Comment trouver sa voix ? Le secret d'une écriture qui motive

Après la gestion du temps et la déclaration d’indépendance du recrutement, le réveil du recrutement s’est penché sur le sujet de l’écriture. Voici donc le replay de cette troisième édition :

Ainsi que les slides :

Le réveil du recrutement 3 – Le secret d’une écriture qui attire et motive from Nicolas Galita

 

Et c’est parti !

Le paradoxe de l’écriture

L’écriture est une discipline paradoxale. D’un côté, l’écriture est un média de communication inefficace pour transmettre sa pensée. Déjà parce qu’un seul mot résume une multitude de réalités. Quand quelqu’un aime un film et dit « j’aime ce film », il résume une palette d’émotions et de ressentis qui seront différentes d’un autre qui dirait la même phrase : « j’aime ce film ».

Ensuite, parce que certaines réalités sont dures à retranscrire en peu de mots. Si jamais vous deviez décrire mon visage à quelqu’un, vous feriez mieux de lui envoyer une photographie que de tenter de faire une description textuelle. C’est de là que vient le fameux « une image vaut mille mots ».

Certains vont même jusqu’à dire que quand on communique avec quelqu’un, les mots compteraient pour 7%. L’expression faciale compterait pour 55% et le ton de la voix compterait pour 33%. Heureusement, c’est un mythe facile à démonter. Il repose sur une étude dont le sens a été totalement dévoyé et dont l’auteur dit lui-même :

« Je suis évidemment mal à l’aise du fait que mon travail soit mal cité. Dès le début, j’ai tenté d’expliquer aux gens les limites de mes découvertes. Malheureusement, nombreux sont les praticiens parmi les « consultants image corporate » et autres « consultants en leadership » qui ont une très faible expertise psychologique »

En effet, si c’était vrai et que les mots ne comptaient que pour 7% d’une communication, on pourrait faire un discours sans jamais utiliser de mots et se faire comprendre à 93%. Absurde.

Quand on y réfléchit, même avec ses faiblesses, le texte est finalement un média de communication diablement efficace. L’écriture a un impact tellement grand qu’on fait commencer l’Histoire de l’humanité au moment de l’invention de l’écriture. « Les paroles s’envolent, les écrits restent ». Les plus grandes idées se sont transmises par des livres.

Or, l’écriture est au coeur du métier de recruteur. Entre l’art de faire un message d’approche qui suscite une réponse et celui de créer une annonce qui engendrent les bonnes candidatures. Le bon recruteur est nécessairement bon en écriture. Et pas n’importe quelle écriture : une écriture de persuasion. Le problème c’est qu’on manque de formation à l’écriture dans ce métier. Prenons les annonces : on a tendance à les copier-coller sans réfléchir et sans essayer de les écrire justement. Idem pour les messages.

Du coup, comment améliorer son écriture de persuasion ?

Le copywriting

On a de la chance : le marketing est une discipline scientifiquement plus mature que le recrutement. Et on peut se servir de son expérience qui a déjà essuyé les plâtres pour nous.

Le copywriting est la branche du marketing qui s’intéresse à l’art d’écrire pour convaincre de faire acheter. On pourrait faire tout un blog sur le sujet mais essayons de voir les concepts essentiels qu’on peut s’approprier.

Le premier c’est le modèle des 4 questions. Une écriture de vente doit toujours tenter de répondre à ces 4 questions.

1) Qu’est-ce que je propose ?
2) En quoi est-ce unique ?
3) Quelle promesse je fais au lecteur ?
4) Quelles peurs de ma cible puis-je résoudre ?

Toute la difficulté étant de réussir à répondre de manière claire et percutante. Par exemple, notre premier slogan était « Changeons le recrutement ». Il répond à la première question (bien que vaguement): on propose de changer le recrutement. En ce qui concerne la seconde (l’unicité), c’est encore plus vague. La promesse ? Le changement. Mais là encore c’est vague. Quant à la dernière question : la peur résolue serait celle de stagner dans ses pratiques.

