La discussion politique ne m’intéresse évidemment pas. Pas sur ce blog en tout cas. Ce qui m’intéresse c’est la discussion pragmatique sur cette étude de cas grandeur nature que l’actualité vient de nous offrir.
« L’important ce n’est pas ce qui arrive, c’est ce qu’on en apprend » – Moi-même à l’instant mais probablement qu’un grand homme un jour a dû dire un truc qui ressemble
Et, se présenter à une élection c’est un sujet très similaire au recrutement. À un point qu’on parle souvent de « recruter des fans ». Voici ce que celle-ci nous apprend…
Vous n’êtes pas le centre du monde
S’il nous a fallu du temps pour admettre que la Terre n’était pas au centre de l’univers c’est parce que nous avons tous cette tendance à être notre propre point de référence. Malgré l’évidence, la blessure narcissique est si cuisante qu’on a du mal à se faire complètement à cette idée.
D’autant plus qu’énormément de mécanismes psychologiques viennent participer et amplifier le phénomène. On pourrait en faire un article en entier mais prenons un seul exemple : notre entourage. Nous avons tendance à nous entourer de personnes qui nous ressemblent. Si bien qu’il y a un proverbe qui dit qu’on est la moyenne des 5 personnes que l’on fréquente le plus. Et cet effet de tribu a très vite fait de nous déconnecter du monde. C’est ce qui explique qu’on a tous un jour été surpris par le résultat d’une élection.
C’est également ce qui fait que quand on fréquente des recruteurs toute la journée on a tendance à voir le monde comme un recruteur. On a vite fait de trouver normal de ne pas répondre aux candidatures, par exemple. Parce que tout le monde autour de nous trouve ça normal. On finit vite déconnecté du reste des gens. Pour ceux et celles à qui ça parle c’est également comme ça qu’on finit par croire que les pains au chocolat sont à 15 centimes.
On en rit quand ça touche les autres mais le problème c’est qu’on est tous touchés et que ça a des conséquences néfastes quand on exerce un métier où on s’adresse à des gens qui ne sont pas forcément comme nous. Et qu’on doit en plus susciter chez eux la motivation de nous rejoindre.
Certes, mais moi je n’aimerais pas que vous m’envoyiez une offre de recrutement sur mon email personnel : il n’y a que des bêtises dedans et je consulte ma boîte avec beaucoup moins de sérieux. D’autres personnes n’ont aucune préférence particulière, d’autres n’aiment ni l’un ni l’autre, etc. La seule manière de savoir ce qui fonctionne c’est de tester. À chaque fois que vous vous dites « moi, je n’aimerais pas qu’on… » demandez-vous si vous avez déjà essayé la chose en question. Si ce n’est pas le cas, essayez : nous sommes souvent très mauvais à ce jeu de prédiction.
Dans la même idée, j’observe des réactions du type : « moi, je me refuse à approcher un candidat par sms, c’est trop personnel ». Là encore, je sais que c’est dur à admettre mais vous n’êtes pas la référence universelle de l’humanité. Par exemple, si vous voulez me recruter et que vous hésitez entre me laisser un message vocal et un sms… envoyez-moi un sms. Je trouve le message vocal beaucoup plus intrusif car il m’oblige à arrêter ce que je fais (en général j’écoute de la musique) pour l’écouter. Certes, pour d’autres personnes c’est l’inverse. Du coup, vous ne saurez jamais ce qu’il en est de votre population de candidats potentiels si vous ne testez pas.
Chaque fois que vous dites une phrase comme « moi si on me contactait sur Facebook pour me recruter, je ne répondrais pas », commencez par vous demander si vous n’êtes pas un peu de mauvaise foi (est-ce que vraiment il existe des gens qui par principe refuseraient l’offre de leurs rêves uniquement parce que le premier contact était sur Facebook ?). Puis, rappelez-vous que de toute façon ce que vous préférez vous n’a aucune espèce d’importance puisque vous n’êtes pas en train de vous recruter vous-mêmes. Ce qui est important c’est ce que préfère votre cible. On ne vous demande pas d’éduquer les gens mais bien de les recruter.
N’oubliez jamais que les comportements universels sont très rares et que nous avons souvent tendance à oublier que nous faisons partie d’un camp.
L’importance d’avoir une voix
On a déjà eu l’occasion d’aborder ce sujet de la voix. Et il est fondamental. Une voix qui porte c’est une voix qui commence avec quelque chose de très fort. On l’avait vu avec les annonces. Par exemple, la plupart des gens ont eu vent de l’existence de Trump parce qu’il a commencé en affirmant qu’il allait construire un mur entre les USA et le Mexique et que c’est le Mexique qui allait payer. Si je laisse la politique et la morale de côté, c’est un coup de génie en terme de marketing. Pourquoi ? Parce que c’est quelque chose qui frappe directement l’imagination, qui ne laisse personne indifférent et qui vous donne en une phrase une idée claire du positionnement politique du candidat, de sa famille de pensée.
Bien entendu, vous n’allez pas commencer vos annonces par « nous allons construire un mur entre nous et nos concurrents et c’est eux qui paieront ». Mais il est crucial de commencer par quelque chose de fort et qui donne le ton, sans avoir besoin de tout lire. On l’avait vu dans cet article avec l’exemple de Critéo
C’est la même idée avec le slogan. Make America Great Again. Pourquoi les gens s’en souviennent ? Parce qu’il dit quelque chose, qu’il flatte le réflexe de grandeur et d’orgueil. Pourquoi la plupart des gens ne se souviennent pas du slogan en face ? Hillary for America. Parce que ça ne dit rien, il n’y a pas de voix. Ça ne me dit pas en quoi elle est différente du reste. À un point que j’aurais pu écrire Trump for America et ça marchait quand même. Car c’est le problème de ce qui est creux : ça n’imprime pas. Ce slogan c’est un peu l’équivalent dans les annonces de « Leader de notre marché, en pleine croissance et à la recherche de talents ». C’est creux, non-différenciant et ça n’imprime pas : ça rentre par une oreille et ça ressort par une autre.
Enfin, la voix c’est ce qui permet de ne pas faire de langue de bois. D’ailleurs Trump en a fait un véritable fonds de commerce. Dire les choses de manière concises, sans détour ni lourdeur de langage permet de dire des choses audibles. C’est beaucoup plus facile de faire passer un message qui ne noie pas le poisson. Apple, pour vous vendre des iPhone 4, ne passe pas par quatre chemins et vous dit d’une voix narquoise » si vous n’avez pas d’iPhone…et bien vous n’avez pas d’iPhone ». Cette publicité me mettait hors de moi à l’époque. Mais pourquoi imprimait-elle les esprits ? Car elle disait quelque chose de fort sans chercher à faire de détour : nous pensons que l’iPhone est le meilleur téléphone du monde et que vous êtes aveugle si vous ne le voyez pas.
Attirer c’est dissuader
Autrement dit : on ne peut pas plaire à tout le monde. Un des gros défauts que l’on observe dans les annonces et les messages d’approche c’est que le recruteur essaie de faire quelque chose qui parlera à tout le monde. Ce n’est pas possible : une voix qui parle à tout le monde ne parle à personne.
C’est contre-intuitif mais il faut vous débarrasser de cette névrose naturelle de ne vouloir dissuader ou fâcher personne. « Choisir c’est renoncer » donc attirer c’est dissuader. Les entreprises qui ont des valeurs claires et fortes dissuadent énormément de personnes qui ne se retrouvent pas dans les valeurs, et tant mieux. Plus vous affirmez clairement des valeurs qui vous tiennent vraiment à coeur, plus vous allez dissuader les candidats qui ne sont pas en phase avec.
C’est quelque chose que les startups comprennent souvent mieux parce qu’elles n’ont pas le choix : si elles veulent attirer et se faire entendre au milieu de la masse il faut qu’elles proclament des valeurs puissantes.
Car le sujet ce n’est pas uniquement le recrutement mais aussi l’engagement. S’il y a une chose que montre cette élection c’est qu’il vaut mieux avoir des hordes de superfans et de superennemis, plutôt qu’une grande masse de fans mous et d’ennemis mous. Ce qui mobilise les gens, ce qui les fait se déplacer, ce qui crée l’engagement c’est cette polarisation autour de valeurs fortes et différenciantes.
Pour reprendre l’idée du livre de Seth Godin, personne ne remarque vraiment les vaches blanches entre elles quand elles sont en troupeau. Dans la masse vous ne prêteriez pas attention à laquelle est la plus grande, la plus petite, la meilleure, etc. Alors que si dans ce même troupeau vous aviez une seule vache violette, vous la remarqueriez instantanément. Ce qui vous attire ce n’est pas qu’elle soit meilleure ou moins bonne, ce qui vous attire c’est sa différence.
L’impact de la répétition du message
Pour ceux et celles qui ont suivi la campagne, c’était un disque rayé géant. Les mêmes choses matraquées encore et encore. Et le pire c’est que ça fonctionne. Si le message est bon (au sens marketing), il ne faut pas négliger la répétition.
Or, une croyance quand on débute c’est de se dire que si le message est bon il va fonctionner tout seul. Que nenni. Les gens sont occupés. « Ce dont nous manquons le plus ce n’est pas le temps mais bien l’attention ». C’est pour cette raison qu’un bon message d’approche et un message d’approche que l’on relance, encore et encore. En occupant le plus de médias différents possibles.
Vous n’imaginez pas le nombre de fois où un candidat répond au bout de la quatrième ou cinquième relance pour dire « ah oui, j’avais oublié de répondre, merci pour la relance ».
Il y a donc deux grandes règles pour la relance de son message. La première c’est qu’il faut le faire autant de fois que nécessaire et que le chiffre autant-de-fois-que-nécessaire est probablement plus grand que ce vous pensez. Mais pour le savoir il faut tester. Par exemple, se mettre à relancer une fois de plus que d’habitude et voir les résultats.
La seconde règle c’est qu’il faut diversifier les canaux d’approche. Plutôt que de faire 4 relances par email, on préfèrera envoyer 2 emails, un sms et un message LinkedIn. Pourquoi ? Parce que vous ne savez pas quel est le canal préférentiel de communication du candidat. Certaines personnes sont hyperactives sur LinkedIn, d’autres sont rivées à leur téléphone en permanence. Mais vous ne pouvez pas le savoir avant de le tester.
Conclusion
Il doit y avoir encore d’autres enseignements comme : ce n’est pas parce que vous dîtes une bêtise que le monde va s’écrouler car on peut toujours gérer et s’excuser ensuite… Mais c’est moins intéressant.
Pour résumer, nous avons donc 4 enseignements à tirer.
1) Il faut se faire à l’idée que nous ne sommes pas le centre du monde et que donc ce que nos candidats apprécient ce n’est pas forcément ce que l’on apprécie soi-même.
2) Avoir une voix est aussi important (voire plus) qu’avoir des idées. Une voix différenciante et sans langue de bois.
3) Plaire à tout le monde c’est ne plaire à personne. Au final la problématique sur une annonce est autant d’attirer que de dissuader car ce sont les deux faces d’une même pièce.
4) Avoir un bon message ne suffit pas : il faut le répéter.
Sur ce, je vous laisse retourner à une activité normale et vous souhaite un bon sourcing :D.
Il y a une fascination pour le recrutement innovant qui canalise les attentions et les attentes. Récemment, on m’a présenté dans une intervention comme « un expert du recrutement 3.0 ». En admettant que 3.0 veuille dire la moindre chose, on ne saurait être plus à côté de la plaque que ça.
Notre sujet ce n’est pas le recrutement numérique, le recrutement 2 ou 3 ou 5.0, le recrutement sur les réseaux sociaux ni aucune de ces choses brillantes. Nous sommes nous-mêmes coupables de cette confusion car nous l’entretenons dans nos communications de vente, pour aller plus vite.
Mais le problème ce ne sont pas les outils ou la nouveauté. Ce ne sont même pas de véritables sujets en soi. Explications.
Qui se trompe de combat se trompera de victoire
L’innovation, les réseaux sociaux, le 3.0 sont des mots qui brillent. En les prononçant vous pouvez capter l’attention d’un auditoire (positivement comme négativement d’ailleurs). Le problème c’est qu’ils trahissent souvent une erreur fréquente : croire que les outils peuvent vous sauver. Ou, inversement, accuser les outils de vos difficultés (c’est pour ça qu’on dit qu’un mauvais ouvrier a toujours de mauvais outils). Alors que, les outils sont rarement le coeur du problème. Je peux vous donner l’épée de Zorro, son cheval et son costume : vous n’allez pas vous mettre à virevolter dans tous les sens pour autant. Zorro n’est pas Zorro grâce à son épée (même si elle l’aide). Zorro est Zorro grâce à son entraînement et à ses convictions profondes.
