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L’erreur que tu fais dans 99% de tes briefs de poste

Brief de poste : l’erreur que tu fais 99% du temps

On a tendance à faire confiance au manager ou client·e pour nous décrire ses besoins et ses critères de recrutement.

Mais avec certains managers, on est amené à agir en essai-erreur. On définit des critères au début de la rechercheMais ces critères évoluent au fur et à mesure que le manager voit des CV ou rencontre des candidats.

Imaginons que notre manager nous demande de recruter un boulanger qui sache faire des croissants.

On lui envoie en entretien Léa et Cyril.

Manager : “Léa sait faire de bons croissants, mais elle ne sait pas faire de croissants aux amandes.

Recruteur : “ Ah, mais on n’avait pas parlé de croissant aux amandes. Ok, je rajoute ce critère. Et Cyril sait-il faire des croissants aux amandes ?”

Manager : “ Non mais Cyril sait faire des pains aux raisins, donc je veux continuer le processus de recrutement avec lui”

Donc pour mon manager, « savoir faire un pain au raisin » est une compétence qui remplace « savoir faire un croissant aux amandes » ?


Oui, cette méthode d’essai-erreur peut nous rendre la vie difficile à nous recruteurs et recruteuse.

Rapidement, on repense à tous ses candidat·e·s qu’on a éliminé·e·s et qui savaient peut-être faire un pain au raisin.

Mais avant de les recontacter, nous devons vérifier que savoir faire un pain au raisin est un critère vraiment important

Est-ce un oubli de notre manager lors du brief ? Où, a-t-il été convaincu par Cyril pour d’autres raisons ?

Une recherche scientifique peut nous éclairer


Eric Uhlmann et Geoffrey Cohen, deux chercheurs en psychologie sociale, ont mené une série de recherches qui vont nous permettre de comprendre ce qui se passe dans la tête de notre manager.

J’ai choisi cette recherche, car elle a eu un impact important sur ma pratique du recrutement. J’ai modifié ma façon de faire un brief de poste.

Je pourrais vous spoiler en une phrase les résultats de ses recherches et ce que j’ai appliqué. Mais j’ai décidé de vous donner des détails, car comprendre comment une connaissance a été mise en évidence, peut vous aider à la retenir et aussi vous motiver à l’appliquer.

C’est aussi l’occasion de découvrir les méthodes de recherche sur le recrutement. Car oui, il existe une science du recrutement !

La découverte d’Uhlmann et Cohen m’a permis, quand j’étais recruteuse, de gagner du temps, d’éviter des erreurs de recrutement, mais aussi d’améliorer ma relation avec mes client·e·s.

Les 3 expériences d’Uhlmann et Cohen (2005)


Ces recherches ont utilisé la méthodologie expérimentale. C’est la même méthode qui est utilisée pour tester les effets d’un médicament. Les principes de base impliquent de répartir les participants dans des groupes, qui auront un contexte ou une caractéristique personnelle différente. Par exemple, créer un groupe qui va prendre un nouveau médicament et un groupe qui va prendre un placebo.

Ensuite, on compare les groupes sur un ou des résultats et on conclut. S’il y a plus de personne qui ont guéri avec le médicament, on déduit que le médicament fonctionne. S’il y a autant de personne qui ont guéri dans les deux groupes, on conclut que le médicament ne fonctionne pas davantage que le placebo.

Je simplifie, mais c’est ce même mécanisme qui va être utilisé dans les trois recherches d’Uhlmann et Cohen sur le sujet du recrutement.

Expérience 1 : recruter un·e chef·fe de police


Dans la première étude, les participants devaient se mettre à la place d’un recruteur qui doit évaluer un·e candidat·e au poste de chef•fe de la police. Chaque participant a un seul profil à évaluer.Ils sont répartis dans 4 groupes où le contexte, le profil à évaluer, varient.

La première variation va être sur les compétences des candidats :
Une première moitié des participants va voir le profil d’un candidat “badass”, décrit comme endurci qui a une expérience dans des quartiers difficiles et une très bonne entente avec ses collègues de travail. De plus, il a une bonne capacité à prendre des risques et une bonne forme physique,Mais ce candidat a aussi peu de diplômes et pas beaucoup de compétences administratives.

VS.

L’autre moitié des participants voit le profil d’un candidat “cultivé” : qui a le bon parcours scolaire, une maitrise de l’administratif. De plus, il a également des relations politiques et communique bien avec les médias.Mais ce candidat a peu d’expérience du métier dans un quartier difficile, et ne s’entend pas très bien avec ses collègues.

La deuxième variation du contexte est le genre du profil à évaluer.

  • soit le dossier contient la photo d’un homme : Pierre.
  • soit la photo d’une femme : Fiona.

La troisième variation est le genre des participants. On a donc des participants “recruteur” et des participantes “recruteuse”.

Les chercheurs ont donc créé des groupes de participant·es qui ont un contexte différent (les compétences et le genre du profil à évaluer) et une caractéristique personnelle différentes (leur propre genre).

Les étapes de cette expérience

Chaque participant voit un seul de ces quatre profils :

  1. Pierre cultivé
  2. Pierre badass
  3. Fiona cultivée
  4. Fiona badass

#1. Évaluation des critères de recrutement.

Les participant·e·s avaient une liste de critère à évaluer sur une échelle de 0 à 10, avec 10 point si le critère est essentiel pour réussir à ce poste à 0 si ce critère est inutile.


Les critères proposés : endurci, aime prendre des risques, en bonne forme physique, s’entend bien avec ses collègues, bon diplôme, a des compétences administratives, a des relations politiques, capable de communiquer avec les médias. Ces critères sont ensuite classés en deux catégories : “être badass” vs. “être cultivé”.