Comment on reconnaît que notre slogan actuel est mieux écrit ? Parce que : « le recrutement mérite son école », répond bien mieux à ces 4 questions. Que propose-t-on ? De l’éducation au recrutement. En quoi est-ce unique ? On sous-entend (avec le mot « son ») que ça n’existe pas encore. Quelle est la promesse ? De militer pour qu’existe cette école. Quelles peurs je résous ? Celle du manque de valorisation du métier et de la suprématie des formations RH qui ont le quasi-monopole de l’éducation au recrutement.

L’autre chose que l’on peut retenir du copywriting c’est que le titre et la première phrase ont un impact bien plus puissant que tout le reste du texte. Pour s’en convaincre il suffit de regarder comment les journaux en quête d’audience produisent des titres aguicheurs qui ne reflètent pas toujours fidèlement le contenu de l’article. Le titre c’est ce qui va décider mon lecteur à s’attarder ou pas, à ouvrir ou pas. Si dans une annonce le titre décrit le poste en jargon interne, on est déjà mal engagé. De la même manière, dans un message d’approche, si l’objet de l’email est « opportunité professionnelle » on est également mal engagé.

Ensuite, le copywriting assume l’inefficacité du texte sur certains points. On va donc utiliser abondamment les images pour appuyer son texte. Pensez à la tête d’une publicité dans la rue ? Vous avez généralement une image en grand, avec un gros titre, puis un sous-titre.

C’est la structure de base. Et quand on y pense…dans une annonce, si je veux décrire mes locaux ou mon ambiance, je fais mieux d’utiliser une photo qu’une description textuelle.

Le dernier point qu’on retiendra c’est que l’écriture de persuasion doit être ciblée. Cette phrase, qui paraît évidente, est pourtant le piège principal dans lequel viennent mourir 95% des messages d’approche et des annonces. Attirer c’est dissuader : cibler c’est renoncer. Il est impossible d’écrire pour tout le monde. On va donc définir sa cible pour pouvoir répondre aux 4 questions pour elle. Quand on dit qu’il faut résoudre les peurs on parle bien des peurs de sa cible. On ne cherche pas à atténuer les peurs de ceux qui ne sont pas la cible, au contraire.

Comment définir sa cible ? Il existe plein de méthodes mais une des plus simples est la carte d’empathie.

Vous vous mettez dans la peau de votre cible et vous tentez de découvrir ses besoins et ses douleurs, en partant de l’environnement dans lequel elle est plongée. Un exemple (tristement) célèbre d’une cible marketing : la ménagère de moins de 50 ans.

Une fois que la cible est choisie, on est capable de créer un message qui va lui parler. Parce qu’on comprend ses motivations. À condition d’arriver à descendre de sa tour d’ivoire. L’écriture institutionnelle, froide et robotique est la plus grande ennemie de l’écriture de persuasion. Malheureusement, la plupart des annonces sont écrites avec le même ton que le Trésor Public ou les communiqués de presse du Gouvernement. Alors que le recrutement devrait être une conversation. Et, comme le rappelle le brillant manifeste des évidences :

« #3 – Les conversations entre humains sonnent de façon humaine. Elles sont menées sur un ton humain. »

Il est donc totalement contre-productif d’essayer d’écrire comme écrirait une institution. Sachant qu’en plus on est soumis à un deuxième obstacle : quand on est immergé dans sa propre culture d’entreprise on finit par utiliser des mots différents de ceux du monde externe. Il faut donc faire un effort gigantesque de traduction quand on s’adresse à un public extérieur.

« #25 – Les entreprises doivent descendre de leur Tour d’Ivoire et parler avec les personnes avec lesquelles elles espèrent instaurer une relation ».

Voici donc fini notre petit cours accéléré de copywriting. Si vous voulez aller plus loin vous avez ici : 7 techniques volées au copywriting pour améliorer vos annonces.

Les erreurs les plus courantes

Maintenant qu’on a une idée de ce qu’est l’écriture de persuasion, passons en revue les erreurs les plus courantes à éviter.

#1 La communication SNCF

On a déjà eu l’occasion d’en parler, en détails, ici. Quand la communication est floue, désincarnée et sans émotions elle n’accroche plus, elle ne fonctionne plus.

