions optimales, qu’il s’agisse d’une relation de vente, de soirée ou de recrutement.

D’ailleurs, c’est quand même étonnant : les personnes qui disent qu’elles tiennent à utiliser leur feeling dans le recrutement sont les mêmes qui écrivent les messages froids. Comment ça se fait ? Les personnes qui disent le plus facilement qu’elles sont dans le recrutement pour “l’humain”, écrivent les messages les plus robotiques.

Robot dans l’évaluation, Instinct dans la séduction



On l’a compris à ce stade : je prône l’inversion de notre posture habituelle. C’est-à-dire qu’au lieu d’écrire des messages d’approche et des annonces comme des robots, on réserve cette posture à l’évaluation. Et au lieu de faire jouer le feeling dans l’évaluation, on le réserve pour les approches et annonce.

D’ailleurs, je suis un peu injuste avec les robots puisque parmi les meilleurs messages d’approche qu’il m’ait été donné de lire, certains ont été écrits par des robots. Parce que, justement, on écrit si froidement que même les robots savent faire mieux.

Au final, ce serait quand même plus logique dans l’ordre. On commence par la séduction, le feeling… et plus ça avance plus on s’en détache pour juger.

L’expérience candidat n’en est que meilleure. Au début on me “drague” pour me mettre en confiance et diminuer le stress. Et, accessoirement ne pas briser mon estime de soi quand je me heurte au fait que personne ne répond à mes candidatures, ou alors froidement. Puis, ensuite, on me juge froidement sur mes compétences (qu’elles soit métiers ou cognitives).

Bien entendu, pour cet article j’ai schématisé. Mais en vérité, toutes les étapes du recrutement sont soumises à un dosage permanent entre la force d’évaluation et de séduction. Par exemple, même dans une préqualification téléphonique on va avoir une petite dose de séduction. Il n’y a pas vraiment de phase avec 100% d’évaluation ou 100% de séduction. D’autant plus qu’une bonne évaluation EST séduisante. Ce n’est pas pour rien si les candidat·es plébiscitent les entretiens structurés en disant qu’ils ont la sensation d’avoir été dans un process beaucoup plus juste.

Et, surtout, j’ai passé sous silence un élément essentiel : à la fin il faut réenclencher la séduction. En effet, si on commence par la séduction “chaude” puis on finit par l’évaluation “froide”, on va avoir un souci pour convertir la personne en salariée. Il faut basculer une dernière fois : lors de l’offre finale. Quand on signe le contrat.
D’ailleurs, continuer à entretenir la flamme est crucial car beaucoup de personnes vont se désister entre la signature du contrat et le premier jour. Mais c’est un autre sujet…

En définitive, je pense que le débat entre feeling ou pas dans le recrutement est un faux débat. Je le dis d’autant plus que j’en ai moi-même fait partie. Mais je me rends compte qu’en réalité il n’existe personne qui soit pro-feeling ou anti-feeling. Ce qui existe c’est un débat sur l’ordre et le dosage. Faut il augmenter le feeling dans l’évaluation et le diminuer dans la séduction (ce qui est fait généralement) ?

Ou bien faut-il, comme je le pense, augmenter le feeling dans la séduction et le diminuer dans l’évaluation ?

En tout cas, si tu veux te former aux entretiens structurés, tu peux le faire avec nous :)👉 <a href= »https://calendly.com/ledr/site?month=2022-09″ id= »rdv-sales » >Prends RDV ICI</a>


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Mes sources :
Thinking Fast and Slow
https://www.dropbox.com/s/n4gt40aw3rrtq74/-4436877201629514028schmidtchapmanandjones2015.pdf?dl=0

Le savoir être est une notion discriminante

Savoir être ou « soft skills », une notion discriminante

On le sait : il y a beaucoup de discrimination dans le recrutement. Une fois qu’on a dit ça… que faire ?

Une piste que je vais explorer ici c’est les pièges dans lesquels on tombe. La discrimination subtile et indirecte. Celle qui nous permet de nous mentir à nous-même et de ne même pas se rendre compte qu’on discrimine activement.

La question du savoir-être

Photo de Brett Jordan

Le concept de savoir-être peut sembler anodin. Jusqu’à ce qu’on se demande : qui sont les gens qui manquent de savoir-être ? Qui se lèvent quand on demande : qui manque de savoir-être ? Personne. Parce que c’est une insulte et non une compétence.

Si c’était une compétence on aurait des gens qui admettraient ne pas l’avoir.

Parfois on me dit : c’est pour vérifier le manque d’éducation. Mais pareil ? Ça veut dire quoi quelqu’un qui manque d’éducation ? Concrètement ?Je passe vite sur cette question car je l’ai déjà énormément détaillée dans cet article : https://blog.lecoledurecrutement.fr/le-savoir-etre-professionnel-existe-t-il/

Mais ce qui me fait écrire de nouveau sur la question c’est la découverte des éléments d’un procès pour discrimination à l’embauche. En effet, en ce moment, une grande entreprise du recrutement passe devant les tribunaux. 22 ans après les faits.

Quand je te parle de discrimination à l’embauche je ne te parle pas de chose subtile comme je mentionnais plus haut, je te parle de quelque chose de beaucoup plus violent.

Je te parle d’un fichage racial dans le but d’écarter les personnes non-blanches. On mettait le code PR4 pour les personnes noires et le code PR3 « pour les Maghrébins, le classement dépend de la gradation de leur carnation et de l’humeur de l’agent derrière le comptoir. « Les arabes, on les mettait parfois dans la catégorie PR4, mais pas systématiquement. On les y mettait quand ils avaient un teint foncé », corrobore l’hôtesse d’accueil Sabrina O. « Je classais les nord-africains en PR3 sauf lorsqu’ils étaient noirs », confie une autre employée aux enquêteurs. »(…)« Lorsqu’un client demande un intérimaire, il peut tout naturellement demander un BBR [pour “bleu blanc rouge”, NDLR] ou un non-PR4. » Résultat : les intérimaires noirs sont servis en dernier et souvent cantonnés à la plonge, loin des regards des clients. »

Mais ce qui m’a interpellé, c’est que la défense d’un des dirigeants impliqués c’est : « Manifestement, un amalgame au fil du temps s’est fait, sur les savoir-faire et savoir-être des candidats »

Voilà. Encore le savoir-être comme porte ouverte à la dérive discriminatoire.

Il faut qu’on en ait conscience. Je ne dis pas que toute personne parlant de savoir-être pratique de la discrimination. Je dis que cette notion floue contient ce chemin.

Quand on prend du recul, d’ailleurs, on comprend d’où vient ce chemin : la tentation de l’universel.

Quand on parle de « savoir-être » on sous-entend qu’il existerait des manières d’être, des savoir-vivre universels. Or, c’est forcément une pente glissante. Le recrutement n’est pas là pour hiérarchiser les individus de manière absolue, il est là pour dire quels individus correspondront le mieux à tel poste dans tel entreprise. Une hiérarchie relative et contextuelle.C’est néanmoins difficile, et je comprends la tentation d’avoir un outil magique qui permettrait dans toutes les situations de pouvoir hiérarchiser. Mais cet outil magique n’existe pas. Et, malheureusement, un des seuls outils qui permet de hiérarchiser des humains de manière absolue c’est la discrimination.

Les concepts pour remplacer le savoir-être

Photo de National Cancer Institute

Je le redis : je comprends le besoin de classer quand on recrute. Mais surtout je comprends qu’on essaie de partir de la classification du langage populaire : savoir-faire contre savoir-être.Mais cette classification n’est pas valide scientifiquement.

Car, il existe une science des critères de recrutement. La voix dans ma tête l’appelle « la critérologie » (mais le mot existe pas).

En revanche la discipline existe bel et bien et nous fournit la cartographie des critères. Elle l’appelle : les KSAO.

On l’a déjà vue plusieurs fois mais en résumé :

K pour Knowledge : ce sont les connaissances
S pour Skills : ce sont les savoir-faire qui s’apprennent
A pour Aptitude : ce sont les prédispositions, les talents, les choses qui ne s’apprennent pas
O pour Other : principalement la personnalité, les valeurs et la volonté à effectuer les tâches

Par exemple pour être champion du monde de Judo, Teddy Riner a besoin de :

K : Connaître les règles du judo, l’historique des techniques qui fonctionnent bien dans l’ère moderne, etc
S : Maîtriser les techniques de projection : Harai Goshi, O-soto-Gari, etc. Il les a appris à l’entraînement.
A : Avoir un gabarit supérieur à la moyenne des judokas de sa catégorie : 2,04 mètres pour 150 kg. Sa taille ne peut pas s’entraîner, c’est une caractéristique innée.
O : Avoir une éthique de l’entraînement, une persévérance

Tu remarques que le K et le S représentent des critères qui s’entraînent, qui s’apprennent. Alors que le A et le O plutôt des critères qui sont là ou pas.

Pour aller plus en détails là-dessus tu peux regarder cet article de Tania : https://blog.lecoledurecrutement.fr/recruter-sans-cv/

Si on revient à la notion de savoir-être contre savoir-faire… il y a confusion.

Soit le savoir-être désigne des éléments de personnalité comme par exemple l’extraversion. Et dans ce cas ça n’est pas une question d’éducation ou de « professionnalisme » mais bien un trait de caractère.

Soit le savoir-être désigne des éléments qui s’apprennent. Et dans ce cas le savoir-être est un savoir-faire.

Voilà pourquoi c’est une notion source de confusion. Elle prétend s’opposer au savoir-faire alors qu’en réalité ce qu’on appelle savoir-être c’est souvent un savoir-faire relationnel.

Ce sont des compétences relationnelles qui s’apprennent (et donc des savoir-faire) comme :

  • La négociation
  • La persuasion
  • Le sens du service
  • La pédagogie
  • La coopération

Rien de tout ça n’est inné. Ce sont des compétences comme les autres. Il n’y a pas lieu d’en faire une catégorie qui serait à part et qui se nommerait le savoir-être.

Mais surtout… tous les métiers n’ont pas besoin de ces savoir-faire relationnels. Par exemple en tant que formateur, j’ai besoin évidemment de pédagogie mais j’aurais moins besoin de coopération ou négociation.

Le diable est dans le « fit culturel »

Photo de Waldemar

Parlons maintenant d’un deuxième chemin de discrimination subtile : la notion de fit culturel.

Je suis le premier à dire que l’adéquation culturelle est importante. J’en ai même fait une conférence :<iframe width= »560″ height= »315″ src= »https://www.youtube.com/embed/mP_ZwmTtc2M?si=A6PcVE9s21Drd4Vf » title= »YouTube video player » frameborder= »0″ allow= »accelerometer; autoplay; clipboard-write; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture; web-share » allowfullscreen></iframe>

Mais, attention, il s’agit d’analyser la culture de l’entreprise comme un ensemble de comportements en poste récompensés ou sanctionnés. Par exemple, chez nous, une personne qui dit ce qu’elle pense aura tendance à mieux se débrouiller qu’une personne qui est davantage dans la diplomatie. C’est la culture qui est comme ça.

Cette culture se matérialise concrètement par des manières d’organiser les réunions et les temps en commun.Par conséquent, la culture d’entreprise s’apprend. C’est une compétence comme les autres. On va donc chercher à recruter des personnes qui ont le potentiel de l’apprendre et non des personnes qui sont déjà prêtes.

Mais attention, le diable est dans les détails. Plusieurs études nous montrent que les recruteurs et recruteuses ont tendance à davantage se concentrer sur l’évaluation de l’adéquation culturelle (au détriment des compétences directes) quand ils évaluent des candidats appartenants à des groupes discriminés.

Ou pour citer exactement :« Evidence indicates that practitioners focus more on [cultural] fit assessments when evaluating outgroup applicants (Wolgast et al., 2018) »

J’ai laissé en anglais car le concept d’outgroup est quasiment intraduisible. Il désigne ici les personnes classiquement discriminées.

En d’autres termes, l’évaluation du « match culturel » est ce qu’on appelle un proxy de discrimination. C’est-à-dire un moyen indirect de discriminer.Bonne nouvelle : les études nous montrent également que cet effet est sensiblement réduit quand on utilise les entretiens structurés. Donc ce n’est pas une fatalité; on y reviendra.

Dans la même idée on a un phénomène de discrimination indirecte qui transite via la question des loisirs et hobbys.

Photo de Mike Cox

D’abord, rappelons que les hobbys ne sont pas une manière efficace d’évaluer une performance en poste. En effet, ce n’est pas parce que quelqu’un pratique un sport collectif que cette personne a l’esprit d’équipe en entreprise.

D’ailleurs ce n’est pas parce que quelqu’un pratique un sport collectif qu’il le pratique correctement. Je connais pleins de personnes qui font du foot et “jouent perso”.

Si on veut évaluer l’esprit d’équipe alors il faut :
1) que ça soit directement lié au poste
2) qu’on l’évaluer directement à travers des comportements professionnels (passés ou mis en situation)

Ensuite, voici le problème de se servir des loisirs : nous avons tendance à chercher des personnes qui ont les mêmes loisirs que nous. On a beau dire que les loisirs nous permettent de connaître davantage une personne, de nouer une connexion humaine… ce qu’on recherche inconsciemment ce sont des personnes qui ont les mêmes loisirs que nous.

Dans son étude (2012), Lauren Rivera nous apprend que les expériences partagées déclenchent, pendant un entretien non-structuré, des étincelles.

On l’a tous vécu. Une étincelle c’est quand d’un coup l’entretien bascule parce qu’on se trouve un point commun avec le candidat.

Malheureusement l’étude nous apprend également que ces étincelles vont contaminer tout le reste de l’évaluation : c’est-à-dire que l’alchimie nous fait survaloriser toutes les autres compétences du candidat.

Pire encore, on se dit que si la personne s’entend bien avec nous alors elle s’entendra avec toutes les autres de l’entreprise. Ce faisant on confond l’adéquation avec la culture d’entreprise et l’adéquation avec sa culture individuelle propre.

À l’inverse, quand une personne nous ennuie, on a tendance à exagérer ses faiblesses et minimiser ses forces.

La bonne nouvelle c’est que, selon Rivera, ce n’est pas un proxy de discrimination raciale ou sexuelle. Si une femme a le bon hobby alors elle est avantagée, comme un homme. Si une personne noire a le bon hobby alors elle sera également avantagée.

Mais la mauvaise nouvelle c’est que c’est bien un proxy de discrimination sociale. L’auteure nous montre quelque chose d’assez intuitif : les hobbys qui sont recherchés sont toujours les hobbys des classes aisées.

Photo de Rodolfo Mari

J’ai entendu plusieurs entreprises dire qu’elles valorisaient les personnes qui font des sports comme le Rugby. Je n’ai jamais entendu un recruteur me dire dire que son entreprise valorise les personnes qui font du rap ou de la couture.

Ou, pour citer exactement :« Le fait de pratiquer des loisirs est une caractéristique des cultures de la classe moyenne supérieure et des élites en général (Lamont 1992 ; Veblen 1899). En outre, les recruteurs ont eu tendance à favoriser les loisirs associés à la classe moyenne supérieure blanche et qui ont été acquises grâce à un investissement intense et prolongé de ressources matérielles et temporelles, non seulement par les candidats à l’emploi, mais aussi par leurs parents (Rivera 2011 ; Shulman et Bowen) »

Tout est dit.

Le concept pour remplacer le « fit culturel »

Comme je le disais, l’idée que la culture d’entreprise joue un rôle prépondérant dans la réussite en poste n’est pas remise en question ici.En revanche, il faut distinguer de manière intransigeante la culture professionnelle du reste. Qu’est-ce que le reste ?

Premièrement la culture de chaque individu, on l’a vu. On doit s’éduquer à ne pas considérer que parce qu’une personne nous a plu alors elle a des compétences relationnelles. Peut-être qu’elle nous plaît uniquement parce qu’elle nous ressemble ou qu’elle a des loisirs associés à l’élite.

Deuxièmement la culture de l’entreprise non-liée à la réussite. J’entends par là que beaucoup de recruteurs confondent les concepts. Quand ils parlent de culture d’entreprise ce n’est pas au sens des comportements professionnels encouragés ou découragés. C’est au sens de nous on est une entreprise où on adore les afterworks ou nous on est une entreprise de winners, de sportifs.

Il y a l’idée qu’on cherche des gens qui ont des affinités naturelles. Mais on oublie que les affinités se développent et qu’elles ne sont pas toujours nécessaires à la performance.

Pour évaluer correctement la culture, il faut d’abord avoir pris le temps de la définir. 

Photo de Mick Haupt

Malheureusement, dans 95% des entreprises, la culture n’a pas été posée correctement sur papier.

Si la méthode pour poser sa culture t’intéresse tu peux regarder la conférence que j’ai mise plus haut, mais aussi cet article : https://blog.lecoledurecrutement.fr/erreur-entreprise-culture/

Mais, en résumé, il faut réussir à décrire sa culture opérante et non pas sa culture déclarée. Différencier ce qu’on aimerait être et ce qu’on est effectivement. Sortir des valeurs creuses comme l’innovation ou l’intégrité qui ne veulent rien dire.

C’est le grand danger : on revient à la tentation de l’universel. Comme les entreprises essaient de se valoriser, elle cherche une manière d’être universellement perçues comme meilleures.

Mais du coup ça donne des propos creux et contradictoires. Des entreprises qui me disent notre valeur principale c’est l’innovation MAIS dans le respect ou notre valeur c’est la liberté MAIS dans le contrôle.

Ou alors des valeurs qui ne différencient personne. Par exemple on est une équipe jeune et dynamique. On comprend bien que personne ne dirait on est une équipe vieille et mollassonne.

Par exemple nous sommes dans la bienveillance. Qui va dire nous sommes dans la malveillance ?

Alors que si je prends une des valeurs que j’ai déduites en faisant cette analyse sur notre entreprise il y a plusieurs années, ça donne quelque chose comme :

DIS LES CHOSES

Exprime-toi… avec ou sans bienveillance, avec ou sans tact, avec ou sans émotion. L’important c’est de se dire les choses, sans barrière. Tu as peur ? Tu es en colère ? Dis-le. En individuel, ou à plusieurs. Mais dis-le. On ne t’en voudra jamais de dire. Par contre on t’en voudra de ne pas dire. Rien n’est évident, rien ne va de soi… les autres ne sont pas des autres toi.

Attention, si tu dois dire les choses ça veut dire qu’il faut également pouvoir entendre les choses que disent les autres. Attention, si tu dois dire les choses ça veut dire qu’il faut accepter la vulnérabilité qui va avec. Attention, si tu dois dire les choses ça veut dire qu’il faut les assumer.Enfin, viendra le moment où tu douteras. Tu te diras « j’aurais mieux fait de ne rien dire ». Tu auras tort : il vaut mieux dire que ne pas dire, dans tous les cas. Tu ne vas pas le croire en le lisant mais je t’avertis : la plupart des gens croient qu’ils ont trop communiqué alors qu’ils n’ont pas assez communiqué.

C’est une vraie valeur car, non seulement on peut en retrouver l’incarnation dans le quotidien des personnes qui travaillent chez nous mais surtout elle n’est pas universelle. Une entreprise dont le métier est de développer des vaccins pourrait dire l’inverse (c’est GPT qui parle):

CHOISIS TES MOTS

Dans notre métier, chaque mot compte. C’est pourquoi nous prônons une communication intentionnelle qui respecte l’importance de nos travaux et l’impact qu’ils peuvent avoir sur la société. Avant de parler, pose-toi ces questions : est-ce vrai ? est-ce nécessaire ? est-ce bienveillant ?

Parler, c’est bien, mais le faire sans blesser autrui, c’est mieux. L’idée n’est pas de taire ce que tu ressens, mais de prendre le temps de peser tes mots et leur impact. Le bon moment, le bon canal, et les bonnes personnes comptent autant que le message lui-même.

Il faut toujours être conscient du poids de tes mots. Dans notre domaine, une phrase maladroite peut coûter des vies ou détruire des années de recherche. Cela inclut aussi de comprendre que chaque déclaration a un contexte, un public et un moment approprié.

On voit que cette version “inversée” n’est pas moins désirable. Ça ne donne pas quelque chose de ridicule. C’est même plutôt légitime et logique qu’une entreprise opérant dans ce secteur ait plutôt cette approche.C’est donc un vrai élément culturel différenciant. Mais surtout… c’est un élément en lien direct avec l’exercice des métiers au sein de l’organisation. Ce n’est pas on aime jouer au baby-foot.

Les intrusions dans la vie privée

Troisième canal de discrimination indirect, les intrusions dans la vie privée peuvent être commises avec une bonne intention.

On a des impératifs d’intensité de travail sur un poste alors on demande à la personne si elle a des enfants.Mais… tu vois probablement où je veux en venir : on pose davantage cette question aux femmes. Bien davantage. Puis on se sert de leur réponse comme un élément de disqualification.

On a des impératifs de localisation sur un poste alors on demande à la personne si elle habite loin.

Mais… nous n’avons pas le droit de refuser un poste à quelqu’un parce qu’il habite trop loin. Même pour son bien. Au début de ma carrière de recruteur, je ne le savais pas : j’exerçais souvent cette discrimination.

D’ailleurs, même aujourd’hui c’est encore mon réflexe. La dernière fois que j’ai été impliqué dans un recrutement c’était pour recruter ma collègue directe, formatrice. Je me suis immédiatement dit mais elle habite à Lyon… c’est pas réaliste de faire autant de déplacements sur Paris pour venir former nos clients.

Je me suis repris parce que j’ai conscience de cette tendance en moi (et c’est aussi l’avantage d’avoir plusieurs personnes impliquées dans l’évaluation et jamais une seule). Dans cet exemple, ça « va » encore car on ne touche pas à la discrimination la plus sensible.

Mais parfois c’est un vrai proxy de discrimination sociale ou raciale. En effet, certaines exigences sur le lieu vont automatiquement favoriser certaines personnes et en défavoriser d’autres. Si mon lieu de travail est au centre-ville par exemple… quels sont les types de personnes qui seront davantage susceptibles d’habiter loin… en banlieue ?

Dernier exemple, demander à une personne si elle est mariée, sous prétexte de convivialité risque de nous amener sur une pente très glissante. Elle peut servir de moyen d’évaluer si une femme va bientôt avoir un enfant, là encore pour la disqualifier. Mais elle peut également servir à projeter qu’un homme marié serait plus stable. Ou qu’une personne qui a divorcé plusieurs fois serait instable.

Par quoi remplacer les intrusions dans la vie privée ?

Reprenons mon exemple d’un poste de formateur en recrutement qui nécessite d’être quasiment une fois par semaine en région parisienne.Dans ce cas on a inséré  ce qu’on appelle une question sur la volonté à effectuer les tâches.

Photo de National Cancer Institute

Quelque chose comme : nous proposons le télétravail complet à nos salari·ées mais dans ce poste il va falloir être physiquement en région parisienne 40 et 50 jours par an. Est-ce quelque chose qui te convient ?

Ça a permis d’orienter la discussion autour de la contrainte et permis aux deux candidats qui habitaient à Lyon de valider que c’était ok.

Dans le cas d’un responsable de boutique qui s’inquièterait parce qu’il se dit qu’une personne qui a des enfants ne pourra pas gérer certains impératifs, c’est pareil, on demande :

Ce poste nécessite de pouvoir faire la fermeture (donc rester jusqu’à 20h) une fois par semaine. Est-ce que c’est quelque chose qui vous convient ?

Ou, pour reprendre un exemple du livre l’Entrevue structurée et qui aurait pu nous servir sur « le savoir-être » (ici la ponctualité) :

Cet emploi exige le respect d’un horaire très strict. Aucun retard non justifié ne peut être toléré, car ce sont les employés en place qui devront poursuivre le travail jusqu’à votre arrivée. Jusqu’à quel point êtes-vous prêt à accepter ces conditions?

Le danger des diplômes

Quatrième et dernier proxy de discrimination que je voulais évoquer, les diplômes sont la catégories la plus délicate.En effet, un diplôme est un critère objectif et concret, à l’inverse des trois points précédents.

Dans certains postes, certains diplômes sont mêmes obligatoires pour avoir le droit d’exercer. Car le diplôme est un proxy pour les connaissances et les savoir-faire (le K et le S du KSAO).

Alors tu me diras, où est le souci ?

Premièrement, toutes les personnes ayant les compétences n’ont pas le diplôme en face. Par exemple, le TOEIC et le TOEFFL mesurent la capacité à parler anglais, mais ce n’est pas parce qu’une personne ne les a pas passé qu’elle ne parle pas anglais.

Deuxièmement le diplôme est un proxy : un canal indirect. Donc il faut le manier avec la plus grande précaution. Il faut toujours privilégier une évaluation directe des critères.

Troisièmement, le diplôme est un critère qui nous expose à la discrimination des études.

Par exemple, dans les grandes écoles de commerce, il y a un consensus sur le top 3 des plus prestigieuses. Ce sont : HEC, l’ESSEC et l’ESCP.

Or, ce sont également les écoles de commerce dans lesquelles les promotions comptent le moins de femmes (entre 40 et 46%).

Source : https://major-prepa.com/grandes-ecoles/ecoles-commerce/egalite-homme-femme-quelles-ecoles-sen-sortent-le-mieux/

Alors que ça s’inverse totalement pour les écoles de commerce de milieu de tableau qui comptent plutôt 55 à 60% de femmes dans leurs promotions.

Par conséquent, quand un manager dit je veux quelqu’un du top 3, il pose de facto un filtre discriminant sur le genre.

Photo de Tolga deniz Aran

Dans le cas des écoles de commerce, les chiffres ne sont pas trop catastrophiques. Mais dans certains cursus c’est une autre paire de manche.Plus de 80% des développeurs sont des hommes.

« Les femmes sont sous-représentées dans le domaine du numérique (30% des salariés du secteur du numérique, tous métiers confondus). Dans certains cas, la proportion descend même sous les 20 %. Cette tendance se constate également dans l’Union Européenne :

Si 57 % de l’ensemble des diplômés de l’enseignement supérieur sont des femmes, seulement 25 % ont obtenu un diplôme dans les filières du numérique, et 13 % de ces diplômées travaillent dans le secteur du numérique. »

Comprendre pourquoi pourrait occuper un article à part entière mais il y a une question d’autocensure : « Cette même étude montre que 37% des lycéennes envisagent de s’orienter vers une école d’informatique ou une école d’ingénieur, contre 66% des garçons. Pourtant, 56% des lycéennes sont intéressées par l’informatique / le numérique ! »

Source :https://www.grandeecolenumerique.fr/le-numerique-et-les-femmes/les-chiffres-cles-sur-les-femmes-et-la-tech

Par conséquent, si on exige un diplôme pour les personnes que l’on recrute à ce poste, on va (en l’absence de mesure de compensation) recruter un homme.

Il existe d’ailleurs une école qui essaie de faire bouger les lignes : l’Ada Tech School

C’est une école qui forme au métier de développeur/développeuse et qui a 70% de femmes dans ses promotions « C’est la manière de communiquer d’Ada Tech School qui motive les femmes à venir se former chez nous. Nous faisons connaître le métier de développeur.se différemment. Nous démontrons que le développement informatique fait appel à la logique et non pas à des compétences en mathématiques, comme beaucoup trop de gens peuvent le croire. Nous utilisons de nombreux témoignages de femmes qui sont en formation chez nous pour inspirer et faire naître des vocations.

Nous animons des conférences sur des thèmes qui nous tiennent à cœur : la pédagogie, le féminisme, l’inclusion dans les entreprises tech. Nous organisons des ateliers de code gratuits. Cela permet de lever les barrières à venir se former au développement informatique. Nous proposons aussi un kit de débutant avec notamment des tutos sur Youtube.

Par ailleurs, nous allons chercher les femmes là où elles se trouvent, notamment sur des comptes Instagram et communautés féministes.

