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L’étrange similitude entre les recruteurs et la SNCF

En discutant avec des recruteurs pendant un lancement de LEDR Pro, j’ai été frappé par une révélation : nous nous comportons comme la SNCF.

J’ai déjà eu l’occasion de vous en faire part lors du programme une saveur de recrutement par jour, pendant la première question bête du vendredi. Et vous avez énormément réagi. J’ai été positivement surpris par le nombre de retours que vous m’avez fait.

Mais c’était à chaque fois dans l’intimité des échanges emails. Cette fois-ci je vous propose de partager vos pratiques directement en commentaires, pour que tout le monde puisse en profiter. Ceci étant dit, allons-y.

Que reproche-t-on à la SNCF ?

Les retards, vraiment ?

L’immense majorité des gens reprochent à la SNCF ses trains en retard. Certaines personnes vont même jusqu’à dire que quasiment tous les trains sont en retard. Et pourtant quand on y réfléchit c’est quelque chose d’assez étonnant. Le retard fait partie intégrante de la logistique. Dès que vous avez une logistique vous avez potentiellement des retards.

D’ailleurs, à titre personnel, j’ai également l’impression de n’avoir jamais pris un vol Ryan Air ou Easy Jet à l’heure. Et pourtant, on entend beaucoup moins de ressentiment à l’égard des compagnies aériennes.

Pourquoi ? Est-ce parce qu’il y a trop de retards de train ? A priori non. Si on s’en tient aux TGV, 7 trains sur 8 étaient à l’heure en 2016 (et 9 sur 10 en 2014). Les TGV sont donc globalement très à l’heure. Avec un taux de retard variant entre 10 et 13%.

D’ailleurs, si on fait la comparaison avec les compagnies aériennes on observe bien que les taux de retard des avions sont supérieurs chez Ryan Air (16%), Air France (26%) et Easy Jet (32%). [source : lci]

Ce n’est donc pas le taux de retard qui explique en soi le fort niveau de ressentiment des usagers.

La communication floue

En réalité, ce n’est pas tant le retard que la manière de communiquer dessus qui pose problème. Parfois on se demande si ce n’est pas un concours de flou artistique, tellement c’est déconcertant.

Vous connaissez déjà le scénario tellement il est classique. On commence par vous dire que le train est à l’heure. Puis 5 minutes après l’heure on vous dit qu’il a 10 minutes de retard. Puis 20 minutes après l’heure on vous dit que le train a 30 minutes de retard.

En termes de ressenti, c’est terrible. Le fait de ne pas savoir combien de temps vous allez attendre rend l’attente insupportable. Alors que si on vous avait dit avant et de manière fiable que le train avait 30 minutes de retard, vous auriez pris votre mal en patience. Mieux encore : si vous aviez reçu un email avant pour vous avertir.

La communication désincarnée

Non seulement la communication est floue mais en plus elle est totalement froide et sans émotion. Personne ne compatit car tout est dit dans un langage abscons et impénétrable. Quand on vous dit que votre train est arrêté « en raison d’un problème de signalisation », vous ne comprenez pas ce que ça signifie. Quand on vous dit qu’il y a « un problème de caténaire », vous ne comprenez pas non plus.

Et pourtant, une simple recherche Google nous apprend que ce sont deux incidents qui peuvent nous mettre en danger (ce qui explique les procédures de sécurité).

La signalisation nous évite par exemple que deux trains se percutent. Voici ce qu’en dit un conducteur sur un blog :

Une fois que l’on connaît les coulisses, on est d’un coup plus compatissant. Vous remarquez qu’ici c’est un témoignage d’un conducteur, lui-même. Et il s’exprime comme un être humain normal. (Son témoignage complet est à retrouver ici)

La banalisation de l’extraordinaire

L’autre problème c’est que les interlocuteurs de la SNCF ont tendance à banaliser la situation. C’est humain : pour eux c’est une situation ordinaire qu’ils voient régulièrement. Le problème c’est que de votre point de vue, la situation sort totalement de l’acceptable. Ce décalage de perception mène très vite à de la colère.

D’autant plus que vous êtes totalement impuissant dans ce type de situation. Vous n’avez à peu près aucun pouvoir pour imposer votre volonté.

Que faisons-nous en tant que recruteur ?

Pourquoi je vous parle de la SNCF ? Certainement pas pour l’accabler ni pour alimenter les clichés (en vérité c’est une situation bien plus complexe que ce qu’on veut bien reconnaître). Non, je vous en parle parce qu’il est plus facile de voir la paille dans l’oeil de son voisin que la poutre dans le sien.

Si vous ne voyez pas où je veux en venir, remplacez « SNCF » par « recruteurs » et « retards de train » par « non-réponse aux candidatures ».

Ou regardez cet article :

http://www.topito.com/top-excuses-sncf-justifier-retard-trains

Puis regardez celui-ci :

http://infossolidarite.over-blog.fr/article-les-plus-belles-excuses-pour-refuser-un-candidat-58004334.html

Et le parallèle devrait commencer à vous saisir.

La communication floue

En tant que recruteurs, nous battons aussi des records en la matière. La palme en la matière étant attribuée au dévastateur :

Nous avons bien reçu votre candidature et vous remercions de l’intérêt que vous portez à notre entreprise. Si vous ne recevez pas de retour dans notre part d’ici 3 semaines, vous pouvez considérer que votre candidature n’a pas été retenue.

Je ne sais même pas comment on peut écrire ça à un humain tellement c’est violent. Le flou ici est total.

Ne parlons même pas du fameux « vous étiez surqualifié(e) » qu’aucun candidat n’a jamais compris.

Il en va de même pour la pratique de « garder au chaud » un candidat alors qu’on sait pertinemment qu’il y a très peu de chances que ça aboutisse avec lui. Encore une fois, le problème ce n’est pas le refus en soi, c’est le flou. Là encore, on impose à quelqu’un une attente sans lui en donner les délais, ni lui expliquer vraiment de quoi il en retourne.

La communication désincarnée

Peut-on faire plus désincarné, plus robotique, plus froid que :

Nous avons bien reçu votre candidature et vous remercions de l’intérêt que vous portez à notre entreprise. Si vous ne recevez pas de retour dans notre part d’ici 3 semaines, vous pouvez considérer que votre candidature n’a pas été retenue.

Probablement pas. Et là encore l’interlocuteur ne peut pas compatir avec vos difficultés logistiques (avoir trop de candidatures). Si vous vous exprimez comme un robot, vous ne pouvez pas susciter d’empathie humaine.

La banalisation

À force de recruter on finit par ne plus réaliser ce qui est inacceptable : on s’y habitue. Quand on donne les chiffres sur l’ampleur de la non-réponse chez un public autre que des recruteurs, tout le monde est scandalisé. Quand on fait la même chose chez un public de recruteurs on a tout de suite une tentation de la minimisation.

On en arrive à une situation ubuesque où vous avez 79% des candidats qui déclarent s’être déjà déplacé en entretien de recrutement pour n’avoir ensuite aucune réponse. Pas étonnant après que le métier de recruteur souffre d’une image terrible au sein de la société.

D’ailleurs, vous remarquez que là aussi, l’interlocuteur est impuissant et n’a aucun pouvoir. Ce qui exacerbe son sentiment d’injustice et sa colère.

Les candidats se fichent de nos excuses

Imaginez-vous, la veille du réveillon, bloqué(e) dans une ville alors que vous essayez de vous rendre dans la ville de votre famille. Que se passera-t-il si quelqu’un vient vous expliquer que la SNCF n’a pas les moyens financiers pour assurer un service régulier ? Vous seriez probablement incapable de l’écouter.

C’est exactement pareil quand on dit « on a pas le temps de répondre aux candidatures ». Ce n’est pas le problème du candidat. Il n’y a aucune excuse admissible pour le silence. On oublie souvent l’effet terrible du silence sur un amour-propre, une confiance en soi et la capacité à planifier. C’est pour cela qu’on dit que « le silence est la meilleur forme de mépris ».

D’ailleurs, comment peut-on parler de marque employeur à longueur de journée et ensuite accepter ne pas répondre aux candidats ? Après tout, c’est bien nous qui postons les annonces, non ? Quelle image de marque renvoie-t-on quand on ne répond pas à des gens qui répondent à notre propre sollicitation ?

Et l’argument de la pertinence des candidatures ne tient pas. Si on joue au jeu de l’annonce il faut en accepter les tenants et les aboutissants. On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Si on veut une méthode propre et sans candidatures non pertinentes on peut se tourner vers le sourcing. Comment vous vous sentez quand vous entrez dans une boutique et que les vendeurs vous toisent sans un mot parce qu’ils sentent que vous n’avez pas les moyens d’acheter chez eux ?

L’argument du volume des candidatures ne tient pas non plus. Accepteriez-vous qu’un vendeur vous dise : il y a trop de demandes donc on a encaissé votre paiement mais on ne peut pas vous livrer le produit ? J’ai récemment discuté avec le service recrutement d’un des plus gros employeurs de France. Et on m’a expliqué que désormais le nombre de candidatures à une annonce était limité à 30. Après 30 candidatures, l’annonce est automatiquement suspendue en attendant qu’on traite les 30 candidatures. Autrement dit une pratique commerciale vieille comme le monde : je ferme mon guichet si je n’ai plus de stock.

Les excuses sont d’autant plus inaudibles que certaines entreprises (et pas les moindres) y arrivent. Voici ce que m’a dit un recruteur récemment :

Ce n’est pas tant une question de temps que d’organisation. J’ai passé 10 ans de ma carrière à me dire que ce n’était pas possible. Puis un jour j’ai eu une révélation : je n’avais jamais essayé. J’ai donc tenté l’aventure. Je me suis rendu compte que le secret c’était de ne jamais attendre pour dire non, de ne pas garder des candidats sous le coude alors qu’on sait qu’ils ne sont pas dans le périmètre. Dire non immédiatement pour éviter qu’ils ne s’empilent dans la fille d’attente.

J’ai préparé des modèles de mails pour chaque cas de figure que j’ai écrit moi-même avec ma propre plume et non pas des mots froids. Ce n’est pas un retour personnalisé mais au moins on sent que j’ai pris le temps d’écrire. Et, depuis, je reçois régulièrement des messages de candidats qui me remercient de leur avoir répondu.

Au final, combien sommes-nous à dire que c’est impossible avant même d’avoir essayé ? Et même en admettant que c’est impossible, c’est un problème tellement grave qu’on ne devrait jamais arrêter de s’essayer.

J’ai également eu un autre retour dans un cabinet qui a pris le temps de réécrire son message d’accusé de réception. Ce n’est toujours pas optimal mais au moins l’email est humain. L’email explique en détails pourquoi la réponse peut prendre du temps, décrit en détail le processus et les personnes impliquées avant de finir en s’excusant par avance si sa candidature n’avait pas de réponse.

Et au-delà du simple fait de répondre aux candidatures, réintroduire de la transparence dans la communication résout déjà une grande partie du problème. Si vous ne le faites pas avec les candidats de l’annonce, faites-le au moins avec les quelques-uns qui parviennent jusqu’à l’entretien : en donnant des dates butoirs claires et en détaillant le processus. J’aurais pu nous comparer avec les taxis (comparés à Uber). Or, qu’est-ce qui fait le succès d’Uber ? Sa technologie ? Pas vraiment. C’est avant tout une question de service client. Et dans ce service client vous avez une communication claire et transparente : vous pouvez voir la position exacte du chauffeur et vous savez à l’avance combien vous allez payer. Tout n’est pas source d’inspiration dans le modèle Uber mais sur la notion de service client on a là matière à apprendre.

Conclusion

Nous sommes toujours de mauvaise foi face à nos propres manquements dans le service client et le professionnalisme. Alors qu’on les voit toujours quand c’est chez les autres. Je m’inclus évidemment dans le propos. Par exemple, sur LEDR Pro, la certification passe par un travaux pratiques que les participants doivent m’envoyer pour correction. Et comme c’est un exercice extrêmement rébarbatif, je mets toujours des semaines à corriger et à répondre. Or, si je n’y prends pas garde, j’ai tendance à me dire que c’est normal, que je n’ai pas le temps, etc.

L’important c’est de réussir à identifier ce type de mécanisme et à mettre en place de quoi le contrer. Et vous ? Qu’avez-vous mis en place pour traiter les candidatures entrantes ? Avez-vous déjà essayé de répondre à tout le monde ? N’hésitez pas à partager vos expériences en commentaires !

« La diversité » est une insulte inventée par des consultants

Alors que je pensais en être débarrassé, je vois resurgir ci et là le concept fumeux de diversité. Ce qui est marrant c’est que l’on retrouve dans ce sujet pas mal de points communs avec celui de la Génération Y (que l’on a abordé ici).

Quelques prérequis

Avant de commencer, il faut que l’on se mette par avance d’accord sur quelques points.

Premièrement, on marche ici sur un sujet corrosif et j’ai conscience que ma radicalité de ton habituel en froissera certains. Vous avez l’habitude de la radicalité si vous suivez ce blog mais en général les sujets sont plus légers. Or, ce sujet met toujours mal à l’aise. Peu importe la manière dont en parle. Même dans un spectacle d’humour on sent la pointe de gêne dans les rires. Je vous mets donc d’entrée en garde : vous risquez de ressentir de la gêne en lisant, voire de la colère si vous vous sentez accusé(e).

Deuxièmement, partons d’emblée du principe que les gens sont spontanément bienveillants dans leur immense majorité. (Ce qui n’est d’ailleurs pas forcément le cas du sujet génération Y). Ici on touche à un sujet où la plupart des gens pêchent par maladresse bienveillante plutôt que par hostilité assumée.

Troisièmement, il est tout à fait normal d’être maladroit quand on ignore certaines choses. Cela ne fait pas de vous quelqu’un d’horrible pour autant. Personne ne peut se prétendre à l’abri de la maladresse. Je m’inclus évidemment dans le lot.

Maintenant que tout cela est dit, mettons-nous à l’ouvrage.

Qu’est-ce que la diversité ?

À vrai dire personne ne sait plus vraiment. Posez la question à 100 personnes et vous aurez 100 réponses différentes. Le point commun de toutes ces réponses c’est une sorte de socle qui est postulé : il y a un modèle majoritaire de personnes à un endroit donné, et on fait la promotion de tous les autres « types » de personne.

Selon les humeurs la distinction se fera selon la couleur de peau, la religion, le genre, l’orientation sexuelle, l’âge, l’intégrité physique, la santé, etc. Et c’est totalement changeant : vous pouvez faire 4 conférences différentes sur la diversité et avoir 4 définitions différentes selon qu’on aborde un ou l’autre critère.