#2. Évaluation recrutement

Les participants devaient ensuite évaluer, si le profil :

  • est en adéquation avec le poste
  • va réussir à ce poste
  • doit être recruté

Toujours sur des échelles de notation (1. Non pas du tout à 9. Oui, top candidat)

Là aussi, les chercheurs ont fait une moyenne de ces trois notes.

Les résultats

On va commencer par voir les résultats de cette expérience sur l’évaluation des critères de recrutement, qui ont été séparés en deux catégories “être cultivée” vs “être badass”. Les chercheurs se sont demandés, est-ce que le fait de voir un profil spécifique va influencer les recruteurs dans leurs évaluations d’importance des critères (Inutile/Nécessaire).

La réponse est Oui, en partie…Ils n’ont pas trouvé de différences d’évaluation sur le critère “être badass”, mais sur le critère “être cultivé” ils notent des différences !
Regardons en premier les différences observées pour le profil de Pierre.


Si on a lu le profil de Pierre qui est cultivé, on va évaluer comme plus essentiel pour le poste le fait d’être cultivée que si on a lu le profil de Pierre qui est Badass.

Le fait de voir le profil de Pierre avant d’évaluer l’importance des critères de recrutement va être plutôt bénéfique pour Pierre.
Mais pour Fiona, c’est l’inverse …


Si on a lu le profil de Fiona la cultivée, le critère “cultivé” est évalué comme étant moins important pour le poste. Si on a lu le profil de Fiona la badass, cette fois ce critère est légèrement plus important (colonne 4). Cette différence est faible (statistiquement non significative), donc on va surtout retenir qu’on arrange la priorité de nos critères pour Pierre.

Si on regarde les deux graphiques précédents ensemble, on voit bien qu’il y a des différences dans l’évaluation du critère (les colonnes sont différentes tailles). Et on observe aussi une inversion, la dynamique n’est pas la même pour Pierre et Fiona..


En conclusion, oui, le fait d’avoir vu le profil d’un candidat peut influencer l’importance que l’on donne à nos critères de recrutement. Mais cet effet n’est pas bénéfique pour tous les candidats. Il va malheureusement être lié au genre du candidat.

Mais surtout, ces différences dans l’importance du critère vont avoir des conséquences, notamment sur les chances d’être recrutés de Pierre et Fiona.

Rappelez-vous, nos participants ont aussi eu à évaluer si le profil qu’ils ont lu devait ou non être recruté. Et pour Fiona, quels que soient ses points forts (badass ou éducation), elle a reçu de moins bonnes évaluations de recrutement que Pierre.

Ce résultat n’est pas surprenant… Vu qu’on a arrangé nos critères pour éviter de la recruter.À l’inverse, on a changé l’ordre de nos critères pour favoriser Pierre, donc à la fin, Oui, il reçoit de meilleures évaluations !Pierre correspond davantage aux critères de recrutement et ainsi est perçu comme étant un meilleur candidat.

On a une sorte d’effet domino : on change nos critères pour un candidat et en conséquence on recrute le candidat qui correspond à ces critères. On ne part pas sur la bonne base !


Pourquoi ? Est-ce que tous les participants font ça ? Ou alors ce sont les hommes qui privilégient Pierre ?

Les participants vs les participantesJe vous l’ai rapidement mentionné au début, on a tenu compte du genre des participants à cette expérience.

Les chercheurs notent que les participants “hommes” évaluent Pierre de façon beaucoup plus positifs que Fiona.

Alors que, les participantes “femmes” évaluent Pierre et Fiona de la même façon !

Avant de se dire, cool, les femmes discriminent moins, elles sont plus justes…
Minute papillon


Les deux chercheurs ont refait la même expérience avec un autre poste.
Car ils se sont demandés si ces résultats étaient causés par le contexte du poste. Le métier de policier est très associé à des caractéristiques masculines, donc nos stéréotypes de genre sont peut-être la cause de cet avantage pour Pierre. Mais une autre possibilité est que cet avantage pour les Pierre (donc les hommes) se retrouve dans tous les types de postes.

Pour déterminer la cause de ses résultats, ils ont refait la même étude. Mais cette fois sur un poste stéréotypiquement féminin. Fiona prendra-t-elle l’avantage ? Où Pierre a-t-il un pass illimité pour tous les métiers ?

Expérience 2 : Recruter un.e professeur.e


C’est donc la même méthodologie qui a été utilisée, mais cette fois le poste est “professeur·e en féminisme”

Et ils ont fait varier les profils lus :Soit, on a un candidat “académique de haut-niveau” (top université, plein de publication)Soit, on a un candidat “militant”(université moins connue, moins de publication, mais actif et connu dans des associations pour la défense des femmes).
Et le genre donc on a toujours 4 groupes et 4 profils :

  • Tim l’académique
  • Tim le militant
  • Cynthia l’académique
  • Cynthia la militante.

On reprend les mêmes mesures de l’expérience précédente (importance du critère et évaluation recrutement).

Résultats


Sur l’évaluation de l’importance des critères, ils observent des différences sur le critère “être militant” par rapport au genre des participants.

Les participantes vont donner plus d’importance aux critères liés au militantisme après avoir vu le profil de Cynthia la militante qu’après avoir vu le profil de Cynthia l’académique.Par contre, voir les profils des Tim (académique ou militant) ne va pas changer leur évaluation des deux critères.
Donc pour ce poste, avoir vu un profil avant de définir ses critères a eu moins de conséquence sur l’importance des critères.

Mais …sur l’évaluation recrutement, les participantes notent de façon plus positive Cynthia (académique ou militante) par rapport à Tom.