« C’est un concept qui a été inventé par des gens pour se consoler de ne pas avoir fait l’effort de se former à certains outils. Il suffit de dire : ‘ce n’est pas de ma génération’ et on est dispensé comme par magie ».
En formation j’ai régulièrement des personnes qui venaient en disant « je ne peux pas utiliser LinkedIn dans mon sourcing car je n’ai pas de compte premium » et qui repartent étonnées : « ah mais en fait je peux déjà faire beaucoup de choses avec un compte gratuit, je n’avais jamais cliqué sur la recherche avancée ».
Dans cet exemple, vous avez la synthèse de l’ampleur du danger de se laisser fasciner par les outils ou l’innovation. On finit par mettre sa réussite dans les mains d’un facteur externe. Fantasmé, en plus. Au passage, de manière générale, c’est rarement une bonne idée de se dire que sa réussite dépend d’un facteur extérieur.
L’autre obstacle conséquent c’est la foi béate en l’innovation ou la technologie. Comme si la technologie et l’innovation étaient bonnes en soi. Vous savez ce qu’on dit au sujet des erreurs ? Qu’il faut apprendre d’elles. Il faudrait apprendre de ses erreurs, oui. Mais encore faut-il réaliser son erreur. Sinon, les erreurs précédentes ne nous servent qu’à faire des erreurs plus vite. Avec un outil productif c’est encore pire : vous commettez des erreurs à grande échelle, de plus en plus vite et de plus en plus nombreuses.
C’est pour ça que le recrutement sur les réseaux sociaux n’est pas un sujet complet en soi. Je peux vous donner le même outil (LinkedIn) et vous pouvez en faire des choses impressionnantes dans les deux sens : exceptionnelles ou catastrophiques.
De la même manière que si je vous donnais les mêmes ingrédients, les mêmes ustensiles de cuisine, et la même durée : vous ne ressortiriez pas avec des plats de même qualité à la fin. Pire : même si je vous donne exactement la même recette, j’aurais encore une différence de qualité à la fin. Et c’est quelqu’un qui a déjà raté des pâtes et de la semoule qui vous le dit. Les outils ne nous mettent pas à égalité.
Le vrai combat : chasse ou pêche
Finalement ce qui fait la différence c’est davantage la conception et la vision du métier du recrutement. L’innovation et les outils viennent bien après. Est-ce que je considère que mon métier c’est d’attendre que des candidats viennent à moi ? Ou alors est-ce que je pense qu’il n’existe pas de candidats mais que des prospects à convaincre ? Ce sont deux approches radicalement différentes qui vous emmènent sur des chemins qui ne se ressemblent pas du tout.
Pour revenir à la cuisine, il y a une différence entre les restaurants qui estiment que leur métier c’est de servir des plats (peu importe qu’ils soient surgelés) et ceux qui se sentiraient insultés si vous leur demandez s’ils utilisent du surgelé car ils envisagent le sourcing d’ingrédients frais comme une facette de leur métier. C’est pareil dans le recrutement : tout le monde n’a pas l’envie du sourcing.
D’autant plus que beaucoup de gens ont eu une expérience industrielle et traumatisante du sourcing : c’est sûr que si votre vision du sourcing consiste à rentrer des mots-clés dans une CVthèque vous n’aurez pas envie d’en faire. On touche d’ailleurs à la notion-clé : le plaisir.
Avant toutes choses, ce qu’on essaie de vous transmettre sur LEDR Pro ce n’est pas tant la technique que le plaisir. Au final la technique sert à vous armer suffisamment pour être capable de prendre du plaisir. Car, effectivement, si vous ne savez pas écrire un message d’approche efficace ni deviner un email à partir d’un patronyme et d’une entreprise vous aurez du mal à prendre du plaisir.
Si vous pensez que le sourcing (ou le recrutement) « c’est chronophage », votre problème ce n’est pas les outils. Votre problème c’est ce qui vous ammène à avoir ce type de pensée. Remarquez que quand vous rentrez dans un restaurant et que le cuisinier vous dit « ça prend trop de temps d’aller trouver des ingrédients frais, donc je fais des surgelés », il est peu probable que vous soyez en admiration devant son professionnalisme.
Or, la question de la chasse et de la pêche permet souvent de se débloquer (pas à tous les coups, certes). Une fois que j’envisage mon métier comme un métier de service et de séduction je vais me comporter bien différemment. À cet égard, je peux voir les candidats comme des marchandises me permettant d’arriver à un objectif…mais je peux aussi les voir comme des clients que je dois satisfaire. Ce sont deux approches sans point commun. Une fois que j’ai intégré l’envie du service client, les outils viennent d’eux-mêmes. Ce n’est pas l’inverse. Si je vous donne le meilleur restaurant du monde avec la meilleure cuisine et la meilleure salle, vous n’irez pas bien loin si vous n’avez pas envie de faire la cuisine correctement ou que vos serveurs font la tête quand ils parlent aux clients. Êtes-vous déjà allé dans un restaurant où vous avez eu l’impression que vous dérangiez les serveurs ?
D’où l’importance du plaisir dans ce que l’on fait. L’envie ne peut venir que du plaisir. Et, une des manières de prendre du plaisir dans ce que l’on fait c’est de le faire bien. Une autre manière de prendre du plaisir c’est d’innover en permanence pour ne pas s’ennuyer. Mais c’est secondaire.
Or, le service client et la chasse sont des disicplines qui ont toujours existé. LinkedIn ne change rien aux dynamiques fondamentales. En revanche, comme tous les outils, LinkedIn met tout ceci à votre portée. Mais « à votre portée » ne veut pas dire « dans le creux de votre main » : les outils réduisent la distance entre vous et un savoir-faire mais ils ne l’anéantissent jamais. Dans tous les cas, un effort de votre part est incontournable.
L’outil en soi n’est pas un sujet : les gens recrutaient sans les outils d’aujourd’hui et ils recruteront sans. Les outils passent et trépassent, le professionnalisme reste. Quand les gens n’avaient pas d’ordinateur, ils faisaient autrement.
Et vous aviez quand même une différence entre les gens qui mettaient des annonces dans les journaux puis attendaient et ceux qui montaient des scénarios pour récupérer des informations confidentielles et débaucher des profils. Les ordinateurs et le web n’ont pas transformé les pêcheurs en chasseurs : ils leur ont donné des nouveaux outils à chacun.
En fait on confond la cause et la conséquence, comme souvent. Pourquoi certaines personnes pensent que les chapeaux rendent chauves ? Parce qu’ils voient beaucoup de gens porter des chapeaux et devenir chauves. Mais en réalité c’est l’inverse : les gens atteints de calvitie précoce aiment bien porter des chapeaux pour le camoufler. Je vous le dis en connaissance de cause : j’ai fait ça pendant plusieurs années avant d’assumer d’avoir commencé à perdre mes cheveux à 25 ans.
De la même manière : ce n’est pas parce que quelqu’un fait du sourcing sur LinkedIn que c’est un chasseur. C’est parce que c’est un chasseur qu’il fait du sourcing sur LinkedIn.
Il n’y a pas d’opposition entre ancienne et nouvelle école
En défitinive, ce qu’il faut oublier c’est l’opposition fantasmée entre une ancienne et une nouvelle école. On passe totalement à côté du sujet en faisant cette opposition. Il n’y a pas d’ancienne et de nouvelle école : il y a la bonne et la mauvaise école.
Et cette obsession entre ancien et nouveau nous aveugle plus qu’on ne le reconnaît. J’en veux pour preuve les annonces. À chaque fois que j’ai accompagné des recruteurs sur la rédaction de leurs annonces, j’ai eu comme première réaction : « on est une entreprise sérieuse, on ne peut pas faire des annonces funs comme les startups ». Et, à chaque fois, je prenais une annonce au hasard et elle était mal écrite (mal copiée-collée), pleine de fautes d’orthographe et incompréhensible. Aucun rapport avec le fun ou la nouveauté donc. Bien écrire est une discipline multimillénaire. Produire un texte captivant n’est pas une affaire de fun ou de nouveauté. C’est davantage une question de savoir ce que l’on veut dire et de l’exprimer clairement.
J’observe d’ailleurs exactement le même type de débat stérile avec le vouvoiement et le tutoiement. On peut passer une heure à expliquer qu’un bon message d’approche doit s’appuyer sur des techniques d’empathie, et des mécanismes psychologiques étudiés, puis proposer concrètement une structure contre-intuitive C-A-B au lieu de l’intuitif A-B-C, quelqu’un va quand même dire « oui mais là c’est écrit en vouvoiement/tutoiement, moi je ne peux pas ». Alors que la question n’est pas là : peu importe ce que vous choisissez, un message écrit avec technique est meilleur qu’un message écrit sans technique.
Un autre symptôme du vide de cette opposition c’est l’utilisation du mot « classique ». Un des retours les plus fréquents que les gens font après avoir lu un très mauvais messages d’approche ou une très mauvaise annonce c’est « oui, c’est un peu trop classique ». Classique étant ici un mot de langue de bois pour dire « chiant ».
Écrire de manière lourde et dans une syntaxe poussive n’a jamais été classique. Quand je vous dis d’une musique que c’est de la musique classique, je ne suis pas en train de vous dire uniquement que c’est une ancienne musique, je suis également en train de vous dire qu’elle fait référence. Copier-coller des descriptifs de poste plein d’acronymes pour en faire des annonces, ça n’a jamais été classique : c’est juste mauvais. Vous ne trouverez aucune formation qui vous recommande de le faire : les gens le font par paresse et mimétisme.
Les mauvaises habitudes et le classique sont deux choses très différentes. Un classique du recrutement ce serait plutôt les réponses à « je ne suis pas à l’écoute du marché ». Que ce soit à l’époque du téléphone, de l’email ou des réseaux sociaux, les gens ont toujours objecté de cette façon (même si les mots ont changé) et les bons recruteurs ont toujours eu une réponse toute prête à cette objection.
Ce qui devrait vous intéresser ce n’est pas de savoir si vous êtes de l’ancienne ou de la nouvelle école mais bien de savoir si vous êtes dans la bonne école ou pas. Par exemple, ne pas répondre aux candidatures n’a jamais été une bonne pratique : c’était juste une mauvaise pratique qui semblait être tolérée.
Maintenant, les candidats mécontents peuvent venir le faire savoir sur votre page Facebook. Du coup les conséquences sont plus immédiates et visibles. De plus en plus d’entreprises ont donc été forcées de s’intéresser à l’expérience candidat. Mais l’expérience candidat n’a rien de nouveau : il y a toujours eu des bons et des mauvais élèves en la matière. C’est juste que maintenant tout le monde peut le voir sur la place publique.
De la même manière, envoyer le même message générique à 200 personnes en espérant que quelqu’un morde n’est pas une méthode. C’est même tout l’inverse d’une approche méthodique. Ce n’est pas classique, ce n’est pas traditionnel, c’est du spam. De la même manière que les candidats qui envoient 200 fois leur CV au hasard : ce n’est pas parce qu’on finit par obtenir un résultat que c’est une méthode. Ce n’est pas parce qu’on a toujours fait comme ça que ça devient un classique.
Car c’est un autre piège de se complaire dans l’opposition ancien/nouveau : on finit par accepter une mauvaise pratique uniquement parce qu’on l’a répétée suffisamment longtemps. Ou, inversement, on attribue à la nouveauté un statut sacré et messianique. Mais ce que Uber montre ce n’est pas que l’innovation renverse un secteur. Uber montre juste que beaucoup de taxis faisaient mal leur travail, tout simplement. D’ailleurs vous remarquez que les premiers retours des gens qui découvrent Uber c’est jamais « l’application est géniale » mais bien « le chauffeur était super sympa, il m’a ouvert la porte et m’a proposé une bouteille d’eau ».
Conclusion
Encore une fois, ce qui est important ce n’est pas l’ancien ou le nouveau, c’est le bon ou le mauvais. Posez-vous la question de la bonne manière de faire et tendez-y. Il n’y a rien de pire que la phrase « je n’ai pas le temps de m’intéresser aux nouvelles méthodes même si je sais que y’a des choses bien à faire». Si vous prononcez cette phrase et que vous y croyez, vous faîtes une faute professionnelle, point. Heureusement, la plupart du temps, les gens qui prononcent cette phrase ne la croient pas eux-mêmes. En fait ils répètent mécaniquement quelque chose qu’ils ont été forcé de dire. On leur a tellement répété qu’il fallait faire du recrutement innovant, qu’ils finissent par le répéter aussi. Le problème c’est que personne ne leur a jamais fait la démonstration du pourquoi. Donc ils répètent sans croire.
En revanche, si vous prononcez cette phrase et que vous y croyez vraiment, posez-vous des questions. C’est comme si vous disiez « si j’avais travaillé, j’aurais pu être plus efficace, mais je n’ai pas fait mon travail ».