Toutes ces actions permettent de lever des biais et des stéréotypes liés aux métiers de l’informatique. »

Dernier exemple que j’ai découvert en suivant une formation à la non-discrimination du Groupe SOS : le brevet. Parfois des employeurs exigent le brevet pour des postes de manutention. Et ça exclut, là encore, des candidats qui pourraient faire le poste. 

Par quoi remplacer la demande d’un diplôme

Photo de CDC

Là encore on a des moyens pour contourner le problème. Comme d’habitude on va essayer de partir du postes et des conséquences directes.

Par exemple, si un manager me demande une personne qui a fait une école de commerce du top 3, je peux lui demander de me raconter des anecdotes de personnes qui ont été dans ces écoles et qui ont particulièrement excellé à leur job.

Que faisaient ces personnes ? Concrètement ? Dans quel contexte ? Quels ont été leurs comportements ? Puis les conséquences positives de ces comportements ?

En posant la question ainsi on va pouvoir lister des comportements recherchés.Ce qui va nous libérer du proxy. On va chercher directement des personnes qui ont par exemple une grande capacité analytique, plutôt que juste « qui a fait HEC ». Et on va le chercher grâce à des récits des comportements professionnels des candidats.

Idem pour la question du brevet. En réalité dans le cas en question l’entreprise avait besoin de personnes qui puissent lire et compter (mais pas écrire) pour bien comprendre les consignes.

Par conséquent, là encore, on peut s’émanciper de la demande du brevet et évaluer directement la capacité à lire et compter. Ce qui donnera leur chance à des personnes qui n’ont pas eu le brevet mais qui savent lire et compter.

Que retenir ?

On revient aux principes de la critérologie : choisir un critère clair et directement lié au poste. Pour y arriver on a une cartographie qui fonctionne mieux que savoir-faire/savoir-être, cette cartographie c’est les KSAO.

Mais surtout, toute les failles que je viens de décrire sont comblées par la pratique d’un entretien structuré comportemental.

Mais… ça, il me faudrait un peu plus de temps pour te le montrer en détails.

OBTENIR DES INFOS SUR NOTRE FORMATION

Sources :

Hiring Foreign Workers: The Effects of Nationality, Domestic Experience, and Xenophobia on the Types of Questions Asked during Employment Interviews – Aditi Rabindra SachdevThe employment interview: A review of recent research and recommendations for future research – Timothy A Judge, Daniel M. Cable, Chad A HigginsHiring as Cultural Matching: The Case of Elite Professional Service Firms – Lauren Rivera : https://journals.sagepub.com/doi/epdf/10.1177/0003122412463213

Dix livres à lire pour mieux recruter

J’adore apprendre dans les livres. Mais c’est toujours dur de savoir quoi lire. De trier ce qui est utile du reste. Alors je t’écris l’article que j’aurais voulu lire il y a quelques années : une sélection de livres.

#1 | Réussir l’entretien d’embauche comportemental

Ce livre est génial. Avant de le connaître je recommandais L’entrevue structurée. Sauf que c’est un livre très dense et très dur à lire. Complet et précieux mais très dur. J’ai dû le lire 4 ou 5 fois pour bien tout comprendre.

Alors que celui-ci est 2 fois moins long (120 pages) et beaucoup plus clair.

Le problème des questions traditionnelles

J’ai particulièrement aimé cette partie où il fait l’inventaire des questions les plus souvent posées et explique pourquoi elles n’apportent rien.

Par exemple :

  • Parlez-moi de vous… 
  • Quelles sont vos (plus grandes) forces et faiblesses ? (ou) Quels sont vos points forts et vos points faibles ? 
  • Que vous ont apporté vos expériences professionnelles passées ? 
  • Quelles sont vos prétentions salariales ? 
  • Comment envisagez-vous votre carrière dans cinq (ou dix) ans ? 
  • Préférez-vous travailler seul ou en équipe ?
  •  Pourquoi devrions-nous vous engager ? 
  •  À quel type de management adhérez-vous le plus ? 
  •  Pourquoi notre entreprise vous intéresse-t-elle ?

Aucune réponse ne va vraiment nous avancer sur les compétences à avoir pour le poste. Sans compter que les questions sont connues et donc préparées des candidats et candidates. Au final on ne mesure plus la compétence en poste mais bien le niveau de préparation à l’exercice convenu de l’entretien.

Analyser le poste en comportements

J’aime l’idée de nommer la méthode entretien comportemental structuré plutôt que juste entretien structuré. 

Car, le nom structuré, évoque la trame mais pas le fait qu’on doive s’axer sur des comportements. Ce n’est qu’une question sémantique car entretien structuré ça veut forcément dire entretien comportemental. Quand les scientifiques nous parlent d’entretien structuré ils ne parlent pas simplement d’un entretien avec une trame. Mais bien d’un entretien qui respecte une quinzaine de règles. Or, le fait de s’axer sur les comportements est une de ces règles.

Notre première mission est donc de prendre un poste et de le découper en comportements attendus, plutôt que de lister des critères vagues comme dynamisme, rigueur, etc.

Voilà un exemple dans le livre avec le poste de réceptionniste :

Les cases intermédiaires : orientation-clients/flexibilité/communication ce sont des compétences. Sauf qu’il est impossible d’observer une compétence. Ce qu’on peut observer ce sont des comportements induits par cette compétence.

Associer une question comportementale

Une fois qu’on a fait l’immense travail de bien tout analyser en comportements, il faut désormais trouver un moyen d’évaluer ces comportements en entretien. Pour ce faire, on va utiliser des questions comportementales passées ou hypothétique.

Il ne nous reste plus qu’à créer une grille d’évaluation pour chaque réponse et le tour est joué.

Si tu ne dois lire qu’un seul livre, c’est vraiment LE livre que je te recommande pour commencer à pratiquer l’entretien structuré (comportemental).

Lecture alternative : L’entrevue structurée. 

Plus complet mais aussi plus dur à lire, c’est celui que je recommandais avant.

#2 | Sprint Recruiting

J’ai découvert ce livre durant une conférence du SOSU (la conférence internationale de sourcing). Un des conférenciers expliquait comment il mettait en place cette méthodologie, notamment chez Uber.

J’avais trouvé ça génial. En gros on part du principe que le process classique de recrutement comporte 4 grands problèmes.

Les 4 grands problèmes d’un process de recrutement

Problème #1 – Le syndrome du pompier : On va traiter en priorité les recrutements des managers qui se plaignent le plus fort et/ou les recrutements les plus faciles à faire.

Problème #2 – On se concentre sur les mauvaises choses : Suite du premier problème. Comme personne ne peut nous dire quelles sont les choses prioritaires alors on s’épuise sur des choses qui ne sont pas si importantes. Et on s’épuise, par exemple à attendre un manager qui ne nous répond plus.

Problème #3 – Non-Alignement des intérêts : Nos intérêts ne sont pas alignés avec ceux des managers. On compte nos succès en nombre de recrutements effectués, alors que parfois il vaut mieux recruter sur un seul poste stratégique que sur 5 autres. Mais vu que personne n’a cette mesure…

Problème #4 – Un feedback unilatéral et rare : Les managers nous font un feedback sur notre travail mais nous ne leur donnons pas le notre sur leur implication. Et encore… ça c’est quand les managers font du feedback tout court.

Les 4 solutions de Sprint Recruiting

Face à ce constat, l’auteur propose 4 solutions, s’inspirant du modèle Sprint que les développeurs utilisent.

Solution #1 – Un système de points : On instaure un système de points. À chaque début de cycle, on demande aux managers de lister les postes à recruter, en leur demandant d’attribuer des points à chaque poste. Puis on organise un vote collectif. Avec, surtout une personne qui représente l’intérêt des managers. Ça peut être le manager des managers mais ça peut aussi être une personne qui endosse ce rôle car elle a la personnalité pour.

Le système de points permet d’avoir enfin une priorisation qui reflète les besoins stratégiques du business et non la faculté à parler fort.

Solution #2 – Des cycles courts, de deux semaines : On fonctionne désormais par cycle court. 2 à 3 semaines. Chaque début de cycle est l’occasion de refaire le vote des points en fonction de ce qui a évolué. Mais surtout, le fait d’avoir un cycle court va nous inciter à faire à fond les postes les plus prioritaires, plutôt que de faire un peu de tout (mal) en permanence.

Plutôt que de traiter mollement 100 postes à tout instant, on va traiter à fond 5 postes pendant 2 semaines, puis 5 autre pendant 2 semaines, et ainsi de suite.

Solution #3 – Les seuils capacitaires : On fixe des limites indépassables. Par exemple : dès que j’atteins 10 candidats proposés pour validation non-traités, j’arrête de travailler sur ce poste.

De même, dès que j’atteins 5 candidats en attente d’un entretien avec le manager, j’arrête de travailler sur ce poste.

Tout le monde est au courant de ces seuils et ça responsabilise les managers. Ils savent qu’ils doivent faire un feedback s’ils veulent continuer à recevoir des candidats.

Solution #4 – 48 heures max pour faire un feedback : Si le manager met plus de 48 heures à répondre alors son recrutement est suspendu pour la durée du cycle et on passe à quelqu’un dont ce sera la priorité. Là encore ça responsabilise et ça permet d’assurer une bonne expérience candidat.

L’auteur a mis cette règle en place après avoir constaté avec effroi que 56% des recruteurs déclaraient échouer à recruter la bonne personne à cause des délais de recrutement. Mais, pire encore il raconte :

« Lorsque j’ai analysé le parcours des candidats à l’aide des données de notre système de suivi des candidatures, je me suis rendu compte qu’il fallait en moyenne sept jours ouvrables à l’un de nos départements pour nous dire si un candidat soumis pouvait prétendre à un entretien et deux semaines supplémentaires pour obtenir un feedback à l’issue de l’entretien.

 Cela ajoutait trois semaines au processus de candidature dans un marché où les candidats sont très demandés. En l’absence d’exigence ou de limite de temps, nous avons continué à souffrir d’une mauvaise réputation sur le marché en raison d’un processus d’entretien fastidieux et du fait que l’on ghostait les candidats que l’on ne retenait pas.« 

Lecture alternative : RecOps: Recruiting Is (Still) Broken. Here’s How to Fix It.

C’est Aurélien qui me l’a recommandé mais je ne l’ai pas encore lu.

#3 | What you do is who you are

Ce sont les enseignements de ce livre qui m’ont permis de déployer la culture à LEDR. Ce n’est donc pas un livre pour recruteur mais plutôt pour manager. Mais je pense que c’est important d’avoir la culture générale de comment on crée une culture d’entreprise pour être à son tour capable d’identifier cette culture et de la présenter aux candidats et candidates.

Tout se résume au titre : vous êtes ce que vous faites. De la même manière qu’une personne n’est pas définie par ce qu’elle pense mais bien par ce qu’elle fait.

Différencier vertus et valeurs

Selon l’auteur la culture c’est ce qu’on récompense et ce qu’on punit. Ni plus, ni moins. En cela, ça se rapproche du concept des vertus japonaises. Ce ne sont pas des principes théoriques mais bien des préceptes de comportements.

On ne décrète pas une valeur, on l’incarne, on la fait vivre de manière matérielle et tangible.

La technique des règles choquantes

L’auteur analyse le concept de culture dans plusieurs contextes étonnants : révolte d’esclaves, gang dans une prison, dans l’armée de Gengis Khan…

L’idée c’est de voir comment font les organisations qui sont soumises au plus de pression. Car, la culture c’est la manière spécifique de l’entreprise de répondre aux problèmes qu’elle a.

Et, dans le cas de la révolte d’esclaves menée par Toussaint Louverture, il a décrété une règle choquante :

En tant qu’esclave, vous ne possédez rien, vous n’avez aucun moyen d’accumuler des richesses et tout, y compris votre vie et votre famille, peut vous être enlevé sans avertissement. Cela inspire généralement des pensées à court terme, ce qui éradique la confiance. Si je dois tenir ma parole envers vous plutôt que de poursuivre mes intérêts à court terme, je dois croire que la relation me rapportera davantage à l’avenir que ce que je peux obtenir en vous trahissant aujourd’hui. Si je crois qu’il n’y a pas de lendemain, il ne peut y avoir de confiance.

 Cette dynamique devient problématique dans une armée, car la confiance est essentielle à la gestion de toute grande organisation. Sans confiance, la communication est rompue. Voici pourquoi : Dans toute interaction humaine, la quantité de communication nécessaire est inversement proportionnelle au niveau de confiance. Si je vous fais entièrement confiance, je n’ai besoin d’aucune explication ou communication sur vos actions, car je sais que tout ce que vous faites est dans mon intérêt. 

En revanche, si je ne vous fais pas du tout confiance, aucune discussion, explication ou raisonnement n’aura d’effet sur moi, car je ne croirai jamais que vous me dites la vérité et que vous agissez au mieux de mes intérêts. Au fur et à mesure qu’une organisation se développe, la communication devient son plus grand défi. 

Si les soldats font fondamentalement confiance au général, la communication sera beaucoup plus efficace que si ce n’est pas le cas. Afin d’instaurer la confiance au sein de son armée, Louverture a établi une règle si choquante qu’elle soulève la question suivante : « Pourquoi cette règle ? »

Cette règle interdisait aux officiers mariés d’avoir des concubines. Le viol et le pillage étant la norme pour les soldats, exiger des officiers qu’ils respectent leurs vœux conjugaux a dû sembler absurde. On peut presque entendre les officiers dire : « Vous plaisantez ! ». Il est certain qu’ils auraient exigé la justification de cet édit. Lorsque tout le monde veut savoir« Pourquoi ? » dans une organisation, la réponse programme la culture, car c’est une réponse dont tout le monde se souviendra.

L’explication sera répétée à chaque nouvelle recrue et s’inscrira dans le tissu culturel. Les nouveaux officiers demanderont : « Redites-moi pourquoi je ne peux pas avoir de concubine ».  Et on leur répondra : « Parce que dans cette armée, rien n’est plus important que votre parole. Si nous ne pouvons pas vous faire confiance pour tenir votre parole envers votre femme, nous ne pouvons certainement pas vous faire confiance pour tenir votre parole envers nous. » 

Amazon, de son côté, avaient des bureaux sommaires fabriqués avec des portes posées sur des tréteaux. Et quand une nouvelle recrue demandait pourquoi on lui disait parce que dans notre secteur, la marge fait tout, donc si on peut gagner quelques euros sur un bureau on le fait.

Évidemment, la règle doit être en accord avec le marché. On n’imagine pas une entreprise du luxe faire pareil.

Chez LEDR, la règle qui choque le plus les nouvelles recrues c’est les congés illimités. Et on leur répond on ne compte pas tes heures quand tu fais du zèle donc on ne va pas compter tes heures quand tu estimes que tu as besoin de repos.

Illustrer sa culture avec des anecdotes réelles

Une bonne culture décrit des cas de figure et dit comment se comporter en cas de dilemme. Elle ne se contente pas de dire de manière abstraite qu’on est attaché à telle ou telle valeur.

La culture est un ensemble qu’on ne peut pas séparer

Par exemple, chez LEDR on a un pilier qui est que nous ne sommes pas une démocratie. Le pouvoir de décision appartient à la personne la plus experte du sujet. Mais ce pilier est à mettre à côté de celui de la parole libre : tout le monde peut dire ce qu’il veut. Et ces deux piliers sont à mettre à côté avec celui de la confiance. Etc.

Petit warning inclusivité

Petite critique du livre : je trouve que y’a un gros angle mort sur l’inclusivité. Avec notamment tout un passage sur l’exemple d’un PDG Noir de McDonalds pour sous-entendre que n’importe qui peut y arriver même si y’a du racisme aux USA.

Gros biais du survivant. Ce n’est pas parce qu’une personne y est arrivée que ça n’est pas plus dur.

Lecture alternative : La culture d’entreprise

Dans ce Que sais-je ? de Maurice Thévenet y’a vraiment tout tout tout. C’est encore plus riche que le livre que je viens de présenter en moins de page mais en plus dense et plus théorique.

Autre lecture alternative : La règle ? pas de règles ! Netflix et la culture de la réinvention

Ici c’est plus une étude de cas gigantesque sur comment Netflix a déployé sa culture si singulière. Donc il n’y a pas le recul théoriques des deux précédents, mais c’est aussi plus léger à lire.

#4 | Comment parler à tout le monde

Je suis asociable de nature. C’est-à-dire que j’ai énormément de mal à discuter avec des personnes que je ne connais pas, à faire du small talk. J’ai beaucoup appris à compenser grâce aux techniques de ce livre que j’ai lu il y a déjà plus de 12 ans.

Gros warning : elle dit n’importe quoi sur le recrutement

C’est paradoxal, me diras-tu, de conseiller un livre à des recruteurs et recruteuses alors qu’elle raconte n’importe quoi sur le sujet…

Oui. Je prends le risque. Parce que ce n’est pas son sujet et qu’elle en parle une page pour expliquer qu’une recruteuse lui racontait comment elle arrivait à lire dans le non-verbal. Alors que c’est totalement invalide scientifiquement.

Deuxième warning : une vision du monde en winners et loosers 

Là encore… il faut faire abstraction et se concentrer sur les astuces. Car ce livre est décomposés en une petite centaine d’astuces. On peut donc les picorer et trouver celles qu’on veut appliquer.

En voici quelques unes.

Technique n°79 : voler au secours d’une personne qui parlait

« Quand une personne est interrompue au milieu de son histoire, attendez que l’incident soit terminé. Laissez aux gens le temps de bêtifier autour du charmant bambin, de terminer de commander leur repas ou de ramasser tous les morceaux de vaisselle cassée. 

Ensuite, une fois le groupe reconstitué, dites tout simplement à la personne victime de cette interruption « Revenons à ce que vous étiez en train de nous dire » ou mieux encore, demandez-lui : « Et alors, qu’est-il arrivé ensuite, quand… (reprenez ses derniers propos) »

Technique n°16 : Jamais un simple nom de métier

« Supposons que vous soyez avocat. Dites ce que vous faites vraiment. Si vous parlez à une jeune mère, par exemple, dites-lui : « Je suis avocat. Mon cabinet est spécialisé dans le droit du travail. Je travaille actuellement sur le dossier d’une femme que son employeur a renvoyée parce qu’elle avait prolongé son congé de maternité, alors que c’était nécessaire d’un point de vue médical. » 

Elle pourra se sentir concernée. Vous avez affaire à un chef d’entreprise ? Dites-lui : « Je suis avocat. Mon cabinet est spécialisé dans le droit du travail. Je travaille actuellement sur le dossier d’un employeur poursuivi par un de ses salariés qui l’accuse de lui avoir posé des questions d’ordre intime lors de son entretien annuel. » Il pourra se sentir concerné. 

(…)

Quand on vous pose l’inévitable question « Qu’est-ce que vous faites dans la vie ? », la réponse qui vous vient à l’esprit est peut-être « Je suis économiste », « Je suis dans l’enseignement » ou « Je suis ingénieur ». Vous pouvez vous imaginer que vous donnez ainsi une information suffisante pour engager la conversation. »

Ou, plus simplement, dire au moins j’aide les personnes X à faire Y. C’est plus clair qu’un titre. Par exemple je suis formateur en recrutement, j’aide les recruteurs à faire des entretiens non discriminants et des annonces non soporifiques.

« Cependant, pour quelqu’un qui n’est ni économiste, ni enseignant, ni ingénieur, c’est comme si vous disiez « Je suis paléontologiste », « Je suis psychanalyste » ou « Je suis pornographe ». Donnez de la matière à votre interlocuteur. Racontez-lui quelque chose de croustillant sur votre travail. Sinon, il ne tardera pas à s’excuser et à filer vers le buffet. »

Technique n°38 : vivre de nouvelles expérience

« Une fois par mois, faites une chose que vous n’auriez jamais imaginé faire. Essayez un sport, allez à une exposition, assistez à un cours dans un domaine tout à fait étranger à votre expérience. Une seule séance vous permettra de connaître 80 % du jargon utile et les bonnes questions à poser, et il ne vous en faudra pas davantage pour pouvoir jouer les initiés durant une discussion. »

Technique n°40 : découvrez leur point sensible

« Avant de vous retrouver entouré d’une bande d’ingénieurs du son ou d’une flopée de dentistes, renseignez-vous pour savoir quelles sont les préoccupations actuelles dans cette branche. Toute profession a ses problèmes du moment, dont le reste du monde est peu au fait. Demandez à quelqu’un du milieu de vous éclairer. Ensuite, lancer ou relancer la conversation sera pour vous aussi facile qu’appuyer sur quelques boutons. »

C’est comme ça que j’ai eu mon avant-dernier appartement. J’avais compris qu’à l’époque tous les agents immobiliers se plaignaient de la loi Duflot de plafonnement des loyers. Alors je leur en parlais et ils étaient intarissables.

« Revenons à cette inauguration d’une galerie d’art à laquelle vous êtes sur le point de vous rendre. Ne quittez pas Sophie aussi vite. Elle vient de vous donner les deux meilleures questions à poser pour entamer une conversation avec des artistes. 

Ne manquez pas de lui demander aussi de vous révéler le véritable moyen de devenir un champion de la conversation. Demandez-lui quels sont les problèmes les plus brûlants dans le monde artistique. Elle réfléchira quelques instants et vous répondra par exemple : « Eh, bien, il y a toujours le problème des prix. » « Le problème des prix ? » « Oui, les prix des œuvres d’art. Par exemple, dans les années quatre-vingt, le monde de l’art était nettement soumis à une logique de marché. 

Les prix atteignaient des sommets parce qu’il y avait des investisseurs et des nouveaux riches prêts à payer des sommes exorbitantes. Ça n’a sans doute pas contribué à rapprocher l’art de l’homme de la rue. » Et voilà, maintenant vous en savez assez pour pouvoir parler d’art comme un connaisseur !

J’ai un ami médecin, John, qui a épousé il n’y a pas longtemps une charmante Japonaise, Yamika. Il m’a raconté que la première fois qu’ils ont été invités à une soirée de collègues, Yamika a été saisie de panique. Elle tenait à faire une bonne impression, mais elle était effrayée à l’idée de devoir discuter avec des médecins américains. 

Elle n’en connaissait encore aucun à part John, et depuis qu’ils se connaissaient, ils n’avaient pas passé beaucoup de temps à discuter de médecine. John lui avait dit : « Ne t’inquiète pas, Yami. Les questions qu’ils se posent l’un l’autre sont toujours les mêmes. Demande simplement à chacun quelle est sa spécialité et s’il est attaché à un hôpital.

Ensuite, pour poursuivre la conversation, pose des questions du genre “Comment sont vos relations avec l’hôpital ?” ou “Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans le contexte actuel ?” Chez les médecins, ce sont des sujets particulièrement importants. Dans le domaine de la médecine, tout évolue très vite en ce moment.

D’après John, Yamika a su appliquer les consignes à la lettre. Le résultat est qu’elle a été la reine de la soirée. Par la suite, un certain nombre de collègues de John l’ont félicité à propos de sa compagne.« 

Technique n°24 : ne pas demander aux gens “ce qu’ils font dans la vie”

« Résister à la tentation de poser cette question, c’est aussi une preuve de sensibilité. Avec tous ces licenciements, toutes ces restructurations et ces délocalisations, la question de l’emploi peut mettre beaucoup de gens mal à l’aise de nos jours. J’ai deux amis qui ont chacun un emploi bien rémunéré mais qui ont horreur qu’on leur demande ce qu’ils font « dans la vie » (l’un fait des autopsies, l’autre travaille dans l’administration fiscale). 

Par ailleurs, des millions de femmes talentueuses et épanouies ont choisi de consacrer leur temps à élever leurs enfants. Quand on leur pose cette cruelle question, elles se sentent coupables. Elles ont le sentiment que quelle que soit la façon dont elles vont répondre, celui qui leur pose la question entendra « je ne suis qu’une femme au foyer ». 

Il existe une autre raison encore pour laquelle les gens subtils évitent de demander « Que faites-vous dans la vie ? » : ils peuvent ainsi donner l’impression qu’ils ont l’habitude de frayer avec le gratin de la société. 

Récemment, j’ai assisté à une soirée mondaine (je les soupçonne de m’avoir invitée pour avoir parmi eux une représentante des classes populaires). J’ai remarqué que personne ne posait ce genre de question, et cela pour une raison bien simple : tous ces gens ne faisaient rien.

 Oh ! Bien sûr, certains d’entre eux consacraient sans doute une partie de leur temps à surveiller l’évolution des cours de leurs actions, mais personne ne travaillait pour gagner sa vie. Enfin, l’avantage, quand vous vous abstenez de demander aux gens ce qu’ils font dans la vie, c’est qu’ils cessent d’être sur leurs gardes. Vous leur donnez ainsi l’impression que vous appréciez leur compagnie et que vous les aimez pour ce qu’ils sont et non pour quelque sombre raison inavouable.

Malheureusement la solution proposée marche pas trop en français. Mais on comprend l’idée :

« Le bon moyen de savoir

Ainsi donc, comment allez-vous faire pour savoir quel est le métier d’une personne ? (J’aicru que vous ne me le demanderiez pas). C’est pourtant facile. Entraînez-vous à prononcer à la suite les dix mots suivants : « Comment… occupez-… vous… la… plus… grande… partie… de… votre… temps ? »

« Comment occupez-vous la plus grande partie de votre temps ? » 

Voilà un moyen élégant de ménager un découpeur de cadavres, un fonctionnaire des impôts ou une personne qui est au chômage. C’est aussi en posant la question sous cette forme que vous confirmez une mère de famille dans son choix responsable. C’est ainsi que vous montrerez à une personne spirituelle que vous n’êtes pas insensible à sa beauté intérieure. 

C’est ainsi que vous montrerez à un membre de la « jet-set » que vous en êtes, vous aussi. Maintenant, supposons que vous rencontriez une personne qui aime parler de son travail. Il n’y a pas d’inconvénient à lui demander : « Comment occupez-vous la plus grande partie de votre temps ? » 

C’est à votre interlocuteur de choisir s’il a envie de vous parler de son travail ou d’autre chose. En posant la question sous cette forme, vous éviterez de ressembler à un gros chat qui en jauge un autre.« 

#5 | The copywriter’s handbook

C’est dans ce livre que j’ai appris les bases du copywriting, la discipline consistant à écrire de bonnes publicités. Or, qu’est-ce qu’une annonce si ce n’est une publicité d’emploi ?

Le concept de bénéfices

On retrouve ce concept dans tous les livres de copywriting tellement c’est la pierre angulaire de la discipline : il faut apprendre à écrire en bénéfices plutôt qu’en caractéristiques. Par exemple plutôt que de dire que l’iPod est un baladeur numérique avec un disque dur de 5 giga

On va dire : voici 1000 chansons dans ta poche.

L’idée c’est qu’on ne vend jamais aux gens la perceuse, on leur vend l’idée du trou et même celle du meuble fini qu’ils pourront monter.

Au lieu de dire nous proposons du télétravail on va dire fini de galérer à trouver des créneaux pour vos RDV médicaux, vous avez la flexibilité qui vous permet d’en prendre aux heures les moins demandées. 

Ou alors : vous pourrez allez faire vos course en dehors des heures de pointe.

Beaucoup de règles

Ce qui est bien c’est que c’est un livre pour débutant·es donc y’a énormément de modèles à utiliser. Par exemple le modèle ACCA (Attention, Compréhension, Conviction, Action). Ou encore les 4 règles d’or d’un titre.

Faut-il écrire long ?

En un mot : oui. C’est l’erreur que font la plupart des personnes qui débutent : elles veulent faire court alors qu’une publicité écrite doit être longue.

Ou plutôt… plus le produit est cher et complexe, plus la publicité doit être longue. C’est pour ça que les pages de ventes pour les smartphones et les voitures sont super longues, mais pas celles pour les sauces tomates, même dans des épiceries de luxe.

J’en avais parlé dans cet article : https://blog.lecoledurecrutement.fr/faut-il-faire-des-annonces-longues-ou-courtes/

Ryhtmer son écriture

Dur ici de résumer mais il explique l’importance de casser la monotonie.

Un texte…

…de…

…publicité

N’EST PAS UN TEXTE LITTÉRAIRE.