Et cette fois, ce sont les participants hommes qui évaluent de la même façon Tim et Cynthia.

Avec cette deuxième expérience, ils concluent que tout le monde est concerné (homme et femme) et que la cause était plus claire : nos stéréotypes sur les métiers.

Ils ont eu ensuite une idée de solution à tester pour arrêter cet effet.

Nous allons voir dans la troisième et dernière expérience si cette solution a fonctionné.

Expérience 3 : le test d’une solution


On reprend le contexte de la première expérience, et on retrouve Pierre et Fiona. Cette fois plus simple, ils sont tous les deux des policiers badass.Mais le processus d’évaluation va subir une petite modification, on va avoir deux groupes :

  • Ancien processus : ceux qui refont la même chose que dans la première expérience.
  • Nouveau processus : le groupe ou les chercheurs vont tester une solution

Pour l’instant, je garde le suspens, et je ne vous dévoile pas ce nouveau processus.

On a donc 4 groupes :

  • Pierre – ancien processus d’évaluation
  • Fiona – ancien processus d’évaluation
  • Pierre – nouveau processus d’évaluation
  • Fiona – nouveau processus d’évaluation

Résultats :


Dans le groupe qui a suivi l’ancien processus, on retrouve les mêmes résultats que dans la première étude

Si on voit le profil de Pierre le badass, on va donner moins d’importance à “être cultivé” alors que pour Fiona la badass, tout de suite ce critère est important.

Même effet domino : importance du critère → recrutement.On évalue Pierre plus “recrutable” que Fiona.

Mais, pour les participants qui ont eu le nouveau processus….

Ils ont évalué Pierre et Fiona de la même façon !

Pas de favoritisme pour son genre, pas de favoritisme général pour Pierre. L’effet des stéréotypes sur notre évaluation est éradiqué !

Là, théoriquement, vous voulez savoir quel est ce nouveau processus.

Je vous préviens : c’est simple, il ne faut attendre aucun budget, ou d’accord hiérarchiquedonc même si tu es stagiaire, tu peux le faire.

Il faut juste le savoir.

La solution testée par Ulhmann et Cohen est :


Faire évaluer l’importance des critères AVANT de regarder un profil.

Voilà, il faut juste classer tes critères de recrutement. Oui, c’est très simple, facilement applicable : vous pouvez commencer dès demain ! Il vous faut juste un manager/client·e coopératif ou coopérative. Ok c’est un point qui peut être compliqué…

Une méthode pour aider votre manager à classer ses critères


Donc première étape, on fixe un échange avec notre manager/client·e, et toute autre personne qui sera impliquée dans le processus de recrutement (N+2, dirigeant·e). Car on doit toutes et tous être d’accord avec ce classement.Voici le graphique avec une formulation plus claire, que vous pourrez montrer à vos managers/client·e s’ils ne veulent pas classer leurs critères.


Voici deux questions que vous pouvez rajouter lors du brief manager :

  1. “Peux-tu classer les critères du plus au moins important pour réussir dans ce poste ?”
  2. “À quel moment peut-on séparer cette liste en critères obligatoires ou bonus ? “

Ou vous pouvez aussi reprendre la méthode utilisée dans l’expérience et demander à votre manager de noter chaque critère sur une échelle de 0. Inutile pour le poste à 10. Essentiel pour le poste.


Voici un exemple de classement :

Critères obligatoires

  1. Expérience terrain.
  2. Tâches administratives
  3. Relations collègues

Critères bonus

  1. Communication avec les médias
  2. Bonne forme physique
  3. Diplômes

L’objectif, c’est de donner un ordre précis à chaque critère et de ne plus les modifier après.

Que conclure de ces trois expériences  ?


Nos stéréotypes et nos biais s’immiscent partout et de façon très subtile.
Ces recherches montrent que les stéréotypes de genre s’expriment dès l’étape de la définition des critères.Et qu’un effet domino répercute cela sur notre évaluation. Et personne n’est immunisé. Les stéréotypes de genre vont influencer tout le monde.

Pour qu’au final, un homme obtienne le métier d’homme et qu’une femme le métier de femme.Nos stéréotypes nous poussent à maintenir le statut quo de façons inconsciente.

Vous vous rappelez Léa et Cyril, nos boulanger et boulangère ? Tous les deux correspondaient au critère initial : savoir faire des croissants. Mais seul Cyril continue le process, car il sait faire des pains aux raisins.

On a un nouveau critère sorti du chapeau (mais en plus, qui aime les pains aux raisins ?)Donc, on ne sait pas vraiment si ce critère est important, ou si notre manager change les critères pour favoriser Cyril sans s’avouer discriminer.

Un chercheur a appelé cet effet l’illusion d’objectivité. Car personne ne veut s’avouer consciemment discriminer. Moi la première, mais comme notre manager où les participants des recherches d’Uhlmann et Cohen, on peut facilement avoir l’impression d’avoir fait une évaluation juste du candidat si on part sur de mauvaises bases.

Cet article m’a marqué, je me suis rendue compte que j’avais encore des progrès à faire ! Moi, qui à cette époque avait repris mes études pour faire une thèse sur la discrimination au recrutement, je découvrais une nouvelle faille dans mes processus de recrutement. Donc oui, même en connaissant parfaitement le mécanisme de formation des stéréotypes et des biais,en étant consciente et convaincue d’en avoir, et en étant très vigilante à mes décisions. Je me suis rendu-compte que j’avais déjà adapté mes critères à un ou une candidat.e. Et que je ne voyais vraiment pas de problème avec cette pratique !