#2 Confondre longueur et concision

Il faut écrire des messages concis. C’est-à-dire des textes où il n’y a plus rien à enlever. En revanche ça ne veut pas dire qu’il faille à tout prix écrire des choses courtes. Ce sont deux choses très différentes mais qu’on confond tout le temps.

Alors que, contrairement aux idées reçues, les longs textes fonctionnent extrêmement bien, dans énormément de contextes. Parce qu’ils demandent plus d’engagement pour le lecteur, qui vous accorde vraiment son attention quand il le fait et sera enclin à faire une action (partager, cliquer, répondre) pour ne pas avoir le sentiment d’avoir passé ce temps en vain.

Il s’agit donc d’écrire des choses captivantes, peu importe la longueur. Non pas des choses courtes à tout prix. Il y a des annonces d’une demie-page qui sont plus imbuvables que 100 pages d’Harry Potter.

#3 – Confondre le ton et le talent

L’erreur de débutant la plus classique est de vouloir écrire à tout prix de manière fun. Il est vrai que beaucoup de messages funs sont bien écrits. Mais ce n’est absolument pas parce qu’il faut être fun pour bien écrire. C’est parce que quelqu’un qui essaie d’être fun fait généralement davantage d’efforts d’écriture.

De même…tutoiement ou vouvoiement ? Faux dilemme : ça dépend de votre cible. On peut faire des messages captivants en vouvoyant et des messages nuls en tutoyant.

#4 – Parler comme les autres / Se différencier comme les autres

Les deux faces d’une même pièce. Le problème de la plupart des débutants en écriture de persuasion c’est qu’ils écrivent exactement ce qu’écrivent tous les autres. Ce qui revient à dire qu’ils n’écrivent pas : ils récitent. Écrire est douloureux : il faut se faire violence, il faut travailler.

Et, dans la même logique, pour éviter d’avoir à travailler, beaucoup de débutants comprennent qu’ils doivent répondre à la seconde question du copywriting et donc écrire un texte unique, différenciant. C’est là que survient le drame. Ils vont se mettre à singer le contenu de quelqu’un d’autre. Le problème c’est qu’on arrive vite au syndrome du papa qui veut parler djeuns. Ça se voit comme le nez au milieu de la figure.

#5 – Se cacher derrière les différences individuelles

Premièrement, si votre ciblage est fait correctement, vous êtes en mesure de vous adresser à votre personne-type de manière à ce que ça résonne pour tous les lecteurs de la cible.

Ensuite, il existe de grandes règles universelles pour une écriture efficace qui ne dépend pas de la cible. Il faut donc éviter la facilité de se dire « je ne peux pas faire ça parce qu’on écrit pas comme ça à un comptable ». Tous les êtres humains préfèrent les messages bien écrits aux messages mal écrits, même les comptables. D’ailleurs il faudra qu’on m’explique pourquoi 80% des gens prennent les comptables comme exemple quand ils me font cette objection !

L’art de créer l’engagement en 4 étapes

Une fois qu’on comprend les erreurs à éviter, comment améliorer son écriture de façon à susciter de l’engagement chez ma cible ?

Étape 1 : captiver

La première chose à comprendre c’est que l’ennui est mon plus grand ennemi. La vraie opposition n’est pas entre décalé et sérieux. Ou entre fun et formel. La vraie opposition est entre ce qui est intéressant et ce qui ne l’est pas. Encore une fois : on peut écrire des choses ennuyeuses sur un ton léger. Tout comme on peut écrire des choses captivantes sur un ton très sérieux.

C’est pour ça qu’on parle d’écrire quelque chose d’unique. Parce que ce qui n’est pas unique n’est pas digne d’intérêt. Ce qui est unique draine immédiatement l’attention. C’est l’idée du livre « La vache pourpre ». Dans un champ vous ne remarquerez pas la plus belle des vaches noires et blanches. Votre attention sera immédiatement captée par la vache violette et blanche.