Au final chacun voit midi à sa porte : l’exemple récent de Dropbox avec ce tweet qui a déclenché une polémique est édifiant.

Comme toujours avec la diversité on part d’une bonne intention et on finit par fâcher des gens. La maladresse. Et c’est normal d’avoir du mal à utiliser ce concept car il est un grand amalgame où on mélange des problématiques sociales avec des problématiques sexistes par exemple. D’autant plus que c’est un mot de langue de bois : il est si vague qu’il déclenche des interprétations trop variées. Car, au final, c’est quoi la diversité si ce n’est l’humanité ? Jusqu’à preuve du contraire chaque être humain est différent de tous les autres (jumeaux compris).

Ce qui est marrant c’est que quand on remonte à l’histoire de ce mot, voici ce que nous dit Wikipédia :

Jusqu’au Moyen Âge le terme désignait plutôt ce qui est « bizarre », emprunté au latin « diversitas » : divergence, il exprimait une notion de méchanceté. Dans l’actualité le seul sens courant est celui de « variété ».

Vous avez bien lu, c’est un mot qui veut originellement dire « bizarrerie ». Et malheureusement ce n’est pas que de l’étymologie pompeuse : le mot a gardé ce poids en lui. Quand on parle de diversité on ne parle évidemment pas du fait que chaque humain est divers. Non, on parle bien des humains qui ont une « bizarrerie », quelque chose qui les sort d’une certaine normalité.

[Edit du 10 février 2017] : Il semblerait que ce soit un plaisantin qui ait introduit ce sens dans wikipedia, avec une fausse source.

Heureusement, ce mot est une mode s’estompant de plus en plus. Quand on regarde les recherches Google sur les 13 dernières années, on constate qu’il est de moins en moins recherché. Et on ne peut que s’en réjouir.


Autre point marrant : on remarque qu’il y a un pic de recherches tous les mois de novembre. On remarque également qu’il y a un second pic en janvier (il semblerait que ce ne soit pas un hasard si nous sommes en janvier quand j’écris cet article). En revanche, je n’ai aucune idée du pourquoi. Si quelqu’un a une intuition sur ce pic de recherches en novembre, qu’il me le dise en commentaires !

On remarque également qu’il y a un creux, en août. Beaucoup plus facile à expliquer : c’est un mot du vocabulaire de l’entreprise et du monde politique. Or, les deux sont en vacances à ce moment là.

Dernier fait inutile mais insolite : la région qui recherche le plus ce mot est l’Auvergne.

Peut-être un lien avec le fait que les auvergnats, quand il n’y en a un ça va mais c’est quand il y en a plusieurs que ça pose des problèmes ? Je donne ma langue au chat !

La diversité est un doigt pointé

Comme le faisait remarquer Mohamed par le titre de son article : la diversité passe très vite de la main tendue au doigt pointé.

C’est toujours les autres qui vous appellent diversité. L’exemple de Rachida Dati est symptomatique. Ce n’est jamais elle qui se présentait comme ministre représentant la diversité. Non, elle, elle se présentait comme ministre de la justice. En revanche, les journalistes et même son patron ont unilatéralement décidé qu’elle était une ministre représentant la diversité. Voici les mots exacts employés par son manager (Nicolas Sarkozy) :

Je m’étais dit que Rachida Dati, avec père et mère algérien et marocain, pour parler de la politique pénale, cela avait du sens », [pour représenter] la France dans sa diversité.

Et vous retrouvez les mêmes expressions dans les journaux qui parlent d’elle :

« Cette fille d’immigrée » (BBC), « Figure de la diversité sous le mandat de Sarkozy » (BBC), « Une femme issue de la diversité » (L’Express), « La diversité au sommet de l’État » (Libération), « La promotion de militants issus de l’immigration » (Libération), « Icône de la diversité » (20 minutes), etc.

En tapant « Rachida Dati diversité » sur Google on ne tombe pas sur des propos de l’intéressée qui se décrirait elle-même, comme telle (en tout cas pas en première page). On tombe sur les propos d’autres personnes qui la pointent du doigt. C’est quand même frappant de voir à quel point ce sont les autres qui sont prompts à la désigner ainsi. Majoritairement c’est bien un doigt pointé, une confiscation de sa parole, puisqu’elle ne se met pas en avant ainsi.

Évidemment son exemple est symptomatique de ce qui arrive à tous les gens que l’on étiquète. Or, s’il y a bien quelque chose de fondamental c’est que « tout ce qui est fait pour nous mais sans nous est fait contre nous ». C’est tout le problème de cette confiscation.

Car ce doigt pointé est un fardeau. C’est usant d’avoir l’impression de transporter un poids permanent. Où de subir, jusque dans ses moments de divertissement, des enquêtes d’arbre généalogique.

– Tu viens d’où ?
– De France
– Non mais avant ?
– Avant quoi ?
– Bah avant…tes parents par exemple ?
– Bah…de France ?

(Je ne sais pas combien de fois j’ai eu cette même conversation)

On finit par créer une distinction inconsciente entre ceux et celles qui seraient les « normaux » et ceux/celles qui seraient « les divers ». Il y a déjà un problème, en soi.

L’argument économique

De tout ce qui me fait vomir avec la diversité, c’est le côté le plus répugnant.

Qu’est-ce que l’argument économique ? C’est le fait de dire que la diversité favorise l’innovation et le profit. Une logique ROI de la diversité en somme (décidément cette logique s’étend vraiment partout comme un virus contagieux).

Est-ce qu’on mesure bien à quel point c’est insultant ? À quel point cette logique est un crachat à la figure ? D’autant plus que c’est souvent le premier argument mis en avant. Qu’est-ce que ça veut dire ? Qu’il ne suffit pas aux « divers » d’être humains pour être traités équitablement ? Non, il faut que leur présence soit rentable ?

Comment on peut ne serait-ce que se poser ce genre de question ? Est-ce qu’on se demande si donner le droit de vote à tout le monde est rentable ? Il se passe quoi le jour où une étude suggère l’inverse : que plus une équipe est diverse et moins elle est rentable ? On arrête tout ?

Puis, comment être crédible ensuite auprès des personnes que l’on essaie de convaincre ? Peut-on vraiment croire qu’en la matière quelqu’un va subitement changer d’avis parce qu’on lui dit que ça serait plus rentable ?

L’effet contre-productif : la diversité fait diversion

Les mots ne sont pas innocents. Or, on l’a vu plus haut ce mot est à la fois flou et chargé négativement. Si on dit qu’il y a une diversité c’est qu’il y a des divers. Qui sont ces divers ? Chaque être humain ? Uniquement ceux et celles qui diffèrent d’un modèle donné ?

Au final, dire de quelqu’un qu’il est « issu de la diversité » c’est l’insulter. Et, comme pour la génération Y, si vous commencez votre relation avec quelqu’un en l’insultant, ça devient difficile. C’est d’autant plus dommage que les gens sont généralement de bonne intention. Mais ils ne se rendent pas compte qu’en cherchant à tout prix à mettre des étiquettes ils font eux-mêmes partie du problème. Si vous avez besoin d’une case pour interagir avec les gens c’est qu’il vous en manque une.

Sans compter qu’à force de confisquer la parole des principaux et principales concernés on en vient à délirer totalement. On a presque l’impression qu’en fait il s’agit d’un cadeau qui est fait des « non-divers » aux « divers ». C’est le même problème que l’argument économique : au lieu d’acter que c’est simplement une exigence démocratique d’égalité, on en fait une bonne action.

Pire encore : comment on appelle le fait de faire des cadeaux à une catégorie de population ? De lui accorder des faveurs ? Le favoritisme. Et vous n’imaginez pas le nombre de personnes qui éprouvent de la rancoeur envers ce qu’on accorde à ladite diversité. Le nombre de personnes qui le voient comme un favoritisme injuste.

Quelqu’un m’a un jour dit très sérieusement :

Tu sais je pense que c’est plus facile quand on est une femme ou qu’on est noir. Moi personne ne se préoccupe de moi.

Peu importe ce qu’on pense de ce ressenti, il existe.

De même, en se baladant dans l’espace commentaire des articles sur Rachida Dati, voici ce que l’on peut trouver :

Dans un autre registre, en écoutant Nadine Morano sur France Info on pouvait entendre :

 On n’est pas protégé parce qu’on est issu d’une minorité, parce qu’on est d’origine maghrébine ou africaine. On doit [faire] comme les autres, et je dois même dire, plus que les autres

« Qui fait l’ange, fait la bête » : promouvoir la diversité finit par provoquer les effets inverses de ce que l’on recherchait. Le procès en favoritisme. Alors que personne ne demande de faveur. Les gens aspirent simplement à être traités comme les autres êtres humains.

Que faire alors ?

Je n’en ai aucune idée. Ce serait prétentieux de prétendre savoir ce qu’il faut faire pour que ça se passe mieux pour tout le monde. Je peux néanmoins vous dire ce que je fais à mon échelle.

Premièrement, s’interdire toutes les blagues sexistes, racistes, antisémites, etc. Pour une raison simple : le rire vient de l’anormal, l’inhabituel, l’insolite. Le fait de trouver que la couleur de peau de quelqu’un ou son genre (ou une autre caractéristique inée) donne matière à rire est en soi révélateur d’un problème.

Et si tout ce qu’on a pour se cacher est la même citation éculée de Desproges (qui est devenu une sorte de point Godwin du sujet), on ne va pas très loin. Pour une raison simple : il n’aura échappé à personne que tout le monde n’a pas le talent de Desproges.

Or, il se pose un problème évident avec les blagues en -istes. Si par exemple quelqu’un fait une blague raciste et qu’il échoue à être drôle…que reste-t-il de l’humour raciste quand l’humour a échoué ? Juste le racisme.

Sans compter que, la plupart des gens tournent sur les mêmes 3 mêmes blagues. Par conséquent, l’effet de répétition est lourd. Personnellement, on me fait toujours les mêmes 4-5 blagues en soirée ou en entreprise. J’ai dû rire les premières fois. Depuis, on est dans les énièmes fois et je me force à rire pour ne pas mettre les gens dans l’embarras. Si on pouvait au moins se mettre d’accord pour renouveler le stock de blagues on aurait déjà fait un grand pas. Bien plus qu’en organisant 1000 conférences.

Deuxièmement, l’idéal serait de réussir à identifier tous les biais inconscients que l’on a. Par exemple, j’ai malheureusement des énormes biais sur certaines catégories de personnes mais je me « soigne ». J’en prends conscience et j’essaie de les contrebalancer tant bien que mal.

Troisièmement, s’imposer une discipline mentale d’écoute empathique des individus est salvateur. Malheureusement, un des premiers réflexes que l’on a quand quelqu’un nous raconte qu’il est victime d’une discrimination c’est de se dire « il doit exagérer un peu ». Pourquoi ? Parce qu’on s’imagine toujours que les gens pensent comme nous et que donc ce qu’on nous raconte est impossible ou très minoritaire. C’est l’effet Donald Trump : on a l’impression que personne ne vote pour lui, jusqu’au jour où il gagne. Commencer par écouter les récits sans tout de suite se sentir accusé  ou incrédule est déjà un grand pas.

Quatrièmement, pour les cas où on est de l’autre côté de la barrière de la diversité (car selon les situations on peut être dans un rôle ou un autre), il est impératif de rester pédagogue et patient. S’inspirer d’un des concepts de la PNL : ne pas s’attaquer aux individus mais aux comportements et aux paroles. Au lieu de dire à quelqu’un qu’il est sexiste, il vaut mieux lui dire que ce qu’il dit/fait est sexiste. Et si la personne réagit en disant « je ne suis pas sexiste », l’accepter sans débat et recentrer sur : « je sais que tu n’es pas sexiste. Je peux être en colère sans être colérique pour autant. Là c’est pareil, tu peux dire quelque chose de sexiste sans être sexiste pour autant ».

Ça permet de détendre la discussion et de rentrer dans une pédagogie bienveillante plutôt qu’accusatrice.

Conclusion

Comme pour la génération Y, je dois reconnaître que je n’ai aucun espoir : on continuera encore longtemps à pointer du doigt en voulant tendre la main. Vous pensez que j’ai tort ? Dans la prédiction ou dans l’article ? Tant mieux ! Je ne demande rien de plus au monde que d’avoir tort sur ce sujet.

Et si on recrutait à pile ou face ?

On m’a demandé de prendre la parole pendant un événement dont le thème est le jeu. Pour faire le lien entre jeu et recrutement. Plutôt que de faire un énième sujet sur la gamification dans le recrutement, j’ai cherché un autre axe. Et c’est Mohamed qui m’a proposé : et si on recrutait à pile ou face ?.

Au début j’ai pris le sujet à la rigolade. Et plus je l’explorais mentalement, plus je me disais qu’en fait il y avait vraiment quelque chose à dire d’intéressant sur le sujet.

Et si on s’en remettait au hasard pour recruter ?

C’est déjà pas mal le cas

Vous avez bien lu. J’affirme que le hasard a déjà une énorme part d’influence dans le recrutement. À un tel point que l’on peut se demander si on ne recrute pas d’ores et déjà au hasard.

Prenons les annonces par exemple. Le flux entrant de candidatures est de plus en plus aléatoire. Sur 100 retours d’annonce, combien sont complètement hors-sujet ? J’entends des recruteurs avancer un chiffre de 80% de candidatures hors-sujet. Ce qui nous laisse moins de 20% de candidatures pertinentes. C’est un taux digne d’un tirage au sort, non ?

Et si ce n’était que ça… Vous vous rappelez de l’étude de la Harvard Business Review de mai 2014 qui disait que les algorithmes étaient plus efficaces dans la prédiction de performance des recrutés qu’un humain ?

On avait retenu que l’algorithme faisait 29%, que les humains faisaient 22%. Et donc l’algorithme fait 25% de mieux (puisque 22/29=0,75). Mais que représentaient le 22 et le 29% ? 22% de quoi ? 29% de quoi ? Ça n’a aucun sens dit comme ça.

En fait ce ne sont pas des pourcentages absolus mais des différentiels. C’est donc des améliorations de +22% et +29%. Mais +22 d’amélioration par rapport à quoi ? Par rapport au hasard. C’est déjà bien plus clair mais pas encore tout à fait élucidé. Car « par rapport au hasard » peut vouloir dire plusieurs choses différentes. Malheureusement je n’arrive pas à mettre la main sur l’étude originale dans les archives. Néanmoins une chose est sûre : +22% par rapport au hasard, c’est nul !

Quand on pense aux efforts et à l’argent que l’on met dans le recrutement c’est un peu déprimant de se dire qu’on arrive à faire seulement 22% de mieux que le hasard.

Pire encore…vous vous rappelez de l’article « pourquoi 90% des entretiens ne servent à rien » ?