Cette recherche m’a permis de ne pas oublier que nos stéréotypes et biais s’infiltrent dans nos processus de recrutement. Les biais sont inconscients et aussi pernicieux… Mais un bon process peut nous aider !

Car la conclusion importante de ces recherches, c’est aussi qu’il y a une solution ! Et que cette solution est très facile à appliquer. On l’a vu : il suffit de classer ses critères de recrutement.

Mais pourquoi ça marche ?

Car classer, c’est enlever du flou.

Les stéréotypes sont des raccourcis qui viennent compléter les informations manquantes avec des généralités. Ils viennent combler toutes les situations qui sont floues.

Classer ses critères, c’est aussi un engagement que l’on prend à respecter ce classement. C’est un garde-fou contre l’effet de nos stéréotypes et de nos biais.
D’ailleurs, un autre garde-fou qui a été beaucoup plus étudié est l’entretien structuré.

Uhlmann et Cohen concluent leur article en y faisant référence. Car oui, classer ces critères, c’est rajouter de la structure dans son processus !

Maintenant, tu veux apprendre à classer tes critères ?

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Référence : Uhlmann, E. L., & Cohen, G. L. (2005). Constructed criteria: Redefining merit to justify discrimination. Psychological Science, 16(6), 474-480.

Comment recruter sans CV sans passer pour un hippie ?

Recruter sans CV sans passer pour un hippie

On rêve d’un recrutement sans CV. Partout fleurissent les formats « recrutement sans CV »

Pourquoi ?

Parce qu’on a une vraie gêne à l’idée de réduire quelqu’un à un diplôme ou un nombre d’années d’expérience, ou qui semble très motivé en entretien.

On sent que quelque chose ne va pas avec cette approche diplôme + expérience, que cela n’est pas une mesure fiable à tous les coups.

Diplôme + Expérience = ?

En formation, après avoir présenté les bases d’une bonne évaluation et différentes méthodes pour définir ses critères, j’ai souvent ce type de question :

« Mais on évalue quoi avec le nombre d’années d’expérience ? »
« Et avec le diplôme ? »
« Ça sert bien à quelque chose non ? »

Si on réfléchit, on se rend compte qu’on n’évalue rien avec ces critères. Enfin pas directement …

Le diplôme, c’est au final une somme de connaissances. L’expérience, une somme de savoir-faire spécifiques au métier.

Le diplôme et l’expérience sont des raccourcis.C’est une somme de compétences que l’on n’évalue pas directement.

On a délégué leur évaluation.

Le diplôme est une somme de connaissances validées par des professeur·e·s.

L’expérience professionnelle est les savoir-faire validés par les précédents managers.

Avec ces critères, on fait confiance à d’autres personnes pour leur évaluation.

On prend un raccourci.

Mais comme tous nos raccourcis cognitifs, ils sont parfois utiles.

Le raccourci Diplôme + Expérience nous permet de réduire le temps d’évaluation. Pour certains postes, prendre ce raccourci est nécessaire. Par contre, pour de nombreux autres, on va prendre ce raccourci par habitude car on connait mal les alternatives.

En effet, l’une des premières barrières est le manque de clarté sur tout ce que l’on peut évaluer.

Le flou des compétences

Photo de Markus Spiske

En France, nous n’avons pas de référentiel commun qui fait l’unanimité. Nous n’avons pas de liste de compétences, ni même de catégories clairement définies (compétences techniques, sociales, hard skills, soft skills, mad skills ?)

Il y a un flou à propos des compétences, chacun à sa propre définition et son propre vocabulaire.

C’est normal, car même dans le dictionnaire Larousse, la définition d’une compétence n’est pas celle que l’on utilise dans le domaine professionnel.
Je vous laisse lire la troisième définition qui est la plus proche.

Site Larousse

Mais pour nous (recruteurs et recruteuses) une compétence ce n’est pas qu’une connaissance.

Mais aux Etats-Unis, un référentiel est très utilisé (KSAO). C’est le référentiel pour tous les postes de fonctionnaire. Il est dans les textes de loi et de jurisprudence des cas de discrimination dans le recrutement. On va demander a un employeur de justifier les KSAO du poste.

Dans le domaine scientifique, cette classification des compétences a aussi le monopole pour étudier les méthodes d’évaluation et d’attraction des candidats.
Mais pendant longtemps, je n’ai pas vu l’utilité d’enseigner ce modèle à des recruteurs, recruteuses. C’était pour moi un modèle trop théorique, éloigné des pratiques.

Jusqu’à ce que je me rende compte en formation, que le connaitre donne des alternatives aux raccourcis (diplôme + expérience). Car ma réponse aux questions sur l’utilité du CV et de l’expérience est de présenter ce modèle.
En connaissant ces alternatives, tu pourras en toute conscience choisir ou non de prendre un raccourci.

Il ne sera plus imposé.

Pour chaque catégorie de compétence de ce modèle américain KSAO, je te présenterais aussi rapidement les différentes méthodes d’évaluation.

Le Modèle de compétence KSAO

KSAO c’est un acronyme en anglais pour Knowledge, Skills, Abilities and Other characteristics. En français, on va le traduire par :

  • Connaissances
  • Savoir-faire
  • Aptitudes
  • Autres caractéristiques : personnalité, intérêts et valeurs.

Mais dans cet article, je ne te présenterais que la personnalité.

Knowledge (Connaissances)

Définition

Les connaissances correspondent aux savoirs qu’un individu est capable d’énoncer.

En effet, pour de nombreux postes, des connaissances théoriques sont indispensables. Pour certains, il faut même que ces connaissances soient acquises et accessibles rapidement en mémoire.