Ou comme les gens qui passent leur vie à dire qu’ils auraient pu être écrivains ou chanteurs s’ils avaient travaillé pour.
Le nouveau ne va pas vous sauver, pas plus que l’innovation ou les outils. Ce n’est pas l’innovation qui rend les gens efficaces, c’est les gens efficaces qui innovent en permanence pour améliorer leur efficacité. Ne mettez pas la charrue avant les boeufs.
Le concept de génération Y est une esbroufe de consultant. C’est une intuition que j’avais depuis un moment. Et j’ai eu la chance (ou la malchance) d’être obligé d’aller fouiller en profondeur le concept pour l’exprimer en format conférence pour l’événement La Claque.
Je me suis rendu compte de deux choses en faisant ce travail de documentation et d’exploration : premièrement que c’est bien un concept vide, deuxièmement que nous sommes énormément à avoir une réaction allergique.
Et c’était une suprise pour moi : quasiment à chaque fois que j’ai dit que je préparais une conférence sur la génération Y, j’ai vu des regards s’assombrir et des pulsions meurtrières monter. Certaines personnes sont même parties au quart de tour : « Mais c’est du pipeau ce truc ! Pas ENCORE une conférence sur la Génération Y ».
J’étais obligé de rajouter « non mais je vais justement dire que c’est du pipeau ». Ce qui soulageait immédiatement mes interlocuteurs qui continuaient quasiment toujours immédiatement en disant « ouf j’ai cru que t’allais faire comme la fille là…comment elle s’appelle déjà ? ». Mais on y reviendra.
Qui nous parle de la génération Y ?
Avez-vous remarqué que les gens qui vous vendent le concept de génération Y, ne font jamais partie de la génération Y ? Rien que ce fait devrait nous inciter à une extrême méfiance. Comme le chante Youssoupha : « tout ce qui est fait pour nous mais sans nous est fait contre nous ».
Même avec toute la bienveillance du monde, confisquer la parole aux personnes que vous prétendez décrire ne peut que donner une catastrophe.
On en arrive alors à des aberrations, comme cette vidéo censée illustrer la génération Y en entreprise. Avec un prétendu jeune qui dit des phrases comme « j’ai trouvé avec la fonction GPS de mon iPhone »
Ou bien, quand on lui propose une plaquette : « vous n’auriez pas un CD plutôt ? ».
Un CD ? Vraiment ? Aucun jeune sur terre n’a jamais parlé comme ça.
D’ailleurs l’acteur le reconnaît lui-même dans une interview : « on essaie d’évoquer le conflit entre génération X et Y, d’un point de vue je pense plus de la génération d’au-dessus ».
Bon…je vous vois venir. Avant quand je disais que le sujet n’était jamais abordé par des gens de la génération Y eux-mêmes on me disait « ah oui en effet ». Depuis Octobre 2015 désormais on me répond systématiquement « mais si ! Y’a une jeune là qui a fait une conférence… ».
Voici effectivement l’exception qui confirme la règle. Et c’est probablement le coup le plus dur qui a été porté à tous ceux qui vomissent le concept. Parce que le coup est venu d’une des « nôtres », de l’intérieur. Et ceux qui connaissent l’histoire d’Anakin Skywalker (Dark Vador) savent à quel point les coups sont bien plus violents quand ils viennent d’un transfuge de son propre camp.
Là encore, je pensais être le seul. Mais en discutant autour de moi pour préparer le sujet je me suis rendu compte que la seule prononciation de son nom déclenchait des réactions violentes et hostiles parmi ceux qui rejettent le concept. Désormais, par mesure de sécurité, je l’appelle Celle-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom.
Mais celle-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom a beau faire partie de la prétendue génération Y, elle a quand même un point commun avec les autres : c’est pour elle un business.
J’ai perdu la source mais j’étais tombé sur un article très juste qui disait en substance : « la prochaine fois qu’on vous agitera la génération Y demandez-vous qui a intérêt à exagérer le fossé entre la génération Y et les précédentes ? C’est marrant de voir que les gens qui ont un discours pointant l’étendue de la différence de la génération Y ne sont pas des gens qui vivent avec elle mais des gens qui gagnent leur vie sur son dos ».
Qu’est-ce que la génération Y ?
Il y a un débat sur les dates de délimitation de cette génération. Deux intervalles s’affrontent : 1979 – 1995 et 1982 – 2004. Vous vous rendez compte de ce que ça dit en termes de rigeur scientifique ? On est incapable de se mettre d’accord sur la base même du concept. Passons.
L’autre chose sur laquelle tout le monde semble d’accord c’est que le Y est là pour succéder au X de la génération précédente. Et que le consultant qui l’a inventé s’est dit que c’était un super jeu de mot avec le « why ». Ce qui en ferait une génération pourquoi. Vous remarquez à quel point l’alphabet a été bien fait n’empêche !
On s’est donc dit qu’on allait définir une génération par sa tendance à dire pourquoi, à remettre tout en question. Une sorte de génération de doute radical et de scepticisme permanent. Ce qui fait de Descartes le représentant le plus éminent de cette génération, non ?
On nage déjà en plein ridicule. On croirait de l’astrologie. Mais laissons les consultants se dépêtrer avec le monstre qu’ils ont créé. Si je reviens à notre quotidien et aux articles que l’on voit passer, une des autres définitions de la génération Y c’est qu’elle est un problème, un défi pour les entreprises.
Au final ce n’est pas la littérature sociologique qui s’intéresse le plus au concept mais bien la littérature managériale. Je suis tombé sur un mémoire passionnant qui essaie justement d’étudier le sujet avec une rigeur sociologique et qui conclut comme ceci :
« Paradoxalement, l’abondante littérature qui s’intéresse à la «Génération Y» ne provient pas de la communauté académique. (…)
Aucune des 98 recherches référencées et reconnues par le CNRS ne s’est intéressée aux comportements des membres de la « génération Y » dans l’entreprise : il s’agit de recherches en marketing qui s’intéressent aux comportements des jeunes consommateurs. (…)
Les comportements au travail de la «génération Y» demeurent donc, à notre connaissance, des récits de managers ou des recommandations de consultants. (…)
Ils montrent que l’influence de l’appartenance générationnelle est moindre que celle de l’appartenance au groupe des cadres. L’effet de la socialisation est plus puissant que l’effet générationnel. »
L’auteur touche du doigt un point fondamental : la dimension marketing du concept. La génération Y est un idéal-type marketing, une persona. Comme l’est la ménagère de moins de 50 ans. Et nous devrions traiter ce concept comme l’on traitre celui de ménagère de moins de 50 ans. L’utilité pour segmenter des campagnes marketing est évident (on parle d’un individu de moins de 35 ans qui habite en ville, se déplace en transport collectif, a un diplôme du supérieur et est célibataire au sens du code civil). Mais ça s’arrête là.
Le concept de génération Y est une somme de clichés et de stéréotypes réducteurs. Parmi eux, j’en ai vu 3 revenir en permanence : le problème avec l’autorité, l’individualisme et le refus du travail.
Vous les avez déjà entendu. Peut-être même que vous avez l’impression qu’ils sont vrais et caractérisent bien cette génération, par opposition aux précédentes ? Je vous propose d’aller le vérifier. Nous allons comparer la génération Y aux deux générations d’avant. Mais attention, nous n’allons pas comparer les Y de 2016 aux X et aux Baby-boomers de 2016. Nous allons comparer les Y de 2016 aux X de 1993 et aux baby-boomers de 1973. C’est-à-dire au moment où les X et les Baby-boomers avaient l’âge de la génération Y de maintenant.
Baby-boomers = Génération Y
On retiendra pour les Baby-boomers l’intervalle de naissance 1943-1960. Pour vous aider à visualiser : c’est la génération de Sarkozy, Conh-Bendit et Balavoine. Ceux qui ont entre 56 et 73 ans au moment où j’écris.
Avaient-ils un problème avec l’autorité ? Manifestement oui ! Et dans une ampleur bien plus grande que la génération Y. C’est la génération qui était dans la rue en mai 68.
C’est la génération qui criait « état fasciste, état policier », qui envoyait des pavés sur les policiers et qui scandait qu’il est « interdit d’interdire ». On peut difficilement faire plus en termes de rapport difficile à l’autorité.
Avaient-ils un problème avec l’individualisme ? Manifestment oui ! En 1973, le New-York magazine les appelaient : la génération moi je.
En soulignant que cette génération était en quête de sens et d’épanouissement. Tiens, ça ne vous rappelle rien ? La génération en quête de sens au travail ?
En France, on les a appelé la Bof génération. Des jeunes qui se distinguait par un désengagement de la politique (tiens, tiens…), une idéologie anti-autoritaire et une attitude do it your self (tiens, tiens…ça aussi ça devrait vous dire quelque chose).
Avaient-ils un problème de refus du travail ? Manifestement oui ! On parle de la génération qui a vu émerger d’elle…les hippies ! Peut-on faire plus génération Y que les hippies ? Il me semble qu’une génération qui a eu le mouvement hippie et mai 68 devrait s’abstenir du moindre commentaire sur la génération Y.
Certains d’entre vous me diront : oui mais on le savait déjà. Puisque la génération Y a failli s’appeler la génération echo à cause de sa ressemblance avec les Baby-boomers. Dont acte. Allons désormais du côté de la génération X.
Génération X = Génération Y
On retiendra pour la génération X l’intervalle de naissance 1961-1981. Pour vous aider à visualiser : c’est la génération de Jamel Debbouze, Céline Dion et Marine Le Pen. Ceux qui ont entre 35 et 55 ans au moment où j’écris.
Avaient-ils un problème avec l’autorité, un problème d’invidualisme et un problème de refus du travail ? Manifestement oui ! On les a appelé la slacker generation. Ce qu’on peut traduire en français par « génération feignasse ».
Mieux encore, un article de 1993 les appelait la génération pleurnicharde dans des termes qui vous rappelleront forcément quelque chose :
« Ils ont tout eu. C’est le problème de la Génération X. On a une génération dont tous les besoins ont été comblé depuis la naissance. Maintenant qu’ils font face à l’âge adulte, ils s’attendent encore à avoir des cadeaux. (…)
Ils n’ont même pas eu besoin d’apprendre à s’amuser car Maman et Papa étaient toujours là pour les alimenter de divertissement, d’une activité à l’autre. (…)
On devrait les appeler la Génération pleurnicharde (…)
J’invite ces pleurnichards à renoncer à leurs valeurs de génération télévision et à accepter la dure et froide réalité. »
Tout est dit. Vous avez face à vous une oeuvre d’art en termes de clichés sur la jeunesse. Certes, on parlait de génération télévision plutôt que de génération smartphone. Et à la place de génération Instagram on parlait de génération caméscope vidéo.
Cerise sur le gâteau : le X de génération X se réfère (entre autres) au refus de l’étiquette. C’est le même X qu’en mathématiques : la variable inconnue. Car c’est une génération dont on disait qu’elle refusait qu’on la définisse.
Quelle ironie…comment quelqu’un qui faisait partie de cette jeunessse refusant les définitions simplistes et les etiquettes peut désormais compter des gens qui font la même chose à la génération Y ?
Les jeunes ont toujours existé
En vérité, c’est bien la jeunesse qui est caractéristique. Davantage que la génération. 90% des caractéristiques stéréotypées qu’on attribue à la génération Y sont en fait des caractéristiques des gens de moins de 35 ans, peu importe les époques.
Les jeunes n’écoutent pas leurs parents et ça ne date pas d’hier. En témoigne toutes les citations antiques sur le sujet. Que ce soit celle, fameuse, attribuée à Socrate : « Nos jeunes aiment le luxe, ont de mauvaises manières, se moquent de l’autorité et n’ont aucun respect pour l’âge. À notre époque, les enfants sont des tyrans. » ou une autre attribuée à un prêtre égyptien 1000 ans avant Jésus-Christ : « Notre monde a atteint un stade critique. Les enfants n’écoutent plus leurs parents. La fin du monde ne peut pas être loin. »
C’est un thème millénaire bien plus vieux que les vieux qui l’utilisent encore. Au même titre, les jeunes ont une tendance à l’individualisme et au refus du travail. Remarquez que ça change souvent avec la paternité et la maternité. Quand on s’occupe d’un enfant on est soudainement moins porté à l’indivualisme et au refus du travail. De la même manière, les jeunes ont une tendance naturelle à la recherche de la réalisation de soi. Une fois que vous êtes vieux et que vous vous êtes déjà réalisé c’est plus compliqué.
Dans les « jeunes d’aujourd’hui » rageurs, on accentue sur le « aujourd’hui ». Alors qu’en vrai le mot important c’est « jeune ».
Adam Conover l’exprime de manière magistrale dans sa sublime conférence Millenials don’t exist.