 

http://www.linkhumans.fr/pourquoi-les-entretiens-non-structures-ne-servent-a-rien/

Dedans je vous avais parlé d’une étude sur 85 ans qui analysait notamment l’efficacité des entretiens non-structurés par rapport aux entretiens structurés. On en avait conclut que les entretiens structurés étaient quasiment deux fois plus efficaces que les entretiens non-structurés.

Mais nous n’avions pas été dans le détail. En fait ce que dit l’étude c’est que la prédiction d’un entretien non-structuré est corrélée à 14% avec la réalité future ensuite. Et que celle d’un entretien structuré est corrélée à 26%

(Et en vrai c’est encore plus complexe puisque ce qui est vraiment dit c’est que r²=0,14 et 0,26 …ce qui parlera davantage pour ceux et celles qui ont des notions de régression linéaire)

(Très) Grosso modo , cela veut dire que même dans le cas d’un entretien structuré, il y a 74% du phénomène qui reste aléatoire. Ou plutôt qui échappe à l’entretien, car en vrai la performance future dépend aussi de la relation future avec le manager par exemple.

Sans surprise, la graphologie ne fait que 2% dans cette étude. Ce qui la rend, avec la marge d’erreur, statistiquement identique au hasard. Or, 95% des cabinets de recrutement déclaraient utiliser la graphologie en 1999 (je serais curieux d’avoir des chiffres plus récents). On a donc déjà bien utilisé le hasard pour recruter, même si on ne le savait pas. Et certains recruteurs continuent bel et bien d’utiliser la graphologie, donc le hasard.

Comment utiliser le hasard positivement ?

Jusqu’ici, on a envisagé le hasard comme étant une chose mauvaise en soi pour le recrutement. Mais est-ce vraiment le cas ? Quand le hasard est orienté, c’est-à-dire quand il renforce nos biais cognitifs c’est en effet dommageable. En effet, moins vos méthodes de recrutement sont rigoureuses et plus elles favorisent les biais naturels.

Mais si on imagine un hasard rigoureux, un vrai tirage au sort on peut se dire qu’on observera au moins un effet positif. En effet, un tirage au sort permettrait de résoudre les problèmes de « diversité ». J’utilise ici volontairement ce mot ignoble entre guillemets car je vous prépare un article pour expliquer en quoi la diversité est une insulte inventée par des consultants et des politiciens. Au même titre que la génération Y.

http://www.linkhumans.fr/generation-y-insulte-inventee-consultants/

 

A priori, si les recrutements étaient strictement tirés au sort, les proportions en entreprise seraient strictement représentatives des proportions de la population.

Et même en termes de taux de roulement du chômage, on aurait probablement quelque chose de plus égalitaire. Au lieu d’avoir des chômeurs de longue durée, les rôles s’alterneraient.

Bon…on aurait aussi des effets négatifs. Il est probable que, même avec une formation, tout le monde ne puisse pas faire tous les métiers. Donc on ne peut pas faire un vrai tirage au sort neutre. Il y a déjà un biais d’échantillonnage à ce niveau.

Et puis, la logistique d’application semble compliquée. Peut-on quand même trouver une voie hybride qui intègrerait non pas totalement mais partiellement le tirage au sort ?

Un tirage au sort partiel

Au final, j’ai trouvé deux configurations simples et applicables (il doit y en avoir plus). La première c’est un tirage au sort en amont du processus de recrutement. C’est-à-dire qu’au moment de sélectionner les candidatures de l’annonce, on fait simplement un tirage au sort de celles qui seront reçues en entretien.

Le problème c’est qu’on disait au début que l’annonce était déjà soumis à une forte dose d’aléatoire avec un gros taux de candidatures hors-sujet. On risque de n’arriver à rien de plus que de se rajouter du travail.

La deuxième configuration c’est un tirage au sort en aval du processus de recrutement. C’est-à-dire après les entretiens, une fois qu’on hésite entre deux candidats. Vous savez, cette situation où vous avez deux candidats qui ont traversé toutes les étapes avec succès. Deux candidats (ou plus) dont vous pensez qu’ils peuvent prendre le poste.

En général que faisons-nous dans ce type de situation ? On se repose sur des critères subjectifs et souvent injustes. Des critères déjà proche du hasard finalement. Du coup, plutôt que de faire preuve d’injustice, pourquoi ne pas simplement tirer à pile ou face ?

Conclusion

J’ai commencé à aborder ce sujet en me disant que c’était une blague et au final cette dernière proposition a fini par vraiment susciter en moi une interrogation, voire une adhésion.

Et si on départageait vraiment les candidats validés par un tirage au sort ? Vous en pensez quoi, une fois que vous avez dépassé la réaction intuitive de : « non mais c’est pas possible » ?

Voilà qui conclut cette idée un peu folle. Si cet article vous a plu, je vous invite à vous inscrire aux saveurs du recrutement.

 

http://www.linkhumans.fr/28-jours-de-surprises-recruteurs/

C’est en créant ce programme email que j’ai commencé à rédiger un format qui s’appelait « l’idée folle du jeudi » et qui avait été particulièrement apprécié dans les retours de satisfaction. Donc, attendez-vous à voir  prochainement sur ce blog d’autres idées un peu folles de temps en temps !

 

Si vous voulez en savoir plus, retrouvez moi sur #TruAcademy où j’analyse toutes ces données !

 

Le candidat est-il un client ? (ou le piège de la marque employeur)

On parle beaucoup de marque employeur. Or, un des postulats de la marque employeur c’est de partir du principe qu’on devrait traiter les candidats comme des clients. Ce qui est marrant c’est que la plupart d’entre nous avons pris à bras le corps le sujet de la marque employeur. Mais sans jamais nous poser la question du postulat de base :

Suis-je vraiment prêt à considérer le candidat comme un client ?

On répond souvent oui

À chaque fois que je pose cette question on s’empresse de me répondre que oui avec un air d’évidence. À force d’avoir mis le sujet de la marque employeur au coeur des discussions depuis quelques années, la plupart des recruteurs répondent machinalement qu’un candidat est un client.

L’argument principal étant qu’un candidat est également un client potentiel, au sens strict du terme. Surtout quand l’entreprise est une entreprise qui vend des produits de masse.

C’est d’autant plus évident quand on pose la question à des cabinets de recrutement. Car leur activité principale est d’interagir avec des candidats.

Mais en fait ce n’est pas vrai

Malheureusement, quand on fouille un peu on se rend compte qu’il n’y a rien en dessous du vernis. On ne communique pas avec les candidats avec les mêmes égards que les clients.

Lisez n’importe quelle annonce au hasard et dîtes-moi si vous avez l’impression qu’on vous traite comme un client ? La plupart des annonces sont très mal écrites (à l’inverse des communications dédiées aux clients et rédigées par le marketing).

Et surtout, la langue est administrative plutôt que commerciale. On est dans la description plutôt que la séduction. Bref, les annonces donnent rarement envie en soi de rejoindre une entreprise.

Idem pour les sites carrières. Leur ergonomie est souvent atroce et le design est resté coincé quelque part après la victoire française de la Coupe du Monde. On entend même des phrases totalement absurde comme

« Oui mais si le site carrière n’est pas ergonomique c’est tant mieux : ça permet de trier les gens les plus motivés ».

Alors déjà ça ne trie pas les gens les plus motivés mais bien les plus désespérés. Mais ensuite, imaginez un instant le parallèle commercial ? Une entreprise qui dirait : ce n’est pas grave si le numéro de notre commercial est dur à trouver car ça trie les clients les plus motivés. Ou alors une boulangerie qui déciderait de se mettre dans l’endroit avec le MOINS de passage pour être trouvée uniquement par les gens les plus motivées.

Pire encore, nous postons des annonces et nous ne répondons pas aux candidatures. (On l’a probablement tous fait au moins une fois). Est-ce qu’on s’imaginerait faire ça une seconde avec un client ? Quel effet ça vous fait quand vous entrez dans une boutique et que le vendeur vous toise avec un regard qui dit : « je sens que tu n’as pas le budget pour acheter ici » ? Vous ne pensez pas : « waouh quel super vendeur ». En général c’est plutôt de la colère que vous éprouvez et un jugement négatif des compétences du vendeur en question.

Et pourtant, c’est exactement ce que l’on fait quand on ne répond pas à une candidature parce qu’on estime qu’elle n’est pas pertinente. On passe pourtant notre temps à invoquer la dimension humaine du recrutement. 85% des candidats pensent que leur candidature n’a pas été traité par un humain quand ils ne reçoivent pas de réponses (ce qui est assez logique…pourquoi un humain ne me répondrait pas ?). Il n’y a aucune marque employeur sérieuse possible sans réponse aux candidats.

Il n’y a pas non plus d’excuses pour ne pas répondre. Trop de candidats ? C’est à nous de limiter le nombre de réponses à l’annonce. Et de toutes façons c’est un argument totalement inaudible pour un client. C’est notre métier de traiter des candidatures.

En outre, même les candidats à qui on répond, on ne les traite pas forcément comme des clients. 79% des candidats déclarent s’être déjà déplacé en entretien et ne pas avoir eu de réponse ensuite. Sans compter que quand il y a communication elle n’est pas transparente. On adore « garder au chaud » des candidats parce qu’on est pas sûr. Et donc on jongle avec le silence pour avoir le temps de recevoir la réponse des autres avant.

En vrai, le candidat est davantage traité comme une marchandise que comme un client. Nous sommes nombreux à inconsciemment traiter les candidats comme des marchandises. C’est pour cela qu’on se permet de ne pas leur répondre et de les garder au chaud. Ce sont des réflexes de personne piochant dans un stock de marchandises banales. D’ailleurs on parle bien de candidats pénuriques sur certains métiers. Et quand il y a pénurie, le rapport change soudainement.

C’est une tentation encore plus grande en cabinet de recrutement puisque le modèle économique fait que le candidat est en effet une marchandise d’un point de vue économique. C’est lui qu’on vend à un client. Et non pas l’inverse.

Pourquoi il faut changer d’état d’esprit ?

Pourquoi certaines personnes vous bassinent tant avec le concept de marque employeur depuis quelques années ? Parce qu’il y a effectivement beaucoup à gagner à considérer le candidat comme un client.

D’ailleurs, ce n’est pas un mouvement propre au recrutement. Vous aurez peut-être remarqué autour de vous que beaucoup de marques reviennent au coeur du concept de service client. Quand vous montez dans un Uber vous pouvez noter le service, à la fin de votre séjour sur Airbnb vous pouvez donner votre avis. Et au-delà de la note, de plus en plus de boutiques reviennent à cette obsession du service client. Afin que rentrer dans une boutique de leur marque soit une expérience en tant que telle.

Il n’y a rien de nouveau : l’hospitalité est un concept aussi vieux que les aubergistes.

Mais les outils modernes nous permettent de réussir à faire à la fois un service de qualité et un service en quantité. D’ailleurs, c’est grâce à ces outils que certains recruteurs répondent à toutes les candidatures qu’ils reçoivent. L’état de la technologie fait que nous n’avons plus aucune excuse pour délivrer un service client médiocre. Et d’ailleurs nous avons de moins en moins le choix : les exigences des consommateurs sont de plus en plus hautes car ils prennent l’habitude de recevoir des services clients incroyables.

L’exigence d’un service client exceptionnel est forcément une exigence personnelle. C’est une question de choix : suis-je un service client haut de gamme ou entrée de gamme ?

Le changement est uniquement dans l’état d’esprit. Les moyens nous les avons. C’est donc une question de volonté. Et tout le monde n’est pas prêt à faire ce changement de mentalité. J’en veux pour preuve le nombre de recruteurs qui continuent à être méchants en entretien.

Une fois que vous avez opéré ce changement de mentalité, tout le reste découle. En effet, si le candidat est un client je vais soigner mes annonces et les rédiger sur un pied d’égalité plutôt que sur un ton de convocation. Si le candidat est un client, je vais faire attention au message d’approche que je lui envoie. Si le candidat est un client je vais adopter une posture différente en entretien et me rappeler que je suis en train de lui vendre quelque chose.

Sans compter évidemment les retombées en termes de bouche à oreille. Car au final une réputation employeur ne se falsifie pas. Vous avez beau dépenser des mille et des cents dans la communication, si vous ne répondez pas à vos candidats, ça se saura.

Conclusion

Si vous voulez avoir un aperçu de ce que peut donner ce changement de mentalité allez faire un tour du côté du recrutement des développeurs. Comme il s’agit d’un métier dit pénurique, les recruteurs font bien plus d’efforts de séduction : ils n’ont tout simplement pas le choix.

Ce n’est pas un hasard si vous avez des sites comme ChooseYourBoss qui sont sortis sur ce secteur et pas un autre. Comme son nom l’indique, l’idée est de dire que c’est le développeur qui choisit son employeur et non l’inverse. Pour parler d’outils un peu plus modernes vous avez Hired et Talent.io qui reprennent aussi cette logique du candidat en premier (toujours dans le secteur des développeurs).

Mais il n’y a qu’une seule vraie question : avez-vous vraiment envie de traiter vos candidats comme des clients ? Si votre réponse est « non » (et vous avez le droit) alors ce n’est même pas la peine de chercher à développer une marque employeur.

Une saveur de recrutement par jour : deux mille mercis

Vendredi 25 novembre nous avons lancé un nouveau calendrier de l’avent : Une Saveur de recrutement par jour. Dans la droite ligne du premier : un Outil de Sourcing par jour qui avait vu un peu plus de 3 000 personnes recevoir l’analyse d’un outil tous les matins pendant 30 jours.

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Cette fois-ci, il s’agissait de se renouveler (et de toutes façons je n’avais pas de quoi vous présenter 30 nouveaux outils. J’ai déjà eu beaucoup de mal à vous en présenter 4 cette année.). On est donc parti sur un concept fondé sur la surprise : chaque jour sa surprise avec un thème hebdomadaire :

 L’inspiration du lundi

Les templates du mardi

Les outils du mercredi

L’idée folle du jeudi

La question bête du vendredi

Le fond d’écran du samedi 

L’astuce du dimanche

 

Et cette année, contrairement à l’année dernière où j’avais rédigé tous les mails du programme AVANT de le lancer, j’ai créé le contenu au fil de l’eau avec seulement 1 jour d’avance à certains moments ! Je viens d’ailleurs tout juste de finir le dernier jour (avec une petite semaine d’avance donc). Je n’avais pas anticipé la charge de travail : sur un outil par jour les emails prenaient 30-45 minutes de rédaction. Là on oscillait entre 30 minutes et 4 heures selon les mails. Autrement dit, je n’ai fait que ça ce mois-ci !