Par exemple, en tant que formatrice, je dois avoir une somme de connaissances à transmettre. Je n’ai pas le temps de faire des recherches Google à chaque question.

Le raccourci que l’on fait par habitude : Diplôme = Connaissances

Oui, un diplôme valide une somme de connaissances.

Mais on peut avoir des connaissances sans avoir de diplôme.

Je répète, les candidat peuvent avoir des connaissances sans diplôme !

Comme-toi qui en lisant cet article développe des connaissances sur le recrutement sans forcément avoir de diplôme. (En vrai, je peux t’en donner un mais il faudra faire un peu plus que finir cet article, si tu veux en savoir plus sur notre certification, c’est ici).

Et à l’inverse on peut avoir un diplôme et ne plus être capable d’énoncer les connaissances liées à cette formation. Il y a des connaissances liées à mon diplôme de psychologie que j’ai jamais réellement intégré.

Alors oui, parfois, il y aurait beaucoup trop de connaissances à évaluer et prendre ce raccourci est donc pertinent. Je n’ai jamais essayé d’évaluer toutes les connaissances nécessaires pour un poste de docteur·e en data science.

Par contre, le diplôme c’est comme les antibiotiques, cela ne devrait pas être automatique. Il y a de nombreux postes où l’on peut évaluer les connaissances nécessaires.

Où l’autre alternative à ce raccourci est la formation interne : apporter au candidat une fois en poste la somme de connaissances nécessaires.
Dans tout les cas, avec ou sans critère de diplôme, l’évaluation des connaissances rend mon évaluation plus fiable que de supposer leur présence via l’obtention d’un diplôme.

Comment l’évaluer ?

  1. Par un test de connaissance. On trouves fréquemment des tests de langues (TOEIC) ou des tests techniques notamment en informatique sur des connaissances précises (Java, Python). On pourrait mettre en place le même type de test pour tous les métiers.
  2. Avec des questions de connaissance. C’est possible à différents moments du processus : au moment de la candidature, en pré-qualification ou en entretien. N’oublie de préparer ton barème d’évaluation avant. Car pour que cette évaluation soit fiable, il faut que la ou les bonnes réponses soient très claires et indiscutables.

Mais les connaissances seules ne signifient pas que la personne sera capable d’appliquer ces connaissances de façon appropriée dans la bonne situation.

Par exemple, connaitre les booléens sera indispensable pour être très performant dans le sourcing. Mais cela ne signifie pas que cette connaissance seule permet de mettre en place une bonne stratégie de sourcing.

Pour cela, il faut tester les savoir-faire.

Skills – Savoir-faire*

*la traduction la plus correcte est “habilité”, mais pour vulgariser j’ai choisi d’utiliser le terme savoir-faire dans cet article.

Definition

C’est savoir quoi faire et comment le faire dans une situation professionnelle spécifique. Un savoir-faire se développe grâce à l’expérience, cela s’apprend par la pratique.

Cela peut-être un savoir-faire technique, manuel ou relationnel. Voici quelques exemples de catégories de savoir-faire du référentiel O*NET (Occupational Information Network), l’équivalent américain des Fiches ROME de Pôle Emploi.

a. Savoir-faire relationnel : capacités utilisées pour travailler avec les autres afin d’atteindre des objectifs (dont la coordination, l’instruction, la persuasion, la négociation, l’orientation vers le service ou l’empathie).

b. Savoir-faire dans la gestion des ressources : capacités utilisées pour allouer efficacement les ressources (gestion des finances, du temps, des personnes ou du matériel).

c. Savoir-faire techniques : capacités utilisées pour concevoir, installer, faire fonctionner et corriger des dysfonctionnements impliquant l’application de machines ou de systèmes technologiques. (Surveillance, dépannage, réparation, programmation, contrôle, analyse, ect..)

Ce sont des exemples, il y a plein de savoir-faire spécifiques à chaque métier. Un savoir-faire peut être transférable à un autre contexte.

Si je reprends mon exemple sur le sourcing, je peux apprendre les booléens, mais c’est la pratique qui me permettra de développer mon savoir-faire : ma capacité à créer de bonnes requêtes. Mon expérience passée dans la programmation m’a sans doute aidé à créer plus rapidement des requêtes correctes et à m’auto-corriger. Mais c’est aussi en pratiquant que j’ai pu progresser et améliorer mon savoir-faire.

Le raccourci que l’on fait à tort : Expérience professionnelle longue = Plus de savoir-faire

Alors oui, le savoir-faire se développe avec l’expérience. Mais il ne faut pas nécessairement beaucoup d’expérience pour acquérir un savoir-faire.
Je peux être vendeuse pendant 10 ans et quand-même être une mauvaise vendeuse.

Avoir 10 années d’expérience dans un métier ne veut pas dire que cette personne sera performante. Juste qu’elle connait les tâches spécifiques au métier (utiliser une caisse enregistreuse, conseiller des clients, gérer des stocks).
Le nombre d’années d’expérience n’est pas lié au niveau de performance !

On peux avoir fait du sourcing pendant 4 ans, mais un alternant qui a 3 mois d’expérience peut avoir plus de savoir-faire que nous.

Une méta-analyse de 84 études (tout type de poste) sur le lien entre l’expérience passée et la performance dans un nouveau poste, montre qu’il suffit d’1 à 3 mois d’expérience avant l’embauche. Ensuite, il n’y a plus d’effet sur la performance selon que l’on recrute quelqu’un qui a 6 mois, 2 ans ou 5 ans d’expérience professionnelle total, mais aussi dans le même poste.

Un stage ou une alternance suffisent !

Cette méta-analyse nous apprend qu’avoir de l’expérience passée dans le même type de poste explique seulement 0,5% de la performance dans une nouvelle entreprise.