« Le narcissime, par exemple, fait partie du processus naturel du développement de la personnalité. On est de moins en moins narcissique avec l’âge. Donc reprocher le narcissime à la génération Y ce serait comme de se plaindre en disant de bébés : cette génération ne veut faire ses besoins que dans des couches, ils ne veulent pas aller aux toilettes ! »
Au final, on est toujours le Y de quelqu’un. Les jeunes sont ce qu’ils sont et certains vieux adorent le leur reprocher. Et c’est un cycle interminable : les mêmes jeunes quand ils deviennent vieux sont tentés de faire la même chose aux suivants. Parce qu’ils auront oublié.
J’ai la (mal)chance d’avoir gardé énormément de choses que j’ai écrite quand j’avais 17 ans. Et c’est une souffrance énorme de les relire à 27 ans. J’ai l’impression de lire…un jeune de 17 ans de 2016. Ce n’est pas Snapchat mais un Skyblog, ce n’est pas Whatsapp mais MSN et pourtant les schémas sont identiques.
« Génération Y » est une insulte
Au fond, le concept de génération Y n’est rien d’autre qu’une insulte. Bien sûr qu’il existe des gens qui sont nés entre 1982 et 2004. Bien sûr qu’ils forment une génération démographique. Mais le Y que l’on rajoute est là pour pointer du doigt. Ce sont presque toujours les autres qui vous appellent Y.
Avant celle-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom je n’avais jamais vu quelqu’un monter sur scène pour dire « je suis un Y ». C’est comme le fameux « issu de la diversité ». Personne ne se désigne soi-même comme cela.
Certes, certains jeunes ont tellement été matraqués par la télévision qu’ils finissent par adhérer au concept. Vous avez même une étude où les jeunes se décrivent eux-mêmes comme fainéants. C’est d’ailleurs toujours la même que les consultants vous ressortent pour vous dire « tu vois, on a même pas besoin de laisser la génération Y parler, ils sont d’accord avec vous ». C’est un peu court : vu la boulimie médiatique il n’est pas étonnant que certaines personnes finissent par intégrer les stéréotypes qu’on leur colle. D’autant plus que vous n’avez pas de message contradictoire dans les médias. Même moi, j’ai longtemps cru au concept de génération Y.
Mais je vous assure que c’est bien une insulte. J’ai essayé de réunir des pièces à conviction pour cette enquête.
Pièce à conviction n°1 : on ne dit pas les vieux
C’est intéressant de voir que l’on dit spontanément « les jeunes » mais qu’on se permet beaucoup moins spontanément de dire « les vieux ». Quand je remplace le mot « jeune » par le mot « vieux » dans les articles j’arrive à des choses qui nous choquent comme : « Comment manager les vieux en entreprise », « comment répondre aux attentes des vieux ? » ou encore « L’explosion du nombre de vieux en entreprise est un défi pour les managers ».
Il suffit donc de remplacer jeune par vieux et on ressent d’un coup le côté insultant.
Pièce à conviction n°2 : l’obsession du management
Parmi les gens avec qui j’ai discuté pendant la préparation de ce sujet, quelqu’un m’a fait une remarque très juste. Après s’être insurgé violemment contre Celle-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom il m’a dit : « En plus les sujets c’est toujours comment MANAGER la génération Y. C’est toujours la comprendre dans le but de la manager ».
Et effectivement, la littérature managériale aborde le sujet dans cet unique but de mater ces sauvageons que l’on ne comprend pas. Voici d’ailleurs un commentaire que j’ai trouvé sous un des nombreux articles de management :
« Bonjour,
Y en à marre de la génération Y !
Mettez les au boulot ! Arrêtez de nous dire comment s’adapter à ces incompétents ! Transformez les ! (…)
Tout leur est du il faut que le patron soit sympa , pas dirigiste, ne leurs demandent pas de résultats qu’ils puissent se distraire au boulot conserver leur RSS pendant les heures de travail ! Mais ou sont leurs devoirs ? (…)
Je dirige une SSII très innovante, rembauche 29 personne en 2011, du coup je cherche soit des quadra soit des Roumains pas question de me retrouver encore avec des petits français de 25 ans: sans savoir faire, sans ambitions, et déloyals (sic) ! »
C’est bien cette idée de manager au sens le plus militaire du terme que l’on ressent ici.
Pièce à conviction n°3 : on ne se le permettrait pas avec d’autres catégories
Vous imaginez si on avait les mêmes articles qui disaient :
« Comment manager les arabes en entreprise ? », « Comment manager les noirs en entreprise ? », ou encore « Cinq conseils pour manager au mieux les athées ».
Je vous rassure : un affreux doute m’a saisi en l’écrivant et j’ai donc été vérifier. Ce genre d’article idiot n’existe pas. Ce que je viens de faire est caricatural ? Bien sûr. Mais la caricature est une des rares armes qui permet de démasquer la langue de bois. Et la génération Y est un mot de langue de bois. Il couvre une violence en l’adoussisant, en la déguisant en quelque chose de respectable et scientifique.
Pièce à conviction n°4 : les concepts marketing sont insultants quand on les sort de leur cadre
Vous vous rappelez de la ménagère de moins de 50 ans ? Que les gens au marketing parlent comme ça pour segmenter leurs actions n’est pas un problème en soi. Mais maintenant sortons le concept de son cadre marketing. Imaginez que vous êtes invités à un repas par un couple d’amis. Et là vous dites à votre amie : « c’était vraiment bien, tu es une excellente ménagère de moins de 50 ans ». Pensez-vous qu’elle le prendra comme un compliment ? Quelle serait sa réaction ?
Mais…comment une insulte peut-elle avoir tant d’écho ? C’est la question que m’a posé Laurent pendant que je préparais le sujet.
Pourquoi l’insulte séduit-elle autant ?
C’est une question de peur de la différence, de peur de ce qu’on ne comprend pas. C’est Maître Yoda qui le dit le mieux :
« La peur est le chemin vers le côté obscur, la peur mène à la colère, la colère mène à la haine et la haine mène au côté obscur de la force ».
Vous trouvez que le mot haine est trop fort ? Je vous propose de lire des extraits d’un article qui s’appelle « Faut-il être plus directif avec la génération Y ? ».
« Ces individus qui dans la rue, au travail, au sein du couple ou en famille agissent en fonction de leur seul bon vouloir grignotent tous les liens sociaux. Le sentiment de l’autre leur est quasi inconnu, tout investi qu’ils sont dans une quête inlassable du plaisir immédiat. (…)
Au final, ils manifestent une volonté de toute-puissance qui gomme tout principe de réalité. Résultat : refus de se remettre en cause et quête permanente d’une solution miracle pour trouver une réalité confortable. (…)
Leur demande incessante de bonheur se confond avec l’immédiateté de leur volonté de jouissance. Certes on les rencontre à tous âges, mais s’ils se retrouvent majoritaires dans la génération Y, c’est qu’ils ont été élevés dans des familles qui leur ont laissé, enfants, prendre le pouvoir. (…)
En faisant de leurs désirs des ordres, leurs parents les ont amené, malgré eux, à se la jouer perso en s’impliquant le moins possible. Surconsommation, surstimulation, survalorisation, surprotection et surcommunication de l’enfant, ce que Didier Pleux nomme les « 5 S », aurait petit à petit contribué à faire émerger des asociaux, peu heureux pour autant…Dont la pathologie se résume à la difficulté d’accepter la réalité, la sienne et celle des autres. (…)
Toute sa vie se construisant autour du « j’ai envie, je fais » ou « je n’ai pas envie, je ne fais pas », il est réfractaire à toute « verticalité », à toute forme d’autorité. « S’il est juste de contester certains autoritarismes, l’adulte roi, lui, n’est pas un « rebelle » au sens noble, il est réfractaire à ceux qui savent mieux que lui, à ceux qui peuvent le faire réfléchir, voire l’infléchir. »
Si ce n’est pas de la haine je ne sais pas ce que c’est. On retrouve tous les clichés : le problème avec l’autorité, l’individualisme et le refus d’accepter la réalité. Le même type de violence s’est déchaîné à la sortie de Pokémon Go.
Quand j’étais petit on nous reprochait de rester enfermé à jouer à des jeux vidéos. Désormais on reproche aux jeux vidéos de faire sortir les gens. Allez comprendre ! C’est d’ailleurs un des effets secondaires que de penser le monde avec une case insultante. Tout va dans votre sens, tout le temps. Et l’insulte a été massive face à Pokémon Go. Je vous ai extraits deux commentaires sur Facebook mais il y en avait des milliers du type rien que sur une seule publication :
« Cette jeunesse préfère courir après des trucs virtuels plutôt que de chercher des jobs d’été »
« On peut être fiers de faire des génération de décérébrés »
Au fond du fond, on a presque l’impression que ce que les gens insultants veulent c’est dire « on devrait enfermer les jeunes jusqu’à ce qu’ils soient vieux » (merci Mohamed pour cette phrase).
Au final, cette tentation est naturelle et relève d’un processus psychologique simple et très bien saisi par Douglas Adams :
« Tout ce qui existe dans le monde à votre naissance est normal, ordinaire et fait partie intégrante du fonctionnement du monde. Tout ce qui est inventé entre vos 15 ans et vos 35 ans est nouveau, génial, révolutionnaire et vous servira dans votre vie professionnelle. Tout ce qui est inventé après vos 35 ans est contre l’ordre naturel des choses. »
Ou par George Orwell :
« Chaque génération se croit plus intelligente que la précédente et plus sage que la suivante. »
Quand on entend parler certaines personnes (j’insiste sur le certaines) on a l’impression qu’elles ont connu un âge d’or où les gens se tenaient par la main en chantant et en dialoguant dans les transports publics. Que sans les smartphones, les gens se parlaient dans les bus et les métros. Alors qu’en fait ils ont plutôt connu ça :
Mais on a tous une tendance à la nostalgie. Cette nostalgie qui rend notre mémoire sélective. Fary le résume bien :
« Non ce n’était pas mieux avant, c’est vous qui n’étiez pas vieux avant ».
Par quoi remplacer le concept de Génération Y ?
Alors, après avoir détruit ce concept de génération Y, avec quoi allons nous rester ? Peut-on remplacer le concept par quelque chose de plus pertinent ?
Les digital natives ? Evidemment pas. A-t-on jamais parlé d’eletrical natives à l’invention de l’électricité courante ?
La culture Y alors ? J’ai beaucoup entendu cette arnaque. Et elle émerge de plus en plus. Par pitié non. Ne nous faîtes pas ça. Ce n’est pas avec une culbute sémantique qu’on règle le problème de l’insulte. Car au final c’est exactement le même concept. Voire pire puisqu’on part de quelque chose qui était déjà vague pour dire « bon…pour que ça fonctionne tout le temps on a qu’à dire que les exceptions à la règle sont en fait des X qui ont une culture Y ou des Y qui n’ont pas la culture Y». Vous voyez à quel point c’est vicieux ? Au lieu de se dire que le concept ne fonctionne pas et ne caractérise pas une génération on dit : tous les contre-exemple sont en fait des preuves. Tordu et imparable. Faites très attention, c’est le genre d’arnaque intellectuelle qui est extrêmement séduisante car c’est une pensée magique. Si vous tombez dans ce côté obscur il est probable que vous n’en reveniez jamais.
J’ai également entendu parler d’époque Y. Et là…je ne sais pas quoi vous dire. Pourquoi faire autant d’effort pour conserver ce Y fumeux ? Pourquoi pas tout simplement « époque » ?
Malheureusement, ce qui est en train de remplacer le concept de génération Y…c’est le concept de génération Z. Comme les prétendus Y commencent à devenir vieux les consultants se rabattent sur la génération suivante. Avec des propos toujours aussi vagues et stéréotypés :
« Le web est pour la génération Z à la fois l’endroit où ils socialisent, jouent, font leurs achats, partent à la découverte du monde, mais aussi apprennent. Internet est donc une extension d’eux-même et ils vont percevoir tout matériel technologique désuet qui leur ralentirait l’accès à l’information comme une amputation d’eux-même.
La génération Z s’attend à une ordinateur et un smartphone dernier cri… Si vous leur proposez de travailler sur Windows XP avec un ordinateur qui a plus de 10 ans, vous avez 99% de chances de les voir s’enfuir en courant.
« Quoi, Facebook est interdit au travail ? » N’imaginez même pas interdire l’accès aux réseaux sociaux à la génération Z, ils vont d’abord se moquer de vous à gorge déployée et puis partir en courant. »
C’est marrant car je me retrouve intégralement dans cette description alors que je ne fais pas partie de cette génération. On est encore dans l’astrologie.
Je pense que vous commencez à voir où je veux en venir : si j’étais un chaman (c’est-à-dire un consultant), j’aurais remplacé le concept par un autre.