Deux mille mercis

Mais tout ça vous le saviez plus ou moins déjà. Ce que je suis venu vous dire c’est surtout merci. Un grand merci de ma part et de la part de toute l’équipe :D. Vous avez encore une fois répondu à l’appel en étant plus de 2 000 à suivre le programme. (Pour les autres il n’est pas trop tard, il suffit de s’inscrire en cliquant ici). Si ça ne tenait qu’à moi on vous enverrait des T-shirts à tous !

thanks

Un grand merci également pour vos retours enthousiastes sur certains mails qui deviendront probablement des articles l’année prochaine. Notamment la première question bête du vendredi : « Somme-nous la SNCF ? ou Est-il acceptable de ne pas répondre aux candidatures ? » ainsi que la troisième inspiration du lundi : « Le secret sur la gestion du temps » qui sont pour l’instant les emails que vous avez le plus apprécié, ouvert, commenté.

extrait mail sncf

Pour ceux et celles qui sont abonnés #TruAcademy, nous allons bientôt faire des modules entiers pour approfondir certains thèmes que l’on a survolé dans le programme. Notamment sur la gestion du temps et le travail sur les biais cognitifs dans le recrutement.

Les gagnants du concours

Comme l’an dernier, on vous a invité à partager le programme par email. Avec à la clé des T-shirts I love recruteurs (un jour on finira par faire une boutique de T-shirts plutôt que de la formation) et une place pour TruSourcing pour la première place.

Je ne fais pas durer le suspens plus longtemps, voici les gagnants :

#1 Elise Leygonie

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#2 Muriel Fossati

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#3 Mickael Huo

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#4 Nargès Mahmoud

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#5 Livy Liatard

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Bon…je ne sais pas encore comment on va s’organiser au niveau logistique mais on va essayer d’être meilleurs que l’an dernier. J’ai découvert récemment que Paquita (qui avait gagné l’an dernier) n’a toujours pas son T-shirt !

Et…merci à tous les autres qui ont participé en partageant par email. Avec le seul partage email vous avez généré 572 clics sur le programme et environ 350 inscrits :D.

Si vous voulez continuer à nous aider (bon j’ai plus de cadeaux là…à part le bonus de partage email) vous pouvez encore partager le programme avec un de ces liens :

Je partage ce programme par email et accède au bonus
Je partage ce programme sur LinkedIn
Je partage ce programme sur Twitter
Je partage ce programme sur Facebook

Encore merci ! À demain pour la prochaine saveur !

28 jours de surprises pour les recruteurs

Vous avez été plus de 3 000 à suivre notre programme de l’an dernier : un outil de sourcing par jour. Et je vois encore des gens s’inscrire tous les jours, un an après. Du coup, c’était compliqué de se renouveler. Je n’avais pas envie de vous reproposer un florilège d’outils de sourcing. Déjà parce que c’est compliqué d’en trouver 30 nouveaux de même qualité. Et ensuite parce qu’il n’y aurait plus aucune surprise.

[Si vous êtes trop impatient(e) et que l’attente est déjà insoutenable vous pouvez d’ores déjà cliquer sur : unesaveurderecrutementparjour.com]

L’importance du plaisir

S’il y a bien quelque chose que j’ai appris cette année c’est que l’excuse du manque de temps est toujours une fausse excuse. Bien souvent c’est une histoire de priorité et de plaisir. En effet, on devient forcément bon à quelque chose quand le plaisir est là, quand on se sent utile.

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Et c’est quelque chose de déterminant dans le recrutement : plus on prend du plaisir à faire ce métier et plus c’est facile d’obtenir des bons résultats. Ce qui fait la différence ce n’est jamais la maîtrise de tel ou tel outil. La vraie différence se joue dans l’envie d’y aller ou pas.

Car, l’ennui est le pire ennemi de la motivation. Le danger avec l’expérience dans un domaine c’est qu’elle vous emmène très rapidement à la routine.

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On finit même par accepter de faire des choses médiocres parce que tout le monde fait pareil. Les annonces en sont un exemple parfait. On est à peu près tous conscients que nos annonces sont nulles. Mais pourquoi ne les fait-on pas évoluer ? Parce que la routine et l’ennui. On est tellement habitués à voir tout le monde faire la même chose et à faire soi-même la même chose qu’on n’a même plus l’idée de remettre en question la pratique.

Une saveur de recrutement par jour

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Redonner le goût du recrutement n’est pas une tâche aisée. Mais nous avons reçu cette année plusieurs retours de personnes qui nous disaient qu’elles avaient repris goût au recrutement quand elles s’étaient rendu compte qu’elles avaient encore énormément à apprendre et à essayer, même après dix ans d’expérience.

C’est donc avec cette démarche que nous avons préparé ce nouveau programme : une saveur de recrutement par jour.

Le concept est simple : comme la dernière fois vous recevez un email tous les matins à 09h00, pendant un mois. Sauf que cette fois-ci le programme n’est pas centré sur les outils. À chaque jour sa surprise. Vous avez donc les thèmes suivants :

1. L’inspiration du lundi : chaque lundi on partagera une mini-leçon venant d’une discipline autre que le recrutement.

2. Les templates du mardi : chaque mardi vous recevrez un modèle téléchargeable et réutilisable dans votre recrutement.

3. Les outils du mercredi : chaque mercredi vous découvrirez le test d’un outil. Au souvenir du bon vieux temps et du programme précédent :D.

4. L’idée folle du jeudi : le jeudi sera le jour où laissera libre cours à notre imagination avec une proposition un peu folle mais toujours réalisable.

5. La question bête du vendredi : le weekend étant proche, ce sera le moment pour partager avec vous une question bête qui me taraude depuis un moment.

6. Le fond d’écran du samedi : le samedi c’est détente avec un fond d’écran à télécharger.

7. L’astuce du dimanche : chaque dimanche on fera un contenu court et concis avec une petite astuce.

Chaque jour a son type de saveur différente. Et c’est comme dans la vraie vie quand vous avez une boîte de chocolats avec plusieurs goûts. Tout ne plaira pas à tout le monde, tout ne servira pas à tout le monde mais c’est précisément l’idée : garder l’esprit ouvert et goûter quelque chose de différent à chaque fois.

À vos partages

Comme l’an dernier, nous en profitons pour faire gagner une place à #TruParis et des Tshirts I love recruteurs. On reste sur la même formule : celui ou celle qui partagera le programme par emails aux plus de personnes gagnera la place à #TruParis. Les 4 suivants gagneront un Tshirt. Et quoi qu’il arrive il y a un cadeau pour tout le monde puisque le partage par email vous permet d’accéder au bonus de cette année. Le bonus cette année c’est une mini-vidéo qui propose deux astuces pour lutter contre sa langue de bois.

La balle est dans votre camp ! À tout de suite sur : une saveur de recrutement par jour.

 

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Les dix règles du sourcing

Si on devait retenir dix grands principes à partager avec les personnes qui débutent le sourcing, quels seraient-ils ? La liste qui suit est une proposition des premières choses qui me sont passées par la tête. N’hésitez pas à la compléter avec vos propres règles en commentaire.

1) Le sourcing n’est pas une question d’outils

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Ceux et celles qui m’ont déjà vu dans la formation #TruAcademy savent que c’est quelque chose que je répète en permanence. En effet, il y a une fascination médiatique et collective pour les outils. Vous savez ce que l’on dit : les mauvais ouvriers ont toujours de mauvais outils.

On a toujours cette tendance infantine à se retourner contre l’outil plutôt que contre soi-même. Pourtant on sait très bien que si on achète les chaussures d’Usain Bolt on ne vas pas courir comme lui.

Il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs : ce n’est pas parce que les gens ont des appareils photo haut de gamme qu’ils sont de bons photographes, c’est l’inverse.

Ceci étant dit, toutes choses égales par ailleurs, être bien outillé ne fait pas de mal. C’est pour ça que nous avons sorti l’an dernier unoutildesourcingparjour.com (dont on va bientôt sortir la deuxième version).

2) Si vous chassez aux mêmes endroits que les autres, vous aurez les mêmes candidats que les autres

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La méthodologie est plus déterminante que les outils. Admettons que je vous donne à tous la même licence LinkedIn et que je vous demande de me recruter le même besoin, disons un développeur iOS. Que va faire la majorité ? Elle va écrire simplement « développeur iOS » sans chercher à travailler sur les synonymes.

Du même coup, la majorité des gens vont tomber sur les mêmes profils et vont se mettre en compétition sur la même partie du gisement. Le bon sourceur est celui qui sait aller au-delà du trivial.

3) Si vous ne faites pas l’effort d’écrire pourquoi ferait-on l’effort de vous répondre ?

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Quand on pense sourcing on pense à l’identification des profils. On oublie souvent la partie motivation. Que cela soit avec l’annonce ou dans le message d’approche, le rôle du sourceur est de susciter l’envie chez son interlocuteur.

Ce qui veut dire qu’il faut apprendre à écrire. La langue de bois est votre plus grande ennemie. Il faut apprendre à écrire avec vos propres mots plutôt que de copier-coller ceux des autres. Si vous ne faites pas l’effort d’écrire pourquoi ferait-on l’effort de vous répondre ? Si vous parlez « d’opportunité professionnelle » (expression qui ne veut absolument rien dire) et, pire encore, si vous en faites le sujet de votre mail d’approche, comment espérez vous sortir du lot ?

Si vous n’avez rien à dire, ne dites rien. Il vaut mieux écrire des choses très courtes que de vouloir à tout prix meubler. Que pensez-vous des lettres de motivation sans effort d’écriture ? Celles où tout le monde est « dynamique et motivé » ? Ça vous agcace et vous ne les lisez plus ? Et bien c’est pareil pour les gens quand ils lisent vos annonces et vos messages photocopiés.

Si vous voulez aller plus loin voici un article qui traite spécifiquement de l’écriture dans le recrutement.

4) La débrouillardise est la meilleure amie du sourceur

Debrouillardise-et-curiosite

Le sourcing est une enquête géante. Une des qualités clés est donc la curiosité, la débrouillardise. Si vous n’avez pas le goût d’aller chercher par vous-mêmes, penser par vous-mêmes et tester par vous-mêmes vous allez stagner. Aussi bien dans vos recherches que dans le métier en lui-même.

Google est votre ami. Ne posez plus une question avant d’avoir essayer d’obtenir la réponse.

5) It’s not about you, it’s about them

its-not-about-you-its-about-them

Autrement dit : vous n’êtes pas la mesure universelle des choses. C’est un principe que l’on a vu dans l’article qui tirait des enseignements de l’élection de Donald Trump.

Il faut dépasser ce réflexe humain de penser que tout le monde fonctionne comme soi-même. La plupart des principes qui fonctionnent en sourcing sont contre-intuitifs.

Par conséquent, à chaque fois que vous dîtes une phrase comme « oui mais moi je n’aimerais pas qu’un recruteur m’écrive sur ma boîte mail professionnelle » ou « oui mais moi je n’aimerais pas qu’un recruteur me laisse un sms », vous êtes en train de parler dans le vent. On se fiche totalement de ce que vous préférez, vous. Sauf si vous avez l’intention de vous recruter vous-mêmes. Ce qui est important c’est ce qu’en pensent les gens que vous ciblez. Et vous risquez d’être étonné.

6) Ce n’est pas parce que tout le monde fait quelque chose que c’est efficace ou acceptable

attention-au-syndrome-du-perroquet

Vous savez ce que l’on dit : « la folie c’est de répéter les mêmes choses en espérant des résultats différents ». Et, en la matière, le recrutement est rempli de traditions obsolètes et d’idées d’un autre temps. Pire encore, les pratiques les plus inefficaces ont une grande propension à se diffuser par mimétisme et paresse intellectuelle.

Par exemple, écrire « opportunité professionnelle » a toujours été médiocre. Quand on y réfléchit ça n’a aucun sens d’écrire ça. L’expression est beaucoup trop vague : on parle d’un CDI ? Un CDD ? Une interview ? Et pourtant on l’a tous écrit, moi le premier. Par mimétisme.

Vous le voyez d’ailleurs du côté des gens qui postulent à vos annonces. Pourquoi écrivent-ils tous « dynamique et motivé » dans cet ordre et jamais « motivé et dynamique » ? Parce qu’ils copient ce que les autres font.

Et le pire c’est que la répétition crée la familiarité et la familiarité donne l’impression que quelque chose est juste. C’est sur ce principe que repose la publicité. À force de vous montrer encore et encore un produit vous finissez par en avoir une image positive. C’est pareil ici : à force de voir les mêmes absurdités encore et encore on finit par les considérer comme justes.

On en arrive à des situations ridicules où, dans les annonces, tout le monde est « leader de son marché » , « en pleine croissance », « un groupe international. C’est d’autant plus ridicule que l’avantage d’être leader c’est que c’est censé être rare. Une fois que tout le monde se revendique leader, quel intérêt ? D’ailleurs vous remarquerez que tout le monde dit « leader de son marché » comme si c’était une expression française consacrée. Pourquoi personne n’écrit jamais « numéro un du marché » ? Parce que c’est du mimétisme pur.

Une règle qui vous sauvera : partez du principe que les gens ne savent pas ce qu’ils font. Et incluez-vous dans ce constat.
Ne vous fiez pas à votre seule intuition. Raisonnez plutôt comme un scientifique : ce qui n’a pas été testé est faux.

7) Il n’y a jamais une seule manière de trouver

il-existe-une-infinite-de-maniere

On a tendance à se limiter aux sentiers battus. Pourtant le sourcing est une discipline qui fait pleinement appel à la créativité. Plus votre approche de recherche sera créative et plus vous obtiendrez des choses intéressantes.

Partez toujours du principe qu’il existe une infinité de manières d’aborder un problème de sourcing. À la fin de chacune des formations, j’organise une mini-compétition entre les participants. L’idée c’est de former des groupes de mini-cabinets qui doivent travailler sur une annonce pendant 30 minutes et proposer une short-list de 2-3 profils. Les participants utilisent la même méthode (celle qu’on enseigne en formation) et le même outil (la recherche avancée de LinkedIn). Et pourtant, en deux ans, je n’ai jamais eu deux groupes me proposant la même short-list. Je suis à chaque fois bluffé par ce phénomène.

Parce que chaque personne aura sa manière personnelle d’aborder un problème. D’où l’intérêt, quand vous êtes bloqué sur une mission, de demander à un collègue de vous aider en apportant son regard neuf sur la mission.

8) Le but du recruteur n’est pas de chercher mais de trouver

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Dis comme ça c’est une évidence. Et pourtant dans la pratique c’est quelque chose de couramment négligé. J’en veux pour preuves les annonces où l’on cherche à multiplier le volume des candidatures au lieu d’améliorer le taux de pertinence. Le but est pourtant de trouver le bon CV et non pas d’en avoir un maximum possible.