Donc il peut s’affranchir de certaines règles.

Bon… là j’en ai fait des caisses, mais tu comprends l’idée.

Lecture alternative : La publicité scientifique

Dans ce livre écrit en 1923 (!) il y a un condensé de tous les principes sur lesquels se reposent les copywriters des années 60 pendant l’âge d’or du copywriting.

Autre lecture alternative : The Boron Letters

C’est un livre très étrange car c’est un copywriter qui écrit à son fils depuis une prison. Du coup c’est à moitié un livre de copywriting, à moitié un livre avec des conseils comme ne mange jamais avant d’avoir marché dans ta journée.

Si je dis que y’a brosse-toi les dents trois fois par jour, mon fils j’exagère… mais pas tant que ça.

Gros avantage : il est gratuit car dans le domaine public. On peut donc le trouver en pdf un peu partout, même si moi j’avais fait le choix de le payer 1 ou 2€ pour avoir une version propre ebook.

LA PAUSE PUB : Le recrutement ne s’improvise pas

Tu pensais quand même pas que j’allais te parler de livre à lire quand on recrute sans te parler du mien ?

Tu es recruteur, tu es recruteuse. 

  • Pourquoi c’est si dur de convaincre les managers-qui-recrutent de te faire confiance ?
  • Pourquoi ces mêmes managers mettent un temps fou à te faire des feedbacks ?
  • Pourquoi les candidats et les candidates t’envoient des candidatures hors-sujet quand tu postes des annonces ? On dirait qu’ils ne les lisent même pas !
  • Pourquoi certains métiers te paraissent pénuriques au point qu’ils sont impossibles à recruter ?
  • Mais surtout pourquoi y a-t-il si peu de fierté dans le monde du recrutement ?

C’est de notre faute, c’est de ta faute

Comme toi, j’ai recruté sans avoir la moindre méthode pour mes entretiens ou pour mes annonces. 

Je sentais que quelque chose n’allait pas. Certains recruteurs me disaient qu’ils avaient un sens pour sentir les gens, qu’il suffisait d’utiliser son intuition. Mais moi, je n’y arrivais pas.

J’ai mis du temps à comprendre que ce n’était pas moi qui avait un problème mais bien eux qui étaient victimes de leurs biais cognitifs.

Alors je me suis mis à la recherche d’une méthode pour arrêter d’improviser. Ça m’a pris douze ans.

Parce que les bonnes méthodes circulent très peu dans le milieu du recrutement.

Une discipline coupée de la science

C’est un mystère qui étonne les scientifiques eux-mêmes. Il existe une vingtaine d’études dont le sujet est pourquoi les recruteurs n’appliquent pas de méthode ?

Les personnes du monde scientifique nous voient comme des climatosceptiques. Et elles ont raison.

Ce n’est pas le cas dans le monde du marketing, par exemple. Au début du XXème siècle le marketing a fait le pont avec la science pour faire le tri dans ce qui marchait ou pas.

Ça a donné des méthodes comme la structure AIDA (Attention – Intérêt – Désir – Action) qui a été mise au point par un chercheur en psychologie et qui s’est depuis léguée.

Alors que, dans le même temps, des chercheurs et chercheuses en psychologie ont dessiné les contours d’une méthode efficace d’entretien de recrutement. Mais personne ne les écoute.

Il y a un mur incompréhensible entre les bonnes méthodes et le recrutement

Une partie du problème vient du fait que, pendant longtemps, il n’existait aucune formation académique au recrutement. Aujourd’hui il y en a toujours très peu. Alors l’immense majorité des recruteurs et recruteuses apprennent sur le tas. Ça a été mon cas.

Ajoutons qu’il est très dur de trouver un livre pour s’améliorer en recrutement. 

Tu as des livres qui sont écrits en partant d’interviews de dirigeants ou managers. C’est la pire manière de faire. Ça donne des conseils souvent discriminatoires (sans le vouloir) car on s’obsède sur la recette unique qui permet d’avoir “lesA-players”.

Mais… “les A-players / les meilleurs ” ça n’a pas le moindre sens en recrutement.

Ce que tu cherches c’est “les personnes les plus adéquates à ton contexte” (oui je reconnais que c’est moins vendeur que les meilleurs).

À l’opposé du spectre tu as les livres comme L’Entrevue Structurée qui sont géniaux. Ce livre a bouleversé ma vision des entretiens. 

Mais… j’ai dû le lire plus de 4 fois pour comprendre. C’est super dense et académique.

J’ai essayé de te proposer l’équilibre

J’ai mis presque 12 ans mais j’ai fini par faire le tri entre les traditions et l’héritage scientifique du recrutement. 

J’ai eu à coeur de faire quelque chose de simple, accessible et digeste, malgré la complexité et la richesse de la science du recrutement. Afin de trouver l’équilibre entre fondé sur la science et réaliste dans un quotidien.

Ce livre te permettra de gagner le respect des managers pour qui tu recrutes. Car, pourquoi nous respecteraient-ils alors que nous improvisons ?

Mais ce n’est pas tout : tu vas aussi trouver de quoi vaincre ton déficit de légitimité. Car c’est par l’apprentissage que l’on retrouve à la fois fierté et plaisir dans son métier.

Et, surtout, tu l’auras compris : tu vas éviter de tâtonner douze ans, comme moi.

Tu peux te le procurer

Si tu veux plus de détails sur le livre (notamment le sommaire détaillé), c’est par ici : https://blog.lecoledurecrutement.fr/le-recrutement-ne-simprovisera-plus

#6 | Système 1 / Système 2

Ce livre est un géant de son genre : un classique de la psychologie. Si bien que quand je l’ai enfin lu (car il est très long donc ça me dissuadait) j’ai réalisé le nombre d’autres livres qui ont pioché leurs concepts dans celui-ci.

Combien d’animaux de chaque espèce, Moïse a-t-il emmené dans son arche ?

Réfléchis un peu.

Encore…

Prends le temps de te faire ton avis avant de lire la réponse…

C’est bon ?

On peut y aller ?

Deux ?

Vraiment ?

Mais Moïse il a eu une arche ? 

C’est pas plutôt Noé ?

C’est avec ce piège que Système 1 / Système 2 nous illustre la différence entre nos deux systèmes de pensée. D’un côté le système que l’on pourrait appeler avec de grosses guillemets “le système lent et rationnel” de l’autre le système qu’on pourrait appeler “le système instantané et émotionnel”.

On pourrait aussi dire “l’intuition”.

L’auteur illustre ici un des problèmes de cette intuition : quand elle se trompe, elle se trompe très fort.

Mais il aborde aussi ses avantages : elle permet d’économiser l’utilisation du système lent et rationnel qui consomme énormément d’énergie dans le cerveau. 

Ce qui est fou c’est que le système intuitif est si rapide qu’il est possible qu’il réponde avant même que tu aies conscience de finir de lire la question.

Tout le livre est truffé de ces exemples et nous explique comment nous protéger des erreurs du système intuitif. Une des solutions les plus efficaces étant de créer des formules, des grilles d’évaluation.

Et… comble du comble… il raconte comment il a mis en place la méthode des entretiens structurés dans l’armée israélienne. 

Y’ a donc, presque par hasard, tout un chapitre qui parle explicitement de recrutement.

Ça vaccine définitivement de vouloir utiliser son intuition quand on recrute.

Lecture alternative : Influence et manipulation

Probablement l’autre grand classique de la psychologie sociale. Il retrace les 6 grands leviers de la manipulation. Il se lit bien en complément de Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens.

#7 | The sourcing Method

C’est malheureusement un livre difficile à trouver. J’ai eu la chance de l’acheter en mains propres de l’auteur durant un SOSU (Sourcing Summit). Ce que j’aime avec ce livre c’est qu’il détaille le sourcing mais pas uniquement dans la partie brute de recherche. Il prend le temps d’aborder chaque phase.

Les 7 étapes du sourcing

C’est d’ailleurs le concept qui m’a le plus marqué : une terminologie pour les phases du sourcing. Il propose de découper en 7 :

  1. La validation du besoin
  2. La pré-recherche
  3. Le brief
  4. Le profil test
  5. La recherche
  6. L’approche
  7. La préqualification téléphonique 

J’aime particulièrement l’idée de faire une pré-recherche, un avant-brief, de ne pas venir les mains vides. Mais aussi l’idée du profil test, c’est-à-dire d’envoyer un profil “parfait” moins de 24 heures après le brief pour confirmer avec le client/manager qu’on a bien compris son besoin et rectifier au cas où.

L’accord de service

Il reprend également le concept de Service Level Agreement, qui est un concept issu du monde du logiciel où les deux parties (fournisseur et acheteur) se mettent d’accord sur les exigences mutuelles qui vont cadrer la relation.

J’aime beaucoup cette idée. Dans le cas du sourcing ça consiste à demander explicitement au client/manager les conditions du service. Par exemple en combien de temps le manager fait un feedback ?

Ou alors en combien de temps je vais lui envoyer le premier profil ? 

Est-ce que j’envoie une short-list ou des profils au fil de l’eau ?

Et ainsi de suite…

Qu’on le fasse à l’écrit ou à l’oral, ça permet de bien cadrer les choses.

Il fournit en annexe un exemple :

Exemple d’accord de niveau de service

Un engagement simple qui promet « si je vous fournis ceci, voici ce que vous promettez de faire en retour » et qui inclut tout ce dont vous avez besoin de sa part pour trouver efficacement des candidats. 

Vous vous engagez sur ce que vous pouvez absolument garantir que vous fournirez si l’on vous donne ce dont vous avez besoin. Cet engagement peut prendre la forme d’un accord de niveau de service entre le sourcing et le recrutement, ou entre le sourcing et les responsables du recrutement, ou les deux.

  1. Faites le simple, sinon il ne sera pas respecté
  2. Présentez-le lors de votre première rencontre avec le client/manager
  3. Obtenez son « accord », même s’il s’agit d’un bref accusé de réception par courriel.

SLA – Définition du service

  • Qui vous êtes, mission de l’équipe, description de l’équipe et biographies
  • Définition des rôles, qui fait quoi
  • Ce que vous faites (par exemple :Nous sommes spécialisés dans l’identification passive de candidats, de concurrents, d’organisations ou d’associations spécifiques en fonction des besoins du client. Les clients contactent ces candidats et les qualifient

SLA – Description du process

  • Brève description de la façon dont vous procédez, du calendrier habituel et des résultats attendus.

Ce que vous attendez d’euxpar exemple :

  • Pour garantir la qualité et le respect des délais, nous exigeons du demandeur qu’il tente de contacter chaque candidat dans les 5 jours ouvrables (10 candidats par jour)
  •  Qu’il crée des dossiers de candidats et assure un suivi adéquat, conformément au process et aux politiques de recrutement de l’entreprise.
  • Qu’il fournisse à l’équipe de sourcing un feedback détaillé sur chaque candidature rejetée, y compris les raisons pour lesquelles elle n’était pas qualifiées ou pas joignable.

Ce que vous leur promettez, par exemple : 

  • Nous nous engageons à rechercher et à identifier jusqu’à 50 candidats validés pour des postes difficiles à pourvoir. Les leads sont livrés via CRM/ATS

La méthode du pendule

Enfin… il détaille son cheminement de pensée pour faire une requête. J’ai trouvé ça particulièrement intéressant parce que la méthode est très simple et qu’elle ne dépend pas des opérateurs booléens ou de l’outil en face.

Il s’agit simplement de commencer avec 2 ou 3 mots-clés puis de regarder s’il y a entre 50 et 300 résultats pertinents (ceschiffres sont arbitraires, on pourrait dire entre 10 et 150). Si y’a moins de 50 résultats alors on élargit la requête, si y’a plus de 300 résultats alors on la réduit.

Si les résultats ne sont pas assez pertinents, il faut changer les mots clés.

C’est aussi simple que ça.

Lecture alternative : Super Source me

Là encore une recommandation d’Aurélien que je n’ai pas lu. Mais j’ai pu le feuilleter et ça avait l’air vraiment pas mal.

#8 |  Cessez d’être gentil, soyez vrai !

J’ai mis énormément de temps à faire le pas d’acheter ce livre. Parce que le titre me faisait dire que ce n’était pas pour moi. Sauf que le titre est très trompeur. C’est en réalité le titre d’un chapitre qui a donné le titre du livre. Mais le vrai titre devrait être manuel pour débuter la communication non-violente (CNV).

Le conflit est partout

Dès le début du livre il donne une définition très large et neutre du conflit : une situation où deux (ou plusieurs) parties sont en concurrence pour une ressource. Là encore c’est à prendre au sens large. La ressource peut être de l’argent mais aussi du temps ou de l’amour.

Nous avons donc en permanence des situations de conflit et nous pouvons les régler de différentes manières : négociation, dispute, guerre, se sacrifier…

La communication non-violente est une de ces manières

Exploser ou imploser

Il présente également deux pôles que l’on va chercher à éviter. Le premier c’est celui qui consiste à ne rien dire quand le conflit se présente. On prend sur soi, on se sacrifie. Alors du coup on ronge son frein. Puis, un jour on implose brutalement. C’est d’ailleurs souvent incompréhensible pour les gens autour car on implose sur un détail. Mais c’est le phénomène de la goutte d’eau qui fait déborder le vase.

Je pensais que le livre s’adressait uniquement à ces personnes. Alors que moi je suis de l’autre côté du pôle : je n’ai aucun problème à rentrer dans le conflit et défendre mes intérêts. En revanche, j’ai tendance à le faire avec une agressivité qui va ensuite dégrader la qualité de la relation. C’est ce qu’il appelle l’explosion.

C’est souvent préférable à l’implosion car au moins les sujets sont traités et mes intérêts sont défendus. Mais déjà, pas tout le temps, parfois il vaut mieux que je sacrifie un peu mes intérêts pour protéger la relation avec mes proches. Ensuite, ça reste améliorable.

La communication non-violente propose d’essayer la troisième voie quand c’est possible.

Le protocole OSBD

Toute la CNV est structurée autour de ce protocole : Observation, Sentiment, Besoin, Demande.

On commence par une observation factuelle sans interprétation pour ne pas braquer. Au lieu de dire à un enfant tu ranges jamais tes affaires on préfèrera ton anorak est sur le canapé et tes chaussures dans l’entrée.

On enchaîne avec un dévoilement du Sentiment en nous et on en prend la responsabilité. On ne dit pas je suis en colère à cause de toi mais bien je ressens de la frustration parce que j’ai nettoyé toute la journée.

Puis vient le temps du Besoin fondamental qu’on essaie de ne pas confondre avec une envie. Par exemple j’ai besoin de me sentir considérée dans les efforts que je fais pour maintenir la maison propre pour tout le monde.

Et enfin on formule une demande positive (c’est-à-dire sans négation) et négociable. Par exemple :

est-ce que tu peux ranger ça maintenant ou plus tard ? 

Ou est-ce qu’on peut en discuter maintenant ou plus tard ?

Bon… bien sûr que c’est super dur de suivre ce protocole quand nous avons de la colère. Mais ce que je trouve fort c’est qu’on peut l’appliquer dans la relation à soi-même, comme dans l’exemple 3 ci-dessous :

Les managers et les candidat·es

Ce protocole est utile dans toutes les relations de la vie mais particulièrement dans celles avec les managers ou les candidat·es, quand le rapport de force n’est pas équilibré.

Il permet aussi, si tu es du type à imploser, de réussir à réaffirmer peu à peu de la confiance en soi en comprenant qu’on peut à la fois revendiquer ses intérêts et éviter l’agressivité.

Et si, comme moi tu es du type à exploser, ça te permet de continuer à avancer vers tes intérêts, en t’aliénant le moins de monde possible.

Lecture alternative : le même en version illustrée

Il existe une version plus courte et avec des dessins. J’ai beaucoup aimée cette version car il va plus directement au but. J’ai même compris des choses que j’avais mal compris dans la version classique.

#9 | Ils ne pourront plus se passer de toi

Ce livre a été une claque pour moi. J’ai compris pourquoi j’ai donné un mauvais conseil pendant des années. Le conseil c’était : il faut suivre sa passion.

Mais en fait, les gens qui disent ça ne se rendent pas compte que c’est l’inverse : c’est la passion qui a suivi.

Et il analyse les deux ingrédients principaux qui génèrent la passion.

Autonomie et maîtrise

En réalité, les deux leviers principaux de l’épanouissement professionnel sont l’autonomie et la maîtrise.

L’autonomie c’est à quel point je peux décider de sur quoi je travaille, comment je travaille, quand je travaille et avec qui je travaille.

Elle est plus ou moins forte. C’est pas blanc ou noir.

La maîtrise c’est à quel point j’arrive à progresser. D’ailleurs ce n’est pas forcément plaisant. Exercer sa maîtrise peut-être une douleur positive. Un peu comme un sportif qui s’entraîne.

Le dilemme

Le problème c’est que quand on commence sa carrière, on n’a pas suffisamment de maîtrise. Alors les employeurs nous proposent des jobs avec très peu d’autonomie.

Sauf que, au fur et à mesure que nous gagnons en expertise, les entreprises vont nous proposer le deal suivant : moins d’autonomie mais plus d’argent et de responsabilité.

C’est là que les choses se gâtent. Il montre comment faire pour équilibrer ces deux tensions. Ça me parle énormément car quand j’ai rejoint LEDR, j’ai accepté un salaire bien inférieur à mes camarades de promo. Mais j’ai rejoint une organisation avec une énorme autonomie (télétravail, congés illimités). Et c’est ça qui m’a permis de devenir passionné de mon job.

Lis le pour toi

Ce livre je te le recommande pour comprendre ce qui va motiver les candidats et candidates que tu croises mais aussi pour t’analyser toi-même. Pour réfléchir à ta position dans cet arbitrage entre expertise et autonomie.

Lecture alternative : L’art subtil de s’en foutre

Comme son nom ne l’indique pas, ce livre est une vulgarisation des principes clés du bouddhisme. Il est particulièrement intéressant parce qu’il permet d’avoir une philosophie de l’épanouissement. Avec notamment un passage sur comment lutter contre le syndrome de l’imposteur. 

#10 | Fragilité blanche

J’ai longtemps cherché un livre qui parle de comment diminuer la discrimination dans le recrutement. Pour le moment je n’ai rien trouvé de concluant. 

(Mais on m’en a recommandé 2-3 que je vais aller fouiller).

Alors… j’ai fait le choix de partager un livre qui parle de racisme. Mais encore plus particulièrement de la réaction au racisme.

Je n’aime pas trop le nom du concept, surtout en français car il laisse penser que faudrait être solide dans la vie. Mais ce n’est pas du tout le propos.

C’est un livre qui explique comment le fait d’avoir des réactions très intenses quand une personne raconte que vous lui avez fait subir du racisme empêche la discussion.

C’est un livre pour prendre du recul et apprendre à devenir une bonne oreille.

Ce qui est précieux quand on recrute.

J’aime bien l’effort qui est fait pour essayer de faire comprendre la problématique. Par exemple pourquoi on a autant de mal parfois dans les débats à faire comprendre parce que la personne va utiliser une anecdote pour nier l’ensemble du racisme :

“L’universitaire Marilyn Frye utilise la métaphore de la cage à oiseaux pour décrire comment les forces d’oppression sont liées les unes aux autres. Si vous vous placez tout près d’une cage et que vous appuyez votre visage contre les barreaux, ils disparaîtront de votre champ de vision et vous verrez l’oiseau sans qu’aucun obstacle ne s’interpose entre vous et lui. Si vous tournez la tête pour examiner l’un des barreaux de la cage, vous ne pourrez pas bien distinguer les autres. 

Si votre représentation de la cage se fonde sur cette vision à très courte portée, vous ne comprendrez pas pourquoi l’oiseau ne se contente pas de contourner l’unique barreau que vous voyez pour s’envoler. Vous pouvez même imaginer que l’oiseau aime être en cage, ou a choisi de l’être. Mais si vous reculez de quelques pas et élargissez votre champ de vision, vous constatez que les barreaux forment une structure conçue pour maintenir l’oiseau à cette place et qu’il est cerné par un réseau d’obstacles reliés entre eux de façon systématique. 

Si certains oiseaux arrivent à s’échapper, la plupart n’y parviennent pas. Et ceux qui s’enfuient devront franchir un certain nombre d’obstacles auxquels leurs pairs qui n’ont jamais vécu en cage ne sont pas confrontés. La métaphore de la cage aide à comprendre pourquoi il est parfois si compliqué de voir et de reconnaître le racisme : notre champ de vision est limité. 

Faute de nous rendre compte que notre position par rapport à l’oiseau détermine la portion de cage qui nous est visible, nous nous fions à des occurrences isolées, à des exceptions et à des preuves anecdotiques plutôt qu’à des schémas plus larges et interconnectés. Bien qu’il y ait toujours des exceptions, les mêmes modèles connus et démontrés se répètent : les personnes non blanches sont restreintes et influencées par des obstacles qui ne sont ni accidentels, ni occasionnels, ni contournables.”

Mais surtout, j’ai été marqué tellement les mots sont juste sur comment le fait de prendre le racisme (ou du sexisme, etc) une accusation morale est un tour de passe-passe qui permet de le perpétuer.

Si la condamnation du racisme semble une évolution positive, il nous faut considérer comment le processus fonctionne, concrètement. À l’intérieur de ce paradigme, suggérer que je suis raciste, c’est me porter, profondément, un coup moral – une sorte d’assassinat de ma personnalité. Quand je reçois ce coup, je me dois de défendre qui je suis, et c’est à ça que je vais consacrer toute mon énergie – à parer l’attaque plutôt qu’à réfléchir sur mon comportement. 

Faute d’accepter de discuter de ces dynamiques ou d’envisager notre fonctionnement interne, impossible de cesser de participer au racisme. Pour un Blanc lambda, la dichotomie bien/mal empêche donc absolument de comprendre le racisme et à plus forte raison d’y mettre un terme. 

Comme le dit l’universitaire et réalisateur afro-américain Omowale Akintunde : « Le racisme est un phénomène systémique, sociétal, institutionnel, omniprésent et incrusté d’un point de vue épistémologique qui imprègne chaque fraction de notre réalité. Pour la plupart des Blancs, cependant, le racisme est comme le meurtre : le concept existe, mais il faut que quelqu’un le commette pour qu’il se produise. Cette vision limitée d’un syndrome qui possède tant de niveaux différents cultive la sinistre nature du racisme et, de fait, perpétue les phénomènes racistes au lieu de les éradiquer. »

Ce paradoxe est très bien représenté dans le film Je ne suis pas un homme facile ou un homme se retrouve projeté dans un monde imaginaire où ce sont les femmes qui ont le pouvoir et qui exercent du sexisme. Y’a un moment où le personnage n’en peut plus de vivre ce sexisme… mais en même temps il n’arrive pas à identifier une personne qui en serait coupable. C’est parce que précisément il n’y a pas une personne diabolique coupable, ça se diffuse.

Lecture alternative : Where Do We Go from Here: Chaos or Community? 

Je ne savais pas, avant de lire ce livre, que Martin Luther King avait écrit plusieurs livres. Dans celui-ci il livre une analyse radicale et encore d’actualité du racisme.

Ils auraient pu être dans la sélection

Tu as peut-être vu la conférence où j’ai fait cet exercice il y a plusieurs années.

Dedans je donnais cette liste :

1) The Luck Factor

2) Work Rules!

3) How to talk to anyone – 92 little tricks for Big Sucess in relationships (Comment parler à tout le monde)

4) Who – The A method for hiring

5) How to decide – What to do when you don’t know what to do

6) Le Personal Mba

7) L’entrevue structurée – Pour améliorer la sélection du personnel

8) Influence et manipulation

9) Petit cours d’autodéfense intellectuelle

10) L’art subtil de s’en foutre

Comme tu le vois, il y en a que j’ai repris où que j’ai mis cette fois-ci en lecture alternative. Je les ai mis en gras. Il y en a deux que je te déconseille. Le premier c’est how to decide. Car depuis j’ai lu un livre beaucoup beaucoup mieux sur le même sujet : Thinking in bets. Mais c’est aussi que ce n’est pas un bon sujet quand on recrute. Il vaut mieux s’en tenir à la méthode de l’entretien structuré qui est directement calibrée pour.

Et celui que je déconseille très fortement c’est Who. Pour te résumer pourquoi voici un copié-collé d’un de mes posts LinkedIn :

Le livre Who est une catastrophe pour le recrutement. Voilà 5 raisons d’arrêter de le conseiller.

Je le dis d’autant plus que, comme beaucoup d’autres personnes, je l’ai recommandé avec enthousiasme il y a quelques années.

Sauf que…

1) Ce livre part du principe qu’il existe des « joueurs A » par opposition aux « joueurs B » et « joueurs C ». Dans l’absolu. 

C’est extrêmement malsain. Cette croyance est à la source de la discrimination à l’embauche. Car, comme par hasard, les »joueurs d’élites » ce seront ceux qui ont fait les écoles vues comme les écoles d’élite par exemple. Plutôt que les personnes avec les bonnes compétences.

2) Il introduit une confusion sur le terme de « scorecard ». Une scorecard normalement c’est une fiche d’évaluation. Mais dans le livre, pour une raison obscure, ça devient « une fiche de poste réinventée ». 

En soi, la fiche de poste créée avec cette méthode n’est pas catastrophique. C’est d’ailleurs ce que j’ai le plus utilisé. Mais ça reste une méthode globalement au feeling.

3) Les trames d’entretien proposées sont des catastrophes. L’auteur comprend qu’il faut faire des entretiens structurés. Mais il ne sait pas ce que c’est. Il se base uniquement sur le nom pour postuler que ce sont des entretiens avec une trame.

Sauf que… si je fais une trame de questions non pertinentes (construites au feeling), à la fin, j’ai pas un entretien structuré. J’ai juste une structure pour mon entretien au feeling. Or, toutes les questions proposées sont issues de son intuition. Par exemple « quelles sont vos plus grandes réussites professionnelles ».

Alors qu’on a déjà les preuves scientifique que cette question ne fonctionne pas.

4) Beaucoup d’organisations qui ont utilisé la méthode du livre, ont fini avec des équipes qui manquent de diversité. Et, au fond, ce n’est pas étonnant puisqu’il fait la promotion d’un entretien à l’intuition qui se présente comme un entretien structuré. C’est très insidieux. On croit qu’on utilise une méthode objective alors qu’en fait avec la méthode Who on met juste des mots qui font jolis sur ses biais.

5) Au lieu de s’appuyer sur une méthode scientifique et prouvée, les auteurs se sont appuyés sur les interviews de PDF et de milliardaires (c’est leur argument de vente) : « Based on more than 1,300 hours of interviews with more than 20 billionaires and 300 CEOs »

Déjà une méthode construite à partir d’interview (et donc de la pure expérience) risque d’avoir des failles. Mais puisqu’ils n’ont interrogé aucun recruteur, aucune recruteuse… pas étonnant que ça manque de rigueur.

Pas étonnant que le chapitre « sourcing » soit si maigre.

PS : je me permets cette critique parce que j’ai moi-même promu le livre ET que les auteurs ne sont pas français donc ne liront jamais ce post. Donc a priori personne peut être personnellement heurté par la lecture du post. Si tu l’as recommandé ou que tu le recommandes encore… je comprends : c’était mon cas. Mais voilà pourquoi je pense qu’il est urgent d’arrêter 

Deux livres qui auraient pu figurer mais non

J’ai beaucoup hésité à inclure : Etes vous capable de me lire ?

C’est un livre vraiment cool et très court. Mais on peut le résumer en une seule phrase : la science nous montre qu’il est impossible de lire le non-verbal.

Du coup je me dis qu’en vrai ça ne sert qu’à débattre avec les gens qui n’arrivent pas à renoncer à leur recrutement au feeling.

Le second c’était The talent fix

Idem très court et très cool mais vraiment orienté responsable recrutement plus que recruteur/recruteuse. Donc je ne l’ai finalement pas mis.