J’aurais essayé d’inventé un terme qui aurait prouvé ma finesse d’esprit. Quelque chose du type « génération smiley » ou « génération Kévin ».
Mais je ne suis pas un chaman donc je vais vous dire la vérité : la vie est trop complexe pour qu’un tel concept puisse fonctionner. Je ne dis pas qu’il n’existe pas des fractures entre les jeunes et les vieux mais en utilisant le concept de génération Y vous les aggravez. Si vous voulez comprendre quelqu’un, commencez par éviter de l’appeler par une lettre. Je ne dis pas non plus que cette génération n’a pas des différences avec les précédentes. Toute génération est différente de la précédente. Ce que je dis c’est que ces différences sont trop largement surestimées. Et qu’à travers le concept de génération Y ce ne sont pas les différences intéressantes qui sont décrites mais bien une caricature insultante et réductrice.
Car cette fumisterie est en train de bloquer nos cerveaux. Le monstre ne s’arrête plus. Pendant mes recherches je suis tombé sur des articles plus délirant les uns que les autres. Rien que la semaine dernière voici les articles qui ont été produits sur le sujet :
Génération GPS (c’est bien connu les vieux n’ont pas de GPS dans leurs voitures)
Pourquoi la génération Y a moins de relations sexuelles (ça se passe de commentaires mais notez au passage qu’apparemment la génération Y de cet article c’est uniquement les 18-24 ans)
Le vin et la génération Y
À un moment je me suis demandé si je pouvais trouver un article sur la génération Y en écrivant le premier mot qui me venait à l’esprit. Ce mot a été « autruche » et…devinez quoi ? J’ai trouvé un article qui parle de génération autruche-baudruche.
Peut-être qu’il est temps d’arrêter les frais, non ? J’en suis arrivé à la conclusion que si vous avez besoin d’une case pour comprendre le monde c’est qu’il vous en manque une à vous. Le problème n’est pas la génération Y : le problème c’est les gens qui pensent que c’est un problème.
D’autant plus que le concept de génération Y est de plus en plus utilisé comme une disqualification : une infantilisation qui vous confisque la parole. La dernière fois que j’ai essayé de contredire un consultant en public, on m’a répondu : mais tu vois tu viens de remettre en question. Tu es donc bien un Y. Brillant, imparable et machiavélique. Une fois qu’on a construit un concept sur la remise en question, plus personne ne peut le remettre en question.
Du coup, plutôt que de vous proposer un substitut, je vous appelle à ne plus jamais faire partie des inquisiteurs si vous l’avez été. À ne plus pointer du doigt quelqu’un en l’appelant Y. Car nous sommes une armée, pas une génération, à contester ce concept insultant et réducteur.
Nous sommes plusieurs à penser que ce concept relève plus de l’astrologie que d’autre chose : des suites d’affirmations contradictoires (ex : la génération Y est indivualiste mais elle adore l’économie du partage).
Et nous ne revendiquons pas non plus le travers inverse. Celui de dire que cette génération va sauver le monde car elle est meilleure. Nous ne vous dirons pas que c’est une génération smartphone, instagram ou même Autruche. Ce qu’on appelle la génération Y n’est que l’expression de la jeunesse. Regardez les jeunes de 68. À qui ressemble le plus le Conh-Bendit de 1968 ? Aux jeunes de 2016 ou au Conh-Bendit de 2016 ?
Si nous voulons faire preuve de bienveillance les uns envers les autres, il va falloir commencer par se débarrasser de cette insulte, une fois pour toutes. Mais je n’ai aucun espoir naïf : les jeunes seront toujours pointés du doigt par certains vieux. C’est le cycle de la vie.
On sous-estime souvent l’impact de la friction sur les comportements. Qu’est-ce que la friction ? C’est la difficulté à effectuer une action. Par exemple, si je dois faire trois clics et rentrer mon numéro de carte bleue pour faire une action sur un site A, il y a plus de friction que si je dois faire seulement un clic sur le site B.
Or, le web tend vers une structure de moindre effort. C’est ce qui explique que la plupart des sites carrières paraissent aujourd’hui insupportables à beaucoup de gens : parce qu’ils ne se sont pas vraiment améliorés depuis une décennie. Pourquoi je vous parle de friction ? Parce qu’il y a un domaine où elle joue à plein régime : quand vous demandez des recommandations.
Comment procède-t-on classiquement ?
Imaginons que je veuille recruter un développeur Android vers Lyon. J’ai envie de demander de l’aide à quelqu’un qui est susceptible d’en connaître (un ami, un collègue, un opérationnel, un candidat, etc). En général je vais simplement écrire un email du type :
Bonjour Untel,
Je recherche un développeur Android junior dans la région lyonnaise. Tu as une idée de qui je devrais contacter ?
Si c’est le cas, n’hésite pas à nous mettre en relation !
Bien à toi,
Quel est le problème de ce mail (mis à part que je l’ai écrit vite et qu’on peut l’améliorer) ? Il y a deux gros points de friction. Le premier : si la personne a l’idée de quelqu’un elle va se sentir obligée d’écrire une réponse de taille comparable. Rares sont les gens qui osent répondre uniquement par un numéro de téléphone et un nom par exemple. Sans faire de phrase. Et comme ce n’est pas une option envisageable pour eux cela veut dire qu’il leur faut faire l’effort d’écrire. Premier obstacle.
Le deuxième point de friction : imaginons que la personne veuille vous aider. Le problème c’est qu’elle ne visualise personne dans son réseau. Aucun nom ne lui vient spontanément à l’esprit. Pas parce qu’elle ne connaît personne mais parce qu’elle est prise à froid : si elle avait la liste des noms de son réseau devant elle, ça lui reviendrait immédiatement.
Diminuer la friction
Quand j’ai lancé le programme un outil de sourcing par jour, j’ai appris à pré-rédiger un email de recommandation grâce à un cours de marketing. De manière à ce que les gens n’aient plus qu’à cliquer pour que s’ouvre un email de partage à leurs amis.
Et j’ai été sidéré par le nombre de personnes qui cliquent sur le lien et envoie l’email, sans en changer une seule ligne ! C’est la preuve que la friction peut avoir un impact dramatique sur la propension des gens à nous aider. Quand j’ai écrit cet email j’étais persuadé que 90% des gens allaient le changer avant de l’envoyer. Mais en fait c’est l’inverse : 90% des gens l’envoient sans le changer. Ce qui veut dire que 10 fois plus de personnes partagent le programme par mail uniquement parce qu’il est déjà pré-rédigé.
Je vous propose donc de transposer cette expérience à notre problème de recommandation/co-optation. On va lutter contre le point de friction de l’écriture en rajoutant dans le mail un lien qui ouvrira un email pré-rempli. De sorte à ce que la personne en face n’ait plus qu’à rajouter l’email d’un développeur Android lyonnais.
Comment pré-rédiger un email ?
Je vous préviens : au début ça peut faire un peu peur. Mais en fait il suffit juste de copier-coller et de modifier la formule suivante :
mailto:?cc=ECRIRE VOTRE EMAIL&subject=ECRIRE LE SUJET DU MAIL EN CODE URL&body=ECRIRE LE CORPS DU MAIL EN CODE URL
Vous n’avez plus qu’à remplacer par vos propres données. Pour l’email ce n’est pas compliqué. Pour le sujet et le corps on va devoir apprendre une dernière notion : l’encodage URL (je ne sais pas s’il y a un terme officiel en français). En gros, il faut écrire les textes dans la langue URL (celle des adresses web). Comment ? Pas de panique : il y a des traducteurs déjà prêts sur le web.
Vous n’avez plus qu’à rentrer votre texte et à appuyer sur « Encode ».
Et voilà, ça donne un gros pâté barbare mais peu importe : il nous suffit de le copier-coller dans la formule.
mailto:?cc=ECRIRE VOTRE EMAIL&subject=ECRIRE LE SUJET DU MAIL EN CODE URL&body=ECRIRE LE CORPS DU MAIL EN CODE URL
On obtient donc finalement quelque chose qui ressemble à ça :
Pas de panique ! On a pas besoin de comprendre le « code ». Il ne nous reste plus qu’à prendre tout ça et à en faire un lien, comme on mettrait un lien vers un site web.
Bonjour Untel,
Je recherche un développeur Android junior dans la région lyonnaise. Tu as une idée de qui je devrais contacter ?
Si c’est le cas, n’hésite pas à nous mettre en relation ! Il te suffit de cliquer sur ce lien et un email prérempli s’ouvrira. Tu n’auras plus qu’à insérer l’email de la personne en question.
Bien à toi,
Et le tour est joué. Si mon interlocuteur clique sur le lien, il va voir s’ouvrir ce mail :
(S’il est sur Gmail, ça s’ouvrira directement dans Gmail, s’il est autre part sur son ordinateur ça ouvrira le logiciel mail par défaut. C’est d’ailleurs l’unique faille : des fois les gens n’ont pas configuré de logiciel mail sur leur ordinateur et donc c’est un écran de configuration qui s’ouvre à la place du mail)
Diminuer la friction – deuxième étape
On pourrait largement s’arrêter là. Mais on avait parlé d’une seconde friction à lever : le fait pour mon interlocuteur de ne pas avoir de nom qui lui vienne spontanément à l’esprit s’il ne voit pas de liste. Pour ce faire on va donc utiliser la technique très simple (que Guillaume Alexandre m’a enseignée) pour créer des requêtes pré-remplies sur LinkedIn.
En résumé : je fais une recherche avancée sur mon compte LinkedIn, avec les éléments que je cherche. Je lance la recherche mais uniquement sur mes relations directes (en cochant la case 1er niveau).
Puis j’appuie entrée et je prends l’URL dans mon navigateur et je le copie-colle tel quel. Résultat ? Quand mon interlocuteur va cliquer dessus ça ouvrira une recherche mais parmi ses contacts à lui !
L’avantage c’est que mon interlocuteur n’a pas à penser à faire la recherche mais aussi que je peux faire une requête beaucoup plus fine que ce que lui aurait fait. En utilisant les bons opérateurs booléens. Comme ceci :
(Si vous cliquez et que LinkedIn vous répond « 0 résultat » c’est normal : c’est parce que vous ne connaissez pas de développeur Android à Lyon. Moi par exemple ça me donne 0 résultats à Lyon mais 2 à Paris. Cela dépend évidemment d’où vous habitez et des gens que vous connaissez)
Il ne me reste plus qu’à rajouter ce lien dans mon mail :
Bonjour Untel,
Je recherche un développeur Android junior dans la région lyonnaise. Tu as une idée de qui je devrais contacter ?
Si c’est le cas, n’hésite pas à nous mettre en relation ! Il te suffit de cliquer sur ce lien et un email prérempli s’ouvrira. Tu n’auras plus qu’à insérer l’email de la personne en question.
Bien à toi,
PS : si personne ne te vient à l’esprit spontanément, peut-être que je peux t’aider. Je t’ai préparé un lien qui va ouvrir une recherche dans tes contacts LinkedIn : clique juste ici.
Conclusion
Et voilà ! Voici un email pré-rédigé de recommandation qui diminue au maximum la friction. On pourrait encore aller plus loin en automatisant le procédé. Par exemple avec un outil qui repère le clic de mon interlocuteur et ne lui envoie le lien vers la requête LinkedIn qu’à ce moment. En lui disant « ah au fait j’avais oublié mais voici un lien linkedin pour t’aider à chercher ». Comme ça on est sûr de le relancer à un moment où on a son attention. On pourrait cumuler le tout avec un export des contacts LinkedIn pour faire des campagnes ciblées. Mais…ce sera probablement l’objet d’un module dans #TruAcademy
Développer mon blog (Dessine-Toi un Emploi) sur mon temps personnel m’a obligé à m’intéresser au marketing. Et plus je m’y intéresse plus je me dis que nous avons beaucoup à apprendre de cette discipline. Je me suis donc mis en tête de vous faire un résumé de ce que j’ai découvert. D’abord durant les ateliers LEDR Pro, ensuite à travers une série d’articles et enfin via un module entier de vidéos sur #TruAcademy. Commençons donc avec le copywriting.
Qu’est-ce que le copywriting ?
Je n’ai pas trouvé de traduction satisfaisante. L’écriture publicitaire ? La conception-rédaction ? En tout cas c’est l’art d’écrire un message pour vendre. La discipline existe depuis au moins un siècle. Et c’est ce qui est intéressant pour nous : le marketing a essuyé les plâtres pour nous. Nous n’avons plus qu’à récupérer les concepts.
Et on en a vraiment besoin. À chaque fois que je suis obligé d’aller lire des annonces je suis surpris par leur médiocrité. Et le pire…c’est qu’on le sait tous ! Quand on relit ses annonces on se rend bien compte que quelque chose cloche. Parce que beaucoup d’annonces sont des copiés-collés. Or…à annonce copiée-collée, candidatures copiées-collées. C’est la dure loi du web. Moins vous prendrez de soin à écrire et moins les candidats prendront de soin à vous répondre.