C’est un sujet que j’avais déjà abordé ici : http://rmsnews.com/arretez-la-course-aux-cv

9) Ne pas avoir le temps n’est pas une excuse pour ne pas apprendre

ne-pas-avoir-le-temps-nest-pas-une-excuse

On se ment beaucoup sur le sujet. Par exemple, quand on parle des réponses aux candidatures sur les annonces c’est le premier réflexe : oui mais je n’ai pas le temps de répondre à tout le monde.

Une astuce qui est valable dans la vie de tous les jours : à chaque fois que quelqu’un vous dit qu’il n’a pas le temps il est en train de vous mentir ou de se mentir à lui-même. Si jamais on les postulants pouvaient noter les recruteurs comme on note les chauffeurs Uber et qu’en-dessous d’une certaine note ils étaient virés (comme les chauffeurs Uber), tous les recruteurs répondraient aux candidatures.

Ce n’est donc jamais une question de temps mais toujours une question d’énergie et de priorité, ce qui est bien différent. À chaque fois que vous entendez ou dites la phrase « je n’ai pas le temps » demandez-vous plutôt « est-ce que c’est une priorité ».

Pire encore, ne sacrifiez jamais votre apprentissage par manque de temps. Si vous n’avez pas le temps de continuer à apprendre, à essayer de nouvelles choses, vous allez droit dans le mur. C’est l’équivalent de ne jamais rien épargner en disant « non mais je n’ai pas assez d’argent pour en épargner ». Le jour où vous avez un problème, vous êtes cuit. C’est pareil ici, l’apprentissage et la formation sont des investissements en vous-mêmes. Ne sacrifiez pas le long-terme pour le court-terme : c’est comme ça que commencent toutes les histoires qui finissent mal.

10) Les gens ne sont pas des candidats

les-gens-ne-sont-pas-candidats

Par facilité de langage, on appelle les profils des « candidats ». Moi le premier. Mais on ne doit pas oublier que la plupart des profils avec qui on interagit ne sont candidats à rien. Quand vous approchez quelqu’un directement sur LinkedIn, il n’est candidat à rien. Vous ne pouvez donc pas faire l’économie de la phase de séduction.

Vous jetez sur quelqu’un en lui balançant une fiche de poste à la figure n’est pas le meilleur moyen d’intéresser les gens. Pire encore, ne demandez jamais à quelqu’un s’il est à l’écoute du marché. Ce serait comme commencer un premier contact, avec quelqu’un que vous ne connaissez pas, par : « êtes-vous en recherche d’une nouvelle relation amoureuse ? ».

La plupart des gens, quand un inconnu leur pose une telle question à froid, répondront que non. C’est une question prématurée. On aura l’occasion de revenir sur cette question. (D’ailleurs pour ceux et celles qui sont déjà abonnées à #TruAcademy, le module sur le sujet est déjà tourné et arrive bientôt).

Et voilà qui conclut cet article ! Si vous voulez récupérer les images en HD (pour un fond d’écran par exemple), je vous les laisse sur ce dossier dropbox : https://www.dropbox.com/sh/gwvq958tcx0j6sv/AAAQwbP3tdp9c2m19r40Xux2a?dl=0

Bon sourcing !

Ce que la victoire de Donald Trump enseigne au recruteur

La discussion politique ne m’intéresse évidemment pas. Pas sur ce blog en tout cas. Ce qui m’intéresse c’est la discussion pragmatique sur cette étude de cas grandeur nature que l’actualité vient de nous offrir.

« L’important ce n’est pas ce qui arrive, c’est ce qu’on en apprend » – Moi-même à l’instant mais probablement qu’un grand homme un jour a dû dire un truc qui ressemble

Et, se présenter à une élection c’est un sujet très similaire au recrutement. À un point qu’on parle souvent de « recruter des fans ». Voici ce que celle-ci nous apprend…

Vous n’êtes pas le centre du monde

S’il nous a fallu du temps pour admettre que la Terre n’était pas au centre de l’univers c’est parce que nous avons tous cette tendance à être notre propre point de référence. Malgré l’évidence, la blessure narcissique est si cuisante qu’on a du mal à se faire complètement à cette idée.

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D’autant plus qu’énormément de mécanismes psychologiques viennent participer et amplifier le phénomène. On pourrait en faire un article en entier mais prenons un seul exemple : notre entourage. Nous avons tendance à nous entourer de personnes qui nous ressemblent. Si bien qu’il y a un proverbe qui dit qu’on est la moyenne des 5 personnes que l’on fréquente le plus. Et cet effet de tribu a très vite fait de nous déconnecter du monde. C’est ce qui explique qu’on a tous un jour été surpris par le résultat d’une élection.

C’est également ce qui fait que quand on fréquente des recruteurs toute la journée on a tendance à voir le monde comme un recruteur. On a vite fait de trouver normal de ne pas répondre aux candidatures, par exemple. Parce que tout le monde autour de nous trouve ça normal. On finit vite déconnecté du reste des gens. Pour ceux et celles à qui ça parle c’est également comme ça qu’on finit par croire que les pains au chocolat sont à 15 centimes.

On en rit quand ça touche les autres mais le problème c’est qu’on est tous touchés et que ça a des conséquences néfastes quand on exerce un métier où on s’adresse à des gens qui ne sont pas forcément comme nous. Et qu’on doit en plus susciter chez eux la motivation de nous rejoindre.

Un exemple concret ? Sur #TruAcademy, on enseigne comment deviner l’email professionnel d’un candidat à partir de son prénom et de son nom. Et, une des réactions que j’observe le plus souvent c’est : « moi, je n’aimerais pas qu’on me contacte sur mon email professionnel ».

Certes, mais moi je n’aimerais pas que vous m’envoyiez une offre de recrutement sur mon email personnel : il n’y a que des bêtises dedans et je consulte ma boîte avec beaucoup moins de sérieux. D’autres personnes n’ont aucune préférence particulière, d’autres n’aiment ni l’un ni l’autre, etc. La seule manière de savoir ce qui fonctionne c’est de tester. À chaque fois que vous vous dites « moi, je n’aimerais pas qu’on… » demandez-vous si vous avez déjà essayé la chose en question. Si ce n’est pas le cas, essayez : nous sommes souvent très mauvais à ce jeu de prédiction.

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Dans la même idée, j’observe des réactions du type : « moi, je me refuse à approcher un candidat par sms, c’est trop personnel ». Là encore, je sais que c’est dur à admettre mais vous n’êtes pas la référence universelle de l’humanité. Par exemple, si vous voulez me recruter et que vous hésitez entre me laisser un message vocal et un sms… envoyez-moi un sms. Je trouve le message vocal beaucoup plus intrusif car il m’oblige à arrêter ce que je fais (en général j’écoute de la musique) pour l’écouter. Certes, pour d’autres personnes c’est l’inverse. Du coup, vous ne saurez jamais ce qu’il en est de votre population de candidats potentiels si vous ne testez pas.

Chaque fois que vous dites une phrase comme « moi si on me contactait sur Facebook pour me recruter, je ne répondrais pas », commencez par vous demander si vous n’êtes pas un peu de mauvaise foi (est-ce que vraiment il existe des gens qui par principe refuseraient l’offre de leurs rêves uniquement parce que le premier contact était sur Facebook ?). Puis, rappelez-vous que de toute façon ce que vous préférez vous n’a aucune espèce d’importance puisque vous n’êtes pas en train de vous recruter vous-mêmes. Ce qui est important c’est ce que préfère votre cible. On ne vous demande pas d’éduquer les gens mais bien de les recruter.

N’oubliez jamais que les comportements universels sont très rares et que nous avons souvent tendance à oublier que nous faisons partie d’un camp.

L’importance d’avoir une voix

On a déjà eu l’occasion d’aborder ce sujet de la voix. Et il est fondamental. Une voix qui porte c’est une voix qui commence avec quelque chose de très fort. On l’avait vu avec les annonces. Par exemple, la plupart des gens ont eu vent de l’existence de Trump parce qu’il a commencé en affirmant qu’il allait construire un mur entre les USA et le Mexique et que c’est le Mexique qui allait payer. Si je laisse la politique et la morale de côté, c’est un coup de génie en terme de marketing. Pourquoi ? Parce que c’est quelque chose qui frappe directement l’imagination, qui ne laisse personne indifférent et qui vous donne en une phrase une idée claire du positionnement politique du candidat, de sa famille de pensée.

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Bien entendu, vous n’allez pas commencer vos annonces par « nous allons construire un mur entre nous et nos concurrents et c’est eux qui paieront ». Mais il est crucial de commencer par quelque chose de fort et qui donne le ton, sans avoir besoin de tout lire. On l’avait vu dans cet article avec l’exemple de Critéo

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C’est la même idée avec le slogan. Make America Great Again. Pourquoi les gens s’en souviennent ? Parce qu’il dit quelque chose, qu’il flatte le réflexe de grandeur et d’orgueil. Pourquoi la plupart des gens ne se souviennent pas du slogan en face ? Hillary for America. Parce que ça ne dit rien, il n’y a pas de voix. Ça ne me dit pas en quoi elle est différente du reste. À un point que j’aurais pu écrire Trump for America et ça marchait quand même. Car c’est le problème de ce qui est creux : ça n’imprime pas. Ce slogan c’est un peu l’équivalent dans les annonces de « Leader de notre marché, en pleine croissance et à la recherche de talents ». C’est creux, non-différenciant et ça n’imprime pas : ça rentre par une oreille et ça ressort par une autre.

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Enfin, la voix c’est ce qui permet de ne pas faire de langue de bois. D’ailleurs Trump en a fait un véritable fonds de commerce. Dire les choses de manière concises, sans détour ni lourdeur de langage permet de dire des choses audibles. C’est beaucoup plus facile de faire passer un message qui ne noie pas le poisson. Apple, pour vous vendre des iPhone 4, ne passe pas par quatre chemins et vous dit d’une voix narquoise  » si vous n’avez pas d’iPhone…et bien vous n’avez pas d’iPhone ». Cette publicité me mettait hors de moi à l’époque. Mais pourquoi imprimait-elle les esprits ? Car elle disait quelque chose de fort sans chercher à faire de détour : nous pensons que l’iPhone est le meilleur téléphone du monde et que vous êtes aveugle si vous ne le voyez pas.

 

Attirer c’est dissuader

Autrement dit : on ne peut pas plaire à tout le monde. Un des gros défauts que l’on observe dans les annonces et les messages d’approche c’est que le recruteur essaie de faire quelque chose qui parlera à tout le monde. Ce n’est pas possible : une voix qui parle à tout le monde ne parle à personne.

C’est contre-intuitif mais il faut vous débarrasser de cette névrose naturelle de ne vouloir dissuader ou fâcher personne. « Choisir c’est renoncer » donc attirer c’est dissuader. Les entreprises qui ont des valeurs claires et fortes dissuadent énormément de personnes qui ne se retrouvent pas dans les valeurs, et tant mieux. Plus vous affirmez clairement des valeurs qui vous tiennent vraiment à coeur, plus vous allez dissuader les candidats qui ne sont pas en phase avec.

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C’est quelque chose que les startups comprennent souvent mieux parce qu’elles n’ont pas le choix : si elles veulent attirer et se faire entendre au milieu de la masse il faut qu’elles proclament des valeurs puissantes.

Car le sujet ce n’est pas uniquement le recrutement mais aussi l’engagement. S’il y a une chose que montre cette élection c’est qu’il vaut mieux avoir des hordes de superfans et de superennemis, plutôt qu’une grande masse de fans mous et d’ennemis mous. Ce qui mobilise les gens, ce qui les fait se déplacer, ce qui crée l’engagement c’est cette polarisation autour de valeurs fortes et différenciantes.

Pour reprendre l’idée du livre de Seth Godin, personne ne remarque vraiment les vaches blanches entre elles quand elles sont en troupeau. Dans la masse vous ne prêteriez pas attention à laquelle est la plus grande, la plus petite, la meilleure, etc. Alors que si dans ce même troupeau vous aviez une seule vache violette, vous la remarqueriez instantanément. Ce qui vous attire ce n’est pas qu’elle soit meilleure ou moins bonne, ce qui vous attire c’est sa différence.

L’impact de la répétition du message

Pour ceux et celles qui ont suivi la campagne, c’était un disque rayé géant. Les mêmes choses matraquées encore et encore. Et le pire c’est que ça fonctionne. Si le message est bon (au sens marketing), il ne faut pas négliger la répétition.

 

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Or, une croyance quand on débute c’est de se dire que si le message est bon il va fonctionner tout seul. Que nenni. Les gens sont occupés. « Ce dont nous manquons le plus ce n’est pas le temps mais bien l’attention ». C’est pour cette raison qu’un bon message d’approche et un message d’approche que l’on relance, encore et encore. En occupant le plus de médias différents possibles.

Vous n’imaginez pas le nombre de fois où un candidat répond au bout de la quatrième ou cinquième relance pour dire « ah oui, j’avais oublié de répondre, merci pour la relance ».

Il y a donc deux grandes règles pour la relance de son message. La première c’est qu’il faut le faire autant de fois que nécessaire et que le chiffre autant-de-fois-que-nécessaire est probablement plus grand que ce vous pensez. Mais pour le savoir il faut tester. Par exemple, se mettre à relancer une fois de plus que d’habitude et voir les résultats.

La seconde règle c’est qu’il faut diversifier les canaux d’approche. Plutôt que de faire 4 relances par email, on préfèrera envoyer 2 emails, un sms et un message LinkedIn. Pourquoi ? Parce que vous ne savez pas quel est le canal préférentiel de communication du candidat. Certaines personnes sont hyperactives sur LinkedIn, d’autres sont rivées à leur téléphone en permanence. Mais vous ne pouvez pas le savoir avant de le tester.

Conclusion

Il doit y avoir encore d’autres enseignements comme : ce n’est pas parce que vous dîtes une bêtise que le monde va s’écrouler car on peut toujours gérer et s’excuser ensuite… Mais c’est moins intéressant.

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Pour résumer, nous avons donc 4 enseignements à tirer.

1) Il faut se faire à l’idée que nous ne sommes pas le centre du monde et que donc ce que nos candidats apprécient ce n’est pas forcément ce que l’on apprécie soi-même.

2) Avoir une voix est aussi important (voire plus) qu’avoir des idées. Une voix différenciante et sans langue de bois.

3) Plaire à tout le monde c’est ne plaire à personne. Au final la problématique sur une annonce est autant d’attirer que de dissuader car ce sont les deux faces d’une même pièce.

4) Avoir un bon message ne suffit pas : il faut le répéter.

Sur ce, je vous laisse retourner à une activité normale et vous souhaite un bon sourcing :D.