Pourquoi ? Alors expérience dans un poste, ne signifie pas être performant dans le poste. Mais une des explications des chercheurs serait que l’on ne transfère pas beaucoup nos compétences d’un contexte à un autre. Il y aurait même du transfert négatif (autre process, autre culture) qui font que l’expérience n’est pas obligatoirement un atout.

Comment l’évaluer ?

On va utiliser des méthodes qui permettent d’évaluer les comportements (passé, présent ou hypothétique). Car le comportement (le faire du savoir-faire) est une mesure plus fiable que l’expérience (la durée). Ces méthodes nous permettent d’évaluer si la personne a le bon savoir-faire, si son niveau de maîtrise est suffisant pour notre poste.

  • Un échantillon de travail, c’est un type de test qui demande au candidat de réaliser une tâche du poste dans des conditions similaires à celle qu’il aura s’il doit faire cette tâche. Ce type d’évaluation est efficace pour tout les savoir-faire (technique, manuel, de gestion ou relationnel).
  • Pôle emploi propose gratuitement de mettre en place la méthode de recrutement par simulation (MRS) qui permet d’identifier et d’évaluer les savoir-faire (habilités). Ce service est proposé aux entreprises qui ont des difficultés à recruter, qui ont au moins 3 postes à pourvoir, et qui sont d’accord pour recruter sans CV.
  • Avec un entretien structuré : les différentes étapes de la méthode complète (incidents critiques + questions d’entretien comportementales ou situationnelles + échelle d’évaluation) va te permettre d’évaluer de façon précise si le niveau de savoir-faire d’une personne est suffisant pour ton poste.
  • Un test de jugement situationnel (Situational Judgement Test). C’est un questionnaire, où une situation spécifique est donnée, et où le candidat doit choisir la réponse qui correspond le plus aux comportements qu’il ferait dans cette situation spécifique.

Mais la vitesse à laquelle je peux développer des savoir-faire métier va être influencée par nos aptitudes. Et si j’ai la bonne combinaison d’aptitudes pour un savoir-métier, je vais la développer plus rapidement, mais aussi être plus performant.

Abilities – Aptitudes

Definition

Laure Manaudou a développé des techniques de natation. Si tu as bien suivi ce sont ses savoirs-faire. MAIS on a étudié le corps de Laure Manaudou et on a découvert qu’elle avait une flottabilité hors du commun. Ça c’est lié à sa densité osseuse, ça se joue donc à la naissance.

Et bien ça… la flottabilité c’est pas un savoir-faire puisque l’entraînement n’y change rien : c’est une aptitude.

Les aptitudes sont des prédispositions. Elles sont stables et contrairement aux savoir-faire, cela ne s’apprend pas vraiment.

L’apprentissage ou l’entrainement fera assez peu varier notre aptitude initiale. Les aptitudes permettent d’être naturellement doué·e dans une activité. C’est le talent !

Il y a quatre grands types d’aptitudes :

a) Aptitudes cognitivesPrédispositions qui influencent l’acquisition et l’application des connaissances dans la résolution de problèmes.
b) Aptitudes physiquesPrédispositions qui influencent la force, l’endurance, la flexibilité, l’équilibre et la coordination.
c) Aptitudes psychomotricesPrédispositions qui influencent la capacité de manipuler et de contrôler des objets.
d) Aptitudes sensoriellesPrédispositions qui influencent la perception visuelle, auditive et de la parole.

Tu peux retrouver plus de détails sur le référentiel ONET.

Mais on va se focaliser sur les aptitudes cognitives qui sont celles qui sont le plus évaluées dans le contexte du recrutement.

Les aptitudes cognitives


C’est la capacité à comprendre, manipuler, retenir et générer des informations.
Évaluer les aptitudes cognitives, c’est évaluer la mémoire, le raisonnement, la concentration (l’attention).

Plus nos aptitudes sont élevées, plus, on va traiter rapidement des informations complexes. De ce fait, elles sont liées à la capacité d’apprentissage. Elles vont notamment nous aider à acquérir de nouvelles connaissances et savoir-faire.

Le raccourci que l’on fait à tort : le niveau du diplôme = capacité à apprendre (aptitudes cognitives)

On a tendance à déduire du niveau ou type de diplôme des capacités d’apprentissage importantes.

Si un candidat n’a pas de diplôme, on va avoir des doutes sur ses capacités à apprendre.

Alors oui, il y a un lien statistique entre les capacités cognitives et le niveau de diplôme. Une méta-analyse réalisée dans le système éducatif américain, montre que les capacités cognitives expliquent 21 % des facteurs qui influencent le niveau de diplôme. Car ce raccourci est au mieux juste que dans 21 % des cas. Il y a pleins d’autres facteurs qui favorisent ou empêchent des personnes qui ont de fortes capacités cognitives d’obtenir un diplôme plus haut. Ces autres facteurs expliquent aussi pourquoi, même en ayant des capacités cognitives faibles, on peut avoir un diplôme. Prendre ce raccourci, c’est mettre de côté toutes les exceptions et il y en a beaucoup. Pour avoir fait passer des tests d’aptitudes cognitives à des candidats qui avaient un diplôme de niveau BEP ou Bac, j’avais tous les jours des candidats avec plus d’aptitudes cognitives que moi et j’ai un doctorat (bac +8) !

Comment l’évaluer ?

On va généralement évaluer les aptitudes cognitives avec des tests (compréhension, mémoire, raisonnement logique…)

En France, ce type de test est assez peu utilisé, on associe ce type de test au QI.
Et le QI a une mauvaise réputation.