Si tu veux un résumé plus détaillé de ces livres…

… bah en fait mon livre, je l’ai clairement écrit grâce à ces 10 livres (et d’autres). Donc tu vas retrouver un concentré de tout ça.

Tu peux te le procurer

Et… encore mieux… si tu veux la version détaillée encore plus… on a une formation.

Le recrutement ne s’improvisera plus

Mon livre Le recrutement ne s’improvise pas

Est-ce que tu accepterais de prendre l’avion avec un pilote qui a appris sur le tas ?

Est-ce que tu roulerais sans permis de conduire ?

Est-ce que tu irais chez un docteur qui a appris uniquement sur le terrain ?

Bien sûr que non. Parce que tu sais qu’apprendre une méthode est la meilleure manière de profiter de l’héritage des gens qui nous ont précédé. Ce n’est pas pour rien si la préhistoire s’achève avec l’invention de l’écriture.

Car, c’est l’écriture qui nous a permis de léguer des méthodes et d’éviter de devoir repartir de zéro à chaque génération. La puissance de l’humanité c’est précisément d’être capable de léguer ce qu’on apprend.

En toute une vie je n’aurais JAMAIS pu inventer :

  • le clavier sur lequel j’écris ces lignes
  • l’écran sur lequel tu les lis
  • le réseau internet qui me permet de te les envoyer

Et, vu comment je suis doué avec mes mains, je n’aurais JAMAIS construit :

  • le bureau sur lequel j’écris
  • l’appartement qui m’abrite
  • les chaussures qui ont permis à mes pieds de survivre à toutes les fois où je me suis cogné contre un truc dur dehors

Aujourd’hui, un bébé humain qui naît au monde a, d’ores et déjà, toute cette richesse de connaissances et savoir-faire à disposition.

Ce qui distingue vraiment l’humanité ce n’est pas sa force, ni même son intelligence mais bien sa capacité à collaborer.

Mais… c’est aussi un défaut. En effet, c’est ce qui crée les traditions nocives. Tu sais… les choses qu’on fait sans les interroger parce que ça fait longtemps que les gens avant nous et les gens encore avant le faisait ?

Je ne dis pas que toutes les traditions sont nocives. Je dis que c’est extrêmement dur de se débarrasser d’une tradition nocive.

C’est pour ça qu’on a inventé la science : pour nous éclairer et différencier ce qui est hérité par habitude de ce qui fonctionne.

Voilà pourquoi, pour apprendre le marketing il suffit d’étudier des modèles éprouvés par la science (comme par exemple la structure Attention – Désir – Intérêt – Action).Mais… pour le recrutement ?

Plus de traditions nocives que de bonnes pratiques

Malheureusement, le recrutement est rempli de traditions nocives. Je ne compte plus les fois où j’ai demandé à des recruteurs et recruteuses pourquoi la présentation de leur entreprise dans les annonces était si mauvaise et où on m’a répondu :

“On sait… mais c’est comme ça, c’était comme ça quand on est arrivés”

Et je dis “mais qui a été la première personne à le faire ?”

Tu sais ce qu’on me répond car tu as peut-être la même réponse dans ta tête : “Euh… je sais pas.”

Voilà… on hérite de trucs inefficaces qui se perpétuent parce qu’on ne sait même plus d’où ça vient.

Il y a beaucoup de méthodes nocives qui se transmettent

Tu veux t’améliorer en recrutement. Alors tu te tournes vers l’héritage. Ok peut-être que les gens de ton entreprise n’ont pas de méthode éprouvée, mais ça doit pouvoir se trouver à l’extérieur. Non ?

Oui… mais surtout non.

Tu as des livres comme Who, the A method for Hiring qui sont écrits en partant d’interviews de 300 dirigeants et de 20 milliardaires. C’est la pire manière de faire. Ça donne des conseils souvent discriminatoires (sans le vouloir) car on s’obsède sur la recette unique qui permet d’avoir “les meilleurs”. Mais… “les meilleurs” ça n’a pas le moindre sens en recrutement.

Ce que tu cherches c’est “les personnes les plus adéquates à ton contexte” (oui je reconnais que c’est moins vendeur que les meilleurs).

À l’opposé du spectre tu as les livres comme L’Entrevue Structurée qui sont géniaux. Ce livre a bouleversé ma vision des entretiens. Mais… j’ai dû le lire plus de 4 fois pour comprendre. C’est super dense et académique.

Car… la science du recrutement existe. Mais elle est très peu vulgarisée. Elle n’arrive pas à s’imposer face aux traditions nocives.

C’est un gâchis.

Alors tu apprends par toi-même

Quand j’étais à ta place, j’ai décidé d’apprendre par moi-même. Sauf que ça prend du temps. Je ne connaissais même pas le mot-clé entretien structuré ou alors copywriting.

Heureusement, le mot-clé sourcing m’a vite été révélé par un article de Laurent Brouat qui a changé ma vie professionnelle.

Donc le début de ma quête a été dans le sourcing. Mais c’était long. J’ai fait des bêtises. J’ai fait des détours que j’aurais pu éviter.

Pendant 5 ans j’ai recruté sans avoir le moindre début de méthode pour l’entretien et les annonces. J’ai perfectionné mes compétences en sourcing.

Parce que l’information ne circule pas dans le milieu du recrutement. Y’a une cassure entre le monde scientifique et notre écosystème.

C’est un mystère qui étonne les scientifiques eux-mêmes. Tu as des études qui essaient d’étudier pourquoi les recruteurs et les recruteuses n’utilisent pas les découvertes scientifiques les plus connues.

Tu as carrément des études qui s’appellent : 

  • L’obstination à s’appuyer sur l’intuition et la subjectivité dans le recrutement
  • Comprendre le fossé entre le monde académique et les recruteurs sur l’entretien structuré
  • Une enquête empirique sur les facteurs qui découragent l’utilisation des entretiens structuré

Mais mon titre préféré, celui qui exprime le mieux la détresse des scientifiques c’est :

Mais quand est-ce que les recruteurs seront d’accord d’utiliser des entretiens structurés ? Le rôle de la personnalité.

Courage à toutes ces personnes de la recherche qui sont désespérées par nous.

J’ai mis des années à progresser sur mes connaissances en recrutement

5 ans après mes premiers pas dans le monde du recrutement, j’ai découvert le mot entretien structuré. Ça a été le début d’une autre épopée. Et… 8 ans après mes premiers pas j’ai découvert le copywriting. C’est la discipline des publicitaires. Or, qu’est-ce qu’une annonce si ce n’est une publicité d’emploi ?

J’ai donc lu les plus grands classiques du copywriting (The Boron Letters, Scientific Advertising, The copywriters Handbook, On advertising) pour extraire leur héritage et le transposer dans le recrutement.

Mais c’est fou de devoir faire ça ! Je n’aurais jamais dû avoir à faire cette transposition, elle aurait dû exister.

En plus, je ne te l’ai pas dit, mais j’ai arrêté d’être recruteur à temps plein après 2 ans. Donc quand je te dis que j’ai fouillé le copywriting c’est parce que j’étais déjà formateur en recrutement et que donc j’avais beaucoup de temps à consacrer à ma montée en expertise.

Je n’aurais jamais pu le faire si j’avais été recruteur à temps plein. Si tu recrutes à temps plein c’est normal de ne pas avoir le temps d’avaler des dizaines de livres d’une autre discipline pour ensuite les transposer.

C’est un pur gâchis. Je suis sincèrement en colère en l’écrivant. Je ne te dis pas ça uniquement parce que je vais te vendre quelque chose et que ce texte est copywrité. Si je suis formateur c’est parce que j’ai un amour énorme pour la connaissance et la transmission. Et là c’est vraiment l’inverse : c’est de la destruction de connaissance.

Alors, tu persévères et tu apprends en faisant des erreurs, comme moi.

Désolé à tous les candidats et candidates à qui j’ai demandé ce qu’ils feraient avec 10 millions d’euros ou combien de chiffre d’affaires une boulangerie génère en moyenne.

Tu perds ton temps avec les méthodes qui te parlent d’A-Players

Surtout quand elles ne sont pas écrites par des personnes qui ont été dans le monde du recrutement.

Elles sont remplies des biais des gens qui les écrivent. D’ailleurs, la plupart des startups qui ont appliqué cette méthode ont des photos d’équipes où la diversité démographique est cruellement absente. Pour le dire avec diplomatie.

Tu vas mettre énormément de temps avec les études scientifiques

+ les livres d’universitaire

Je veux redire ma profonde gratitude aux gens qui écrivent des livres comme L’entrevue structurée. Mais je sais que la plupart des gens n’ont pas le temps de s’y plonger autant qu’il faudrait.

Merci à toutes les personnes qui font de la recherche en psychologie du travail et qui nous fournissent des études incroyables. Mais c’est très dur de lire une étude quand on n’a pas l’habitude. C’est même dur de se les procurer.Google Scholar est ton ami si tu veux essayer.

Ou alors tu fais avec ton bon sens mais…

…c’est super dangereux. C’est dans le bon sens que se niche la discrimination. Par exemple, est-ce que tu savais qu’on avait tendance à poser beaucoup plus de questions de type culture fit (le fameux si important dans les livres comme Who) aux personnes qui ne sont pas des hommes blancs ?

Ou alors qu’on avait tendance à valoriser les loisirs pratiqués par les CSP+ ? Par exemple Rugby versus Rap ou Couture.

Pire encore, les études nous montrent à quel point nous décidons de recruter ou non une personne entre le moment de la salutation et le moment où elle s’assied sur la chaise ? Avant même que le moindre mot d’entretien ne soit prononcé.

Le recrutement ne devrait pas s’improviser

J’ai mis presque 12 ans mais j’ai fini par faire le tri entre les traditions et l’héritage scientifique du recrutement. Car il existe : on peut trouver des écrits de personnes qui ont mis au point des méthodes fondées sur la science et non leur intuition.

On peut retrouver des psychologues qui ont écrit sur le recrutement avant la première guerre mondiale, pour aider les armées à recruter les bonnes personnes en vue de la guerre.

On peut rassembler les pépites du copywriting, qui viennent elles-mêmes des psychologues du début du 20ème siècle.

D’ailleurs c’est Tania qui me l’a appris récemment. Car, moi, j’ai lu des livres des années 60 pour qui des modèles comme AIDA (Attention – Intérêt – Désir – Action) étaient un héritage si lointain qu’ils ne savaient pas redire que ça venait à la base d’un scientifique. Je ne te cache pas que j’ai été jaloux en le découvrant : pourquoi le monde du marketing a su se transmettre un bon héritage et pas nous, le monde du recrutement ?

On peut aller écouter les personnes les plus expertes du Sourcing dans des conférences comme le SOSU (Sourcing Summit)…Mais moi ça m’a pris 12 ans.

12 ans pour rassembler une méthode complète. Non pas inventée, mais bien retracée. Cet héritage n’est pas le mien. C’est celui que je veux transmettre : pour rétablir la chaîne qui a été rompue un jour.

Aux nouveaux recruteurs, je veux léguer une méthode qui permettra de ne plus improviser.

Aux recruteuses déjà expérimentées je veux léguer quelque chose pour faire l’inspection de leur propres pratiques. Remettre en question pour garder ce qui est éprouvé et désapprendre le reste.

La méthode que je te transmets…

… te permettra de gagner le respect des managers pour qui tu recrutes. Car, pourquoi nous respecteraient-ils alors que nous improvisons ?

Mais ce n’est pas tout : tu vas aussi trouver de quoi vaincre ton déficit de légitimité. C’est par l’apprentissage que l’on retrouve à la fois fierté et plaisir dans son métier.Et, surtout, tu l’auras compris : tu vas t’éviter de tâtonner douze ans, comme moi.

Un condensé de 320 pages pour poser ou rénover les fondations de ta maison

J’ai écrit un livre qui retranscrit cet héritage de méthodes. Ça s’appelle Le recrutement ne s’improvise pas.

J’ai eu à coeur de faire quelque chose de simple et accessible, malgré la complexité et la richesse de la science du recrutement. Afin de trouver l’équilibre entre fondé sur la science et réaliste dans un quotidien.

Je ne sais pas si j’ai réussi car c’est très dur. Je suis un peu frustré de n’avoir consacré que 40 pages en moyenne par chapitre. 40 pages pour parler de sourcing c’est très court : j’aurais pu écrire un livre entier. Idem pour l’entretien. Mais c’est à ce prix que je peux proposer quelque chose d’accessible et pas un pavé énorme de 1000 pages.

D’ailleurs, la première version de ce livre faisait 500 pages, et c’est mon éditeur qui m’a aidé à tailler dans le vif pour garder uniquement l’essentiel.

Si tu veux te le procurer, c’est par ici :

Sinon, dans une librairie, faut taper ‘Le Recrutement ne s’improvise pas‘ dans Google et choisis celle qui te conviendra 🙂

J’ai fait toutes les erreurs possibles

Puis j’ai été formateur en recrutement. Or, la meilleure manière d’apprendre c’est d’enseigner. Parce que ça oblige à être très solide sur ses appuis. Car un public de formation est intraitable. Même si les gens sont bienveillants ils poseront immanquablement le plus de questions sur la zone que le formateur maîtrise le moins.

J’ai formé plus de 3 000 personnes en présentiel. Donc forcément des objections j’en ai entendues. Parfois… les salles avaient raison et j’ai dû aller chercher où était mon erreur. Parfois c’est juste que je n’explique pas assez bien et j’ai dû aller chercher de meilleurs arguments pour les convaincre. Jusqu’à ce que ça fasse mouche.

Puis il y a eu un point de bascule : quand on m’a demandé de créer un programme de 420 heures pour une année d’alternance en recrutement.

Forcément ça demande d’approfondir encore plus les sujets. Je suis passé d’enseigner l’entretien structuré en une journée à devoir l’enseigner en une semaine. Et là, ça ne pardonne pas : c’est comme zoomer sur une photo.

En une journée ça allait. Mais en une semaine j’ai dû faire des journées sur des points qui me prenaient avant 1 heure. Et, du coup, on a vu le flou. Mes premiers élèves m’ont dit, au milieu de la semaine sur l’entretien structuré Nicolas on ne comprend rien. Alors j’ai dû tout refaire un mardi soir pour simplifier et clarifier.

Vraiment, avoir des élèves en alternance ça a été ma salle du temps (si tu as la rèf) : l’endroit où j’apprends en accéléré.

Mais concrètement il y a quoi dans le livre ?

J’ai organisé le chapitre en 9 chapitres. En suivant grosso modo l’ordre d’un process de recrutement. Chaque chapitre est un verbe.

  1. Penser

Je pose les bases des principes philosophiques qui guident ma vision du recrutement. Par exemple pourquoi je pense que le mépris pour le sourcing, bien que répandu, est extrêmement dangereux pour la profession.

  1. Exister

C’est le chapitre que tu peux sauter si tu as de l’expérience. Dedans je reprends les bases sur pourquoi ce métier existe. Car, il y a énormément d’entreprises (parmi les PME) où ce métier n’existe pas. 

  1. Se connaître

Pour savoir qui chercher il faut savoir qui on est en tant qu’entreprise. Quelle est notre culture ? Au-delà des mots vides de sens que l’on peut trouver sur les sites web. Puis, il faut connaître le besoin du manager pour qui on recrute en faisant un brief complet.

  1. Chercher

Le nerf de la guerre : le sourcing. C’est dur de faire un contenu intemporel sur cette partie car beaucoup de choses changent côté outil (et une partie est déjà périmée suite à une énorme réforme de LinkedIn). Mais j’ai quand même fait de mon mieux pour expliquer la philosophie, les grands principes qui te permettent ensuite d’aller t’améliorer par toi-même.

  1. Captiver

Comment faire quand on parle à une audience de plusieurs personnes ? Le copywriting et la psychologie sociale nous donnent la réponse. Je dis parle mais je devrais plutôt dire écrire. On développe une écriture qui nous permet de booster l’efficacité de nos annonces.

  1. Convaincre

Comment faire quand on parle à une seule personne ? La vente et la psychologie nous éclairent sur la réponse. Avec un petit passage sur les fondamentaux de la négociation de l’école d’Harvard.

  1. Choisir

Comment faire un entretien qui se repose sur autre chose que son intuition ? Comment choisir les personnes qui seront performantes en poste plutôt que les personnes qui sont des bonnes candidates ? Comment choisir les personnes performantes en poste plutôt que les personnes diplômées ?

  1. Soigner

Dur de traduire le concept anglais de care. Mais c’est fondamental de continuer à bien traiter les candidat·es. J’interroge la notion d’expérience candidat calquée sur celle d’expérience client (un bon début) pour pousser la différence : les candidat·es ne sont pas des client·es. On doit donc leur apporter avant tout de la justice. Ou plutôt diminuer le sentiment d’injustice.

  1. Gagner

Je tenais à finir par une note autour de la posture individuelle. Comment lutter cotre le syndrome de l’imposteur ? Comment se faire respecter sans blesser les autres ?

Rappel ! tu peux te procurer le livre sur les liens là-dessous 👇

Sinon, dans une librairie, faut taper ‘Le Recrutement ne s’improvise pas‘ dans Google et choisis celle qui te conviendra 🙂

Encore plus concrètement, y’a quoi dans Le recrutement ne s’improvise pas ?

Quoi ? Tu veux encore plus de détails ? Ok, ok…

  1. Penser
  • Tu comprendras pourquoi l’obsession pour les nouvelles choses est un piège
  • Tu découvriras pourquoi ton rapport négatif au sourcing peut t’envoyer dans le mur et pourquoi c’est crucial d’avoir au moins quelques bases en sourcing
  • Tu n’oublieras plus jamais que les bons candidats ne sont pas forcément les bons professionnels
  • Tu comprendras pourquoi “un recruteur ne recrute jamais vraiment” 
  • Tu arrêteras de dire que le recrutement c’est du commercial, du marketing ou autre chose. Le recrutement c’est du recrutement. À part entière.
  • Tu découvriras pourquoi les candidat·es nous en veulent autant pour éviter de faire partie des pires pratiques
  1. Exister
  • Faut-il des recruteurs et des recruteuses ?
  • La différence entre faire la cuisine et être cuisinier
  • L’ensemble de compétences pour bien recruter
  • Les plus grosses difficultés de ce métier
  • Panorama des canaux de recrutement
  • La galaxie des acteurs du recrutement
  1. Se connaître
  • Tu découvriras ce qu’est vraiment la culture pour ne plus rester dans le vague et le flou
  • Tu comprendras les pièges qui nous amènent à décrire la culture de manière déclarative au lieu de la décrire de manière véridique
  • Tu auras enfin le fin mot sur ce qu’est la personnalité au sens scientifique pour arrêter de faire des tests de personnalité qui sont aussi fiables que l’astrologie
  • Tu feras le lien entre personnalité et culture d’entreprise. Probablement pas celui que tu crois
  • Tu apprendras comment on clarifie une promesse employeur pour éviter d’embrouiller les candidat·es
  • Tu auras en tête les 4 grandes catégories d’informations à aller chercher impérativement dans ton brief avec le manager ou le client
  1. Chercher
  • Tu reconnaîtras le type de sourcing adéquat selon ton contexte
  • Tu sauras te repérer à travers 7 étapes
  • Tu découvriras l’étape que la plupart des gens ignorent mais qui fait la différence
  • Tu feras le lien entre ton brief et la qualité de ton sourcing
  • Tu solidifieras les concepts techniques dans ta tête pour que ta main tape les recherche sans peine sur le clavier
  • Tu auras les bases des opérateurs booléens pour dialoguer avec un moteur de recherche
  • Tu pourras analyser un site et le scanner
  • Tu sauras comment faire pour obtenir l’email professionnel de n’importe qui (avec environ 66% de chances de succès)
  • Tu éviteras l’erreur principale des préqualifications téléphoniques
  1. Captiver
  • Tu auras une leçon accélérée de ce qu’on voit dans une licence de psychologie sur les leviers de manipulation
  • Tu seras capable d’écrire comme les publicitaires pour dynamiser tes annonces
  • Tu auras une structure toute faite et prête à l’emploi pour tes annonces
  • Tu comprendras qu’il y a deux ingrédients secrets (et seulement deux) pour réussir ton annonce
  • Tu découvriras les deux grandes familles de message d’approche
  • Tu ne relances pas assez. Tu passes à côté d’un moyen facile pour booster ton efficacité.
  1. Convaincre
  • Tu découvriras les 5 étapes de la vente et pourquoi il ne faut en sauter aucune
  • Tu comprendras le concept scientifique de la motivation et les 2 piliers les plus important pour la créer
  • Tu auras un secret simple mais peu exploité de la conviction
  • Tu auras un secret simple mais peu exploité de la conviction
  • Tu auras un secret simple mais peu exploité de la conviction
  • Tu auras un secret simple mais peu exploité de la conviction
  • Tu auras un secret simple mais peu exploité de la conviction
  • Ok normalement t’as compris la blague : le secret c’est la répétition
  • Tu sauras comment finaliser ton offre et équilibrer les intérêts du manager comme du candidat
  • Tu apprendras les fondamentaux de la négociation même si tu n’aimes pas ça
  1. Choisir
  • Tu te poseras la question de ce qui fait une bonne ou une mauvaise évaluation
  • Tu feras connaissance avec Sophie, qui fait un entretien “normal”
  • Tu préfèreras Julie, qui fait un entretien “bien plus efficace”
  • Tu découvriras que ce process d’entretien s’appelle l’entretien structuré
  • Un entretien structuré qui n’est pas comportemental n’est pas structuré
  • Le choix des critères deviendra une seconde nature : tu sauras comment les faire “accoucher” correctement par le manager ou le client
  • Tu sauras comment on conduit un entretien en protégeant l’estime de soi des candidats mais aussi en recueillant toutes les informations dont tu as besoin
  • Tu rédigeras des compte-rendu d’entretien efficaces pour faciliter la décision
  1. Soigner
  • On a un énorme problème dans notre soin aux candidat·es, ça ne peut pas durer
  • Prendre le problème petit à petit, sans se culpabiliser
  • Une technique pour répondre à tout le monde sans trop d’effort
  • Tu découvriras pourquoi il faut remplacer le non par le pas maintenant
  • Tu comprendras pourquoi l’analogie avec l’expérience client a une grosse limite 
  • Tu auras les 12 solutions contre cette grosse limite
  1. Gagner
  • Tu comprendras si tu aimes ce métier ou pas
  • Tu découvriras pourquoi il est important de continuer à prendre soin des candidat·es…
  • … sans oublier que c’est le manager ton client
  • Tu apprendras à mettre ton travail en valeur sans te sentir comme un·e escroc
  • Tu n’oublieras pas que les KPI peuvent te sauver dans la bataille
  • Tu apprendras la communication qui permet de t’affirmer sans blesser, avec diplomatie (oui, si tu me connais tu as peut-être rigolé, j’ai dû me former pour écrire cette partie).
  • Tu feras des pompes et des abdos pour ton cerveau afin de te solidifier 
  • Je ne te dis rien sur la toute fin, pour ne pas te spoiler

Pour 29€ tu peux économiser des années de recherches

Pour écrire ce livre j’ai relu 21 livres qui sont donc dans la bibliographie. Ça veut dire que je peux te faire “économiser” environ 400€ (ce que tu aurais payé pour avoir tous ces livres).

Mais surtout, si jamais je devais t’enseigner tous ces sujets en individuel, je te demanderai environ 3 000€ (c’est le prix d’un accès à notre formation en ligne).

Là, tu peux l’avoir en 100 fois moins cher. Alors… bien sûr, c’est toujours mieux une formation car je vais plus en détails et que je te prends par la main. Alors qu’un livre te demande de t’autodiscipliner pour le finir.

Mais ça peut être un bon compromis.

Où le trouver ?

Dans les endroits habituels :

Sinon, dans une librairie, faut taper ‘Le Recrutement ne s’improvise pas‘ dans Google et choisis celle qui te conviendra 🙂

Pourquoi les entreprises échouent à définir leur culture ?

Quand je demande à des recruteurs et des recruteuses de me décrire la culture de leur entreprise, j’ai quasiment toujours le même réflexe. À savoir un trio ou quatuor de valeurs en un seul mot.

Quelque chose comme : bienveillance, innovation et esprit d’équipe.

On peut d’ores et déjà s’interroger sur le problème de résumer la culture aux valeurs. Mais admettons. Ce qui est frappant c’est qu’on me les donne rarement d’une traite. Je vois plutôt la salle accoucher douloureusement :

Ah oui attends… on a des valeurs sur le site
– Oulah mais moi je connais pas par coeur
– Je crois que y’a “bienveillance” dans le lot
– C’est bon ! J’ai trouvé, c’est sur le site : bienveillance, innovation et esprit d’équipe

Pourquoi ce n’est pas efficace ?

Photo de Kind and Curious

Si on oublie le fait que ce sont souvent des valeurs décidées d’en haut et qu’elles manquent d’appropriation sur le terrain, demeurent plusieurs problèmes à décrire les valeurs en un seul mot. J’en vois principalement trois.

Problème #1 : c’est trop flou

Le premier souci tient au fait que c’est beaucoup trop vague. Par conséquent, pour le même mot, on va avoir des interprétations différentes. Par exemple, je ne sais plus combien de personnes m’ont dit que dans leur culture il fallait des gens qui ont du leadership.

Certes, mais c’est quoi le leadership ? C’est là que ça se complique : on me donne autant de définitions différentes que de personnes.

Chaque personne va interpréter selon sa sensibilité. D’autant que les valeurs sont souvent des mots vagues. On a rarement des valeurs affichées comme “féminisme” ou “radicalité”. Quelque chose qui aurait au moins le mérite d’être fort et d’avoir une connotation affirmée. Non, les valeurs sont toujours des mots les plus déchargés en sens possibles. On dira plutôt “diversité”.

Donc, non seulement, on se limite à un mot mais en plus on choisit des mots de langue de bois. Les plus creux possibles.

C’est un paradoxe : la culture est censée être ce qui nous différencie des autres. Alors pourquoi l’exprimer avec des mots creux ?

Problème #2 : on ne prend pas la peine de prouver

C’est bien beau de dire qu’on a une culture de la bienveillance. Mais concrètement ça se répercute comment ? Comment on fait pour s’assurer qu’il s’agit bien d’une valeur opérante et non pas seulement d’une valeur déclarée ?

Si je donne juste le mot sans l’appuyer par un chiffre, une statistique, des anecdotes, des rites, des méthodes de travail, des récompenses, des sanctions… je parle dans le vide.

Photo de Patrick Fore

J’adore dire que je devrais faire du sport. Si on me demandait de faire mes valeurs de vie je dirais qu’il faut faire du sport.

Pourtant…

… je n’en fais pas !

Il faut réussir à développer une lucidité collective sur ce qu’on est. À l’échelle de l’individu, Hegel disait que l’être humain n’est que la série de ses actes. Et bien c’est pareil à l’échelle collective : la culture de l’entreprise n’est que la série de ses actes.

Je peux dire et même croire que je suis une personne bienveillante. Mais si tous mes actes le contredisent…

Je peux dire et même croire que je suis une entreprise qui favorise la diversité. Mais si je n’ai aucun acte pour l’appuyer ? Aucune récompense de comportements qui vont dans le bon sens, aucune sanction pour les comportements qui vont à l’encontre…

Problème #3 : les valeurs sont les mêmes mots partout

C’est probablement le plus désastreux. Non seulement on choisit des mots vagues sans les appuyer par une preuve mais en plus on choisit les mêmes mots que tout le monde. Quand on regarde les sites des entreprises du CAC 40 ce sont les mêmes valeurs qui reviennent en permanence : respect, esprit d’équipe, innovation, bienveillance…

Là encore… comment se fait-il qu’on dise la même chose alors que la culture est censée être ce qui nous différencie des autres ?

Solution #1 : préciser le mot avec des phrases

Photo de Finn Mund

Pour éviter cet écueil je propose toujours en formation de faire l’effort de décrire les valeurs en phrases. De ne surtout pas se limiter à un mot. Et ça devient tout de suite beaucoup plus intéressant.