Le recrutement innovant ne vous sauvera pas

Il y a une fascination pour le recrutement innovant qui canalise les attentions et les attentes. Récemment, on m’a présenté dans une intervention comme « un expert du recrutement 3.0 ». En admettant que 3.0 veuille dire la moindre chose, on ne saurait être plus à côté de la plaque que ça.

Notre sujet ce n’est pas le recrutement numérique, le recrutement 2 ou 3 ou 5.0, le recrutement sur les réseaux sociaux ni aucune de ces choses brillantes. Nous sommes nous-mêmes coupables de cette confusion car nous l’entretenons dans nos communications de vente, pour aller plus vite.

Mais le problème ce ne sont pas les outils ou la nouveauté. Ce ne sont même pas de véritables sujets en soi.  Explications.

Qui se trompe de combat se trompera de victoire

L’innovation, les réseaux sociaux, le 3.0 sont des mots qui brillent. En les prononçant vous pouvez capter l’attention d’un auditoire (positivement comme négativement d’ailleurs). Le problème c’est qu’ils trahissent souvent une erreur fréquente : croire que les outils peuvent vous sauver. Ou, inversement, accuser les outils de vos difficultés (c’est pour ça qu’on dit qu’un mauvais ouvrier a toujours de mauvais outils). Alors que, les outils sont rarement le coeur du problème. Je peux vous donner l’épée de Zorro, son cheval et son costume : vous n’allez pas vous mettre à virevolter dans tous les sens pour autant. Zorro n’est pas Zorro grâce à son épée (même si elle l’aide). Zorro est Zorro grâce à son entraînement et à ses convictions profondes.

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Au fond, les outils et l’innovation sont souvent une fausse excuse que l’on se donne. J’ai un ami qui a une définition comique et agressive de la génération Y (je sais, on avait dit la semaine dernière qu’on en parlait plus jamais):

« C’est un concept qui a été inventé par des gens pour se consoler de ne pas avoir fait l’effort de se former à certains outils. Il suffit de dire : ‘ce n’est pas de ma génération’ et on est dispensé comme par magie ».

En formation j’ai régulièrement des personnes qui venaient en disant « je ne peux pas utiliser LinkedIn dans mon sourcing car je n’ai pas de compte premium » et qui repartent étonnées : « ah mais en fait je peux déjà faire beaucoup de choses avec un compte gratuit, je n’avais jamais cliqué sur la recherche avancée ».

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Dans cet exemple, vous avez la synthèse de l’ampleur du danger de se laisser fasciner par les outils ou l’innovation. On finit par mettre sa réussite dans les mains d’un facteur externe. Fantasmé, en plus. Au passage, de manière générale, c’est rarement une bonne idée de se dire que sa réussite dépend d’un facteur extérieur.

L’autre obstacle conséquent c’est la foi béate en l’innovation ou la technologie. Comme si la technologie et l’innovation étaient bonnes en soi. Vous savez ce qu’on dit au sujet des erreurs ? Qu’il faut apprendre d’elles. Il faudrait apprendre de ses erreurs, oui. Mais encore faut-il réaliser son erreur. Sinon, les erreurs précédentes ne nous servent qu’à faire des erreurs plus vite. Avec un outil productif c’est encore pire : vous commettez des erreurs à grande échelle, de plus en plus vite et de plus en plus nombreuses.

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C’est pour ça que le recrutement sur les réseaux sociaux n’est pas un sujet complet en soi. Je peux vous donner le même outil (LinkedIn) et vous pouvez en faire des choses impressionnantes dans les deux sens : exceptionnelles ou catastrophiques.

De la même manière que si je vous donnais les mêmes ingrédients, les mêmes ustensiles de cuisine, et la même durée : vous ne ressortiriez pas avec des plats de même qualité à la fin. Pire : même si je vous donne exactement la même recette, j’aurais encore une différence de qualité à la fin. Et c’est quelqu’un qui a déjà raté des pâtes et de la semoule qui vous le dit. Les outils ne nous mettent pas à égalité.

Le vrai combat : chasse ou pêche

Finalement ce qui fait la différence c’est davantage la conception et la vision du métier du recrutement. L’innovation et les outils viennent bien après. Est-ce que je considère que mon métier c’est d’attendre que des candidats viennent à moi ? Ou alors est-ce que je pense qu’il n’existe pas de candidats mais que des prospects à convaincre ? Ce sont deux approches radicalement différentes qui vous emmènent sur des chemins qui ne se ressemblent pas du tout.

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Pour revenir à la cuisine, il y a une différence entre les restaurants qui estiment que leur métier c’est de servir des plats (peu importe qu’ils soient surgelés) et ceux qui se sentiraient insultés si vous leur demandez s’ils utilisent du surgelé car ils envisagent le sourcing d’ingrédients frais comme une facette de leur métier. C’est pareil dans le recrutement : tout le monde n’a pas l’envie du sourcing.

D’autant plus que beaucoup de gens ont eu une expérience industrielle et traumatisante du sourcing : c’est sûr que si votre vision du sourcing consiste à rentrer des mots-clés dans une CVthèque vous n’aurez pas envie d’en faire. On touche d’ailleurs à la notion-clé : le plaisir.

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Avant toutes choses, ce qu’on essaie de vous transmettre sur LEDR Pro ce n’est pas tant la technique que le plaisir. Au final la technique sert à vous armer suffisamment pour être capable de prendre du plaisir. Car, effectivement, si vous ne savez pas écrire un message d’approche efficace ni deviner un email à partir d’un patronyme et d’une entreprise vous aurez du mal à prendre du plaisir.

Si vous pensez que le sourcing (ou le recrutement) « c’est chronophage », votre problème ce n’est pas les outils. Votre problème c’est ce qui vous ammène à avoir ce type de pensée. Remarquez que quand vous rentrez dans un restaurant et que le cuisinier vous dit « ça prend trop de temps d’aller trouver des ingrédients frais, donc je fais des surgelés », il est peu probable que vous soyez en admiration devant son professionnalisme.

Or, la question de la chasse et de la pêche permet souvent de se débloquer (pas à tous les coups, certes). Une fois que j’envisage mon métier comme un métier de service et de séduction je vais me comporter bien différemment. À cet égard, je peux voir les candidats comme des marchandises me permettant d’arriver à un objectif…mais je peux aussi les voir comme des clients que je dois satisfaire. Ce sont deux approches sans point commun. Une fois que j’ai intégré l’envie du service client, les outils viennent d’eux-mêmes. Ce n’est pas l’inverse. Si je vous donne le meilleur restaurant du monde avec la meilleure cuisine et la meilleure salle, vous n’irez pas bien loin si vous n’avez pas envie de faire la cuisine correctement ou que vos serveurs font la tête quand ils parlent aux clients. Êtes-vous déjà allé dans un restaurant où vous avez eu l’impression que vous dérangiez les serveurs ?

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D’où l’importance du plaisir dans ce que l’on fait. L’envie ne peut venir que du plaisir. Et, une des manières de prendre du plaisir dans ce que l’on fait c’est de le faire bien. Une autre manière de prendre du plaisir c’est d’innover en permanence pour ne pas s’ennuyer. Mais c’est secondaire.

Or, le service client et la chasse sont des disicplines qui ont toujours existé. LinkedIn ne change rien aux dynamiques fondamentales. En revanche, comme tous les outils, LinkedIn met tout ceci à votre portée. Mais « à votre portée » ne veut pas dire « dans le creux de votre main » : les outils réduisent la distance entre vous et un savoir-faire mais ils ne l’anéantissent jamais. Dans tous les cas, un effort de votre part est incontournable.

L’outil en soi n’est pas un sujet : les gens recrutaient sans les outils d’aujourd’hui et ils recruteront sans. Les outils passent et trépassent, le professionnalisme reste. Quand les gens n’avaient pas d’ordinateur, ils faisaient autrement.

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Et vous aviez quand même une différence entre les gens qui mettaient des annonces dans les journaux puis attendaient et ceux qui montaient des scénarios pour récupérer des informations confidentielles et débaucher des profils. Les ordinateurs et le web n’ont pas transformé les pêcheurs en chasseurs : ils leur ont donné des nouveaux outils à chacun.

En fait on confond la cause et la conséquence, comme souvent. Pourquoi certaines personnes pensent que les chapeaux rendent chauves ? Parce qu’ils voient beaucoup de gens porter des chapeaux et devenir chauves. Mais en réalité c’est l’inverse : les gens atteints de calvitie précoce aiment bien porter des chapeaux pour le camoufler. Je vous le dis en connaissance de cause : j’ai fait ça pendant plusieurs années avant d’assumer d’avoir commencé à perdre mes cheveux à 25 ans.

De la même manière : ce n’est pas parce que quelqu’un fait du sourcing sur LinkedIn que c’est un chasseur. C’est parce que c’est un chasseur qu’il fait du sourcing sur LinkedIn.

Il n’y a pas d’opposition entre ancienne et nouvelle école

En défitinive, ce qu’il faut oublier c’est l’opposition fantasmée entre une ancienne et une nouvelle école. On passe totalement à côté du sujet en faisant cette opposition. Il n’y a pas d’ancienne et de nouvelle école : il y a la bonne et la mauvaise école.

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Et cette obsession entre ancien et nouveau nous aveugle plus qu’on ne le reconnaît. J’en veux pour preuve les annonces. À chaque fois que j’ai accompagné des recruteurs sur la rédaction de leurs annonces, j’ai eu comme première réaction : « on est une entreprise sérieuse, on ne peut pas faire des annonces funs comme les startups ». Et, à chaque fois, je prenais une annonce au hasard et elle était mal écrite (mal copiée-collée), pleine de fautes d’orthographe et incompréhensible. Aucun rapport avec le fun ou la nouveauté donc. Bien écrire est une discipline multimillénaire. Produire un texte captivant n’est pas une affaire de fun ou de nouveauté. C’est davantage une question de savoir ce que l’on veut dire et de l’exprimer clairement.

J’observe d’ailleurs exactement le même type de débat stérile avec le vouvoiement et le tutoiement. On peut passer une heure à expliquer qu’un bon message d’approche doit s’appuyer sur des techniques d’empathie, et des mécanismes psychologiques étudiés, puis proposer concrètement une structure contre-intuitive C-A-B au lieu de l’intuitif A-B-C, quelqu’un va quand même dire « oui mais là c’est écrit en vouvoiement/tutoiement, moi je ne peux pas ». Alors que la question n’est pas là : peu importe ce que vous choisissez, un message écrit avec technique est meilleur qu’un message écrit sans technique.

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Un autre symptôme du vide de cette opposition c’est l’utilisation du mot « classique ». Un des retours les plus fréquents que les gens font après avoir lu un très mauvais messages d’approche ou une très mauvaise annonce c’est « oui, c’est un peu trop classique ». Classique étant ici un mot de langue de bois pour dire « chiant ».

Écrire de manière lourde et dans une syntaxe poussive n’a jamais été classique. Quand je vous dis d’une musique que c’est de la musique classique, je ne suis pas en train de vous dire uniquement que c’est une ancienne musique, je suis également en train de vous dire qu’elle fait référence. Copier-coller des descriptifs de poste plein d’acronymes pour en faire des annonces, ça n’a jamais été classique : c’est juste mauvais. Vous ne trouverez aucune formation qui vous recommande de le faire : les gens le font par paresse et mimétisme.

Les mauvaises habitudes et le classique sont deux choses très différentes. Un classique du recrutement ce serait plutôt les réponses à « je ne suis pas à l’écoute du marché ». Que ce soit à l’époque du téléphone, de l’email ou des réseaux sociaux, les gens ont toujours objecté de cette façon (même si les mots ont changé) et les bons recruteurs ont toujours eu une réponse toute prête à cette objection.

Ce qui devrait vous intéresser ce n’est pas de savoir si vous êtes de l’ancienne ou de la nouvelle école mais bien de savoir si vous êtes dans la bonne école ou pas. Par exemple, ne pas répondre aux candidatures n’a jamais été une bonne pratique : c’était juste une mauvaise pratique qui semblait être tolérée.

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Maintenant, les candidats mécontents peuvent venir le faire savoir sur votre page Facebook. Du coup les conséquences sont plus immédiates et visibles. De plus en plus d’entreprises ont donc été forcées de s’intéresser à l’expérience candidat. Mais l’expérience candidat n’a rien de nouveau : il y a toujours eu des bons et des mauvais élèves en la matière. C’est juste que maintenant tout le monde peut le voir sur la place publique.

De la même manière, envoyer le même message générique à 200 personnes en espérant que quelqu’un morde n’est pas une méthode. C’est même tout l’inverse d’une approche méthodique. Ce n’est pas classique, ce n’est pas traditionnel, c’est du spam. De la même manière que les candidats qui envoient 200 fois leur CV au hasard : ce n’est pas parce qu’on finit par obtenir un résultat que c’est une méthode. Ce n’est pas parce qu’on a toujours fait comme ça que ça devient un classique.

Car c’est un autre piège de se complaire dans l’opposition ancien/nouveau : on finit par accepter une mauvaise pratique uniquement parce qu’on l’a répétée suffisamment longtemps. Ou, inversement, on attribue à la nouveauté un statut sacré et messianique. Mais ce que Uber montre ce n’est pas que l’innovation renverse un secteur. Uber montre juste que beaucoup de taxis faisaient mal leur travail, tout simplement. D’ailleurs vous remarquez que les premiers retours des gens qui découvrent Uber c’est jamais « l’application est géniale » mais bien « le chauffeur était super sympa, il m’a ouvert la porte et m’a proposé une bouteille d’eau ».

Conclusion

Encore une fois, ce qui est important ce n’est pas l’ancien ou le nouveau, c’est le bon ou le mauvais. Posez-vous la question de la bonne manière de faire et tendez-y. Il n’y a rien de pire que la phrase « je n’ai pas le temps de m’intéresser aux nouvelles méthodes même si je sais que y’a des choses bien à faire». Si vous prononcez cette phrase et que vous y croyez, vous faîtes une faute professionnelle, point. Heureusement, la plupart du temps, les gens qui prononcent cette phrase ne la croient pas eux-mêmes. En fait ils répètent mécaniquement quelque chose qu’ils ont été forcé de dire. On leur a tellement répété qu’il fallait faire du recrutement innovant, qu’ils finissent par le répéter aussi. Le problème c’est que personne ne leur a jamais fait la démonstration du pourquoi. Donc ils répètent sans croire.

En revanche, si vous prononcez cette phrase et que vous y croyez vraiment, posez-vous des questions. C’est comme si vous disiez « si j’avais travaillé, j’aurais pu être plus efficace, mais je n’ai pas fait mon travail ».