Les principes fondateurs
L’écriture de vente repose notamment sur 4 objectifs de message. L’écriture doit pouvoir répondre à ces 4 questions :
1- Qu’est ce que je propose ?
2- En quoi est-ce unique ?
3- Quels avantages je propose au lecteur ?
4- Quelle peur du lecteur je peux résoudre ?
En général, les annonces et le sites carrières répondent au premier point mais pas aux trois autres.
Par exemple ici on comprend ce qui est proposé (et encore que…) mais les tonnes de langue de bois empêchent de comprendre en quoi c’est unique. Passion, performance et innovation ne sont pas des éléments différenciants. Rares sont les entreprises qui revendiquent être ennuyeuses, mauvaises et hostiles au changement. En tant que candidat je ne perçois pas non plus les avantages qu’on me propose.
À l’inverse, sur le site de Blablacar on sent déjà un effort d’écriture bien plus élevé.
Les 4 principes sont satisfaits. On comprend exactement ce qui est proposé. Et surtout on voit en quoi c’est unique grâce à la culture qui transparaît tout au long de l’écriture. On me met directement en avant les avantages, comme le fait de bénéficier de covoiturages gratuits. Et on prend bien garde à lever mes peurs en insistant sur le fait que BlablaCar est une startup certes mais une startup lourdement financée.
Maintenant qu’on comprend ce qu’est le copywriting et comment ses principes peuvent être appliqués par le recrutement, je vous propose de parcourir 7 techniques que j’ai retenues pour vous. Elle sont toutes extraites d’un article génial :
C’est trivial mais c’est souvent négligé. Ou alors raté. Par exemple sur le site d’Altran la première phrase était « L’innovation systématique requiert la volonté de considérer le changement comme une opportunité ». On peut difficilement faire plus incompréhensible et barbant.
L’objectif de la première phrase est d’interpeller le lecteur et de lui faire sentir où il met les pieds. On appelle ça la headline (mais on y reviendra dans un autre article). Quand c’est bien fait il suffit presque de lire cette première phrase et on a même plus besoin de lire le reste.
Critéo réussit très bien ce tour de force sur son site :
Vous êtes accueilli par « Nous sommes différents. De A à Z. » et le ton est posé d’emblée.
2) Les mots doivent être simples et les phrases courtes
L’erreur de débutant la plus classique est de vouloir faire de grandes phrases avec des mots compliqués pour se dire qu’on écrit correctement. Je ne sais pas pourquoi. Pourtant mes professeurs de français ont passé toute ma scolarité à nous répéter : des phrases courtes. On a beau le dire et le redire…mais ce mauvais réflexe revient.
Voici un exemple :
« Chaque jour, à travers des projets nombreux et variés qui permettent à nos clients d’être plus performants, ils sont au coeur de la chaîne de valeur de l’innovation sur laquelle ils ont la possibilité d’évoluer tout au long de leur parcours au sein du Groupe. »
Une phrase mais au moins deux idées. On aurait tout à gagner en l’écrivant en deux phrases. Chaque phrase devrait exprimer une et une seule idée.
3) Pas de jargon, pas de langue de bois
Là encore c’est trivial mais l’épidémie est tellement avancée qu’il faut le garder en tête pour ne pas se laisser contaminer. Concrètement, je ne sais pas ce que veut dire :
« Dans un monde en mutation, l’innovation est le fil rouge toujours dynamique qui leur rappelle qu’il faut préparer demain. »
Plus vous êtes précis et spécifique et moins vous pourrez faire de langue de bois. Plutôt que de dire « L’envergure internationale d’Altran décuple également les opportunités professionnelles de nos collaborateurs qui participent de plus en plus régulièrement à des projets gérés à l’échelle de plusieurs pays » on pourrait citer un vrai exemple de projet international.
Plutôt que de dire « nous sommes une entreprise à taille humaine », donnez le chiffre : « nous sommes une équipe de 50 personnes ».
5) Raccourcir de 10% à la relecture
Une autre erreur de débutant est de meubler. Attention, je ne suis pas en train de dire qu’il faille écrire des choses courtes. Bien au contraire, je suis un grand défenseur du contenu long. Ce n’est donc pas une question de longueur mais bien de concision. Votre message ne devrait jamais prendre un mot de trop. Tout ce qui est inutile doit être enlevé. C’est le fameux proverbe « la perfection ce n’est pas quand il n’y a rien à rajouter, c’est quand il n’y a rien à enlever ».
6) Apprenez à connaître la voix de l’entreprise
Je ne sais pas pourquoi, les débutants en écriture essaient toujours d’écrire avec une voix fade, toujours la même. Et c’est comme ça qu’on en arrive à des annonces qui se ressemblent toutes, quel que soit le poste et quel que soit l’entreprise. Toutes les annonces sont écrites par des leaders de leur marché, à envergure internationale et à la recherche de talents.
Alors que quand on lit la prose de Blablacar on sent instantanément leur propre voix. Une des meilleures manière d’apprendre à connaître sa voix est de se pencher sincèrement sur les valeurs de l’entreprise. Je vous en avais déjà parlé dans cet article :https://lecoledurecrutement.fr/lultime-secret-dune-bonne-annonce-valeurs/
7) Imaginez que le lecteur fait deux autres choses en lisant
Vous ne savez pas dans quelles conditions votre texte sera lu. Il faut donc l’écrire de manière à ce qu’il soit compris même avec une lecture en diagonale.
D’où l’importance de mettre de la hiérarchie et de penser la structure de manière à ce que les messages-clés ressortent.
Conclusion
J’espère que vous aurez retiré quelque chose de cette incursion dans le monde du marketing. Vous remarquerez que j’ai volontairement concentré la réflexion sur l’écriture et non pas la forme. Je n’en peux plus d’entendre à chaque fois « oui mais nous on ne peut pas mettre d’images, ni choisir les catégories ». Ce n’est pas le sujet (même si c’est sûr que c’est mieux). Le sujet fondamental, avant toutes autres considérations, c’est est-ce que j’apporte du soin à mon écriture ou non.
« Je ne suis pas à l’écoute du marché ». C’est une des réponses les plus classiques que l’on obtient quand on approche des profils. Mais qu’est-ce que cette phrase peut bien vouloir dire vraiment ? (Spoiler : c’est un mensonge de politesse).
Ce qu’on pense que ça dit
Quand on lit « je ne suis pas à l’écoute du marché » on se dit que la personne n’est pas en recherche d’emploi actuellement. Parce qu’elle est bien là où elle est.
J’ai tapé « être heureux là où on est » et mon moteur de recherche m’a renvoyé ça. Maintenant, au moins, vous savez ce qu’est le bonheur : être sur une balançoire ^^.
L’idée sous-jacente c’est qu’une recherche d’emploi est un processus forcément binaire : je suis en recherche ou je ne suis pas en recherche. « À l’écoute du marché » cela veut dire qu’une personne est prête à écouter des propositions d’emploi.
Mais du coup, cela voudrait dire qu’il existe des gens qui ne sont pas à l’écoute du marché ? Des personnes qui sont tellement comblées par leur position actuelle qu’elles ne veulent même pas écouter ce qu’on propose ? Ça doit exister mais il n’y en a clairement pas autant que de personnes qui le prétendent.
Ce que ça dit vraiment
Combien de personnes sont-elles vraiment indéboulonnables ? Très peu. La bonne proposition de salaire, dans la bonne entreprise, sur la bonne mission, dans le bon lieu avec la bonne équipe fera bouger n’importe qui.
Sauf à considérer que l’on doit fidélité éternelle à son employeur. Ce qui veut dire que, dans les faits, la quasi-unanimité des gens sont potentiellement à l’écoute du marché.
En fait, ce qu’on veut vraiment dire quand on dit « je ne suis pas à l’écoute du marché » c’est « ce que vous venez d’écrire/de dire ne me semble pas intéressant ». La différence est énorme. Il ne faut en aucun cas être dupe de ce type de politesse. C’est comme la phrase cliché de rupture « c’est pas toi, c’est moi ». Plus personne n’est dupe. Il devrait en être autant pour « je ne suis pas à l’écoute du marché ».
En tant que recruteur, il est capital d’avoir en tête que cette phrase est une manière expéditive de se débarrasser de vous sans vous expliquer ce qui n’allait pas dans votre approche.
Que faire ?
Au lieu de vous dire que c’est le « candidat » qui n’est pas à l’écoute, partez du principe que c’est vous qui n’avez pas su l’intéresser. Évidemment, une fois que vous êtes devant le fait accompli, il n’y a pas non plus grand chose à faire. Si vous en arrivez là c’est que l’approche n’était pas la bonne. Ou en tout cas c’est le réflexe mental le plus sain à avoir. Il s’agit d’analyser ce qui a manqué. D’ailleurs, qui de mieux placé que le « candidat » pour vous donner une idée ?
Vous pouvez par exemple tenter un rebond avec une pointe d’humour :
« Qu’entendez-vous précisément par ‘je ne suis pas à l’écoute du marché’ ? Si je vous propose le double de votre salaire pour travailler chez Google en Australie, vous diriez non ? »
(À vous de choisir évidemment la meilleure combinaison entreprise/lieu en fonction du profil du « candidat »).
Et généralement les langues se délient. Mieux encore, parfois la barrière tombe immédiatement et vous réalisez qu’en fait c’est uniquement une phrase réflexe pour faire le tri entre les recruteurs motivés et ceux qui arrosent tout le web de messages non-ciblés. Le plus souvent, vous gagnerez une explication plus précise de pourquoi votre message ne l’intéressait pas. Ce qui vous permet ensuite de l’améliorer pour le prochain essai.
L’autre avantage à répondre à cette phrase c’est que, mine de rien, vous êtes en train d’instaurer un dialogue qui sera mémorable. Si vous ne répondez pas, il n’y a pas d’échange et vous n’aurez aucun avantage dans le futur si vous voulez relancer. Alors que si vous engagez une conversation polie, votre interlocuteur s’en rappellera . Quand vous le relancerez dans 3 ou 6 mois, vous aurez déjà son attention.
Enfin, vous serez capable de comprendre dans quelle catégorie s’inscrit votre interlocuteur. Il y a une différence majeure d’intérêt entre quelqu’un qui vous répondra qu’il vient de changer d’entreprise (ou de ville) et qu’il ne se sent pas encore d’attaque pour bouger à nouveau et quelqu’un qui vous répond qu’il a trouvé le job de ses rêves et qu’il gagne plus que ce que vous pourrez jamais lui proposer. Le premier rentrera dans votre vivier de contacts intéressants à moyen terme. Probablement pas le second. Alors que, pourtant, les deux ont répondu exactement la même chose. Donc si on s’était arrêté à la première réponse on serait incapable de les qualifier correctement.
Conclusion
Après avoir investi du temps dans l’identification d’un profil, puis la rédaction d’un message c’est quand même dommage de ne pas en retirer au moins une information intéressante.
Par ailleurs, « je ne suis pas à l’écoute du marché » est une réponse qui doit à chaque fois nous faire réfléchir sur notre approche. Elle mérite d’être quasiment systématiquement approfondie. D’ailleurs vous remarquerez que plus vous écrivez un message personnalisé et moins on vous répond ce genre de phrase bateau. Comme souvent : votre interlocuteur investit dans sa réponse un temps proportionnel au temps que vous avez vous-même investi !
Bon sourcing !
PS : Vous voulez aller plus loin sur le sujet de l’approche ? J’aborde la thématique en long, en large et en travers sur #TruAcademy !
Vu que je reviens de vacances et que je suis encore en train de mourir debout, je vous propose de commencer cette rentrée par un article léger ! Lors du dernier La Claque, Laurent vous a présenté 7 techniques qu’utilisent les commerciaux et qui sont transposables au recrutement. Pour ceux qui n’y étaient pas, voici les slides ci-dessous.
Une des techniques m’a particulièrement frappé : la gestion du calendrier des RDV commerciaux. On voit en effet de plus en plus de commerciaux proposer de choisir un créneau de RDV directement dans leur calendrier. Afin d’éviter les allers-retours insupportables par mail.
Qu’est-ce qui nous empêche d’en faire de même dans le recrutement ? L’email est vraiment une manière dysfonctionnelle de programmer un entretien.
L’outil : Calendly
Il y a plusieurs outils disponibles sur le marché. Mais celui qui m’a laissé l’impression la plus positive est Calendly. C’est un outil gratuit (avec une option payante) qui fait parfaitement le travail. Il est très facile à utiliser avec Google Agenda (il faut télécharger un plugin supplémentaire pour Outlook mais ça a l’air de marcher aussi). Seul inconvénient : l’interface est uniquement en anglais.