Plutôt que de dire leadership, on va développer ce que ça veut dire pour nous. Comment ça se répercute, comment ça se déploie et aussi les problématiques que ça soulève.

Car il n’existe pas de valeurs sans problématique. Une valeur a des avantages et des inconvénients. Il faut donc essayer de bien développer les inconvénients quand on décrit la valeur.

Voici un exemple tiré du document qui décrit les valeurs de LEDR et que j’ai moi-même écrit :

TU ES TOTALEMENT LIBRE DONC RESPONSABLE

Qui que tu sois, tu as une mission. Que ce soit dans ton lit ou au bureau, tu pourras travailler comme tu veux, où tu veux, à l’heure que tu veux, dans la tenue que tu veux.Avec la confiance, vient donc la liberté. C’est le résultat qui compte. Or, depuis Spider-man, tout le monde sait qu’avec un grand pouvoir vient de grandes responsabilités. Ta responsabilité est à la mesure de ta liberté : totale. Interdiction de rejeter la faute sur les autres : tu es libre et responsable.

Je ne me suis pas contenté de dire “Valeur : liberté”. Je détaille ce que j’entends par là. C’est important car ça délimite le périmètre. On voit que la liberté ici c’est surtout dans la manière de travailler.

Mais surtout, je donne immédiatement la limite : si tu es libre, tu es responsable. Tu ne pourras pas te défausser sur quelqu’un d’autre quand quelque chose ne marchera pas.

D’autre part, j’ai écrit ce texte au tout début quand on était encore que 4. Maintenant qu’on est 15 et que j’ai plus de recul, je rentre encore plus dans les détails pendant mon entretien culturel avec les candidat·es qui postulent chez nous.

Je leur explique notamment que cette culture de la liberté a un effet secondaire que je n’avais pas anticipé : c’est une culture qui favorise la solitude. En effet, si tout le monde peut venir au bureau quand il veut, c’est dur de trouver quelqu’un au bureau au même moment que soi.

Autre effet secondaire : les personnes qui ont besoin de beaucoup de cadre se noient très vite chez nous.

Solution #2 : apporter les preuves qui étayent et concrétisent la valeur

Photo de thom masat

Une fois qu’on a compris comment développer la valeur en phrases plutôt qu’en un mot il faut se poser la question de sa réalité. Est-ce que ce je viens de décrire est réel ?

Est-ce ce qu’il se passe vraiment ou ce que j’aurais aimé qu’il se passe ?

Encore une fois suis-je dans une valeur déclarée ou une valeur opérante ?

Pour le savoir il faut prendre un peu de recul, avoir de la lucidité collective. On peut également se servir des avis que l’on trouve sur des sites comme Glassdoor qui vont faire des retours qui valent ce qu’ils valent mais qui ont le mérite d’exister et d’alerter.

Il va falloir mener l’enquête : est-ce que la valeur se répercute ? Comment ? On peut aller regarder du côté des récompenses et des sanctions mais également du côté des manifestations “physiques” et rituels.

Par exemple, si je reprends la valeur précédente de la liberté, elle se concrétise chez nous de plein de manières différentes. Mais celle qui est la plus marquante est la politique des congés illimités sans validation requise.

Cette preuve est importante car elle interpelle et pousse les candidat·es à poser des questions. Pareil pour les personnes qui viennent de nous rejoindre, pendant leur intégration.

Une bonne preuve se manifeste dans le quotidien des personnes qui travaillent dans l’entreprise. Ce n’est pas quelque chose d’abstrait. Une bonne preuve soulève des questions et est l’occasion de débattre et transmettre.

Prenons un autre exemple toujours tiré du document de nos valeurs :

DIS LES CHOSES

Exprime-toi… avec ou sans bienveillance, avec ou sans tact, avec ou sans émotion. L’important c’est de se dire les choses, sans barrière. Tu as peur ? Tu es en colère ? Dis-le. En individuel, ou à plusieurs. Mais dis-le. On ne t’en voudra jamais de dire. Par contre on t’en voudra de ne pas dire. Rien n’est évident, rien ne va de soi… les autres ne sont pas des autres toi.

Attention, si tu dois dire les choses ça veut dire qu’il faut également pouvoir entendre les choses que disent les autres. Attention, si tu dois dire les choses ça veut dire qu’il faut accepter la vulnérabilité qui va avec. Attention, si tu dois dire les choses ça veut dire qu’il faut les assumer.

Enfin, viendra le moment où tu douteras. Tu te diras « j’aurais mieux fait de ne rien dire ». Tu auras tort : il vaut mieux dire que ne pas dire, dans tous les cas. Tu ne vas pas le croire en le lisant mais je t’avertis : la plupart des gens croient qu’ils ont trop communiqué alors qu’ils n’ont pas assez communiqué.

Là encore, on a une valeur qui est décrite plus longuement qu’un mot. Je ne me contente pas d’écrire Valeur : franchise. J’explique ce que j’entends par là. Et je prends le temps de rendre un arbitrage. La notion d’arbitrage est très importante car la culture c’est justement ce qui permet de faire des choix dans les moments difficiles mais aussi dans la vie normale de l’entreprise.

Bien entendu que tout le monde préfère un endroit où on dit les choses avec douceur plutôt qu’un endroit où tout le monde se tait. Mais quand y’a dilemme on fait quoi ? Quand il faut arbitrer entre un endroit où on dit les choses même brutalement, même sans mettre les forme ou un endroit où on préfère ne pas dire quelque chose si ça peut blesser, que choisit-on ?

Il n’y a pas de choix supérieur à un autre. Mais il faut faire un choix.

C’est un peu comme les gens qui vous disent qu’ils veulent faire un travail passionnant et bien payé. Sans blague. Mais la vraie question c’est quand le dilemme arrivera, que choisir ? Certaines personnes favoriseront un job passionnant même si c’est moins bien payé, d’autres favoriseront l’inverse.

Le mieux c’est de ne jamais avoir le dilemme, certes. Mais c’est l’arbitrage qui va définir le caractère.

Mais revenons à la notion de concrétisation de la valeur. Comment se concrétise la valeur dis-les choses chez nous ?

Et bien déjà au quotidien, les gens parlent ouvertement dans la messagerie interne (Slack). Mais surtout dans nos réunions mensuelles d’équipe, chaque fois qu’on accueille une nouvelle recrue c’est toujours le même feedback : wow je viens déjà d’arriver qu’on parle des comptes de la boîte, de ce qui va pas, avec tout le monde qui donne son avis etc.

Pourtant… on échouait à déployer correctement cette valeur sur un point : jusqu’en 2020 les salaires étaient confidentiels. On a changé ça fin 2020 : on a voté pour une transparence totale des salaires.

Bah oui… comment on peut dire dis-les choses mais pas les salaires ? Qu’est-ce qu’on cache ? L’inconfort de certaines injustices liées au fait que certaines personnes gagnent un peu plus car elles ont mieux négocié à l’entrée ? Bon bah abolissons dans la foulée le concept de négociation individuelle : désormais on communiquera les salaires des entrants dès le début. Et, au passage, faisons des revalorisations salariales auprès des gens pour lesquels on se rend compte qu’ils sont sont payés car ils ne sont pas doués en négociations.

On n’est pas parfaits et on travaille encore dessus. En deux ans d’application on a échoué à plusieurs reprises à être transparents sur les nouveaux entrants, par habitude. Mais on en a reparlé à la dernière réunion et on va continuer à s’imposer cette rigueur.

Solution #3 : se sortir du piège de l’universel


Si tu as déjà été sur un site de rencontres alors tu as remarqué que la plupart des profils sont identiques. Tu as des gens qui aiment : voyager, rigoler, voir leurs amis et boire des verres en terrasse.

Super. Et moi j‘aime avoir du plaisir et j’aime moins avoir des douleurs.

Mais pourquoi on en arrive là ? Parce qu’on a peur de se positionner.

Pourquoi on a peur de se positionner ? Parce qu’on a peur du rejet. Pourquoi on a peur du rejet ? Non je rigole… a priori c’est évident ou alors ça va nous emmener en psychothérapie.

Le problème c’est que ça ne marche pas comme on croit. En étant vague on n’attire pas plus de gens, on attire moins de gens. C’est valable dans le monde des rencards : si on fait un rendez-vous avec une personne qui ne se positionne pas, c’est vite chiant. C’est valable dans le monde du recrutement : si l’entreprise a les mêmes valeurs vides que tout le monde c’est rébarbatif.

Ce qui attire est précis. Ce qui est précis attire.

Mais… il est également vrai que ce qui est précis repousse.

Sauf que… justement, le but est de repousser les personnes qui ne correspondent pas à ma culture. On ne veut surtout pas être la figure Jean-Jacques Goldman. Je dis bien la figure, il ne s’agit pas de juger la personne (que je ne connais pas), ni l’artiste.

Par figure Jean-Jacques Goldman j’entends ce truc de la personnalité préférée des français.


Photo de Joel Kappani

Pourquoi Goldman est encore, au moment où j’écris, la personnalité préférée des français (et ce depuis des années) alors qu’on ne le voit plus ? Bah justement. C’est parce qu’il ne s’exprime pas qu’il est la personnalité préférée des français.

Mais combien de gens sont vraiment fans de Goldman ? Je veux dire fans à se ruer en concert ? Beaucoup. Mais probablement pas plus que d’autres artistes qui sont détestés mais aussi adorés.

C’est ce qu’on oublie : les gens qui déclenchent vraiment une adhésion forte sont aussi les gens qui déclenchent un rejet fort. Ça marche de concert. Jeu de mot involontaire.

Alors que les gens qui font “l’unanimité”, le font toujours mollement.

Une bonne culture doit donc nous différencier des autres. Or, qui dit se différencier implique un clivage. Une bonne culture c’est une culture qui fait des choix que tout le monde ne fait pas. Une bonne valeur trace une ligne dans le sable avec des gens des deux côtés.


Photo de Emmeli M

Une bonne valeur sort du fantasme de la valeur universelle. D’autant plus que valeur universelle implique également valeur supérieure. Bah oui, s’il existe des valeurs qui font l’unanimité alors ces valeurs sont supérieures. C’est d’ailleurs pour ça que les entreprises aiment tant mettre “respect”, “intégrité” dans leurs valeurs. Parce que ce sont des comportements supérieurs.

Bien sûr que personne ne va se réclamer de la malhonnêteté.

Mais du coup… ce n’est pas une valeur. Il n’y a pas de culture supérieure à une autre. Un comportement supérieur n’est pas une valeur, c’est plutôt un idéal.

Prenons encore un exemple tiré du document de nos valeurs :

LA DÉMOCRATIE NE FONCTIONNE PAS EN INTERNE

On débat beaucoup car on a une passion française pour l’abstraction et la logique. Mais ne t’y trompe pas : à la fin les décisions ne sont jamais démocratiques. La dictature est le seul régime qui fonctionne dans une équipe de sport. Les joueurs de foot ne délibèrent pas de leur stratégie.

Souvent le débat est la preuve que personne ne veut prendre un sujet en main ou alors qu’on a pas assez travaillé. Et c’est pour ça que les volontés ne s’alignent plus. Mais à un moment quelqu’un se lève et dit « suivez-moi, on va aller là » ou alors le fait dans son coin tout seul puis le présente aux autres qui s’y rallient. Il faut toujours un dictateur éclairé pour avancer. Ceci est évidemment une règle interne, ne fais pas ça chez toi.

Je suis toujours étonné de voir le peu d’entreprises qui décrivent leur régime de décisions. La plupart des entreprises sont des dictatures, pas des démocraties. Mais elles ne le réalisent même pas. Attention, j’utilise ici le terme dictateur au sens qu’il avait par exemple dans la République romaine antique. À ne pas confondre donc avec le terme de tyran.

Ici on entend par dictature un régime où une seule personne est en charge de la décision.

Autre point qui n’est pas détaillé dans le document mais qui est détaillé dans l’intégration : aucune valeur ne peut exister seule. Elles vont toutes ensemble pour faire un cocktail. Parfois je vois des gens se focaliser sur une seule de nos valeurs et être dans l’incompréhension. Mais c’est normal, c’est comme si on prenait le gingembre d’un cocktail et qu’on le croquait directement. Ah bah c’est sûr que ça peut être infect.


Photo de HI! ESTUDIO

Ici c’est important de se rappeler que cette valeur s’imbrique avec dis-les choses et tu es libre et responsable.

Par conséquent, une seule personne prend la décision MAIS toutes les autres peuvent (et vont) parler, et il va falloir affronter ce débat en permanence. C’est quelque chose qui est parfois mal compris. Je dis à une nouvelle recrue : sur ton sujet tu as les plein pouvoirs. Puis elle fait n’importe quoi… les gens lui disent tu fais n’importe quoi là et la personne s’exclame mais c’est moi qui décide.

Alors, oui, certes. Mais si tu fais n’importe quoi alors tout le monde te dira que tu fais n’importe quoi jusqu’à ce que tu leur prouves l’inverse, et tu pourras pas l’empêcher.

De même, puisque nous sommes libres et responsables la notion de dictature se divise par sujet. Par exemple, sur les sujets commerciaux collectifs, le responsable commercial sera dictateur. Sur les sujets événementiels collectifs la responsable événementiel sera dictatrice.

Mais à l’échelle individuelle je vais être mon propre dictateur ou ma propre dictatrice. Voilà pourquoi personne ne s’immiscera jamais dans ma décision de prendre des congés à telle date. C’est mes congés, c’est moi qui décide.

Cette politique garantit justement la liberté. Aucun commercial ne pourra m’obliger à faire quelque chose que je ne veux pas en formation. À l’inverse, en tant que formateur je ne décide pas des prix auxquels les formations sont vendues. Je peux donner mon avis mais ce n’est pas moi qui décide.

C’est une valeur qui est parfois compliquée à comprendre parce que les nouvelles recrues vont avoir tendance à attendre une validation. Par exemple, si je recrute une personne responsable marketing ce n’est pas pour lui dire quoi faire, c’est pour qu’elle me dise moi quoi faire en marketing. Du coup, si elle attend une validation elle risque d’attendre longtemps.

D’ailleurs, tu te rappelles quand je te disais que toutes nos valeurs sont un cocktails et qu’elles s’agencent ensemble ? Et bien voilà une autre valeur qu’on a :

IL VAUT MIEUX S’EXCUSER QUE DE DEMANDER LA PERMISSION

Puisque la vitesse est la chose la plus importante, tu vas finir par casser des oeufs en faisant les choses.Mais ce n’est pas grave. Il vaut mieux guérir que prévenir. Je sais qu’on t’a appris l’inverse mais c’est faux. Il vaut mieux guérir que prévenir quand les erreurs ne sont pas vitales.

Je le répète une dernière fois : il vaut mieux guérir que prévenir. C’est seulement quand on est sur des sujets vitaux ou irréversibles qu’il vaut mieux prévenir que guérir. Et nous n’avons pas ce genre de sujet. Fais les choses. Attention. Ça ne te protège pas contre les remontrances car dans « il vaut mieux s’excuser » il y a le mot s’excuser. Mais personne ne t’en voudra d’avoir essayé quelque chose.

Par contre on peut vraiment t’en vouloir de n’avoir rien fait parce que tu attendais une permission. Et quand je dis vraiment c’est vraiment, vraiment. C’est une perte de temps et de vitesse.

Là encore, ça s’imbrique avec tout le reste : personne ne va t’imposer quoi faire sur ton expertise.

Tu ne peux pas combler tous les besoins

Photo de 愚木混株 cdd20

J’insiste : une bonne culture fait débat. Si personne ne débat pas de ta culture c’est parce que tu as énoncé quelque chose qui n’est pas une culture.

Une manière pour explorer ce concept c’est de cartographier les besoins professionnels possibles. Il y a plein de modèles là-dessus, mais un des modèles que j’aime beaucoup c’est le modèle Freya de Jobteaser (ceci n’est pas un post sponsorisé, c’est juste que c’est eux qui l’ont travaillé), inspiré notamment des 19 valeurs de Schwartz.

Si tu as reçu les emails de Tania, tu sais de quoi je parle. Si ce n’est pas le cas… et bien déjà n’hésite pas à t’abonner à nos emails où on partage plein de contenu très régulièrement. Et ensuite… voici un résumé.

Ce modèle est constitué de 18 besoins professionnels qui se répartissent en 5 grandes catégories. Les voici :

Catégorie A : Dispositions L’équilibre et le cadre de travail

  1. Indépendance : J’ai besoin d’être dans une organisation qui me laisse gérer mes priorités et mes tâches professionnelles tel que je le souhaite.
  2. Rythme de travail : J’ai besoin d’être dans une organisation qui me permet d’aménager mes horaires de travail tel que je le souhaite.
  3. Équilibre de vie professionnelle / personnelle : J’ai besoin d’être dans une organisation où ma vie professionnelle ne déborde pas sur ma vie personnelle.
  4. Rémunération : J’ai besoin d’être dans une organisation qui m’offre une rémunération importante pour le travail que j’effectue.

Catégorie B : Social La coopération et la bienveillance

  1. Respect et honnêteté – J’ai besoin d’être dans une organisation qui promeut la confiance et la transparence entre ses employé·es
  2. Collaboration – J’ai besoin d’être principalement sur des tâches collaboratives
  3. Soutien professionnel – j’ai besoin d’être dans une organisation où je me sens soutenu·e, écouté·e et aiguillé·e en temps voulu
  4. Ambiance amicale et chaleureuse – J’ai besoin d’être dans une organisation qui entretient une ambiance conviviale au sein de ses locaux

Catégorie C : Missions La stimulation et développement de soi

  1. Apprentissage : J’ai besoin d’être sur des projets où je peux apprendre et monter en compétences
  2. Aptitudes exploitées – J’ai besoin d’être sur des tâches où je peux exprimer ma créativité intellectuelle
  3. Défi – J’ai besoin d’être constamment stimulé·e dans mon univers professionnel

Catégorie D : Notoriété – La reconnaissance sociale et le statut

  1. Influence – J’ai besoin d’être à des positions de pouvoir dans mon environnement professionnel
  2. Progrès et technologie – J’ai besoin d’être dans une organisation qui favorise l’innovation et qui soit à la pointe des nouvelles technologies
  3. Renommée – J’ai besoin d’être dans une organisation prestigieuse et qui a une renommée nationale ou internationale
  4. Dynamisme – J’ai besoin d’être dans une organisation animée, qui propose diverses sources de divertissement à ses employé·es

Catégorie E : Sociétal L’engagement social et environnemental

  1. Engagement social – J’ai besoin d’être dans une organisation dont l’objectif principal est d’aider les autres
  2. Engagement environnemental – J’ai besoin d’être dans une organisation soucieuse de l’environnement
  3. Justice sociale – J’ai besoin d’être dans une organisation qui promeut l’égalité des droits



Ce que tu peux faire dès à présent c’est réfléchir à ton propre top 3 ou top 5 de besoins professionnels. Qu’est-ce qui est le plus important pour toi ? Puis tu peux demander à des collègues de faire pareil et de voir si vous avez des recoupements.
Grâce à ces recoupements vous pourrez en déduire les éléments qui sont propres à la culture de votre entreprise. À l’inverse, vous pourrez également faire ressortir quels besoins ne sont volontairement pas couverts par votre culture.

Par exemple dans le cas de mon entreprise, nous somme une PME, donc nous ne cherchons pas à couvrir le besoin #14 : J’ai besoin d’être dans une organisation prestigieuse et qui a une renommée nationale ou internationale.

Alors qu’à l’inverse, comme on l’a vu plus haut, notre culture essaie de couvrir le besoin #2 : Rythme de travail : J’ai besoin d’être dans une organisation qui me permet d’aménager mes horaires de travail tel que je le souhaite.

En résumé

Photo de Alexander Kaufmann

Il faut arrêter le jeu des valeurs en un mot. Parfois j’ai l’impression d’être dans un pyramide géant ! Est-ce que c’est un concours et personne m’a mis au courant ? Si c’est le cas merci de me prévenir s’il vous plaît, je me sens super seul. Est-ce que si je dis une valeur en deux mots je suis éliminé ? Si je définis la valeur, je perds des points ?

Quand tu analyses la culture de ton entreprise, essaie de faire des phrases pour limiter le plus possibles l’interprétation. De préférence en se débarrassant de la langue de bois pour avoir un propos précis.

Mais surtout il faut assumer qui on est en tant qu’organisation et ne pas se limiter à des grandes déclarations vagues. Bien sûr, je comprends pourquoi les services juridiques des multinationales mettent la pression pour que les valeurs soient vague sur le site. Mais nous ne sommes pas obligé·es de les reprendre en interne.

J’entends que ça soit ce qu’on montre à l’externe pour ne pas avoir de bad buzz avec la presse par exemple. Mais en interne il est important d’avoir conscience de ce que sont nos vraies valeurs.

Enfin, il faut réussir à prouver. Une valeur sans preuve, sans manifestation n’est pas une vraie valeur. Si ma valeur c’est l’égalité hommes-femmes et que je n’ai rien pour la mesurer, aucune sanction pour les gens qui s’y opposent… je n’ai pas une valeur, j’ai une déclaration politicienne.

Si ma valeur c’est l’esprit d’équipe mais que mes commerciaux sont rémunérés avec un variables individuels… je n’ai pas une valeur, j’ai une déclaration politicienne.

Si ma valeur c’est la transparence mais que les informations stratégiques sont cachées… je n’ai pas une valeur, j’ai une déclaration politicienne.

En tout cas, si tu veux te former à mettre en valeur ta culture dans tes annonces, tu peux le faire avec nous 🙂

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7 choses que j’ai apprises à la NCDR Paris

NCDR Paris : 7 choses que je retiens

Comme chaque année (hors covid) depuis 2013 j’étais à la NCDR Paris. Ça fait bizarre d’écrire ça. J’ai dû vérifier que je ne me trompais pas sur la date.

Je reviens d’une session intensive de sourcing sur moi-même pour retrouver des traces de mes présences aux éditions précédentes. Quand les NCDR Paris s’appelaient encore #TruParis

Et le moins qu’on puisse dire c’est que j’ai un poil changé…

Je n’ai notamment plus de chapeau. Et plus de cheveux. Mais, cette année j’ai gagné une casquette au change :

Mais un truc n’a pas changé : cette ambiance démocratique où on donne la parole à tout le monde.

Trêve d’introduction, cette année j’ai décidé de faire un retour très bref. L’inverse de l’an dernier où j’ai fait un compte-rendu détaillé de chaque session à laquelle j’ai participé. Pour ne retenir vraiment que le meilleur, ce qui m’a vraiment marqué.

Comment faire passer mon oubli de prendre des notes cette année pour une stratégie préméditée. Et j’ai beau le savoir, c’est fou comment on oublie rapidement ce qu’on voit pendant une journée.

Disons que c’est ce que j’aurais tweeté si le Twitter recrutement game existait encore. Je me rappelle des éditions où on se servait du nombre de tweet comme un indicateur de l’activité de l’événement.

Y’a même des années où #TruParis était en trending topic France sur Twitter, à mi-journée, c’est-à-dire que le sujet était mis en avant parce qu’il faisait partie des 10 sujets sur lequel on tweetait le plus en France.


Je me retrouvais à devoir expliquer à des gens de l’extérieur « c’est quoi ce truc ». On est loin de ça désormais, puisque NCDR Paris a généré 7 tweets en 2022, et … zéro cette année.

#1 | Une tactique pour contourner un manager qui veut ouvertement discriminer

Mon moment le plus marquant de la journée c’est quand Carole David a décrit une technique qu’elle utilisait pour contourner un manager qui ne voulait pas recruter de femme à un poste.

Elle a commencé par ignorer totalement sa remarque pendant le brief. Elle a vraiment fait comme s’il n’avait rien dit. Puis, elle est revenue vers lui plus tard dans le recrutement avec un profil féminin.

Et elle lui a dit « je sais que tu es quelqu’un d’ouvert d’esprit, je sais que ce profil ne serait pas passé avec un autre manager… »

Ça a marché.

J’ai trouvé ça fou. Ça a l’air simple : c’est juste une phrase mais je trouve ça brillant à plusieurs niveaux.

Premièrement ça utilise une technique que j’ai découverte pour la première fois dans un livre qui s’appelle Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens.

Cette technique c’est l’étiquetage : qualifier la personne avec l’adjectif qui décrit le comportement que l’on veut observer.

Malheureusement, je n’ai plus l’exemplaire du livre chez moi, et il n’existe pas de version Kindle. Donc je ne peux pas te retrouver le passage exact du livre mais heureusement GPT et Google Scholar (pour vérifier qu’il dit pas n’importe quoi) existent :

« Oui, vous avez raison. Dans cette étude de Miller, Brickman et Bolen (1975), il y a eu plusieurs expériences, et l’une d’entre elles concernait un test de mathématiques.

Dans cette expérience particulière, des étudiants ont été informés qu’ils avaient été identifiés sur la base de leurs tests précédents comme ayant une capacité particulière pour les mathématiques. C’est un exemple d’attribution positive (ou d’étiquetage). Après cette attribution, les étudiants devaient passer un test de mathématiques.

Ce qui était intéressant, c’est que les étudiants à qui on avait attribué cette compétence en mathématiques ont mieux performé au test que ceux qui n’avaient pas reçu une telle attribution, malgré le fait qu’il n’y avait en réalité aucune différence préalable entre les groupes en matière de compétence mathématique.

Cette expérience illustre la puissance des attentes et de l’étiquetage. Lorsque les gens croient qu’ils ont une compétence particulière ou qu’on attend d’eux qu’ils excellent dans un certain domaine, ils sont plus susceptibles de faire des efforts supplémentaires et d’obtenir de meilleurs résultats. Cela est souvent lié à la théorie de l’effet Pygmalion (ou l’effet des attentes élevées), où les attentes d’une personne concernant une autre peuvent influencer la performance de cette dernière.”

J’ai beau le savoir : mon cerveau refuse d’accepter que ça puisse marcher. Enfin… si … pour augmenter l’estime de soi d’une personne.

Mais je n’aurais jamais même pensé à dire à quelqu’un de discriminant « je sais que tu es quelqu’un d’ouvert« .

Deuxième raison pour laquelle j’ai trouvé la tactique bien pensé c’est que la plupart des gens ont un niveau de honte à exprimer leur discrimination. Tout le monde n’a pas le même niveau et malheureusement trop de langues se délient en ce moment. Mais même la personne la plus discriminante va avoir une certaine retenue sur ce qu’elle peut dire en public.

Donc ça renforce la puissance de l’étiquetage : en faisant ça Carole a cassé directement l’effet double-language.

Pour qu’il obtienne son recrutement discriminant il se retrouve obligé d’insister malgré le sous-entendu.

Enfin, le fait d’ignorer sur le coup et d’attendre un laps de temps conséquent permet de renforcer l’effet de la phrase puisque chaque partie peut garder la face en faisant comme si elle avait oublié. Mieux encore, on laisse un doute : si ça se trouve Carole n’avait même pas compris la demande… et alors il se retrouverait très bête à la réitérer maintenant.

Alors qu’il pourrait rentrer en rébellion si c’était une désobéissance frontale.

Bref, je vais la tester dès que je peux !

#2 | Ada Tech School

Il existe une école qui met l’accent sur le fait de former des développeuses : Ada Tech School. Je n’en avais jamais entendu parler.

La fondatrice a pensé cette école comme une école inclusive qui va former au métier. Les hommes peuvent venir, ils représentent d’ailleurs 30% des effectifs.
Sachant qu’il n’y a aucun quota, tout se joue à la manière de communiquer et de sourcer les élèves.

« C’est la manière de communiquer d’Ada Tech School qui motive les femmes à venir se former chez nous. Nous faisons connaître le métier de développeur.se différemment. Nous démontrons que le développement informatique fait appel à la logique et non pas à des compétences en mathématiques, comme beaucoup trop de gens peuvent le croire. Nous utilisons de nombreux témoignages de femmes qui sont en formation chez nous pour inspirer et faire naître des vocations.