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Ou comme les gens qui passent leur vie à dire qu’ils auraient pu être écrivains ou chanteurs s’ils avaient travaillé pour.

Le nouveau ne va pas vous sauver, pas plus que l’innovation ou les outils. Ce n’est pas l’innovation qui rend les gens efficaces, c’est les gens efficaces qui innovent en permanence pour améliorer leur efficacité. Ne mettez pas la charrue avant les boeufs.

« Génération Y » est une insulte inventée par des consultants

Le concept de génération Y est une esbroufe de consultant. C’est une intuition que j’avais depuis un moment. Et j’ai eu la chance (ou la malchance) d’être obligé d’aller fouiller en profondeur le concept pour l’exprimer en format conférence pour l’événement La Claque.

Je me suis rendu compte de deux choses en faisant ce travail de documentation et d’exploration : premièrement que c’est bien un concept vide, deuxièmement que nous sommes énormément à avoir une réaction allergique.

Et c’était une suprise pour moi : quasiment à chaque fois que j’ai dit que je préparais une conférence sur la génération Y, j’ai vu des regards s’assombrir et des pulsions meurtrières monter. Certaines personnes sont même parties au quart de tour : « Mais c’est du pipeau ce truc ! Pas ENCORE une conférence sur la Génération Y ».

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J’étais obligé de rajouter « non mais je vais justement dire que c’est du pipeau ». Ce qui soulageait immédiatement mes interlocuteurs qui continuaient quasiment toujours immédiatement en disant « ouf j’ai cru que t’allais faire comme la fille là…comment elle s’appelle déjà ? ». Mais on y reviendra.

Qui nous parle de la génération Y ?

Avez-vous remarqué que les gens qui vous vendent le concept de génération Y, ne font jamais partie de la génération Y ? Rien que ce fait devrait nous inciter à une extrême méfiance. Comme le chante Youssoupha : « tout ce qui est fait pour nous mais sans nous est fait contre nous ».

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Même avec toute la bienveillance du monde, confisquer la parole aux personnes que vous prétendez décrire ne peut que donner une catastrophe.

On en arrive alors à des aberrations, comme cette vidéo censée illustrer la génération Y en entreprise. Avec un prétendu jeune qui dit des phrases comme « j’ai trouvé avec la fonction GPS de mon iPhone »

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Ou bien, quand on lui propose une plaquette : « vous n’auriez pas un CD plutôt ? ».

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Un CD ? Vraiment ? Aucun jeune sur terre n’a jamais parlé comme ça.

D’ailleurs l’acteur le reconnaît lui-même dans une interview : « on essaie d’évoquer le conflit entre génération X et Y, d’un point de vue je pense plus de la génération d’au-dessus ».

Bon…je vous vois venir. Avant quand je disais que le sujet n’était jamais abordé par des gens de la génération Y eux-mêmes on me disait « ah oui en effet ». Depuis Octobre 2015 désormais on me répond systématiquement « mais si ! Y’a une jeune là qui a fait une conférence… ».

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Voici effectivement l’exception qui confirme la règle. Et c’est probablement le coup le plus dur qui a été porté à tous ceux qui vomissent le concept. Parce que le coup est venu d’une des « nôtres », de l’intérieur. Et ceux qui connaissent l’histoire d’Anakin Skywalker (Dark Vador) savent à quel point les coups sont bien plus violents quand ils viennent d’un transfuge de son propre camp.

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Là encore, je pensais être le seul. Mais en discutant autour de moi pour préparer le sujet je me suis rendu compte que la seule prononciation de son nom déclenchait des réactions violentes et hostiles parmi ceux qui rejettent le concept. Désormais, par mesure de sécurité, je l’appelle Celle-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom.

Mais celle-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom a beau faire partie de la prétendue génération Y, elle a quand même un point commun avec les autres : c’est pour elle un business.

J’ai perdu la source mais j’étais tombé sur un article très juste qui disait en substance : « la prochaine fois qu’on vous agitera la génération Y demandez-vous qui a intérêt à exagérer le fossé entre la génération Y et les précédentes ? C’est marrant de voir que les gens qui ont un discours pointant l’étendue de la différence de la génération Y ne sont pas des gens qui vivent avec elle mais des gens qui gagnent leur vie sur son dos ».

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Qu’est-ce que la génération Y ?

Il y a un débat sur les dates de délimitation de cette génération. Deux intervalles s’affrontent : 1979 – 1995 et 1982 – 2004. Vous vous rendez compte de ce que ça dit en termes de rigeur scientifique ? On est incapable de se mettre d’accord sur la base même du concept. Passons.

L’autre chose sur laquelle tout le monde semble d’accord c’est que le Y est là pour succéder au X de la génération précédente. Et que le consultant qui l’a inventé s’est dit que c’était un super jeu de mot avec le « why ». Ce qui en ferait une génération pourquoi. Vous remarquez à quel point l’alphabet a été bien fait n’empêche !

On s’est donc dit qu’on allait définir une génération par sa tendance à dire pourquoi, à remettre tout en question. Une sorte de génération de doute radical et de scepticisme permanent. Ce qui fait de Descartes le représentant le plus éminent de cette génération, non ?

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On nage déjà en plein ridicule. On croirait de l’astrologie. Mais laissons les consultants se dépêtrer avec le monstre qu’ils ont créé. Si je reviens à notre quotidien et aux articles que l’on voit passer, une des autres définitions de la génération Y c’est qu’elle est un problème, un défi pour les entreprises.

Au final ce n’est pas la littérature sociologique qui s’intéresse le plus au concept mais bien la littérature managériale. Je suis tombé sur un mémoire passionnant qui essaie justement d’étudier le sujet avec une rigeur sociologique et qui conclut comme ceci :

« Paradoxalement, l’abondante littérature qui s’intéresse à la «Génération Y» ne provient pas de la communauté académique. (…)

Aucune des 98 recherches référencées et reconnues par le CNRS ne s’est intéressée aux comportements des membres de la « génération Y » dans l’entreprise : il s’agit de recherches en marketing qui s’intéressent aux comportements des jeunes consommateurs. (…)

Les comportements au travail de la «génération Y» demeurent donc, à notre connaissance, des récits de managers ou des recommandations de consultants. (…)

Ils montrent que l’influence de l’appartenance générationnelle est moindre que celle de l’appartenance au groupe des cadres. L’effet de la socialisation est plus puissant que l’effet générationnel. »

L’auteur touche du doigt un point fondamental : la dimension marketing du concept. La génération Y est un idéal-type marketing, une persona. Comme l’est la ménagère de moins de 50 ans. Et nous devrions traiter ce concept comme l’on traitre celui de ménagère de moins de 50 ans. L’utilité pour segmenter des campagnes marketing est évident (on parle d’un individu de moins de 35 ans qui habite en ville, se déplace en transport collectif, a un diplôme du supérieur et est célibataire au sens du code civil). Mais ça s’arrête là.

Le concept de génération Y est une somme de clichés et de stéréotypes réducteurs. Parmi eux, j’en ai vu 3 revenir en permanence : le problème avec l’autorité, l’individualisme et le refus du travail.

Vous les avez déjà entendu. Peut-être même que vous avez l’impression qu’ils sont vrais et caractérisent bien cette génération, par opposition aux précédentes ? Je vous propose d’aller le vérifier. Nous allons comparer la génération Y aux deux générations d’avant. Mais attention, nous n’allons pas comparer les Y de 2016 aux X et aux Baby-boomers de 2016. Nous allons comparer les Y de 2016 aux X de 1993 et aux baby-boomers de 1973. C’est-à-dire au moment où les X et les Baby-boomers avaient l’âge de la génération Y de maintenant.

Baby-boomers = Génération Y

On retiendra pour les Baby-boomers l’intervalle de naissance 1943-1960. Pour vous aider à visualiser : c’est la génération de Sarkozy, Conh-Bendit et Balavoine. Ceux qui ont entre 56 et 73 ans au moment où j’écris.

Avaient-ils un problème avec l’autorité ? Manifestement oui ! Et dans une ampleur bien plus grande que la génération Y. C’est la génération qui était dans la rue en mai 68.

C’est la génération qui criait « état fasciste, état policier », qui envoyait des pavés sur les policiers et qui scandait qu’il est « interdit d’interdire ». On peut difficilement faire plus en termes de rapport difficile à l’autorité.

Avaient-ils un problème avec l’individualisme ? Manifestment oui ! En 1973, le New-York magazine les appelaient : la génération moi je.

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En soulignant que cette génération était en quête de sens et d’épanouissement. Tiens, ça ne vous rappelle rien ? La génération en quête de sens au travail ?

En France, on les a appelé la Bof génération. Des jeunes qui se distinguait par un désengagement de la politique (tiens, tiens…), une idéologie anti-autoritaire et une attitude do it your self (tiens, tiens…ça aussi ça devrait vous dire quelque chose).

Avaient-ils un problème de refus du travail ? Manifestement oui ! On parle de la génération qui a vu émerger d’elle…les hippies ! Peut-on faire plus génération Y que les hippies ? Il me semble qu’une génération qui a eu le mouvement hippie et mai 68 devrait s’abstenir du moindre commentaire sur la génération Y.

Certains d’entre vous me diront : oui mais on le savait déjà. Puisque la génération Y a failli s’appeler la génération echo à cause de sa ressemblance avec les Baby-boomers. Dont acte. Allons désormais du côté de la génération X.

Génération X = Génération Y

On retiendra pour la génération X l’intervalle de naissance 1961-1981. Pour vous aider à visualiser : c’est la génération de Jamel Debbouze, Céline Dion et Marine Le Pen. Ceux qui ont entre 35 et 55 ans au moment où j’écris.

Avaient-ils un problème avec l’autorité, un problème d’invidualisme et un problème de refus du travail ? Manifestement oui ! On les a appelé la slacker generation. Ce qu’on peut traduire en français par « génération feignasse ».

Feignasse

Mieux encore, un article de 1993 les appelait la génération pleurnicharde dans des termes qui vous rappelleront forcément quelque chose :

« Ils ont tout eu. C’est le problème de la Génération X. On a une génération dont tous les besoins ont été comblé depuis la naissance. Maintenant qu’ils font face à l’âge adulte, ils s’attendent encore à avoir des cadeaux. (…)

Ils n’ont même pas eu besoin d’apprendre à s’amuser car Maman et Papa étaient toujours là pour les alimenter de divertissement,  d’une activité à l’autre. (…)

On devrait les appeler la Génération pleurnicharde (…)

J’invite ces pleurnichards à renoncer à leurs valeurs de génération télévision et à accepter la dure et froide réalité. »

Tout est dit. Vous avez face à vous une oeuvre d’art en termes de clichés sur la jeunesse. Certes, on parlait de génération télévision plutôt que de génération smartphone. Et à la place de génération Instagram on parlait de génération caméscope vidéo.

video-generation

Cerise sur le gâteau : le X de génération X se réfère (entre autres) au refus de l’étiquette. C’est le même X qu’en mathématiques : la variable inconnue. Car c’est une génération dont on disait qu’elle refusait qu’on la définisse.

Quelle ironie…comment quelqu’un qui faisait partie de cette jeunessse refusant les définitions simplistes et les etiquettes peut désormais compter des gens qui font la même chose à la génération Y ?

Les jeunes ont toujours existé

En vérité, c’est bien la jeunesse qui est caractéristique. Davantage que la génération. 90% des caractéristiques stéréotypées qu’on attribue à la génération Y sont en fait des caractéristiques des gens de moins de 35 ans, peu importe les époques.

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Les jeunes n’écoutent pas leurs parents et ça ne date pas d’hier. En témoigne toutes les citations antiques sur le sujet. Que ce soit celle, fameuse, attribuée à Socrate : « Nos jeunes aiment le luxe, ont de mauvaises manières, se moquent de l’autorité et n’ont aucun respect pour l’âge. À notre époque, les enfants sont des tyrans. » ou une autre attribuée à un prêtre égyptien 1000 ans avant Jésus-Christ : «  Notre monde a atteint un stade critique. Les enfants n’écoutent plus leurs parents. La fin du monde ne peut pas être loin. »

C’est un thème millénaire bien plus vieux que les vieux qui l’utilisent encore. Au même titre, les jeunes ont une tendance à l’individualisme et au refus du travail. Remarquez que ça change souvent avec la paternité et la maternité. Quand on s’occupe d’un enfant on est soudainement moins porté à l’indivualisme et au refus du travail. De la même manière, les jeunes ont une tendance naturelle à la recherche de la réalisation de soi. Une fois que vous êtes vieux et que vous vous êtes déjà réalisé c’est plus compliqué.

Jeunes-aujourdhui

Dans les « jeunes d’aujourd’hui » rageurs, on accentue sur le « aujourd’hui ». Alors qu’en vrai le mot important c’est « jeune ».

Adam Conover l’exprime de manière magistrale dans sa sublime conférence Millenials don’t exist.

 

« Le narcissime, par exemple, fait partie du processus naturel du développement de la personnalité. On est de moins en moins narcissique avec l’âge. Donc reprocher le narcissime à la génération Y ce serait comme de se plaindre en disant de bébés : cette génération ne veut faire ses besoins que dans des couches, ils ne veulent pas aller aux toilettes ! »

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Au final, on est toujours le Y de quelqu’un. Les jeunes sont ce qu’ils sont et certains vieux adorent le leur reprocher. Et c’est un cycle interminable : les mêmes jeunes quand ils deviennent vieux sont tentés de faire la même chose aux suivants. Parce qu’ils auront oublié.

J’ai la (mal)chance d’avoir gardé énormément de choses que j’ai écrite quand j’avais 17 ans. Et c’est une souffrance énorme de les relire à 27 ans. J’ai l’impression de lire…un jeune de 17 ans de 2016. Ce n’est pas Snapchat mais un Skyblog, ce n’est pas Whatsapp mais MSN et pourtant les schémas sont identiques.

« Génération Y » est une insulte

Au fond, le concept de génération Y n’est rien d’autre qu’une insulte. Bien sûr qu’il existe des gens qui sont nés entre 1982 et 2004. Bien sûr qu’ils forment une génération démographique. Mais le Y que l’on rajoute est là pour pointer du doigt. Ce sont presque toujours les autres qui vous appellent Y.

Le-doigt

Avant celle-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom je n’avais jamais vu quelqu’un monter sur scène pour dire « je suis un Y ». C’est comme le fameux « issu de la diversité ». Personne ne se désigne soi-même comme cela.

Certes, certains jeunes ont tellement été matraqués par la télévision qu’ils finissent par adhérer au concept. Vous avez même une étude où les jeunes se décrivent eux-mêmes comme fainéants. C’est d’ailleurs toujours la même que les consultants vous ressortent pour vous dire « tu vois, on a même pas besoin de laisser la génération Y parler, ils sont d’accord avec vous ». C’est un peu court : vu la boulimie médiatique il n’est pas étonnant que certaines personnes finissent par intégrer les stéréotypes qu’on leur colle. D’autant plus que vous n’avez pas de message contradictoire dans les médias. Même moi, j’ai longtemps cru au concept de génération Y.