On vous propose ensuite de lier un agenda, puis de choisir votre URL de calendrier. C’est l’adresse de base qui vous permettra de créer les liens de partage.
Et voilà. Vous arrivez directement sur votre tableau de bord.
Les paramètres par défaut ne sont pas mauvais mais un peu de personnalisation ne fait pas de mal. Vous pouvez par exemple créer un type d’événement qui s’appelle « Déjeuner ».
Et le personnaliser à votre guise. Notamment sur la durée moyenne de l’événement. N’oubliez surtout pas de paramétrer vos plages de disponibilités pour ce type d’événement. Par exemple pour un déjeuner ce sera plutôt des plages qui doivent s’étendre entre 11h45 et 14h30
Et…subtilité que j’ai mis un moment à découvrir : vous n’êtes pas obligé de configurer les jours un par un.
Et le tour est joué ! Une fois que vous avez pris le temps de configurer vos événements c’est fait une fois pour toutes.
Que voit mon interlocuteur ?
Vous pouvez désormais partager le lien qui vous est fourni.
Dans mon cas ça donne : https://calendly.com/nicolasgalita/dejeuner
Vous pouvez envoyer ce lien comme bon vous semble : par email, sms, fax … Et votre interlocuteur arrive sur une interface de choix :
Et voilà ! Tout le monde a l’événement dans son calendrier ! Attention : avant de partager votre lien vérifiez bien que votre calendrier est bien connecté à Calendly et que donc il est bien capable de connaître vos disponibilités.
Conclusion
Vous voici désormais armé ! Vous n’avez plus qu’à partager ce lien avec vos candidats et ils peuvent aller choisir un créneau d’entretien parmi les intervalles que vous aurez pré-configuré ! Le système n’étant limité que par votre propre créativité. On peut par exemple imaginer un système : Entretiens courts/Entretiens longs ou Entretiens soir/Entretiens matin ou encore PremierEntretien/SecondEntretien/DernierEntretien.
Dans le cadre de mon blog personnel (Dessine-Toi un Emploi) j’ai proposé un programme email : 7 jours pour maîtriser LinkedIn. Du coup j’ai été obligé de remettre mon nez à fond dans LinkedIn. Et j’ai retrouvé par hasard une fonction qui avait complètement disparue : savoir qui on a invité sur LinkedIn.
Voir qui j’ai invité
Dans l’ancienne version de LinkedIn, il suffisait d’aller dans les messages envoyés et on retrouvait dans un menu dédié les demandes envoyées. Le problème c’est que ce menu avait disparu avec le déploiement de la nouvelle interface de messagerie. Et depuis, on m’a demandé des dizaines de fois comment faire mais j’étais aussi perdu que vous. Bonne nouvelle ! J’ai retrouvé mon chemin. Le menu est enfoui de manière contre-intuitive.
Étape 1 : feignez de faire une demande de connexion. Avec n’importe qui, cela n’aura aucun impact particulier, c’est juste pour faire apparaître le menu.
Étape 2 : appuyez sur le discret menu en haut à droite
Étape 3 : et voilà ! Vous y êtes !
Annuler une invitation que je regrette
L’autre intérêt de ce menu c’est qu’il permet d’annuler les demandes. Pratique si je fais une demande que je regrette la seconde d’après. Ou une erreur de manipulation.
10 autres questions fréquentes sur LinkedIn
À force d’interagir en formation j’ai fini par identifier des questions qui reviennent tout le temps quand on débute :
À quoi sert concrètement LinkedIn ?
Comment supprimer une relation ?
Comment supprimer son compte ?
Comment visiter incognito des profils ?
Comment se connecter avec quelqu’un quand le bouton a disparu ?
Qui peut voir mes coordonnées ?
Pourquoi mon résumé est-il le seul à être tronqué ?
Pourquoi certains s’appellent « utilisateur LinkedIn » dans les recherches
En quelle langue faire mon profil ?
Ma photo de profil est-elle Bonne ?
Si vous vous posez une seule de ces questions, je vous invite à consulter le document ci-dessous :
Et si vous vous posez encore des questions…c’est peut-être le moment de jeter un oeil à #TruAcademy ;-). On traite le sujet en long, en large et en travers.
De plus en plus de personnes me demandent ce que je pense de LinkedIn Recruiter. Et puisque LinkedIn semble avoir déployé la nouvelle version (annoncée à l’automne dernier), c’est l’occasion de voir ensemble, une fois pour toutes, ce que LinkedIn Recruiter a dans le ventre.
[Ceci n’est ni un article sponsorisé, ni une incitation à acheter la licence, mais bien un test des fonctionnalités. Si vous ne savez pas quelle formule choisir entre un compte gratuit, un premium ou une licence Recruiter, je vous invite à lire cet article : quelles différences entre les comptes LinkedIn]
Vue générale
La page d’accueil se veut simple. Vous avez un premier menu : Projets / Pré-sélection / Annonces / Stats / Plus.
Le menu projets permet de retrouver l’ensemble des dossiers que l’on gère. Le projet c’est un peu l’équivalent d’un dossier sur votre ordinateur. Sauf qu’au lieu d’avoir des fichiers vous avez des profils LinkedIn à l’intérieur.
La pré-sélection est une zone tampon qui sert à y mettre des profils en attendant de les classer dans un projet. L’onglet annonces permet de créer et gérer les annonces que l’on a en « job slots » (en gros vous avez un nombre fixe d’emplacements, négocié dans votre contrat, et vous mettez les annonces que vous voulez sur cet emplacement, comme si vous aviez un panneau physique).
En ce qui concerne les stats, vous avez des statistiques sur les annonces en question.
L’autre rubrique fondamentale étant logiquement les statistiques sur les messages d’approche (InMails) envoyés :
Vous avez évidemment votre taux de retour mais également quelques données plus originales. Ici par exemple, 52% des gens qui ont répondu avaient une relation en commun avec l’expéditeur. Ce qui laisse penser qu’à message égal, les candidats ont tendance à répondre davantage quand on est dans leur réseau niveau 1 ou 2.
Enfin, c’est dans l’onglet « Plus » que vous retrouvez votre panneau de configuration.
Rien de spécial à signaler si ce n’est que vous pouvez gérer vos différentes interactions avec votre système interne de gestion de candidatures et la gestion des accès Hiring Manager sur laquelle on reviendra.
Revenons sur la page d’accueil :
Tout en haut à droite vous avez les mêmes icônes que sur la version gratuite de LinkedIn : les messages et les notifications. Mais vous en avez une en plus : la liste de tâches. C’est un menu qui vous permet d’écrire tout ce dont vous voulez vous rappeler.
Pas indispensable mais pratique !
Deux fonctions cachées importantes
LinkedIn Recruiter propose deux fonctions qui sont souvent ignorées alors qu’elles sont très utiles. L’import de candidats et les accès Hiring Manager.
L’import de candidats
Une des ambitions de LinkedIn Recruiter c’est de servir de véritable système de gestion de candidatures (ATS). Et à ce titre, LinkedIn vous permet d’y importer des candidats que vous avez obtenu autre part.
Et là où c’est extrêmement puissant c’est que, si vous connaissez l’email du candidat, LinkedIn va regarder dans sa base de profils pour voir à quel profil elle appartient. Par exemple si j’entre uniquement Nicolas Galita et nicolas.galita@gmail.com…
LinkedIn m’affiche directement tout le profil !
Et ce n’est pas tout ! On peut faire de l’import en masse. Pour ce faire, il faut que vous trouviez la fonction export de l’endroit où vous avez les candidats en question et que vous vous arrangiez pour obtenir un fichier csv ou Excel. Attention, le fichier obtenu doit obligatoirement contenir des colonnes qui s’appellent exactement Prénom, Nom, E-mail. Si vous mettez d’autres titres, LinkedIn plante.
On laisse LinkedIn mouliner et…
La magie s’opère ! J’ai essayé avec une centaine d’emails de candidats. LinkedIn a trouvé un profil correspondant dans un peu plus de 75% des cas (94 sur 122) ce qui est un ration impressionnant. Pour les autres, LinkedIn me propose de choisir entre plusieurs profils sur lesquels il doute.
Le potentiel de cette fonction est énorme : tout ce que vous avez à faire c’est d’utiliser une base de données où vous avez les prénoms, les noms et les emails pour les convertir dans Linkedin en un clic.
Les accès Hiring Manager
C’est probablement un des aspects les plus méconnus de LinkedIn Recruiter mais vous avez le droit de désigner 20 personnes comme étant vos « Hiring Manager » (c’est-à-dire vos opérationnels). L’option se trouve dans le panneau de configuration.
Une fois que quelqu’un est désigné comme étant Hiring Manager vous pouvez lui partager des projets (et donc des profils). De son côté, il a un menu « accès recruiter » qui apparaît sur son profil.
Et il peut voir les projets en question.
Avec une petite option de recherche :
Bien entendu, vous pouvez utiliser cette fonction pour collaborer avec vos managers/opérationnels. Il y a d’ailleurs une option qui lui permet de donner une première évaluation/confirmation des profils. Mais vous pouvez aussi désigner un collègue sourceur. Une fois que vous avez fait un projet, il pourra continuer le tri. Surtout qu’il y a un autre effet secondaire bénéfique génial mais qui est a priori un bug temporaire et que je ne vous décrirai donc pas en public ;-).
La recherche intelligente
Le meilleur pour la fin : le changement le plus important par rapport aux anciennes version c’est la recherche. On a maintenant une recherche totalement reliftée qui ressemble déjà plus à une interface moderne et qui se démarque beaucoup plus nettement de celle de la version gratuite.
La mécanique générale
Pour commencer, la barre de recherche est désormais intelligente et vous guide. D’abord en vous suggérant de débuter avec un intitulé de poste.
Puis avec le lieu :
Autre point essentiel du toilettage de la barre de recherche : je vois désormais en temps réel combien de candidats la recherche va renvoyer, avant même d’appuyer sur entrée. Vous vous rappelez du principe de faire respirer ses recherches sur un compte gratuit ? Ici vous en avez moins besoin, l’outil le fait pour vous. C’est un vrai confort.
Comme d’habitude, les requêtes booléennes sont les bienvenues et comme d’habitude il ne faudra pas se suffire de la première barre de recherche mais aller dans la recherche avancée.
Et c’est là qu’ont eu lieu les changements les plus énormes. Premièrement, dans le champ intitulé, oubliez le fonctionnement habituel de la majorité des moteurs de recherche : l’opérateur AND n’est plus implicite. C’est tout l’inverse : c’est l’opérateur OR qui s’exprime désormais de manière implicite.
Concrètement ça veut dire que quand je tape sur mon clavier : ingenieur,
puis que je tape sur la touche entrée,
puis que je tape : analyste
La recherche sera comprise comme ingenieur OR analyste (et non pas ingenieur AND analyste).
Par exemple sur la requête ci-dessous il faut bien lire Recruteur OR « Ressources humaines » OR « Responsable recrutement »
En résumé : la touche entrée est un OR implicite et la touche espace est un AND (mais forcément à l’intérieur de guillemets). L’opérateur OR est matérialisé par les sortes de bulles bleues claires : chaque fois qu’une bulle a une frontière : c’est un OR.
Comment faire si je veux tous les profils qui comprennent le mot responsable et le mot recrutement à la fois, mais sans que ce soit à la suite ?
Bonne question. Cela revient à se demander comment faire comprendre : responsable AND recrutement. Sans les guillemets. Et bien, sauf erreur de ma part, la seule solution est désormais de l’écrire en toutes lettres.
Autre fait important, concernant cette fois le champ Lieux, je peux faire des recherches sur plusieurs régions en même temps.
Beaucoup plus confortable que sur un compte gratuit ou même premium !
Et l’opérateur NOT dans tout ça ?
Et bien il y a désormais une manière visuelle d’exclure les mots clés.
Avec un panneau d’interdiction qui apparaît en rouge. Extrêmement pratique.
Le problème c’est que j’ai fait apparaître le menu par inadvertance mais que je n’ai aucune idée de comment j’ai fait !Si quelqu’un sait, qu’il n’hésite pas à le dire !
Notez au passage que le champ « mots-clés » n’est pas concerné par ces changements. Il n’y pas les bulles bleues et il fonctionne comme avant : il faut écrire les OR. Ce qui est intéressant c’est que LinkedIn consacre quelque chose pour lequel on milite depuis longtemps, à savoir que le champ mots-clés ne doit pas être le champ le plus important. Il est relégué au second plan.
Les champs de recherche intéressants
En plus de ce fonctionnement qu’il faut maîtriser (le plus déroutant c’est vraiment les guillemets implicites), il y a des champs qui m’ont semblé particulièrement intéressants et qui n’existent pas sur un compte gratuit. Tout d’abord un champ qui permet d’aller sourcer selon le niveau de diplômes (et surtout qui donne un aperçu du nombre de résultats potentiels).