Nous animons des conférences sur des thèmes qui nous tiennent à cœur : la pédagogie, le féminisme, l’inclusion dans les entreprises tech. Nous organisons des ateliers de code gratuits. Cela permet de lever les barrières à venir se former au développement informatique. Nous proposons aussi un kit de débutant avec notamment des tutos sur Youtube.

Par ailleurs, nous allons chercher les femmes là où elles se trouvent, notamment sur des comptes Instagram et communautés féministes.

Toutes ces actions permettent de lever des biais et des stéréotypes liés aux métiers de l’informatique. »

Source : https://www.free-work.com/fr/tech-it/blog/formations/ada-tech-school-lecole-dinformatique-a-paris-alternative-inclusive-et-feministe

#3 | Pôle Emploi fait un truc cool

Je me dis souvent qu’on néglige la richesse des dispositifs Pôle Emploi. Et là j’ai entendu parler d’un dispositif intéressant mais dont je ne me rappelle pas le nom. Si quelqu’un de charitable voit de quoi je parle, n’hésite pas à rafraîchir ma mémoire en commentaire (apparemment c’est très connu donc je ne doute pas que ça va arriver très vite).

En gros, l’idée c’est d’avoir une période de deux semaines qui est une période d’essai avant même la période d’essai. Le tout financé par Pôle Emploi. Ça permet de donner leur chances à des personnes dans des cas où on a vraiment une incertitude sur la réussite en poste (incertitude légitime ou pas, d’ailleurs).

Ok, je crois que j’ai retrouvé. Parce qu’il y a eu un moment cocasse où j’ai demandé de répéter l’acronyme mais même en trois fois je n’ai pas compris. Et là je lis : PMSMP.

Période de mise en situation en milieu professionel.

C’est ça !

Si j’en crois le site de Pôle Emploi, ça ne se limite pas à faire de la pré-emabuche, ça permet aussi de tester un métier quand on envisage une reconversion ou qu’on cherche son premier job.

Dans la session on a évoqué une limite de deux semaines, mais sur le site on a : ‌Sur une courte durée, définie par les signataires : de 1 jour à 1 mois.

#4| Pôle emploi fait un deuxième truc cool

Encore un dispositif connu et dont j’avais déjà entendu parler avant mais que je ne retiens jamais. Alors je me sers de cet article pour me faire un ancrage mémoriel.Pôle Emploi propose un concept qui s’appelle la méthode de recrutement par simulation (MRS).

Cette fois-ci j’ai retenu l’acronyme !

L’idée c’est d’arrêter d’essayer d’évaluer indirectement les compétences d’une personne

Car oui, rappelle-toi on l’avait vu avec un article de Tania : les critères de recrutement sont des moyens indirects d’évaluer la performance en poste. Et, plus un critère est indirect, plus il faut s’en méfier. Par exemple, le diplôme est un critère très (trop) indirect du niveau de connaissances spécifiques. L’expérience est un critère très (trop) indirect de la performance. Quand un critère est trop indirect ça devient un raccourci.

L’article est à découvrir ici : https://blog.lecoledurecrutement.fr/recruter-sans-cv/

Dans un entretien de recrutement, même structuré, on évalue uniquement de manière indirecte. Là, on va directement mettre en situation professionnelle les personnes et voir comment elles s’en sortent.

Pas de CV, tout le monde peut venir essayer.

« Parce qu’elle ne tient pas compte de la qualification et de l’expérience, la méthode de recrutement par simulation vous permet d’accéder à des métiers ou des secteurs auxquels vous n’avez pas accès dans les procédures classiques de recrutement.

→ Une méthode de recrutement objective : Elle permet de recruter sans discrimination via une sélectionsur des critères mesurables, identiques pour tous, doncéquitables et transparents. »

#5| Gender API

Pierre-André Fortin a partagé cet outil qui permet d’uploader une liste de prénoms et de ressortir avec le genre le plus probable pour chaque : https://gender-api.com/

L’idée c’est de pouvoir faire des approches “personnalisées” de masse où par exemple on va dire :

Bonjour Sarah, je recherche une contrôleuse de gestion
versus
Bonjour Thomas, je recherche un contrôleur de gestion

Sans avoir à le faire à la main.

De ce que je comprends sur le site on à le droit à 100 utilisations gratuites par mois et ensuite ce sont des abonnements. Il ne me reste plus qu’à l’essayer.

#6 | Les premiers secours en santé mentale

Je triche un peu parce que c’est moi qui en ai parlé. Mais c’est tellement important que je profite pour le redire : il existe une formation pour savoir quoi faire quand on observe quelqu’un qui a un trouble psychique.

C’est organisé par une association à but non lucratif : PSSM France (l’acronyme de premiers secours en santé mentale). Le but est de former 750 000 secouristes en santé mentale d’ici 2030.

J’en ai parlé dans une session où quelqu’un disait les recruteurs ne sont pas des psys.

J’ai expliqué que je trouvais cette phrase trop lapidaire. Bien sûr que nous ne sommes pas des psys (et encore, beaucoup de recruteurs et de recruteuses viennent d’un cursus en psychologie).

Mais si on constate que quelqu’un est en dépression par exemple, on peut agir à notre échelle. De la même manière que si un candidat s’évanouissait en plein milieu d’entretien on ne dirait pas non mais je ne suis pas médecin alors j’ignore.
On placerait directement la personne en position latérale de sécurité, comme on a appris lors de la formation obligatoire aux premiers secours.

Là c’est pareil. Connaître les premiers gestes permet de savoir quoi faire.
Si autant de recruteurs et recruteuses ont peur d’intervenir c’est par manque de formation.

Ce serait trop long de te refaire la formation qui dure deux jours mais en résumé le protocole c’est AERER :

___Approcher calmement et évaluer la situation
___Écouter activement et sans jugement
___Réconforter et informer
___Encourager à aller vers des professionnels de la santé mentale
___Renseigner sur les autres ressources disponibles (par exemple l’autoaide ou les proches).

Tout ça peut même se passer en moins d’une minute : https://www.youtube.com/embed/X5BTMH8W2Iw?feature=oembed

Si tu veux un résumé plus long de la formation, je l’ai fait ici sur mon blog personnel : https://open.substack.com/pub/nicolasgalita/p/premiers-soins-en-sante-mentale?utm_campaign=post&utm_medium=web

Mais le plus important c’est de réaliser qu’environ 25% de la population souffre d’un trouble psychique au cours de l’année. Ça veut dire que les gens qui t’en parlent sont une toute petite partie de l’iceberg : l’immense majorité va rester dans le silence. Et c’est pour ça que c’est si important de traiter la parole si elle survient.

Bien sûr que nous ne sommes pas des psys, mais parfois une intervention dure 5 minutes et peut changer la trajectoire de la personne.

De la même manière que nous ne sommes pas médecins mais qu’un massage cardiaque peut tout changer.

D’ailleurs, j’ai appris qu’il existait une entreprise qui proposait une solution de prévention sur la santé mentale : Moka Care.

#7 | Mettre son poste en jeu pour lutter contre la discrimination

Une DRH (dont je n’ai pas le prénom, mes excuses) d’une entreprise de plusieurs milliers de personnes a raconté comment elle avait mis son poste en jeu pour ne pas laisser passer la discrimination.

Un manager affichait ouvertement son homophobie pour un recrutement.

Elle a annoncé à son supérieur hiérarchique (le directeur de l’entreprise si j’ai bien compris) qu’elle voulait mettre un avertissement au manager discriminant. Il était frileux. Elle a alors dit que c’était l’avertissement ou sa démission.

Voilà.

Parfois c’est la seule manière de faire bouger les choses.

Finalement ce n’était pas SI court

Il faut croire que je ne suis pas capable de faire un format vraiment court. Pourtant j’y croyais quand j’ai commencé.

Merci à toutes les personnes qui ont participé. Une pensée pour celles qui ont eu un empêchement de tout dernière minutes. Désolé à toutes les personnes avec qui j’ai interagi mollement parce que j’avais quatre heures de sommeil dans les pattes (l’inconvénient de faire partie de l’équipe organisatrice) et…

À l’année prochaine !

Merci Jennifer

Si cet événement a été encore une réussite c’est grâce au talent de Jennifer.
Chaque fois je suis impressionné. On ne peut pas se rendre compte tant qu’on est pas dans les coulisses.

Mais cette année, mention spéciale à ce moment lunaire où personne ne savait comment utiliser une table de mixage pour pouvoir brancher le micro aux enceintes et qu’on avait aucun technicien…

Je ne sais pas par quel miracle Jennifer et Aurélien ont fini par réussir à configurer ce truc :

9 choses que j’ai apprises au SOSU 2023

SOSU 2023 : 9 choses qui m’ont marquées

En 2013, Phil Tusing a créé le Sourcing Summit (SOSU) : des journées de conférences avec des expert·es du sourcing venant du monde entier.

Chaque année à Amsterdam on a donc des centaines de sourceurs et sourceuses qui viennent échanger leurs pratiques.

Fun fact : je trouve ça marrant que Phil ait organisé un des plus grands événements européen du recrutement alors qu’il vit en Australie.

J’ai découvert le SOSU en 2016.

J’ai adoré : pour la première fois je voyais des personnes passionnées de sourcing au même endroit. Quand j’étais recruteur c’était ma partie préférée. Ce que je n’aimais pas c’était faire les entretiens.

Alors que, dans mon quotidien, je voyais surtout des personnes me dire que le sourcing c’est chronophage et que personne n’aimait ça. Je me sentais en décalage.

2023 : ma 7 ème participation.

J’ai beaucoup aimé ce cru. Alors je me suis dit que j’allais te le partager. Bien sûr, je ne peux pas te retranscrire toutes les conférences. Mais quelques bribes.

Voilà 9 choses qui m’ont marqué.

#1 | La relance c’est la vie

Quand je demande à ChatGPT de me créer une image pour illustrer cette partie. C’est… pas encore au point

Je le savais déjà puisque ça fait 10 ans que je le répète à chaque formation sur l’approche des candidat·es.

Pourtant, ça reste un des points les plus négligés par les recruteurs.

Dans son talk : Rethinking Outreach, Sandra Feldman nous a partagé quelques chiffres.

Le premier c’est que 71% des réponses viennent des relances.

71% !

Ce chiffre vient d’une analyse de SourceWhale qui est un outil qui propose aux recruteurs une solution complète pour écrire des messages et paramétrer les relances.

Concrètement, ça signifie que les recruteurs et recruteuses qui n’envoient qu’un seul message auront trois fois moins de réponses que les autres.


Autre point crucial : en variant les canaux d’approche on multiplie le taux de conversion par 3. Là encore, je ne le découvre pas mais ça fait du bien de le revoir.

Bien entendu… gérer des relances et des changement de canaux à la main est compliqué. Voilà pourquoi un outil comme Sourcewhale (que je ne connaissais pas, mais en français on a Hiresweet) change la donne.

Ce genre d’outil permet de rédiger toute une séquence avec des conditions et des délais. Par exemple ici on commence par un email, puis au bout de 24 heures si on a pas de réponse ça envoie une demande de connexion Linkedin… et ainsi de suite.

Et même les parties non automatisée (comme l’appel à l’étape 4), c’est bien de les avoir dans un endroit centralisé comme ça où on aura le rappel.

Enfin, Sandra nous a proposé plusieurs templates de messages d’approche.
Voilà celui qui m’a le plus interpellé. C’est dur de le traduire sans perdre la bonne dose de l’émotion. Mais je vais essayer.


Objet : On dit que lorsqu’on fait ce que l’on aime, on ne travaille jamais un seul jour de sa vie.

Salut [Prénom],

Aimes-tu avoir une influence directe sur ton travail ?
Apprécies-tu d’être écouté et pris en compte ?
Aimes-tu travailler dans un environnement agile et en constante évolution ?

Dans ce cas, je t’invite à NE PAS TRAVAILLER pour [Entreprise concurrente].

Notre entreprise étend ses équipes de [département], et je pense que tu aimerais y travailler.

[Prénom], tu serais parfait en tant que [rôle] h/f/d.

Assure-toi de jeter un œil ici – [lien].

Tous les postes dans le [département] peuvent être en télétravail.

Je t’invite à planifier un appel rapide avec moi pour discuter de ton expérience et de tes aspirations pour l’avenir de ta carrière via ce [lien].

J’attends avec impatience ton retour !



J’ai trouvé ce template intéressant car je trouve ça assez culotté (et davantage dans la culture anglo-saxonne) d’envoyer un tacle direct au concurrent. Comme le fait Burger King dans ses pubs.

Voilà ce que ça donne avec un exemple fictif :

Objet : On dit que lorsqu’on fait ce que l’on aime, on ne travaille jamais un seul jour de sa vie

Salut Marion,

Aimes-tu avoir une influence directe sur ton travail ?
Apprécies-tu d’être écoutée et prise en compte ?
Aimes-tu travailler dans un environnement où l’accent est mis sur l’autonomie et l’apprentissage ?

Dans ce cas, je t’invite à NE PAS TRAVAILLER pour Formator Generalis.

L’Ecole du Recrutement développe son équipe commerciale, et je pense que tu aimerais y travailler.

Marion, tu serais parfaite en tant que Directrice Commerciale.

Assure-toi de jeter un œil ici – [lien d’une annonce].

Tous nos postes peuvent être en télétravail.

Je t’invite à planifier un appel rapide avec moi pour discuter de ton expérience et de tes aspirations pour l’avenir de ta carrière via ce [lien vers un endroit pour booker un call].

J’attends avec impatience ton retour !


Je n’aime pas tout dans ce message, mais je trouve l’idée intéressante.

#2 | Comment on peut créer l’amour du métier avec… des KPI

Photo de Carlos Muza

Coralie Nohel avait un énorme défi puisqu’il s’agissait de rendre intéressante une conférence sur les KPI.

Et elle a pris un angle surprenant que j’ai adoré : les KPI comme instrument pour susciter des vocations.

Par exemple, dans son équipe une grande partie des personnes étaient réticentes à faire du sourcing. Parce qu’elles avaient été traumatisées dans une expérience précédente où le sourcing se résumait à écrire à des gens qui ne répondent pas parce qu’on écrit de mauvais messages d’approche dans un marché en pénurie.

De plus, comme beaucoup de recruteur et recruteuses elles avaient l’idée reçue qu’on ne doit pas faire de relance.

Or, comme on l’a vu précédemment la relance est cruciale.

Pour paraphraser François Gauthier :

“Il n’y a que deux choses importantes dans l’approche : l’empathie et la relance. Et ce sont les deux choses les plus négligées”

https://youtube.com/watch?v=t8F5vL-6GQY%3Ffeature%3Doembed

Coralie a donc commencé par organiser des sessions collectives pour rédiger des relances. Afin de rendre l’exercice fun. En groupe on peut proposer des idées de manière plus décomplexées, en mode brainstorming, puis voter. Avoir un regard extérieur permet de rassurer.

Puis, dans un deuxième temps, Coralie a imposé 5 relances par rapproche. Avec mesure des résultats.

Verdict ? Grand choc pour l’équipe : les messages qui généraient le plus de réponses étaient la 4ème et la 5ème relance.

Alors on pourrait se dire non mais ok mais si les gens répondent pour nous dire d’arrêter de les harceler ça sert à quoi ?

Sauf que pas du tout : les réponses étaient du type désolé de ne pas avoir répondu plus tôt…

Autre point fondamental : Coralie n’utilise JAMAIS les KPI comme instrument de punition ou de flicage. Ça permet à chaque membre de l’équipe de se sentir à l’aise de partager les “mauvais” chiffres et de pouvoir demander de l’aide.


#3 | Attention aux liens qu’on envoie aux candidat·es !

Photo de Jason Dent

Jan Tegze nous a montré comment il envoyait des vidéos “personnalisées” aux candidats avec une IA permettant de lui faire dire le texte qu’il veut.

Mais ce n’est pas ce qui m’a intéressé dans son talk. Ce que je retiens c’est ce chiffre :

82% des liens qu’on m’a envoyé dans des messages d’approche sur LinkedIn pour me recruter sont cassés après 3 mois.

Ce n’est pas une étude car ça repose uniquement sur les messages d’approche qu’il a lui-même reçu MAIS ça ne m’étonne pas et je pense que c’est une bonne approximation du chiffre.

Ça nous alerte sur un point crucial : on envoie des liens vers des annonces et ensuite elles expirent, ce qui transforme le lien en lien cassé.

J’ai moi-même souvent cette frustration car dans mes formations à l’annonce je veux montrer des exemples à mes apprenant·es. Mais parfois l’exemple que je sélectionne en préparant mon support la veille ou l’avant-veille expire…
Quelqu’un retire l’annonce et j’arrive sur une page d’erreur.

Je suis tellement content quand l’entreprise a des archives. C’est-à-dire qu’on clique sur l’annonce et ça arrive sur la page mais y’a écrit en gros annonce expirée.

C’est beaucoup mieux que d’arriver sur une page d’erreur. Car déjà on a une info : l’annonce a été pourvue et ensuite on peut quand même lire l’annonce et éventuellement se dire qu’on repostulera la prochaine fois qu’un poste est ouvert.

D’ailleurs, parfois le même poste est ouvert dans un autre endroit ou une autre temporalité. En arrivant sur une page d’erreur, le candidat fuit.

Alors, que faire si ton système de gestion des annonces crée des liens cassés quand l’annonce est pourvue ? Jan nous a partagé un outil : pxl.to.
Grâce à ça tu vas pouvoir changer le lien qui est derrière.

Par exemple, imaginons que tu recrutes un commercial pour faire de la prospection. Tu as une annonce qui a un lien du type : job.carreers.entreprise.com/fr/job/157998/commercial-prospection

Tu vas dans pxl.to, tu copies colle ce lien. Ça te donne alors une version raccourcie.

Par exemple : pxl.to/commercial-nomdetonentreprise.

Maintenant, on est 1 mois plus tard et l’annonce est pourvue. Donc le lien de base est désormais cassé. Il envoie sur une page d’erreur.

Tu retournes alors dans pxl.to et tu changes le lien de destination. Par exemple imaginons que tu as une annonce pour un commercial qui fait de la gestion de compte. C’est l’annonce la plus proche de la précédente. Et bien tu remplaces dans pxl.to mais ton lien reste le même : pxl.to/commercial-nomdetonentreprise

Sauf qu’au lieu de renvoyer vers la première annonce, il renvoie désormais vers la deuxième.

Puis, imaginons qu’encore un mois plus tard tu as pourvu le poste. Mais tu n’as rien de similaire. Et bien tu peux remplacer la destination du lien pour mettre une page carrière où tu présentes le métier de commercial dans ton entreprise.

Ou carrément simplement un lien vers ta page carrière tout court.

Comme ça, peu importe le moment où le candidat ouvre ton message puis ton lien, il tombe sur quelque chose que tu maîtrise et non pas une page d’erreur.

En faisant ça, Jan a réussi à augmenter le taux de retour des candidat·es approché·es de 27% !

Je trouve ça fou : juste en faisant attention à ce qu’un lien ne se casse pas.

#4 | Les filtres de LinkedIn sont dangereux

Photo de Beau Carpenter

Gabi Preston-Phypers nous a proposé un talk autour de l’idée de se débloquer dans nos recherches sur LinkedIn Recruteur. Que faire quand on ne sait plus quoi faire ?

Le problème des intitulés de poste


Elle a rappelé un point important : beaucoup de gens utilisent des titres de postes très différents. De telle sorte que c’est impossible de les trouver en utilisant une recherche via l’intitulé.

Le problème de la boîte noire


Autre point : mettre les guillemets sur un mot dans LinkedIn Recruteur te permet de garder le contrôle sur la recherche et d’éviter que LinkedIn extrapole des compétences.

Dans mes formations au sourcing j’ai souvent des personnes qui me disent : mais pourquoi s’embêter à écrire “développeur OR développeuse” alors que nos outils vont extrapoler ?

Ma réponse est toujours la même : l’outil est une boîte noire et tu ne sais pas ce qu’il fait. Donc c’est bien de se reposer dessus, mais c’est bien aussi de savoir repasser en mode manuel dans les situations compliquées.

Mais… mettre les guillemets a une conséquence fâcheuse : LinkedIn va chercher dans des endroits limités. Alors qu’en les enlevant il va chercher dans les skills et les CV uploadés (quand ils existent), par exemple. Donc on peut vraiment élargir les résultats.

Un outil pour booster sa productivité avec les requêtes


Elle a ensuite prêché pour sa paroisse en montrant comment son outil (Tooled Up Raccoons) permettait d’aller beaucoup plus vite qu’à la main ou qu’avec ChatGPT.

C’était très convaincant.

L’outil permet de partir d’une requête complexe et globale :

Pour ensuite la décomposer en appuyant sur le bouton “combos” :

Ensuite on peut sélectionner de manière progressive ce qu’on veut tester dans LinkedIn ou une CVthèque :

En gros, l’outil permet de booster sa productivité dans la construction de requête, en évitant tous les copier/coller et autres manipulations fastidieuses.

Le danger des filtres LinkedIn


Mais le point phare de son talk pour moi c’était l’idée selon laquelle faire des recherches en utilisant les filtres LinkedIn est dangereux. C’est une idée qu’Irina (voir point suivant) a également beaucoup appuyée.

Le problème c’est que tous les gens ne remplissent pas correctement leurs profils LinkedIn. Donc quand on utilise un filtre comme années d’ancienneté on n’exclut tous les profils qui ont mal rempli ça. Idem.

Petite astuce anti biais


Bonus de son talk : utiliser la fonction cacher le nom et la photo dans LinkedIn Recruteur. Je ne connaissais pas du tout. Ça permet de diminuer au maximum les biais que l’on peut avoir quand on source.

“Lorsque la fonctionnalité est activée, le recruteur masque les photos des candidats et les remplace par des avatars attribués au hasard tout au long du processus de recrutement.”

Astuce pour ne pas retomber sur les mêmes profils dans LinkedIn Recruiter


Toujours dans la famille des astuces sur LinkedIn Recruiter, Gabi a expliqué comment faire en sorte de ne plus tomber sur les mêmes profils encore et encore :

On commence par créer un nouveau projet. Ensuite on va dans la recherche avancée et on trouve le champ “projet”. Dans ce champ on va rentrer le nom du projet qu’on vient de créer puis cliquer sur l’icône “Exclure”.

Puis on utilise le bouton « Enregistrer dans le pipeline » lorsqu’un profil correspond ou pourrait correspondre. À l’inverse, on utilise le bouton « Masquer » lorsqu’un profil ne correspond pas.‍Et, du coup, chaque fois qu’on actualise la page elle va masquer à la fois les profils qu’on a enregistré ET les profils qu’on a masqué. Ne laissant ainsi que les profils qu’on a pas encore consulté.

Mieux encore, ça marche en collaboration donc on peut être plusieurs recruteurs à travailler sur le même projet et s’assurer qu’on ne voit jamais deux fois le même profil.

L’astuce est détaillée ici : https://www.tooledupraccoons.com/blog-posts/clean-slate-sourcing

#5 | Le nombre de profils qu’on rate en utilisant les filtres LinkedIn



Irina Shamaeva est souvent présentée comme the goddess of sourcing. Ce n’est pas un hasard. Chaque année son talk avec ses découvertes sur le sourcing est un des moments les plus attendus du SOSU.

Cette année elle a décidé de mettre en garde sur les filtres LinkedIn.

LinkedIn a un problème : il y a un énorme décalage entre les infos dont les recruteurs ont besoin et les infos que les profils remplissent.

Comment faire ? Ils ont choisi d’extrapoler certaines informations. Par exemple en déduisant les compétences d’une personne en fonction des personnes qu’elle a dans ses relations.

Sauf que… ça crée un effet boîte noire : on ne sait pas comment c’est attribué exactement. Mais surtout : même en faisant ça, la majorité des profils LinkedIn restent impossibles à remplir.

Par exemple, un des filtres de LinkedIn Recruteur c’est taille de l’entreprise. Irina nous a démontré que ce filtre excluait 610 millions de profils sur les 960 millions.

En d’autres termes, le simple fait d’utilise ce filtre va me faire rater 64% des profils !

C’est terrible.

Et c’est le cas pour énormément de filtres LinkedIn. Notamment :

  • Taille de l’entreprise
  • Séniorité
  • Années d’expériences
  • Compétences

À chaque fois, le simple fait d’utiliser un de ces filtres va exclure entre 60 et 70% des profils !

Pire encore… dès que tu vas cumuler des filtres tu vas commencer à exclure entre 90 et 93% des profils !

Autre point que j’ignorais mais que j’avais senti sans comprendre d’où ça venait : si tu ne paies pas LinkedIn Recruteur alors l’efficacité de tes recherches est extrêmement dégradé. Même si tu paies un compte LinkedIn Premium !

Que tu sois en gratuit ou en premium simple, LinkedIn considère désormais que tu n’es PAS recruteur/recruteuse et que par conséquent tu n’as besoin que de chercher des gens que tu connais par leur prénom et nom.

En même temps ce n’est pas faux, c’est effectivement l’usage que font les gens “normaux” de LinkedIn.

Par conséquent il devient de plus en plus nécessaire d’avoir une licence Recruiter (ou de passer par Google).

#6 | S’obliger à la créativité dans ses recherches


Photo de Ashe Walker

L’inénarrable Balazs Paroczay nous a fait un talk sur l’automatisation de tout le process du sourcing. Mais ce n’est pas ce que j’ai retenu.

Ce qui m’a marqué c’est un truc tout simple : inciter les sourceurs/sourceuses à élargir leurs requêtes.

Ici on a un formulaire où le recruteur doit remplir :

  • 5 intitulés de postes qui sont différents de celui qui est sa fiche de poste
  • Un candidat qui a fait une coquille dans son profil
  • La preuve qu’il a essayé de faire une recherche en utilisant la fonction Alumni de Linkedin
  • Des événements LinkedIn pertinents où ses cibles sont susceptibles d’aller


C’est tout simple mais ça m’a inspiré. On est pas obligé·e de choisir les mêmes questions que lui mais la pratique est intéressante. Une forme de check-list du sourcing pour m’obliger à ne pas tomber dans un tunnel trop étroit.

#7 | Comment manager une équipe de recruteurs et recruteuses ?


Jusque là je t’ai raconté des talks autour de l’approche, puis autour de l’identification. Les 3 derniers seront autour de la gestion d’une équipe de sourcing.

On commence avec Renita Käsper qui a fait mon talk préféré. Son talk était incroyable. Mais surtout c’était un condensé énorme. Elle a développé 10 points en 30 minutes, alors que chaque point aurait pu faire l’objet d’un talk d’une heure.

Du coup, ça va être totalement impossible de te retranscrire de manière complète. Mais voilà quelques gemmes.

Un modèle pour faire de bons feedbacks

Premièrement, elle a insisté sur l’importance d’apprendre à faire des feedbacks.

Elle a recommandé cette conférence sur le sujet :https://www.youtube.com/embed/FQNbaKkYk_Q?feature=oembed

Puis elle a montré un framework qui s’appelle ASK.


Source : https://www.stride.build/blog/using-ask-framework-to-give-feedback

L’idée c’est qu’un bon feedback doit être Actionnable, Spécifique et Bienveillant (Kind). Si on a que deux éléments c’est incomplet.



Actionnable et Spécifique : “tu as eu 10 minutes de retard en retour de la pause, si tu te souciais de ma personne ou de mon temps, tu serais à l’heure”



On voit que c’est un peu violent, même si c’est très précis et que la personne sait quoi faire pour que ça n’arrive plus.


Actionnable et Bienveillant : “tu es souvent en retard en retour de pause, tu pourrais s’il te plaît revenir à l’heure ?”



Ici il manque la spécificité qui est d’ailleurs un des pilliers d’un autre framework de communication (la CNV) : dire à quelqu’un qu’il est souvent en retard risque de le braquer.

C’est comme dire tu ne ranges JAMAIS tes affaires à un enfant (ou à un adulte d’ailleurs). On va donc préférer une communication qui désigne un événement spécifique et précis pour éviter d’interpréter.