Et ce n’est pas forcément agréable à passer, mais les éditeurs de tests travaillent de plus en plus vers des tests qui ressemblent à des mini-jeux.

C’est au final souvent aux aptitudes cognitives qu’on fait référence quand on parle de “potentiel”, on les englobe aussi parfois dans les soft-skills (un mot fourre-tout ou on fourre vraiment tout).

Mais la plupart du temps soft-skills est plutôt synonyme d’évaluation de la personnalité.

Others – (Personnalité)

Définition

La personnalité est un facteur qui explique pourquoi deux individus se comportent différemment dans une même situation.
La personnalité va nous permettre de comprendre les différences individuelles en matière de comportement, d’émotion, de motivation et d’interprétation.

Ces différences devraient donc en théorie nous aider à choisir la personne la plus adaptée pour le poste et son contexte. Car pour occuper un poste correctement, il y a des comportements qui sont attendus et qui amènent plus de performance.

Par exemple, pour le métier de recruteur/recruteuse, on va souvent rechercher quelqu’un de persévérant pour relancer les candidat·e·s, managers , faire du sourcing pendant X heures, ect… La personne qui a une personnalité persévérante (consciencieuse) aura plus de facilités à adopter ces comportements, cela sera moins coûteux pour elle.

C’est sa tendance naturelle.

Alors que pour une personne qui, au contraire, a une personnalité moins persévérante. Elle devra porter une attention spécifique (mettre un système de rappel pour penser à relancer les candidat·e·s) pour faire ces mêmes comportements.

Mais si un recruteur n’est pas très persévérant, cela ne signifie pas qu’il s’est trompé de métier pour autant ! Non, il peut choisir un environnement de travail où ce comportement est moins nécessaire. Par exemple, je n’avais pas besoin d’être persévérante dans mon premier poste de recruteuse en interne où mon rôle était d’évaluer les candidats.

Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise personnalité. Juste une personnalité adaptée ou pas à un contexte.

Notre personnalité va donc s’exprimer en tenant en compte du contexte qui va favoriser une tendance naturelle ou au contraire forcer notre tendance à agir de manière opposée.

L’effet du contexte

Les recherches essaient d’identifier, dans quel contexte professionnel, la personnalité va faire une différence.

En effet, certains contextes seraient trop forts, c’est lorsqu’il y a qu’une seule façon de bien faire ou un résultat attendu très précis. Dans ces contextes forts, quelle que soit notre personnalité, on se comporterait tous de la même façon.

Que cette façon soit naturelle ou non.

Par exemple, si le processus dans ton équipe est que tous les recruteurs fassent une relance à J+3, puis à J+7 et que cette tâche compte dans ton évaluation.
Alors la persévérance naturelle d’un des recruteurs produira moins de sur-performance.

Plus le poste donne de l’autonomie dans la façon de faire ou dans la façon de mesurer la performance, plus la personnalité fera une différence et sera importante à évaluer.

Le modèle OCEAN – 5 facteurs – Big 5

Le seul modèle valide est celui des cinq facteurs OCEAN : Ouverture d’esprit, Conscience professionnelle, Extraversion, Agréabilité, Névrosisme).

Chaque facteur comprend des facettes qui permettent de décrire avec plus de précision chaque dimension de la personnalité. Ces facettes sont différentes selon chaque société de test. Comme je ne veux pas faire de pub, je te présente les facettes du BFI-2 (Big Five Inventory – 2) utilisé dans le domaine scientifique et qui n’est pas commercialisé.

Ouverture d’esprit : tendance à explorer. Les facettes : Curiosité intellectuelle, Sensibilité esthétique, Imagination créative.
Conscience professionnelle : tendance à se concentrer sur des objectifs.Les facettes : Organisation, Productivité, Sens des Responsabilités.
Extraversion : tendance à aimer et à se sentir à l’aise dans des groupes. Les facettes : Sociabilité, Affirmation de soi, Enthousiasme.
Agréabilité : tendance à aider les autres. Les facettes : Compassion, Respectabilité, Confiance.
Névrosime : tendance à éprouver des émotions négatives.Les facettes : Anxiété, Dépression, Changement émotionnel.

Le raccourci que l’on fait par flemme – Déduire la personnalité d’un seul comportement.

On observe un comportement, le candidat est en retard, il ne nettoie pas sa tasse de café ou tout simplement il a quitté son dernier poste.

Et boom !

→ il n’est pas ponctuel, rigoureux ou fiable.

Attention ! c’est pour moi un des biais les plus importants dans le contexte du recrutement. Car on doit évaluer la personne.

Par conséquent, notre cerveau est à l’affut d’indices. Et, par facilité, il va souvent se contenter d’un seul indice.

Ah, il a quitté ce poste au bout de 2 mois, DONC il n’est pas persévérant. Next !
Car lui (notre cerveau), il veut gagner du temps. Plus vite, on a catégorisé la personne, plus vite, il peut se mettre en veille, et ne plus utiliser trop d’énergie pour analyser la suite des réponses du candidat.

Oui, ce sont les signes que votre cerveau veut vous berner. Un peu comme un enfant qui cache tous ses jouets sous le lit en vous disant “maman, c’est bon, j’ai rangé ma chambre”.

À première vue, cela parait vrai.Mais, il faut lutter contre sa flemmardise et le remettre au boulot (le cerveau et l’enfant).

On se concentre, et on cherche à connaitre le contexte.

Ce biais, s’appelle en psychologie, l’erreur d’attribution fondamentale. C’est la tendance à expliquer le comportement d’une personne par des causes internes (sa personnalité, son genre, son âge) en sous-estimant l’influence du contexte.