Mais je vous assure que c’est bien une insulte. J’ai essayé de réunir des pièces à conviction pour cette enquête.

Pièce à conviction n°1 : on ne dit pas les vieux

insulte-premiere

C’est intéressant de voir que l’on dit spontanément « les jeunes » mais qu’on se permet beaucoup moins spontanément de dire « les vieux ». Quand je remplace le mot « jeune » par le mot « vieux » dans les articles j’arrive à des choses qui nous choquent comme : « Comment manager les vieux en entreprise », « comment répondre aux attentes des vieux ? » ou encore « L’explosion du nombre de vieux en entreprise est un défi pour les managers ».

Il suffit donc de remplacer jeune par vieux et on ressent d’un coup le côté insultant.

Pièce à conviction n°2 : l’obsession du management

Insulte-seconde

Parmi les gens avec qui j’ai discuté pendant la préparation de ce sujet, quelqu’un m’a fait une remarque très juste. Après s’être insurgé violemment contre Celle-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom il m’a dit : « En plus les sujets c’est toujours comment MANAGER la génération Y. C’est toujours la comprendre dans le but de la manager ».

Et effectivement, la littérature managériale aborde le sujet dans cet unique but de mater ces sauvageons que l’on ne comprend pas. Voici d’ailleurs un commentaire que j’ai trouvé sous un des nombreux articles de management :

« Bonjour,
Y en à marre de la génération Y !
Mettez les au boulot ! Arrêtez de nous dire comment s’adapter à ces incompétents ! Transformez les ! (…)

Tout leur est du il faut que le patron soit sympa , pas dirigiste, ne leurs demandent pas de résultats qu’ils puissent se distraire au boulot conserver leur RSS pendant les heures de travail ! Mais ou sont leurs devoirs ? (…)

Je dirige une SSII très innovante, rembauche 29 personne en 2011, du coup je cherche soit des quadra soit des Roumains pas question de me retrouver encore avec des petits français de 25 ans: sans savoir faire, sans ambitions, et déloyals (sic) ! »

C’est bien cette idée de manager au sens le plus militaire du terme que l’on ressent ici.

Pièce à conviction n°3 : on ne se le permettrait pas avec d’autres catégories

insulte-troisieme

Vous imaginez si on avait les mêmes articles qui disaient :

« Comment manager les arabes en entreprise ? », « Comment manager les noirs en entreprise ? », ou encore « Cinq conseils pour manager au mieux les athées ».

Je vous rassure : un affreux doute m’a saisi en l’écrivant et j’ai donc été vérifier. Ce genre d’article idiot n’existe pas. Ce que je viens de faire est caricatural ? Bien sûr. Mais la caricature est une des rares armes qui permet de démasquer la langue de bois. Et la génération Y est un mot de langue de bois. Il couvre une violence en l’adoussisant, en la déguisant en quelque chose de respectable et scientifique.

Pièce à conviction n°4 : les concepts marketing sont insultants quand on les sort de leur cadre

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Vous vous rappelez de la ménagère de moins de 50 ans ? Que les gens au marketing parlent comme ça pour segmenter leurs actions n’est pas un problème en soi. Mais maintenant sortons le concept de son cadre marketing. Imaginez que vous êtes invités à un repas par un couple d’amis. Et là vous dites à votre amie : « c’était vraiment bien, tu es une excellente ménagère de moins de 50 ans ». Pensez-vous qu’elle le prendra comme un compliment ? Quelle serait sa réaction ?

Mais…comment une insulte peut-elle avoir tant d’écho ? C’est la question que m’a posé Laurent pendant que je préparais le sujet.

Pourquoi l’insulte séduit-elle autant ?

C’est une question de peur de la différence, de peur de ce qu’on ne comprend pas. C’est Maître Yoda qui le dit le mieux :

« La peur est le chemin vers le côté obscur, la peur mène à la colère, la colère mène à la haine et la haine mène au côté obscur de la force ».

Vous trouvez que le mot haine est trop fort ? Je vous propose de lire des extraits d’un article qui s’appelle « Faut-il être plus directif avec la génération Y ? ».

Directif-Y

« Ces individus qui dans la rue, au travail, au sein du couple ou en famille agissent en fonction de leur seul bon vouloir grignotent tous les liens sociaux. Le sentiment de l’autre leur est quasi inconnu, tout investi qu’ils sont dans une quête inlassable du plaisir immédiat. (…)

Au final, ils manifestent une volonté de toute-puissance qui gomme tout principe de réalité. Résultat : refus de se remettre en cause et quête permanente d’une solution miracle pour trouver une réalité confortable. (…)

Leur demande incessante de bonheur se confond avec l’immédiateté de leur volonté de jouissance. Certes on les rencontre à tous âges, mais s’ils se retrouvent majoritaires dans la génération Y, c’est qu’ils ont été élevés dans des familles qui leur ont laissé, enfants, prendre le pouvoir. (…)

En faisant de leurs désirs des ordres, leurs parents les ont amené, malgré eux, à se la jouer perso en s’impliquant le moins possible. Surconsommation, surstimulation, survalorisation, surprotection et surcommunication de l’enfant, ce que Didier Pleux nomme les « 5 S », aurait petit à petit contribué à faire émerger des asociaux, peu heureux pour autant…Dont la pathologie se résume à la difficulté d’accepter la réalité, la sienne et celle des autres. (…)

Toute sa vie se construisant autour du « j’ai envie, je fais » ou « je n’ai pas envie, je ne fais pas », il est réfractaire à toute « verticalité », à toute forme d’autorité. « S’il est juste de contester certains autoritarismes, l’adulte roi, lui, n’est pas un « rebelle » au sens noble, il est réfractaire à ceux qui savent mieux que lui, à ceux qui peuvent le faire réfléchir, voire l’infléchir. »

Si ce n’est pas de la haine je ne sais pas ce que c’est. On retrouve tous les clichés : le problème avec l’autorité, l’individualisme et le refus d’accepter la réalité. Le même type de violence s’est déchaîné à la sortie de Pokémon Go.

ARTICLE-pokemongo

Quand j’étais petit on nous reprochait de rester enfermé à jouer à des jeux vidéos. Désormais on reproche aux jeux vidéos de faire sortir les gens. Allez comprendre ! C’est d’ailleurs un des effets secondaires que de penser le monde avec une case insultante. Tout va dans votre sens, tout le temps. Et l’insulte a été massive face à Pokémon Go. Je vous ai extraits deux commentaires sur Facebook mais il y en avait des milliers du type rien que sur une seule publication :

« Cette jeunesse préfère courir après des trucs virtuels plutôt que de chercher des jobs d’été »

« On peut être fiers de faire des génération de décérébrés »

Au fond du fond, on a presque l’impression que ce que les gens insultants veulent c’est dire « on devrait enfermer les jeunes jusqu’à ce qu’ils soient vieux » (merci Mohamed pour cette phrase).

Au final, cette tentation est naturelle et relève d’un processus psychologique simple et très bien saisi par Douglas Adams :

« Tout ce qui existe dans le monde à votre naissance est normal, ordinaire et fait partie intégrante du fonctionnement du monde. Tout ce qui est inventé entre vos 15 ans et vos 35 ans est nouveau, génial, révolutionnaire et vous servira dans votre vie professionnelle. Tout ce qui est inventé après vos 35 ans est contre l’ordre naturel des choses. »

Ou par George Orwell :

« Chaque génération se croit plus intelligente que la précédente et plus sage que la suivante. »

Quand on entend parler certaines personnes (j’insiste sur le certaines) on a l’impression qu’elles ont connu un âge d’or où les gens se tenaient par la main en chantant et en dialoguant dans les transports publics. Que sans les smartphones, les gens se parlaient dans les bus et les métros. Alors qu’en fait ils ont plutôt connu ça :

Journaux-transports-smartphone

Mais on a tous une tendance à la nostalgie. Cette nostalgie qui rend notre mémoire sélective. Fary le résume bien :

« Non ce n’était pas mieux avant, c’est vous qui n’étiez pas vieux avant ».

Par quoi remplacer le concept de Génération Y ?

Alors, après avoir détruit ce concept de génération Y, avec quoi allons nous rester ? Peut-on remplacer le concept par quelque chose de plus pertinent ?

Les digital natives ? Evidemment pas. A-t-on jamais parlé d’eletrical natives à l’invention de l’électricité courante ?

fire-natives

La culture Y alors ? J’ai beaucoup entendu cette arnaque. Et elle émerge de plus en plus. Par pitié non. Ne nous faîtes pas ça. Ce n’est pas avec une culbute sémantique qu’on règle le problème de l’insulte. Car au final c’est exactement le même concept. Voire pire puisqu’on part de quelque chose qui était déjà vague pour dire « bon…pour que ça fonctionne tout le temps on a qu’à dire que les exceptions à la règle sont en fait des X qui ont une culture Y ou des Y qui n’ont pas la culture Y». Vous voyez à quel point c’est vicieux ? Au lieu de se dire que le concept ne fonctionne pas et ne caractérise pas une génération on dit : tous les contre-exemple sont en fait des preuves. Tordu et imparable. Faites très attention, c’est le genre d’arnaque intellectuelle qui est extrêmement séduisante car c’est une pensée magique. Si vous tombez dans ce côté obscur il est probable que vous n’en reveniez jamais.

J’ai également entendu parler d’époque Y. Et là…je ne sais pas quoi vous dire. Pourquoi faire autant d’effort pour conserver ce Y fumeux ? Pourquoi pas tout simplement « époque » ?

Malheureusement, ce qui est en train de remplacer le concept de génération Y…c’est le concept de génération Z. Comme les prétendus Y commencent à devenir vieux les consultants se rabattent sur la génération suivante. Avec des propos toujours aussi vagues et stéréotypés :

« Le web est pour la génération Z à la fois l’endroit où ils socialisent, jouent, font leurs achats, partent à la découverte du monde, mais aussi apprennent. Internet est donc une extension d’eux-même et ils vont percevoir tout matériel technologique désuet qui leur ralentirait l’accès à l’information comme une amputation d’eux-même.

La génération Z s’attend à une ordinateur et un smartphone dernier cri… Si vous leur proposez de travailler sur Windows XP avec un ordinateur qui a plus de 10 ans, vous avez 99% de chances de les voir s’enfuir en courant.

« Quoi, Facebook est interdit au travail ? » N’imaginez même pas interdire l’accès aux réseaux sociaux à la génération Z, ils vont d’abord se moquer de vous à gorge déployée et puis partir en courant. »

C’est marrant car je me retrouve intégralement dans cette description alors que je ne fais pas partie de cette génération. On est encore dans l’astrologie.

Je pense que vous commencez à voir où je veux en venir : si j’étais un chaman (c’est-à-dire un consultant), j’aurais remplacé le concept par un autre.

chaman

J’aurais essayé d’inventé un terme qui aurait prouvé ma finesse d’esprit. Quelque chose du type « génération smiley » ou « génération Kévin ».

Mais je ne suis pas un chaman donc je vais vous dire la vérité : la vie est trop complexe pour qu’un tel concept puisse fonctionner. Je ne dis pas qu’il n’existe pas des fractures entre les jeunes et les vieux mais en utilisant le concept de génération Y vous les aggravez. Si vous voulez comprendre quelqu’un, commencez par éviter de l’appeler par une lettre. Je ne dis pas non plus que cette génération n’a pas des différences avec les précédentes. Toute génération est différente de la précédente. Ce que je dis c’est que ces différences sont trop largement surestimées. Et qu’à travers le concept de génération Y ce ne sont pas les différences intéressantes qui sont décrites mais bien une caricature insultante et réductrice.

Car cette fumisterie est en train de bloquer nos cerveaux. Le monstre ne s’arrête plus. Pendant mes recherches je suis tombé sur des articles plus délirant les uns que les autres. Rien que la semaine dernière voici les articles qui ont été produits sur le sujet :

Génération GPS (c’est bien connu les vieux n’ont pas de GPS dans leurs voitures)

Generation-gps

Pourquoi la génération Y a moins de relations sexuelles (ça se passe de commentaires mais notez au passage qu’apparemment la génération Y de cet article c’est uniquement les 18-24 ans)

generation-y-partenaires

Le vin et la génération Y

vin-generationy

À un moment je me suis demandé si je pouvais trouver un article sur la génération Y en écrivant le premier mot qui me venait à l’esprit. Ce mot a été « autruche » et…devinez quoi ? J’ai trouvé un article qui parle de génération autruche-baudruche.

generation-autruche

 

Peut-être qu’il est temps d’arrêter les frais, non ? J’en suis arrivé à la conclusion que si vous avez besoin d’une case pour comprendre le monde c’est qu’il vous en manque une à vous. Le problème n’est pas la génération Y : le problème c’est les gens qui pensent que c’est un problème.

D’autant plus que le concept de génération Y est de plus en plus utilisé comme une disqualification : une infantilisation qui vous confisque la parole. La dernière fois que j’ai essayé de contredire un consultant en public, on m’a répondu : mais tu vois tu viens de remettre en question. Tu es donc bien un Y. Brillant, imparable et machiavélique. Une fois qu’on a construit un concept sur la remise en question, plus personne ne peut le remettre en question.

machiavelisme

Du coup, plutôt que de vous proposer un substitut, je vous appelle à ne plus jamais faire partie des inquisiteurs si vous l’avez été. À ne plus pointer du doigt quelqu’un en l’appelant Y. Car nous sommes une armée, pas une génération, à contester ce concept insultant et réducteur.

Nous sommes plusieurs à penser que ce concept relève plus de l’astrologie que d’autre chose : des suites d’affirmations contradictoires (ex : la génération Y est indivualiste mais elle adore l’économie du partage).

Et nous ne revendiquons pas non plus le travers inverse. Celui de dire que cette génération va sauver le monde car elle est meilleure. Nous ne vous dirons pas que c’est une génération smartphone, instagram ou même Autruche. Ce qu’on appelle la génération Y n’est que l’expression de la jeunesse. Regardez les jeunes de 68. À qui ressemble le plus le Conh-Bendit de 1968 ? Aux jeunes de 2016 ou au Conh-Bendit de 2016 ?

Si nous voulons faire preuve de bienveillance les uns envers les autres, il va falloir commencer par se débarrasser de cette insulte, une fois pour toutes. Mais je n’ai aucun espoir naïf : les jeunes seront toujours pointés du doigt par certains vieux. C’est le cycle de la vie.