Spécifique et Bienveillant : “Tu étais 10 minutes en retard en retour de pause, aujourd’hui”



Il faut l’imaginer avec un ton détendu. Ici ce qu’il manque c’est qu’on ne fait aucune demande. Il n’y a pas d’appel à l’action.

Voilà maintenant la version avec les trois éléments :

Actionnable Spécifique et Bienveillant : “Cet après-midi tu es revenu de pause avec 10 minutes de retard alors qu’on s’était mis d’accord sur l’horaire. Attendre dans le vide me donne l’impression que mon temps n’est pas valorisé. Pendant ce temps, je ne pouvais pas avancer sur notre travail commun car j’avais besoin de ton avis. Ce serait possible d’arriver à l’heure la prochaine fois ?”

Comment déléguer


Ensuite, Renita nous a présenté un modèle pour apprendre à déléguer. Ça s’appelle le Poker de Délégation. Un outil ludique pour réfléchir à ce qu’on veut/doit/peut déléguer dans l’équipe et comment :


Source : https://management30.com/practice/delegation-poker/

À chaque fois on évalue à quel niveau de délégation la tâche doit être faite. Ici, le “je” désigne la personne qui manage l’équipe. Mais chaque membre de l’équipe donne son avis pendant le jeu.

Niveau 1 – Dire : Je prends la décision et j’informe l’équipe de cette décision
Niveau 2 – Vendre : Je décide puis je persuade les équipes de l’intérêt de la décision
Niveau 3 – Consulter : Je consulte mon équipe avant de décider
Niveau 4 – Se mettre d’accord : Je me mets d’accord avec l’équipe avant de décider
Niveau 5 – Conseiller : Je conseille et influence la décision mais c’est l’équipe qui a le dernier mot
Niveau 6 – Veiller : L’équipe me tient au courant après chaque décision
Niveau 7 – Déléguer : J‘ai totalement délégué

On va donc se réunir avec toutes l’équipe. On ramène une liste de plein de tâches qu’on envisage de déléguer. Puis pour chaque tâche on va suivre ce protocole :

1.Une personne choisit une situation et la lit à haute voix

2. Chaque joueur choisit en privé l’une des sept cartes de délégation, en réfléchissant à la manière dont il déléguerait la décision dans cette situation particulière.

3. Une fois que tous les joueurs ont pris leur décision, ils peuvent révéler les cartes qu’ils ont choisies.

4. Chacun gagne des points en fonction de la valeur de sa carte, à l’exception des joueurs qui constituent la « minorité la plus faible » et du joueur qui a mis la carte plus haut tout seul (voir ci-dessous).

5. Les personnes ayant les cartes les plus élevées et les plus basses expliquent le raisonnement qui sous-tend leurs choix.

6. On rentre les résultats dans un tableau pour dégager un consensus.


Si une seule personne choisit le niveau 7 (ou le plus haut), cette option est rejetée et il ne gagne aucun point. En revanche si plusieurs personnes l’ont fait alors les points sont gagnés.

Règle optionnelle : si une seule personne choisit le niveau 1 (ou le plus bas) alors elle perd également les points.

L’idée de ces deux règles c’est de réguler les personnes qui ont tendance à vraiment trop/pas assez déléguer.

Le rôle du responsable recrutement

Enfin, Renita a présenté l’idée de faire décider par l’équipe quel est le rôle du responsable. Ça m’a énormément parlé. Car, je peux avoir une idée de ce qu’on attend de moi en tant que responsable recrutement. Mais cette idée est-elle en accord avec ce qu’attend l’équipe ?

La meilleure manière de le savoir reste de lui demander directement.

Renita a présenté un modèle d’Armin Trost pour présenter le mix de ce qu’on peut attendre d’un·e manager :


Source : https://blog.kenjo.io/how-hr-plays-a-role-in-leadership-development

L’idée c’est ensuite c’est de jouer à un jeu où chaque personne va attribuer un total de 10 points aux 4 catégories. Par exemple :

Boss : 1
Partenaire : 5
Coach : 3
Facilitateur : 1

Puis, on dévoile les résultats. On voit alors si y’a un décalage entre ce que je pense devoir être en tant que manager et ce que chaque membre de l’équipe attend de moi.

Puis, on prend du recul sur les conséquences des décalages. Par exemple si dans ma tête je devais être 70% partenaire et que mon équipe attend que je sois 70% boss… ça risque de créer des situations de paralysie de la décision.

#8 | Désigner des managers comme étant les managers référents pour le recrutement

Nicolas André nous a fait une masterclass de déploiement d’un process de sourcing efficace, chez Airbus. C’est extrêmement dur à résumer car c’était une vraie étude de cas. Mais voilà ce que j’en retiens.

La situation initiale


Premièrement, Nicolas nous a raconté les contraintes de départs :

  1. Le timing : beaucoup de profils à recruter subitement suite à la hausse des objectifs de production de Airbus
  2. L’ambition : il fallait chercher des compétences en externe alors que jusque là on le faisait via la formation interne
  3. Pénurie de candidats : le type de profils recherché est en état pénurie


Que faire ?

La première action a été de créé une Task Force du sourcing. En cela on remettait le sourcing au centre du jeu.

Ils ont physiquement réuni la vingtaine de personnes concernées par le sourcing : les 5 sourceurs bien sûr, mais aussi les recruteurs externes et des responsables de la mobilité interne.

En ce qui concerne les 5 sourceurs, ils ont déployé une organisation inspiré de SCRUM. Avec donc des points quotidiens d’avancement, une revue hebdomadaire des KPI.

Mais surtout… ils ont mis en place une règle qui m’a marqué : si on bloque plus de 24 heures sur un problème on demande immédiatement de l’aide à un n+1 qui est désormais en charge de le résoudre. Et ainsi de suite.

Simplifier

Le deuxième point fondamental a été la simplification. Avec notamment :

  • La règle du feedback en 48 heures : la durée max qu’un manager opérationnel peut mettre à faire son retour candidat
  • Des revues hebdomadaires de CV : avec le manager bloquées dans les agendas
  • 2 entretiens au lieu de 3 : un avec le manager, un avec le recruteur
  • Des entretiens chaque semaine : bloqués dans les agendas
  • Un manager référent pour chaque job : le point de contact qui se dédie à la mission

Un rôle inédit

Le dernier point est vraiment celui que je retiens en priorité. En gros, sur les centaines de managers opérationnels d’Airbus, ils ont décidé d’en sélectionner une vingtaine qui serait responsable du recrutement pour tous les autres managers !

Afin d’avoir des interlocuteurs engagés et concernés. C’est une méthode qui avait déjà été présenté par François Gauthier (encore !) il y a quelques années. Il appelait ça les interlocuteurs privilégiés :

La pratique de l’analyse marché

L’autre point marquant de ce talk, hormis les résultats très positifs qui ont été obtenus (on note que ce genre de démarche implique nécessairement d’être très solide sur l’analyse des KPI), c’est la notion d’analyse de marché.

Nicolas a lui-même dit que c’était LE point crucial qui était souvent négligé. L’idée selon laquelle les managers ont l’impression qu’on source dans un bassin infini de candidats.

L’analyse de marché sert à donner de la visibilité là-dessus. Malheureusement, ma photo est particulièrement floue.


Mais en gros, l’idée c’est de poser les questions suivantes :

  1. Quel est la taille de mon bassin de candidat·es ?
  2. Quels sont mes canaux d’approche ?
  3. Qui sont mes concurrents ?
  4. Où puis-je et ne puis-je pas sourcer ?
  5. Combien de profils j’aurais besoin d’approcher ?

Ce qui nous permet ensuite de présenter la situation au manager. En lui disant par exemple : 33% de notre bassin de candidats travaille actuellement chez ces 6 concurrents.

Ou encore : le bassin sur LinkedIn est de 1400 profils au total, nous en avons sélectionné environ 590 puis nous en avons contacté 355. Il ne reste plus que 226 à contacter.

Or, pour l’instant, nous n’avons que des refus. Donc il faut qu’on change de stratégie. Ou alors : pour l’instant nous avons 3 personnes en attente de validation, on vous tient au courant.

Avant les vacances d’été je m’étais noté cette question dans ma boîte à idée :
Pourquoi on fait des briefs avec les managers mais pas de débriefs ?

Et bien pour le coup c’est exactement ça que je trouve puissant ici : le débrief pendant l’opération pour réajuster la trajectoire. Mais également pour montrer nos efforts et faire comprendre qu’on ne fait pas rien.

#9 | Appliquer la méthode Agile au sourcing


Photo de Philippe Oursel

On finit avec le talk d’Achuthanand Tanjore Ravi qui nous a expliqué comment Uber a réussi à faire du sourcing de masse. Réponse : avec une démarche similaire à celle de Nicolas chez Airbus mais portée au niveau encore au-dessus.

Le talk était extrêmement dense. Je vais donc te passer la partie où il a expliqué comment déployer la stratégie Inbound, c’est-à-dire faire en sorte que les gens postulent chez nous.

La stratégie des landing pages

Mais j’en profite quand même pour montrer un point qui m’a interpellé : au-delà des annonces, ils ont également mis en place ce qu’on appelle dans le marketing des landing pages. C’est-à-dire des pages web dont le but est de faire en sorte que les gens qui se baladent sur un certain mot-clé, tombe dessus et laissent leur coordonnées. Bien sûr, dans le recrutement ça ne peut-être fait qu’avec des métiers récurrents. Ici avec le métier de chauffeur :

Comment déployer un processus efficace de sourcing ?


Revenons donc à la partie Outbound, c’est-à-dire le sourcing pur. Achuthanand a commencé par illustrer les 4 grands problèmes du recrutement tel qu’il est habituellement fait :

  1. Tout est prioritaire, ce qui signifie que rien n’est prioritaire
  2. Il manque de rythme et d’opportunité de s’améliorer
  3. Les clients/managers et les recruteurs ont souvent des conflits d’intérêts
  4. La boucle de feedback est cassée

Il a donc proposé une méthode qu’il a appelé le recrutement DASH. Avec 4 principes pour contrecarrer les 4 grands problèmes. Le tout sur des périodes de “sprint” de 2 semaines.

On fait 25 sprints par an donc ce ne sont pas des moments exceptionnels. Il faut voir ça plutôt comme une cadence. 15 jours devient l’unité de cadence.

Principe 1 : se concentrer sur un plus petit nombre de jobs ouverts

Bien sûr que c’est dur de prioriser les jobs. Mais, en ne le faisant pas, on crée de la déception puisque tous les jobs ne seront pas servis.

Il vaut mieux assumer qu’on ne peut pas tout faire et le communiquer clairement aux managers qui recrutent.

Dans le recrutement DASH on prend la longue liste de postes vacants et on se concentre uniquement sur ceux qui doivent être pourvus à court terme. Mais, en échange, on s’engage bien plus fortement à les pourvoir.

Principe 2 : ce sont les clients/managers qui définissent la priorité

Le corollaire du premier principe est important. Qui définit la priorité ? Les recruteurs ne peuvent pas imposer ça. C’est donc bien les clients/managers qui sont en charge de définir la priorité. Pour y arriver, on distribue à chaque managers 100 pièces. Et il répartit les pièces comme il veut sur les jobs ouverts.
Les jobs qui ont le plus de pièces sont ceux qui sont retenus pour être pourvus dans la prochaine période de “sprint”.

Principe 3 : des limites dans les goulots d’étranglement

Je pense que c’est le point qui m’a le plus marqué. On décide de seuils de goulot d’étranglement qui ne peuvent jamais être dépassés. Par exemple on dit : quand un manager a 5 candidats en attente de passer leur entretien avec lui, on arrête de lui en envoyer. On passe aux jobs de priorité inférieure.

De même, quand 5 candidats sont en attente du retour du manager, on arrête de lui en envoyer.

En gros on définit le nombre maximal de candidats à chaque étape du process.

Principe 4 : si le manager échoue à répondre en moins de 48 heures à un candidat il perd immédiatement toutes ses “pièces”


Principe similaire à ce qu’a présenté Nicolas André mais avec une conséquence claire : un manager qui échoue à répondre à un candidat se voit sorti du sprint. Toutes ses “pièces” sont retirées du sprint actuel.

J’aime bien cette idée car à la fois c’est direct et intransigeant mais à la fois c’est sur une durée de deux semaines. Donc si la personne avait une actualité particulièrement mouvementée, ce n’est pas grave : elle sera servie lors du prochain sprint de 2 semaines.

À l’année prochaine


Je ne pensais pas que résumer la moitié des conférences que j’ai faites allait prendre autant de temps ! D’ailleurs, celles que je n’ai pas résumées ce n’est pas que j’ai moins aimé. C’est plutôt que c’était des conférences d’inspiration (Rassam), de prospective (Guillaume) ou alors tellement technique qu’il faudrait y dédier un article entier (Pierre-André).

En tout cas, je ne peux que t’inviter à te rendre au moins une fois dans ta vie dans cet événement. Les résumés ne peuvent que transcrire partiellement la dose de connaissance, d’inspiration et de motivation que ça redonne. Sans compter ce sentiment d’appartenance à une communauté qui fait du bien sachant comment ce métier est un métier qui parfois est solitaire.

Quelle est la bonne longueur pour une annonce de recrutement ?

Recrutement : Quelle est la bonne longueur pour une annonce ?

“Cette annonce est trop longue, Nicolas, moi si j’étais candidate j’aurais abandonné”

Je ne sais pas combien de fois j’ai entendu ça en formation à l’écriture d’annonces. Avec parfois des arguments comme :

  • Les jeunes ne lisent plus (ah bon ? Mais qui dévore les sagas comme Harry Potter alors ?)
  • LinkedIn m’a fait une formation où ils m’ont dit de faire court (ils t’ont dit ça parce qu’ils en on marre des annonces creuses et longues, c’est le pire cocktail en effet. Quant à être creux autant que ça soit court).
  • Je ne veux pas faire trop long car il faut aller à l’essentiel (et pourtant il manque plein d’informations : le salaire, le contexte…)

On m’a tellement fait cette objection que j’ai fini par douter. Alors je me suis plongé il y a quelques années dans les ouvrages références de l’écriture publicitaire pour voir ce qui en était dit. Et ces ouvrages sont unanimes : les longs textes publicitaires fonctionnent davantage que les courts.

On va essayer de comprendre pourquoi.

Les candidats ne se plaignent pas de la longueur

Photo de Pavel Anoshin

Faisons preuve d’un peu de psychologie et d’écoute. Quelles sont les plaintes les plus fréquentes des candidat·es à propos de nos annonces ?

Je suis assez d’accord avec ChatGPT : j’entends plus souvent des personnes qui se plaignent d’un manque de clarté plutôt que d’un trop plein d’infos. Ou alors elles se plaignent d’avoir des infos mais qui induisent en erreur sur la réalité du poste.


Quelles sont les informations qui manquent généralement ? Le salaire, le contexte du recrutement, les conditions de succès à ce poste, la différence entre exercer ce poste dans cette entreprise ou une autre…

La liste est longue. Elle est presque effrayante d’ailleurs tellement il n’y a en réalité aucune info dans la plupart des annonces.

Car, on peut très bien écrire du texte creux et court. C’est ça qu’on oublie dans la discussion. On confond court et concis. Quelque chose peut être court mais pas concis car c’est creux. Beaucoup d’annonces sont non seulement courtes mais le peu de texte présent ne dit rien.

Exemple trouvé sur Indeed :

Vous partagez nos valeurs d’entreprise telles que la cohésion d’équipe et la solidarité, vous avez un sens aigu de la satisfaction clients, ainsi que d’excellentes qualités relationnelles. Vous êtes organisé(e), rigoureux(se), autonome, respectueux(se) des process …

On remarque au passage qu’il faut à la fois une personnalité autonome et qui respecte les règles. Les critères sont très mal définis…mais ce n’est pas le sujet ici.

En revanche c’est le sujet ici : +L’erreur ultime que 90% des recruteurs font en entretien

Le fait est que si on faisait le ratio entre le nombre de mots et le nombre de mots qui apportent une info aux candidat·es, la plupart des annonces auraient un score désastreux.

Ce n’est donc pas une question de longueur mais bien de densité, de concision.

Par ailleurs, les candidat·es se plaignent également du fait que toutes les offres d’emploi se ressemblent. Et effectivement, non seulement les annonces se ressemblent indépendamment de l’enteprise qui la publie. Mais, pire, elles se ressemblent même indépendamment du poste en jeu. Parce que c’est tellement creux que tout ressemble au même vide.

Quel est l’objectif d’une annonce ?

Photo de Balint Mendlik

Le but d’une annonce n’est pas de générer un maximum de candidatures. Si on croule sous les candidatures non qualifiées on ne va pas sauter de joie.

Le but d’une annonce est de générer un flux de candidatures qualifiées. Par conséquent ça implique effectivement une dimension d’attraction mais surtout une dimension de répulsion. Une bonne annonce filtre mon public.

Et c’est marrant comme j’ai beaucoup entendu sur mon site carrière il faut 17 clics pour postuler mais c’est pas grave ça va filtrer les personnes les plus motivées mais que j’entends beaucoup moins : mon annonce est longue avec toutes les infos qui permettront aux gens de se filtrer.

Pourtant, le premier cas est un désastre : on n’attire pas les gens les plus motivés, on attire les gens les plus désespérés. Alors que le second cas est une stratégie normale quand on crée une publicité.

Il faut le redire : le but de l’annonce est de générer des candidatures qualifiées.
Qu’elle soit lue en entier ou pas n’est donc pas la question. Le but d’une annonce n’est pas d’être lue : on n’écrit pas un roman.

Si personne ne lit mon annonce en entier mais qu’elle génère un flux très qualifié, j’ai gagné.

D’ailleurs, la peur panique de faire trop long (alors que personne ne s’en plaint) procède d’une courte vue. En effet, il est vrai qu’il ne faut pas écrire trop long. Mais on oublie une question : faut-il écrire trop court ?

Qu’est-ce qui est le pire ? Faire trop court ou trop long ?

Là encore j’ai demandé à mon ami robot :

C’est marrant parce qu’il a détourné la question. Par trop longues il a en fait décrit des annonces trop ennuyeuses ou mal mises en forme. Et, c’est vrai, en réalité c’est ça qu’on craint quand on dit qu’on craint d’écrire trop long.

Mais, comme on l’a déjà vu, ça arrive déjà sur des annonces super courtes.

Voici un exemple d’annonce très courte et pourtant indigeste :

Cette annonce est très courte. Pourtant elle est indigeste. Chaque fois que je la donne à lire à haute voix en formation, la personne abandonne avant la fin.
Mais regardons maintenant ce que dit mon ami le robot sur les annonces trop courtes.

Les annonces qui sont considérées comme étant trop courtes peuvent manquer d’informations importantes pour les candidats, ce qui peut les inciter à ne pas postuler ou à se sentir incertains sur le poste et les exigences. Les annonces succinctes peuvent également donner l’impression que l’employeur ne considère pas les candidats comme importants et ne se donne pas la peine de fournir des informations complètes sur le poste.

Et normalement on comprend le problème.

En effet, quand c’est trop long ça peut décourager la lecture. Mais quand c’est trop court ça décourage carrément la candidature !

C’est désastreux car ça décourage les candidatures mais sur un mauvais filtre. Sans compter le message que ça envoie en terme de condescendance : je n’ai pas besoin de détailler mon annonce car j’aurais quand même des candidatures.

La règle de la longueur d’une publicité

Comme je le disais plus haut, il y a toute une littérature des experts de la publicité à ce sujet. Et je n’en ai pas trouvé un seul qui dit de faire des textes courts.

Pas. Un. Seul.

Au contraire, ils ont tous un passage où ils s’agacent sur ce mythe qu’il faille écrire court. Voici par exemple un extrait d’un livre qui fête ses 100 ans cette année. Ça s’appelle Scientific Advertising et l’auteur écrit ces lignes :

Certains disent : « Soyez très bref. Les gens ne liront que très peu. » Diriez-vous cela à un commercial ? Avec un prospect devant lui, le limiteriez-vous à un certain nombre de mots ?

Ce serait un handicap impensable. Il en va de même pour la publicité. Les seuls lecteurs que nous attirons sont des personnes que notre sujet intéresse. Personne ne lit les publicités pour s’amuser, qu’elles soient longues ou courtes.

Considérez ces personnes comme des prospects qui se tiennent devant vous, à la recherche d’informations. Donnez-leur suffisamment pour qu’ils puissent se décider à agir.

Amen.

Personne ne lit des offres d’emploi pour s’amuser ! Notre but n’est donc pas de s’inquiéter de savoir si on va rebuter la personne moyenne qui n’est pas intéressée de toute façon.

La règle pour définir la longueur d’une publicité

Intéressons-nous concrètement aux publicités textuelles qui nous entourent. Je dis bien textuelles car ce sont elles qui se rapprochent le plus des conditions d’une offre d’emploi.

Regardons par exemple la page de vente de l’iPhone. Est-elle longue ou courte ?

Elle est extrêmement longue.

Tellement que je ne peux pas la recopier ici. Voici néanmoins quelques extraits :


Et vraiment c’est juste un tout petit bout. Elle est 30 fois plus longue que cet extrait.

Regardons maintenant la publicité textuelle d’une voiture. Par exemple une Renault.

Là encore, la page de vente est beaucoup trop longue pour tout mettre. Voici des extraits :


Et ça continue encore et encore…

Est-ce que ça empêche les gens d’acheter parce que c’est trop long ? Bien sûr que non ! Parce qu’à tout endroit de la page on peut cliquer sur Acheter. Le but c’est que les gens appuient sur ce bouton Acheter pas qu’ils lisent l’intégralité des arguments.

Allons maintenant chercher la page de vente d’une sauce tomate. Je vais volontairement choisir une marque luxueuse pour rester dans la même idée que pour l’iPhone.

Cette fois ci j’ai pu prendre l’intégralité de la page ! Il n’y a que ça ! C’est super super court.

Pourquoi ?

Parce que la règle de la longueur est la suivante : plus un produit est cher, complexe et nouveau, plus ma page de vente doit être longue.

Un iPhone c’est cher, complexe et nouveau. Longue page.

Une voiture c’est cher et très complexe. Longue page.

Une sauce tomate c’est pas cher (même quand c’est cher pour une sauce tomate), simple et vieux comme le monde. Page courte.

Voilà ce qui pousse David Ogilvy, le publicitaire de légende qui a inspiré Mad Men à écrire ça dans son livre On Advertising :

Le corps du texte est rarement lu par plus de 10 % des lecteurs d’une publication. Mais ces 10 % sont constitués de prospects – des personnes suffisamment intéressées par ce que vous vendez pour prendre la peine de le lire. Ce que vous leur dites détermine le succès de votre publicité. Lorsque vous faites la publicité de chewing-gum ou de sous-vêtements, il n’y a pas grand-chose à dire, mais un ordinateur ou un moteur exige un long texte. N’ayez pas peur de l’écrire. Les textes longs – plus de 350 mots – attirent en réalité davantage de lecteurs que les textes courts (…)

Les publicitaires qui font de la publicité directe savent que les textes courts ne font pas vendre. Dans les tests A/B, les textes longs l’emportent invariablement sur les textes courts.

Mais je dois vous avertir que si vous voulez que votre texte long soit lu, vous avez intérêt à bien l’écrire. En particulier, votre premier paragraphe doit être accrocheur. Vous ne retiendrez pas beaucoup de lecteurs si vous commencez par énoncer l’évidence…

Il en va de même pour une annonce. On veut que les gens qui lisent soient les gens qualifiés.

Robert Bly détaille la règle dans The copywriter’s handbook :

Le slogan d’une ancienne publicité pour des cigarettes était : « Ce n’est pas la longueur qui compte, c’est la façon dont on la fait durer ».

Et c’est une bonne règle de base pour déterminer la longueur du texte que vous écrivez. En d’autres termes, la question n’est pas de savoir combien de mots vous devez écrire, mais combien d’informations vous devez inclure pour que le texte remplisse sa mission de vente.

En général, la longueur dépend de trois éléments : le produit, le public et l’objectif du texte. Tout d’abord, considérez votre produit. Pouvez-vous en dire beaucoup à son sujet ? Et le fait de donner ces faits aidera-t-il à convaincre le lecteur de l’acheter ?

Certains produits ont beaucoup de caractéristiques et avantages que vous pouvez mettre en avant dans votre texte. C’est le cas des ordinateurs, chaînes stéréo, voitures, livres, polices d’assurance, possibilités d’investissement, cours et séminaires, centres de villégiature et voyages de vacances, magnétoscopes, logiciels, appareils photo, machines à écrire et appareils d’exercice à domicile.

De nombreux autres produits n’ont pas beaucoup de caractéristiques et avantages, et il n’y a pas grand-chose à dire à leur sujet. Il s’agit notamment des boissons gazeuses, de la restauration rapide, des vêtements de marque, des bonbons, du chewing-gum, de la bière, du vin, des spiritueux, des bijoux, de la lingerie, de l’eau de Cologne, du parfum, du savon, du détergent à lessive, des cosmétiques, du linge de maison, des aliments pour animaux et du shampoing.

Par exemple, on ne peut pas dire grand-chose d’un nouveau soda au gingembre, sinon qu’il a bon goût et qu’il coûte moins cher. Mais un robot de cuisine automatique présente de nombreux avantages que vous pouvez mettre en avant : Il permet de gagner du temps. Il élimine les hachages et les coupes désordonnés. Il rend la cuisine plus facile et plus agréable. Il peut trancher, couper en dés, écraser, éplucher, fouetter, mélanger, hacher et écraser pratiquement tous les aliments.

Vous pouvez l’utiliser pour les desserts, les hors-d’œuvre, les salades et les plats principaux. Il peut traiter les fruits, les légumes, les viandes, les noix, les fromages.

Ainsi, la longueur du texte dépend du produit et de ce qu’il y a à dire à son sujet.”

Le même auteur détaille une étude sur la longueur des publicités :

De nombreuses études confirment que, toutes choses égales par ailleurs, les publicités longues se vendent mieux que les courtes. Par exemple, une enquête menée auprès de soixante-douze commerçants a mesuré le « taux de réussite » de leurs publicités par rapport au nombre de faits relatifs à la marchandise que chaque publicité contenait.

Résultat : plus les informations sont nombreuses, plus l’annonce a du succès.

L’étude a également révélé que chaque fois qu’un magasin omettait une information essentielle dans une publicité, la performance des ventes était instantanément réduite. N’ayez pas peur des textes longs. Incluez autant de faits que nécessaire pour réaliser la vente.

Et, quand on y réfléchit c’est logique. Car, dans la vraie vie, qui renonce à acheter un produit parce que la pub est trop longue ? Chaque personne va picorer ce qui l’intéresse. Par exemple, j’ai un iPhone Pro car je l’utilise pour filmer des formations en ligne, au lieu d’acheter un appareil photo cher. Du coup, j’ai lu uniquement la partie de la page qui parlait des performances photos et vidéo de cet iPhone. Le reste je l’ai juste zappé.

Je ne me suis pas écrié oh la la mais c’est trop long ! Pourquoi y’a des infos qui me concerne pas ? Puisque c’est comme ça je ne vais pas acheter cet iPhone !


Photo de Felice Wölke

Personne ne fait ça.

En revanche, il n’y a rien de plus frustrant qu’une page de vente où il manque une info cruciale ! C’est là qu’effectivement parfois je m’écrie bon bah tant pis en fait, j’ai la flemme d’appeler le magasin pour avoir l’info.

D’ailleurs, la Bible est probablement l’un des textes qui a le plus “recruté”. Est-ce que c’est court ? Pas du tout, c’est plus que long. Est-ce que tout le monde la lit ? Non. Mais ça n’empêche pas son efficacité : les gens picorent dedans.

Le but d’une annonce n’est pas de faire rire


Photo de Boxed Water Is Better

Ni même de faire ressentir du plaisir. Ce n’est pas de la littérature. Parfois je me demande quand j’entends les objections des recruteurs et recruteuses… vous voulez écrire des annonces où de la littérature à succès ?