Et pourtant, on l’a vu précédemment, le contexte va dicter nos comportements et il peut être contraire à notre personnalité.

Donc si un trait de personnalité est un critère vraiment important pour le poste, il vaut mieux avoir des méthodes fiables pour l’évaluer.

Comment l’évaluer ?

Il faut prendre en compte le contexte, il y a donc deux étapes :

  1. L’entretien structuré : grâce à tes incidents critiques, tu vas avoir une liste des comportements attendus pour le poste (tes critères), les traits de personnalité qui font la différence dans ton contexte ! Ensuite poser des questions comportementales te permettra de voir si la façon dont s’exprime ce trait de personnalité chez ton candidat correspond au besoin de ton contexte.
  2. Les inventaires de personnalité : oubliez le MBTI, les couleurs (DISC) ou tout autre test utilisant une autre théorie que celle des cinq facteurs OCEAN (le big 5). Ces tests connus et très utilisés ne sont pas des outils fiables pour faire une évaluation dans le contexte du recrutement. Donc avant d’utiliser un outil d’évaluation de la personnalité, demandez le modèle théorique de base. Il faut dans la mesure du possible, privilégier les outils qui permettent de mesurer en amont les traits de personnalité dont tu as besoin dans ton contexte. Pour cela, on te demandera de faire passer le test aux collaborateurs, collaboratrices les plus performant•e·s dans le poste. Mais attention, il faut se former et connaitre les limites de ce type d’évaluation et ne pas négliger la phase de vérification avec des questions d’entretien structuré.

Globalement, une bonne évaluation c’est une évaluation où on va avoir cherché plusieurs sources.

Le récap des 4 raccourcis que l’on fait à tort :

  • Le diplôme est le raccourci pour évaluer les connaissances. Si elles peuvent s’apprendre rapidement : oubliez-le.
  • 5 ans d’expérience est le raccourci des savoir-faire métier. Ce raccourci n’est pas efficace, il faut chercher les savoir-faire en identifiant les comportements essentiels à faire pour réussir dans le poste.
  • Le niveau de diplôme est le raccourci pour évaluer les aptitudes cognitives (capacité d’apprentissages). Tout s’apprend, il faut juste des fois un peu plus de temps ou plus de pédagogie.
  • Un seul comportement observé est le raccourci pour évaluer la personnalité. Un candidat en retard n’est pas automatiquement un candidat qui n’est pas ponctuel. On oublie l’effet du contexte !

Cibler et évaluer

Donc si tu ne veux pas prendre automatiquement ces raccourcis, et peut-être même aller jusqu’à recruter sans CV

la solution est de renforcer ton évaluation :

  • des connaissances avec des tests ou des questions d’entretien sur ses connaissances,
  • des savoir-faire avec des échantillons de travail, des tests de jugement situationnels (SJT) ou en faisant des entretiens structurés,
  • des aptitudes avec des tests,
  • de la personnalité avec le duo test et questions.

Alors oui, on peut recruter sans CV, mais on ne pourra pas bien recruter sans évaluer. Et pour gagner en efficacité, ce ne sont pas les raccourcis habituels qu’il faut prendre.

Il faut cibler.

Cibler les KSAO les plus importants pour ton poste et n’évaluer que ceux qui sont vraiment nécessaires pour réussir dans le poste. Il faut cibler pour gagner du temps mais aussi cibler pour ne pas se laisser influencer par des informations non-pertinentes.

Je vois de plus en plus d’outils se marketer comme étant l’alternative au CV, pour cela tous les KSAO sont renommés soft-skills et tout est évalué. Cette stratégie bien que complète, nécessite que le recruteur ou la recruteuse sache faire le tri dans les informations.

Car recruter la personne qui a les plus haut scores dans le maximum de catégories est aussi un raccourci.

Il y a plusieurs méthodes pour cibler les KSAO les plus pertinents pour un poste et un contexte spécifique Je t’en présente deux dans le prochain article.

Sinon, tu veux devenir solide en recrutement avec cette méthode ?

Prends RDV avec nous ICI 🙂


Sources accessibles :

Vidéo qui montre le flou dans les définitions du mot « compétence »
Une interview en francais sur le (non) lien entre l’expérience passé et la réussite en poste.
Vidéo d’explication de l’erreur d’attribution fondamentale.

Sources académiques (par ordre d’apparition)
Source principale : Scott, J. C., & Reynolds, D. H. (2010). Handbook of workplace assessment : Evidence-based Bractices for Selecting and Developing Organizational Talent (Vol. 32). John Wiley & Sons.
Définition de skills et d’habilité : “Richez documentaire d’étude étymologique, 2022-2023”Ref experience: van iddenkige

Lien expérience passé et performance : Van Iddekinge, C. H., Arnold, J. D., Frieder, R. E., & Roth, P. L. (2019). A meta‐analysis of the criterion‐related validity of prehire work experience. Personnel Psychology, 72(4), 571-598.
Lien aptitudes cognitives et niveau de diplôme : Strenze, T. (2007). Intelligence and socioeconomic success: A meta-analytic review of longitudinal research. Intelligence, 35(5), 401-426.

L’effet du contexte : Judge, T. A., & Zapata, C. P. (2015). The person–situation debate revisited: Effect of situation strength and trait activation on the validity of the Big Five personality traits in predicting job performance. Academy of Management Journal, 58(4), 1149-1179.

Modèle de personnalité BFI-2 : Soto, C. J., & John, O. P. (2017). The next Big Five Inventory (BFI-2): Developing and assessing a hierarchical model with 15 facets to enhance bandwidth, fidelity, and predictive power. Journal of personality and social psychology, 113(1), 117.

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