Un champ qui permet de sourcer selon le niveau d’expérience.
Un champ qui permet de sourcer uniquement des personnes qui viennent de s’inscrire sur LinkedIn. C’est vraiment un champ avec du potentiel puisqu’on peut sourcer des gens qui n’ont probablement jamais été sourcés avant. Et qui en sont à un moment de leur vie LinkedIn où on a encore envie de répondre à tout le monde.
Et enfin, vous avez un champ pour sourcer selon la taille de l’entreprise actuelle.
Extrêmement pratique pour viser uniquement des salariés de PME (ou inversement).
Les résultats de la recherche
Un gros effort a été mené sur l’affichage des résultats qui sont maintenant présentés par onglets. D’abord l’ensemble des résultats de la recherche. Puis les gens qui ont déjà interagi avec ma page entreprise, puis ceux qui connaissent des gens dans l’entreprise et enfin ceux que j’ai déjà traité dans Recruiter.
L’onglet « s’intéressent à votre marque » est particulièrement malin ! Et LinkedIn affirme que quand on envoie un message d’approche à quelqu’un qui a déjà interagi avec sa marque, le taux de retour est deux fois supérieur ! Ce qui me semble assez logique. À utiliser sans modération.
Et ce n’est pas fini, quand on clique sur la petite flèche on découvre plein d’autres onglets possibles :
Mention particulière pour l’onglet « Personnes ciblées par vos concurrents » qui peut être incroyablement efficace s’il est mis entre de bonnes mains.
Autre option notable, vous avez une rubrique « Insights » qui permet d’obtenir des statistiques détaillées et visuelles de la population que vous ciblez (sur le modèle de LinkedIn université).
Ce qui vous permet de cartographier la population de votre recherche.
Enfin, dernière option dont je vous parlerai : l’enregistrement de la recherche. Une fois que vous êtes satisfait de votre requête vous pouvez l’enregistrer et LinkedIn se charge tout seul de vous envoyer une notification sur votre page d’accueil quand la requête obtient de nouveaux profils.
Et voilà ! J’ai couvert l’ensemble de ce que je voulais vous montrer. Il y a encore des choses intéressantes (le module InMails, le module Annonces, l’import de CV pdf, la recherche de profils similaires améliorée, etc.) mais cela surchargerait l’article. J’en ferai plutôt une vidéo sur LEDR Pro :D.
D’ici là je vous souhaite un très bon sourcing, que vous ayez ou pas la licence Recruiter !
PS : un énorme merci à l’entreprise qui a accepté de me prêter sa licence pendant 12 heureset qui se reconnaîtra. C’est grâce à elle que vous avez pu lire cet article !
Réfléchir à l’annonce est une discipline nouvelle pour moi. Mais, pour une raison que j’ignore, 2016 semble être l’année où l’on nous demande des formations sur l’annonce. Du coup, je voulais partager avec vous ce qui était ressorti de tous ces échanges, dans une série d’articles.
Commençons par le commencement. Je pense avoir découvert le secret d’une bonne annonce : l’écrire. Vraiment. Je sais : c’est décevant comme secret. Mais dans 95% des cas que j’ai observé, le seul problème de l’annonce c’était qu’elle n’avait pas été écrite par le recruteur. Il s’agit alors d’un copié-collé entrepris avec plus ou moins de succès. Et on se retrouve avec quelque chose de totalement indigeste à lire.
Mais comme je ne vais pas vous faire un article qui tient en un seul mot, parlons d’un deuxième secret : les valeurs de l’entreprise.
Commencer par le pourquoi
J’étais très sérieux sur le premier secret. Si vous n’êtes pas fermement décidé(e) à écrire vos annonces, rien de ce qui va suivre ne sera utile. C’est tout sauf une plaisanterie.
Dans une vidéo qui commence à être très connue, Simon Sinek explique qu’un message attractif doit partir du « pourquoi » pour aller vers le « comment » puis le « quoi ». Le problème c’est qu’intuitivement on fait l’inverse : on commence par le « quoi », puis on décrit le « comment » et on zappe le « pourquoi ».
Il explique alors que si Apple communiquait comme la plupart des gens voici à quoi ressembleraient leurs messages :
« Nous faisons d’excellents ordinateurs. Nous faisons en sorte qu’ils soient simples à utiliser et beaux à regarder. Vous voulez en acheter un ? »
Voici comment Apple communique vraiment :
« Tout ce que nous faisons, nous le faisons parce que nous croyons dans le renversement du statu quo. Nous croyons qu’il faut penser différemment. Comment menons-nous cette mission ? En faisant en sorte que nos produits soient simples à utiliser et beaux à regarder. Et il se trouve que l’on fait des ordinateurs. Vous voulez en acheter un ? »
Le deuxième message est plus percutant, plus inspirant, plus fidèle parce qu’il commence par le « pourquoi » au lieu de commencer par le « quoi ». Personne n’a jamais été inspiré par un « quoi ».
Pourquoi je vous parle de ça ? Parce que le « pourquoi » dans notre cas c’est notre culture, l’ensemble de nos valeurs. Et le « quoi » c’est la liste des compétences que l’on recherche. Personne n’a jamais été inspiré par une liste de compétences.
Avant d’écrire la moindre annonce il faut donc connaître les valeurs de l’entreprise. Plus facile à dire qu’à faire, je sais. Mais sans ça il est impossible de faire une annonce qui se ditingue des autres.
Comment distinguer les vraies valeurs des fausses valeurs ?
Le plus grand obstacle c’est que les valeurs sont quelque chose d’implicite et de difficilement observable quand on fait soi-même partie de la culture en question. « L’oeil ne peut pas se regarder lui-même ».
Et, malheureusement, dans beaucoup d’entreprises, les valeurs officielles contiennent une majorité de fausse valeur. Tout simplement parce qu’une valeur ça ne se décrète pas, ça se vit et ça se cultive. Du coup, par prudence, beaucoup de services marketing proposent des valeurs consensuelles pour ne fâcher personne et ne pas se tromper. Le souci c’est qu’une valeur trop consensuelle est creuse.
Par exemple, tout le monde sent bien que « l’humain », « le respect », « l’honnêteté » sont des choses creuses.
Je regarde tellement de vidéos d’Oussama Ammar que je ne sais plus dans laquelle il donne cette astuce mais c’est la meilleure que je connaisse pour distinguer les valeurs creuses des vraies. Et cette astuce c’est : « une vraie valeur c’est quelque chose dont l’opposé peut lui-même être une valeur. Quand vous inversez une vraie valeur ça donne une autre valeur ».
Si on revient à nos exemples précédents, l’opposé du « respect » n’est pas une valeur. En effet, personne ne peut clamer que sa valeur c’est « l’irrespect ». De même, l’opposé de l’honnêteté n’est pas une valeur. Personne ne se proclame malhonnête. De même, « être inhumain » n’est pas une valeur.
Si quelque chose fait consensus ça ne peut pas être votre valeur à vous. Si une valeur est totalement consensuelle c’est forcément du vent. Vous vous rappelez d’Enron ? L’entreprise qui a fait faillite à cause de ses énormes tricheries comptables ? Et bien leurs valeurs affichées étaient : La communication, le respect, l’intégrité, l’excellence.
D’ailleurs, 55% des 100 plus grandes entreprises américaines affichent l’intégrité comme valeur (source : Harvard Business Review ).
À quoi ressemble une vraie valeur ? C’est une croyance profonde qui est partagée par les membres de l’entreprise. Par exemple, une de nos valeurs est la transmission du savoir au plus grand nombre. L’opposé serait : « le savoir doit être détenu par une élite et/ou gardé pour soi». Et ce serait encore une valeur.
À un moment, une des valeurs de Facebook était : « Move fast and break things ». L’idée c’est qu’on ne peut pas innover rapidement sans casser des pots. Là encore, l’opposé fonctionne : « Soyez prudents et construisez sur des fondations solides ». D’ailleurs, je préfère que ma banque se revendique de la prudence plutôt que de la vitesse.
Je pense que vous commencez à comprendre le concept. Essayez avec ce que vous pensez être vos valeurs. Allez sur votre site corporate ou dans le guide des valeurs et tentez d’inverser chacune des valeurs pour voir si elle est concrète ou pas.
Une bonne annonce transmet vos valeurs
Malheureusement, beaucoup d’annonces sont rédigées comme on ferait une liste de courses au supermarché. C’est-à-dire en faisant une liste interminable de compétences et de pré-requis.
Or, une annonce ne peut pas être une fiche de poste. Nous avons pris l’horrible habitude de confondre annonce et fiche de poste. La fiche de poste est quelque chose de contractuel dont le but est de définir un périmiètre d’action. On ne lui demande pas d’être lisible ou captivante. Du coup, quand on copie une fiche de poste et qu’on en fait une annonce on arrive sur le pire résultat possible.
En effet, il n’y a pas de valeurs dans une fiche de poste (on en revient au problème de partir du « quoi » plutôt que du « pourquoi »). Et, pire encore, toutes les fiches de postes sont sensiblement les mêmes, pour un poste donné.
Je viens de taper « controleur de gestion annonce » et j’ai été sur la première annonce que Google m’a renvoyé (pour ne pas qu’on m’accuse d’avoir choisi volontairement la pire annonce). Voici un extrait de l’annonce :
« Vous déployez les outils nécessaires à l’analyse des performances de la filiale étrangère de l’entreprise et établissez les prévisions d’activité en matière d’objectifs de production, de budget, d’organisation et de moyens en collaboration avec les équipes opérationnelles sur place. Aussi, vous déterminez et suivez les coûts de production (flux matières, main d’œuvre, consommables, énergies…) et les prix de revient. »
Oui…en gros je vais être contrôleur de gestion quoi.
Mettre une partie de la fiche de poste n’est pas un problème en soi. Le problème c’est que la quasi-intégralité de l’annonce est une fiche de poste :
Car cela veut dire que je n’apporte rien de concret à un candidat qui lit l’annonce. Puisque tout le monde copie à peu près la même fiche de poste, il devient impossible de différencier une entreprise d’une autre, sur la base de son annonce.
Si vous copiez-collez les annonces, vous aurez des candidatures copiées-collées. Il n’y a pas de miracle. Une annonce qui part de vos valeurs et qui les retranscrit, sera forcément unique. Sans compter que ça impliquera forcément de parler du candidat non plus uniquement en termes de compétences mais également en termes de valeurs, justement. L’éternel équilibre savoir-faire/savoir-être.
C’est pour cela qu’un des plus grands pièges dans lequel on tombe c’est de vouloir copier une annonce fun ou « décalée ». Sous aucun prétexte il ne faut copier l’annonce de quelqu’un d’autre ! Surtout si vous n’êtes pas fun vous-même. L’important ce n’est pas que l’annonce soit fun, c’est qu’elle soit en accord avec la culture de l’entreprise en question.
Déjà, si vous utilisez le mot « décalée » pour parler d’une annonce c’est mauvais signe, ne la copiez surtout pas.
Car, en général, l’utilisation de ce mot est propre à des cultures très rigides et conformistes. Je suis à chaque fois surpris quand un recruteur utilise ce mot quand je lui montre une annonce. Parce que ça sous-entend qu’il y aurait un ton et une manière uniforme de faire des annonces.
D’ailleurs, je ne sais pas pourquoi, quand j’aborde ce sujet, beaucoup de gens se focalisent sur le « fun » ou le tutoiement/vouvoiement . Ce sont des points totalement secondaires (voire tertiaires) comparé à la nécessité d’écrire une annonce qui parte des valeurs.
Conclusion
Une bonne annonce est une annonce qui a été écrite. Et pour écrire une annonce il faut partir de ses valeurs, sa mission, tout ce qui explique pourquoi on fait les choses et qui nous différencie des concurrents.
Sinon, cela donne une de ces innombrables annonces qui se ressemblent toutes les unes les autres, comme dans un cauchemar orwellien moderne.
La prochaine fois, on rentrera dans des choses plus concrètes sur notamment la structuration de l’annonce ou les grands principes d’écriture. Et pour les abonné(e)s à LEDR Pro qui serait impatient(e)s, n’oubliez pas que nous vous avons déjà préparé un module entier sur le sujet.
D’ici là je vous souhaite un bon sourcing :D.
PS : Voici la première annonce que Laurent a publié. Elle est loin d’être parfaite et énormément de choses sont à redire. Il y a notamment un problème sur le traitement du féminin. MAIS au-delà des imprécisions, on sent la singularité de l’entreprise se dégager : hhttps://lecoledurecrutement.fr/on-cherche-un-superman-vendeur-chez-link-humans/
MASTERCLASS pour recruteur/ses
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