Encore une fois, personne ne lit une annonce pour le plaisir ou pour rigoler. Quelqu’un qui vous lit c’est qu’il a besoin des infos pour se décider à postuler ou pas.

Ça me fait penser à la questions des CV originaux. Je me rappelle d’une conférence où on avait invité une candidate qui avait fait un CV en forme de scotch qu’elle avait envoyé à des agences de communication pour trouver un job. J’ai alors assisté incrédule à une heure où les recruteurs présents lui ont dit à quel point c’était génial. Jusqu’à ce que je demande mais du coup quelqu’un t’as recrutée ?

Silence…

Non.

Bah du coup c’est un mauvais CV. C’est pas parce que c’est drôle que c’est bien.
Il en va de même pour cette publicité d’emploi qui a fait beaucoup de bruit à l’époque : https://www.youtube.com/watch?v=2AiE1Q7cM4k&pp=0gcJCdgAo7VqN5tD

Beaucoup de recruteurs et recruteuses l’ont adorée. Bah oui… c’est court, c’est drôle. Sauf que c’est objectivement une très mauvaise publicité. En effet, une fois que vous l’avez vue, vous n’êtes absolument pas capable de dire si vous devez postuler ou pas. Il manque toutes les infos à part que c’est fun.

Attention, ceci n’est absolument pas une attaque contre les gens qui ont fait cette pub. La critique est plus facile que l’action et moi-même j’ai écrit des pubs qui ont fait des flops. Remarque valable également pour la candidate du CV scotch qui a fait de son mieux sachant que candidate n’est pas un métier.

Nous confondons une bonne publicité et une publicité qui nous déclenche des émotions agréables. Bien sûr que c’est bien de joindre l’utile à l’agréable. Mais on peut pas faire que de l’agréable, sans utile.

Le but d’une annonce n’est pas d’être lue

Je le redis : le but n’est absolument pas qu’on lise l’annonce. Le but c’est que l’annonce génère un flux qualifié de candidatures. Nous devons donc nous départir de notre égo. Non je ne vais pas devenir la nouvelle Simone de Beauvoir en écrivant mon annonce.

Je n’écris pas pour faire sensation. J’écris pour déclencher un acte. On retrouve ce propos dans Scientific Advertising :

Certains insistent sur les annonces élégantes. C’est très bien dans une certaine mesure, mais cela n’a pas beaucoup d’importance. Certaines textes publicitaires mal fagotés, comme les hommes mal fagotés, se révèlent d’excellents vendeurs. Dans un cas comme dans l’autre, une tenue trop voyante est une faute.

Il en va de même pour d’innombrables questions. Mesurez-les selon les standards des vendeurs, pas selon les standards de l’amusement. Les publicités ne sont pas écrites pour divertir. Lorsqu’elles le font, les personnes qui cherchent à se divertir ont peu de chances d’être celles que vous voulez. C’est l’un des plus grands défauts qu’on puisse commettre dans la publicité. Les rédacteurs publicitaires abandonnent leur rôle. Ils oublient qu’ils sont des vendeurs et essaient d’être des artistes. Au lieu de vendre, ils cherchent des applaudissements.

Chaque fois que je me dis que ce texte a été écrit en 1923 j’ai un moment d’émerveillement de voir comment ça tape juste.

Il explique ensuite pourquoi on commet cette erreur. On la commet parce qu’on essaie de plaire au plus grand nombre au lieu de plaire à notre cible. Oui, en effet si je veux une annonce qui plaise à ma mère et aux journalistes il va falloir une annonce drôle et loufoque. Pourquoi ? Parce que ces personnes n’ont aucune raison sinon de s’intéresser à mon annonce.

Ne pensez pas aux gens dans la masse. Cela vous donne une vision floue. Pensez à un individu caractéristique, homme ou femme, qui est susceptible de vouloir ce que vous vendez. N’essayez pas d’être amusant. Les dépenses d’argent sont une affaire sérieuse.

Ne fanfaronnez pas, car cela déplaît à tout le monde. N’essayez pas de jeter de la poudre aux yeux. Faites exactement ce que vous pensez qu’un bon vendeur devrait faire avec une personne à moitié convaincue devant lui.

Ce qu’on veut ce ne sont pas les personnes qui n’ont pas de raison de postuler et qui vont trouver mon annonce drôle. Ce qu’on veut c’est attirer les personnes susceptibles d’occuper le poste.

Or, ces personnes sont tout à fait en mesure de picorer dans mon texte. À condition bien évidemment que ce texte soit bien aéré, bien structuré et permette une lecture en diagonale. À condition bien sûr que les infos les plus fondamentales (lieu, périmètre, salaire, date de démarrage…) soient affichée dans un encart dès le début.

À condition bien sûr que le bouton d’appel à l’action soit toujours visible, à tout endroit du texte.

N’économise jamais les infos

Vise la concision. La concision c’est quand il n’y a plus rien à enlever, certes. Mais c’est aussi quand il n’y a plus rien à rajouter.

Notons d’ailleurs que beaucoup d’annonces courtes pourraient être réduites de 75% tellement c’est que du texte creux. Il vaut mieux un long texte avec 0% de creux, qu’un petit texte avec 90% de creux.

Il ne faut pas remplir pour remplir. Il faut remplir mon annonce des informations dont on besoin les gens que je vise. Et les gens que je vise vont postuler sans forcément lire tout. Ils vont chercher ce qui est important dans leur cas.

Mais comment savoir quelles informations mettre ? Aurélien te l’a expliqué dans cet article :https://blog.lecoledurecrutement.fr/comment-ecrire-une-offre-demploi-le-guide-ultime-pour-avoir-une-annonce-qui-dechire/

La longueur n’est pas la question. La question c’est est-ce que mon texte repousse les personnes qui ne conviennent pas et attirent les personnes qui conviennent.
Je dirais même qu’une publicité qui plaît à tout le monde est un très mauvais signe. C’est comme les CV originaux. Ce sont les pubs qui attirent les gens qui ne sont pas la cibles. Or, une bonne publicité ne parle qu’aux personnes qui sont la cibles.

Une bonne annonce ne parle qu’aux candidat·es susceptibles d’être de bonnes recrues à ce poste.

Or, pour ça il faut donner de l’information. Si j’hésite entre trop court et trop long, il faut toujours pencher pour trop long. Car, trop long et les gens liront en diagonale pour trouver l’info… mais trop court les gens ne postulent tout simplement pas.

Bien entendu le but c’est de faire exactement la bonne longueur avec 0% de superflu. Mais ma grande peur devrait être de ne pas mettre assez d’infos. Pas d’en mettre trop.

Ce n’est pas encore clair pour toi ?

Prends RDV pour te former avec nous ICI à la rédaction des annonces alors 🙂

Creuser les trous dans le CV est violent et inutile

Trous dans le CV, pourquoi c’est inutile et violent de creuser

“Comment faire pour creuser avec quelqu’un un trou sur son CV ?”

Je ne sais pas combien de fois on m’a demandé ça en formation. Et… à chaque fois je tombe des nues. Surtout que la discussion tourne souvent autour du mensonge potentiel du candidat qui ne dit pas la vérité sur la raison des “trous” dans le CV.

Chaque fois j’ai en tête la phrase d’Orelsan : “Me juge pas j’aurai moins envie de mentir”

C’est tellement ancré, que quand je vous ai posé la question sur LinkedIn vous n’avez été que 8% à me dire que vous ne posez pas de questions sur les trous :

Quand on recrute on oublie la violence de ce procédé. Pour avoir accompagné des personnes en recherche d’emploi, je peux témoigner d’à quel point c’est une des questions les plus redoutées, les plus stressantes, les plus anxiogènes.

Bon… mais peut-être que le jeu en vaut la chandelle ? Après tout si ça permet d’obtenir une information cruciale, c’est peut-être dans l’intérêt long terme des deux parties ?

Non.

Et pour le comprendre on va d’abord creuser la violence de la démarche.

La violence inouïe d’enquêter sur un trou

J’utilise le verbe enquêter à dessein, car c’est la posture qu’on adopte. Commençons par rappeler quelque chose que la télévision bas de gamme tend à nous faire oublier :

Les gens font rarement un trou dans leur CV par plaisir.

Ce qui signifie que la plupart du temps, on essaie de faire parler la personne d’une expérience extrêmement douloureuse, parfois professionnelle mais souvent personnelle. C’est humiliant quand on le fait auprès d’une personne qui n’est pas notre amie.

Une de mes anciennes élèves m’a envoyé cet extrait de CV :

Ça m’a fendu le coeur.

Car… je me dis que pour une candidate écrive ça sur son CV, elle a dû subir tellement fois la question mais pourquoi vous avez un trou entre 2020 et maintenant ?

Voilà un témoignage d’une candidate qui a un trou dans son CV :

En tant que candidate avec un trou dans le CV,  c’est systématiquement creusé. J’y ai eu droit de toutes les manières possibles :

  • J’imagine que vous avez trouvé une occupation pendant cette période »
  • « Dites moi tout, comment vous êtes vous occupée pendant ces longs mois »
  • « Vous avez rallongé un congé maternité? » (Spoiler : je n’ai pas d’enfants)
  • « je pense que vous avez laissé une coquille au niveau des années »
  • “Vous avez un trou d’un an dans votre CV, un burn out à votre âge ?”

Et plus tu réponds plus tu creuses ta tombe 😅

Perso sur mon CV je ne mets pas les mois en face des années ça permet d’effacer certains trous. Mais parfois ça ne suffit pas à « cacher ».

C’est tellement violent.

Et surtout… on s’attend à quoi quand on pose cette question ? Encore une fois, je pense qu’on la pose par habitude et mimétisme sans interroger le pourquoi.

Car, souvent, le trou dans le CV s’explique par un aléas violent :

  • Licenciement
  • Burn-out
  • Dépression
  • Décès d’un proche
  • Divorce

Ou alors un événement positif mais privé : s’occuper d’un enfant.

Dans l’épisode de la série Explained sur le gender gap, on montre que l’essentiel de l’inégalité salariale est générée par ce trou là : ce sont les femmes qui s’arrêtent pour s’occuper de l’enfant et ce sont leur carrière qui est freinée. 

https://youtube.com/watch?v=hP8dLUxBfsU%3Ffeature%3Doembed

Mais, à la limite, c’est le “trou” que la personne vous “révèlera” le plus facilement.

Alors que les autres ?

Mettons-nous à la place du candidat qui s’est arrêté à cause d’un burn-out dont il a mis un an à se remettre. Il ne me connaît pas, je ne suis ni son ami, ni son psy… que répondre à la question ?

Que va-t-il gagner à me dire la vérité ? Quoi qu’il choisisse (me mentir ou me dire la vérité), tout ce que j’ai gagné c’est d’avoir créer un énorme malaise en lui.

Car… que m’apporte cette information ?

Si on pose une question d’entretien c’est qu’il y a des bonnes et des mauvaises réponses. Si jamais tu ne peux pas dire ce qui est une bonne ou une mauvaise réponse c’est le premier signe que la question n’est pas pertinente.

Par exemple, quand un recruteur me dit moi je pose la question des loisirs et que je lui demande mais tu en fais quoi ?

Il n’y a que deux réponses possibles. Soit le recruteur est conscient que cette question sert à discriminer (cf cette étude) en valorisant les loisirs des CSP+. Soit le recruteur est dans le déni et il me répond non mais peu importe la réponse ça me permet juste de comprendre.

Bah, j’insiste, si peu importe la réponse alors ce n’est pas une question d’évaluation. Alors… à quoi ressemble la bonne réponse au trou dans le CV ?

L’obsession pour la cohérence du parcours

Notre cerveau a une obsession pour la cohérence, les signes… c’est d’ailleurs une faille largement exploitée par les manipulateurs. Pire encore… notre cerveau a une obsessions pour les histoires.

Or, une histoire c’est toujours un déroulé cohérent où chaque pas amène à un autre pas. Si je propose un film sur un détective et qu’à la fin l’enquête se résout par hasard, ça donnera un film très peu apprécié. On a besoin que le détective fasse une chose A qui mène à une chose B mais y’a C qui survient et en même temps D qui… jusqu’à Z.

C’est aussi pour ça qu’on a tant de mal à accepter les changements de parcours. Notamment chez les artistes. Je suis moi-même un expert de la narration. À cause de mon métier mais aussi à cause de mon parcours justement. Je n’étais pas un élève très apprécié des autres au collège et au lycée. Jusqu’à ce que je découvre que j’avais un pouvoir celui de raconter des histoires et captiver un auditoire.

Du coup, c’est devenu une seconde nature (et accessoirement j’ai beaucoup lu sur le sujet pour améliorer cette compétence). Je pense que ça explique pourquoi j’ai toujours été bon dans la recherche d’emploi. Avant même d’être dans le monde du recrutement. Parce que j’avais compris rapidement la nécessité du storytelling du parcours.

Quand on m’a demandé en entretien d’entrée pourquoi je voulais faire une école de commerce alors que je venais d’une prépa ingénieur, j’ai répondu facilement :

J’ai toujours aimé tout explorer, je pense que ça vient de mon père prof de philosophie. La philosophie c’est cet amour du savoir, mon père lui-même a eu un parcours littéraire mais il adore la science. Moi c’est l’inverse, j’ai eu un parcours scientifique mais j’ai hésité à faire une prépa littéraire. Et là j’ai envie d’explorer une discipline que je n’ai jamais encore exploré.

Alors que la vérité c’était que ma copine de l’époque avait un appartement dans le 91 et que les meilleures écoles d’ingénieur que j’avais obtenues au concours étaient à Grenoble et à Tours. Or, l’école de commerce était à Evry, donc dans le 91.

Mais c’est sûr que c’est pas ça que je vais dire à un prof recruteur.

Quand on m’a demandé pourquoi je devenais recruteur de développeurs à la fin de mes études c’était facile :

Ma mère a toujours travaillé dans l’insertion professionnelle. Ma soeur est développeuse. J’ai toujours baigné dans ces deux environnements… En plus mon tout premier stage c’était en tant qu’assistant RH chez EDF Guadeloupe…

Et puis, quand j’ai rejoint LEDR j’ai arrêté d’être recruteur pour être formateur en recrutement :

Mon père est professeur, ma mère a toujours travaillé dans l’insertion professionnelle, puis j’ai eu une expérience de recruteur c’était logique au final que je devienne formateur en recrutement.

Et quand je veux épicer l’histoire je rajoute : c’est marrant parce que je me suis toujours dit que je ne serai JAMAIS prof comme mon père et au final…

Parce que notre cerveau adore la notion de destinée dans une histoire.

Quand j’ai écrit un livre de développement personnel je disais :

J’ai toujours adoré écrire, aussi loin que je me souvienne j’écrivais des histoires et mon héros s’appelait toujours François, je sais pas pourquoi. Du coup quand j’ai eu du temps, après mon bac, je me suis lancé dans l’écriture d’un roman. Je savais pas sur quoi écrire alors j’ai écrit sur une année de ma vie. Ça s’appelle Esquisse d’une goutte de vie. C’est un très mauvais livre, c’est grosso modo un TikTok d’ado mais en livre, mais c’était incroyable comme expérience.

Et puis, avec mon père prof de philosophie je me suis toujours intéressé au développement personnel. Bah oui… c’est quoi le développement personnel quand ce n’est pas une arnaque ? Un rebranding de la philosophie.

Si jamais je devais prendre un poste de marketing je dirais :

J’ai toujours adoré la publicité, au point que je regarde encore des publicités juste pour le plaisir. C’est pour ça que quand on n’avait pas encore de responsable marketing c’est moi qui gérait le marketing de L’école du recrutement, et j’adorais ça. En même temps, j’ai vraiment cette affinité, puisque mon tout premier stage c’était assistant marketing chez EDF Guadeloupe.

Et là si tu as suivi tu te dis mais non Nicolas t’abuse, là tu mens, tu as dit plus haut que ton premier stage c’était assistant RH chez EDF.

Et bien figure-toi que c’était les deux. J’avais un stage de 3 mois à faire, et comme je ne savais pas ce que je préférais j’ai demandé si je pouvais faire les deux :

D’ailleurs, dans ma lettre de motivation j’avais appuyé sur le contexte social : un mouvement de révolte contre les prix de l’essence au début, puis contre les prix chers et injuste tout court. Et j’avais fini en rappelant qu’EDF m’avait nominé pour son prix de l’excellence des bacheliers .

Encore du storytelling. Quel rapport entre tout ça et ma capacité à faire un stage en RH ? Absolument aucun.

La seule bonne raison de faire un trou dans le CV

Alors… qu’est-ce que la bonne réponse pour expliquer une période de vide dans le CV ? Une réponse storytellée. Quelque chose du type :

J’ai pris un an de pause pour prendre du recul sur ce que je voulais vraiment pour ma carrière.

Ou mieux :

J’ai décidé de prendre une année pour faire un tour du monde / J’ai décidé de faire un roadtrip

Les gens adorent les histoires de congé sabbatique pour faire le tour du monde.

Mais… quel est le lien entre ça et la performance en poste ?

Sans compter qu’on remarque que, comme pour les loisirs, on valorise encore une raison de CSP+. Il faut avoir les moyens pour faire un tour du monde ou un roadtrip.

En plus ça concerne combien de gens ? 5% ? 5%  à tout casser qui seront contents de vous raconter pourquoi le trou… tous les autres vous les mettez très mal à l’aise.

Et pour quoi, au final ? Rien.

La réponse n’apporte absolument rien pour prédire la performance en poste où la capacité à réussir dans la culture de l’entreprise.

Enquêter sur les trous, c’est du jugement ou de l’évaluation ?

Malheureusement, la plupart des entretiens de recrutement ressemblent à des rancards amoureux, c’est-à-dire que l’on juge, on se sent, on fait jouer le feeling pour voir si on a une étincelle.

Au lieu d’évaluer, comme on le ferait dans une compétition sportive.

Alors… quand on enquête sur les trous, c’est pour juger ou évaluer ?

Si c’est pour évaluer, c’est pour évaluer quoi ? On l’a vu : cette question révèle le talent à tout mettre sous forme d’histoire, à donner de la cohérence au chaos.

Car oui, j’ai oublié de préciser, j’ai mené mon parcours en étant extrêmement perdu. Comme la plupart des gens. Quand j’étais lycéen ça m’angoissait profondément de ne pas savoir. Arrivé à la fin de mon école de commerce, 5 ans après le bac… je ne savais toujours pas.

Si je racontais l’histoire honnêtement ça ne serait justement PAS une histoire. La vie n’est pas une série Netflix, la vie n’est PAS une histoire. Y’a pas de début, d’élément perturbateur, de climax. Donc on tâtonne, on avance sans savoir ce qu’on fait, y’a des hasards qui nous tombent dessus, des bifurcations…

Mais le pire c’est que… je ne fais même pas exprès de romancer : notre cerveau nous fait porter ce regard sur notre propre parcours. Nous lui donnons du sens. Car nous sommes une machine à créer de la cohérence. Nous préférons quelque chose de faux mais qui a l’air cohérent qu’une vérité contre-intuitive. Nous préférons voir des formes dans les nuages ou des visages dans des objets.

Sans compter notre biais de la croyance en un monde juste qui fait qu’on va essayer de trouver des notions de mérite dans le parcours.

C’est d’ailleurs probablement pour ça que le trou qui est dû à un licenciement est un des pires. Je connais quelqu’un qui a été licenciée dans le cadre d’une boîte horrible qui, si elle était attaquée, serait dix fois condamnée aux prud-hommes. Mais… dès qu’elle prononce le mot “licenciement”, c’est la fin du monde, les recruteurs se méfient comme si elle avait dit qu’elle avait une maladie contagieuse.

Si bien qu’elle finit par dire qu’elle a fait une rupture conventionnelle.

La question sur le trou évalue le talent narratif et la capacité de répartie (et encore… elle le fait de manière contestable, si on voulait vraiment évaluer le talent narratif on pourrait le faire en prévenant la personne que c’est ce qu’on évalue).

Mais… dans 99% des postes, le talent narratif et la répartie ne sont pas des critères essentiels au poste brut ou à l’adéquation culturelle.

En réalité… nous posons cette question pour juger. Nous la posons comme nous la poserions dans un rancard amoureux ou en soirée. C’est une curiosité mal placée qu’il faut cesser parce que :

  1. Elle est très violente pour les candidats et candidates
  2. Elle ne nous apporte rien
  3. Elle nous fait perdre du temps que l’on aurait pu dédier à évaluer des compétences
  4. Elle place les candidats en position de nous mentir et nous en position de nous vexer de ce mensonge

Mais surtout… il y a un cinquième problème que je n’ai pas encore abordé.

L’impact des informations parasites

Une des 15 règles de l’entretien structuré est ainsi exprimée :

Contrôler/Limiter l’influence des informations auxiliaires (CV, pré-qualifications, tests, lettre de motivation, sourcing).

Mais pourquoi ? Au final on pourrait juste les prendre et ne pas en tenir compte, non ?

Les gens qui font de la négociation sont familiers avec ce qu’on appelle l’effet d’ancrage. Le fait d’avoir connaissance d’une donnée comme le prix de l’objet autre part va nous influencer. Pire encore, on peut être influencer par un chiffre qui n’a rien à voir :

“Encore plus étonnant, l’anchoring fonctionne même avec des chiffres qui n’ont rien à voir avec l’objet vendu. Dans une autre expérience d’Ariely, simplement demander à des étudiants d’écrire les deux derniers chiffres de leur numéro de sécurité sociale – un chiffre aléatoire – a un impact énorme sur le prix qu’ils sont prêts à payer pour un objet.

Pour un clavier sans fil, les étudiants avec un numéro élevé (entre 80 et 99) sont prêts à payer 56 $, quand les étudiants avec un numéro bas (entre 1 et 20) ne sont prêts à payer que 16 $. L’effet est énorme, mais opère totalement à l’insu des étudiants, qui estiment tous que leur numéro de sécurité sociale n’a absolument pas contribué à leur décision.” *

*Source

La seule manière de se protéger de cet effet d’ancrage est de ne pas s’y exposer.

Or, si quelqu’un me dit j’ai été licencié…… mon cerveau va lancer un logiciel qu’on appelle que la psychologie sociale appelle l’erreur fondamentale d’attribution.

D’ailleurs, on sent à quel point les psychologues ont voulu nous alerter sur son omniprésence en l’appelant l’erreur fondamentale.

Mais qu’est-ce que c’est ? Et bien ça consiste à surestimer l’influence de ce qui est dans le pouvoir d’un individu par rapport aux choses externes.

Concrètement ça veut dire que je vais avoir tendance à attribuer le chômage de quelqu’un a sa personnalité (fainéantise) ou son caractère (fragilité) plutôt qu’à la malchance ou au contexte économique.

Le plus marrant c’est que ce biais s’inverse quand il s’applique à nous-mêmes.

Concrètement ça veut dire que si quelqu’un a une mauvaise note c’est probablement parce qu’il a mal travaillé mais que si moi j’ai une mauvaise note c’est parce que je n’ai pas eu de chance ou alors je n’étais pas dans les bonnes dispositions.

Du coup… quand quelqu’un nous dit qu’il a été licencié, ce logiciel se lance dans notre cerveau et une petite voix nous balance le pire stéréotype  :

Si la personne a été licenciée ça doit être à cause de sa personnalité ou son caractère

Si une personne nous dit qu’elle a fait un burn-out, ce logiciel ne nous dira pas que c’est probablement à cause d’une boîte toxique, la voix nous dira :

Si elle a fait un burn-out c’est qu’elle doit être fragile. Elle ne pourra pas gérer la pression.

Si la personne nous dit qu’elle au chômage depuis longtemps, le logiciel ne nous dira pas que y’a forcément des chômeurs de longue durée dans une économie de chômage structurel de masse. La voix nous dira :

Oulah… c’est quelqu’un qui n’a pas envie de travailler.

Et même si ensuite, je contrecarre la petite voix, c’est trop tard, elle a déjà fait un dégât irréversible dans ma perception. D’ailleurs… le simple fait d’avoir écrit le stéréotype ici, même pour le démonter est dangereux car ça peut contribuer à l’ancrer dans ta petite voix.

Alors que :

  • Une personne peut être licenciée parce que son manager était toxique (je suis sûr que tu connais au moins une personne dans ce cas).
  • Absolument tout le monde peut faire un burn-out et c’est le plus souvent déclenché par une forme de décalage entre les valeurs de la boîte et les valeurs personnelle. Ça n’a rien à voir avec la fragilité. 
  • Un chômeur de longue durée l’est souvent pour des raisons qui n’ont rien à avoir avec ses compétences. Déjà, il s’enclenche un cercle vicieux de dévalorisation qui peut crisper et empêcher de réussir en entretien. Comme je sais qu’on va me juger, alors je me mets la pression et je rate l’entretien.
  • Ensuite, il y a énormément de facteurs externes notamment dans l’histoire de vie de la personne. L’exemple le plus classique ce sont les personnes qui ne veulent pas quitter leur région où vivent leur famille… mais c’est très dur de trouver un poste de ce métier dans cette région. Alors ils finissent par se faire à l’idée de déménager au bout d’un moment…

S’intéresser au parcours est inutile

On a vu pourquoi il ne fallait pas enquêter sur les trous. Mais la question des trous est en réalité une sous-question d’une question plus large : celle sur le parcours.

C’est une croyance extrêmement répandue dans le recrutement au feeling : il faut poser des questions sur le parcours pour apprendre à connaître les gens.

Sauf que… le parcours en tant que tel est très peu prédictif de la performance. Il y a des gens qui vont avoir 6 ans d’expérience sur exactement le même job que je propose mais qui ne sont pas performants.

Bah oui… tout le monde n’est pas doué dans son job. Je connais plein de gens qui font leur métier pendant dix ans, mais mal.

Mais sans aller jusque là, j’ai déjà recruté des personnes qui étaient performantes au même job mais dans une culture d’entreprise différente et, du coup, ça ne marchait pas chez nous.

On creuse le parcours car on croit que ça nous aide à connaître la personne. D’où la fameuse question Parlez-moi de vous.

Sauf que, premièrement, les candidats détestent cette question car ils ne savent jamais ce que ça veut dire. Je dois parler de moi en général ? En lien avec le poste ? À partir de quand dans le passé ?

Comble de la cruauté, les recruteurs vont rajouter ah bah voilà, les gens ils répondent trop longuement à la question ça me montre qu’ils ont pas l’esprit de synthèse.

Mais, deuxièmement, que cherche-t-on à évaluer avec cette question ? Si on a besoin de quelqu’un qui a des compétences de prise de parole en public, par exemple, pourquoi ne pas directement demander racontez-moi une fois où vous avez dû prendre la parole en public ? Plutôt que d’attendre que, par chance, elle nous parle de cette compétence dans son parcours.

En faisant ça on va favoriser les personnes qui maîtrisent les codes de l’entretien et qui comprennent bien que cette question a pour but de mettre en relation les éléments de leur parcours avec les compétences du poste.

Mais tu sais qui maîtrise le mieux ces codes ? Les escrocs ! J’entends par là les personnes qui sont très douées en entretien mais pas forcément dans le job. Je le dis en m’incluant dans cette catégorie : je sais que je serai capable de réussir à peu près n’importe quel entretien, pour n’importe quel job. Alors que, évidemment, je ne suis pas doué dans n’importe quel job. Cette obsession sur le parcours, favorise les escrocs et défavorise les candidats qui ne sont pas doués dans l’exercice de l’entretien. Mais ce qu’on cherche c’est des personnes douées en entretien de recrutement ou douées dans leur job ?

Mon but n’est pas de connaître les gens, mon but n’est pas de faire un rencard amoureux, mon but est de les évaluer. Et ce n’est pas le parcours qui me permettra de faire cette évaluation.

Quoi alors ?

Si tu me suis depuis un moment tu sais ce que je vais te répondre : un entretien structuré comportemental. Mais on en reparlera une autre fois.

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