L’idée d’un email d’approche réussi est donc de se demander ce que la cible reçoit à longueur de journée (exemple : « opportunité professionnelle ») et d’écrire quelque chose de différent. Ce mécanisme est bien décrit dans ce cours sur l’emailing :

Dans la même logique, un des enjeux va être d’insuffler une âme au texte. Quelque chose qui frappe instantanément. Et une des astuces pour y arriver est de commencer par le pourquoi. Souvent on écrit le quoi, sans comprendre le pourquoi. C’est un des chemins les plus courants pour écrire quelque chose de fade et vide.

La différence de communication et perspective entre un ouvrier qui dit « je casse des pierres » et un autre qui dit « je bâtis une cathédrale » est immédiatement perceptible. Parce qu’il y a un quoi contre un pourquoi. Ce concept de commencer par le pourquoi est décrit plus en détail dans le Ted Talk suivant :

 

Étape 2 : se connaître

Le moyen le plus simple d’écrire quelque chose d’unique et intéressant est d’écrire avec sa propre voix. Au sens large : ça peut être la voix d’une entreprise. D’ailleurs, certaines entreprises ont une voix immédiatement reconnaissable dans leur marketing. Par exemple, dès que vous voyez des jeux de mots qui mélangent sport, fruit et boisson : vous savez que c’est Oasis.

Voici un des secrets les plus méconnus de l’écriture : il vaut mieux mal écrire avec sa voix que bien écrire avec celle d’un autre. Pour qu’on soit dans une conversation il faut que vous parliez avec votre propre voix. Si vous voulez séduire quelqu’un il sera plus touchant de lui écrire un poème vous-même, plutôt que de copier un poème de Rimbaud.

À l’échelle d’une entreprise, découvrir sa voix passe par la connaissance de sa culture. On pourrait écrire tout un article sur la culture (et d’ailleurs c’est ce qu’on a fait ici ) mais pour résumer il s’agit de découvrir ce qui rassemble les gens qui travaillent chez nous et qui ne rassemble pas ceux qui n’y travaillent pas.

La dernière partie étant la plus négligée mais la plus importante. Si vous identifiez une valeur que toutes les entreprises ont, ce n’est plus vraiment une valeur. Par exemple, vous ne pouvez pas dire que vous avez une culture de l’honnêteté. Parce que tout le monde se revendique de l’honnêteté. (Si vous voulez aller plus loin sur ce test de retournement d’une valeur c’est par ici).

Une écriture efficace s’articule donc autour de cette culture. Le luxe étant de connaître la phrase de synthèse de cette culture. Ce qu’on appelle la déclaration de mission. Par exemple, celle d’Uber a longtemps été : « Rendre le transport aussi fiable que la distribution d’eau courante ». La notre : « Le recrutement mérite son école ». La déclaration de mission est la synthèse de la raison d’être de l’entreprise. Elle explique d’ailleurs très souvent sa culture.

Étape 3 : voler aux meilleurs

Je sais : je vous ai dit de ne pas copier les autres. Mais en vérité on peut voler intelligemment. C’est-à-dire copier les bonnes pratiques sans tenter de transposer une écriture qui n’est pas la notre. Plus vous allez lire d’écritures talentueuses et plus vous allez acquérir un instinct d’écriture. Malheureusement il y a peu de ressources en français (en voici néanmoins une), mais si vous tapez « great copy » dans Google vous aurez des exemples.

Étape 4 : persuader

Enfin, si vous voulez susciter des actions avec vos textes vous aurez besoin de devenir lucide sur les mécanismes de persuasion.

« Pour persuader il faut en appeler davantage à l’intérêt qu’à l’intelligence »

La plupart des gens font la même erreur : ils essayent de convaincre uniquement avec des arguments rationnels. La triste vérité c’est que nous ne sommes pas des êtres entièrement rationnels. Combien de fois avez-vous « perdu » un débat parce que l’autre a réussi à faire rire l’auditoire ? Ou à jouer sur ses peurs ? Combien de fois avez-vous quelqu’un se convertir à une idée uniquement sur la base des faits ?

L’autre erreur qu’on fait c’est de croire qu’il existe des situations où « c’est déjà vendu ». Ce n’est jamais déjà vendu. Sortez dans la rue et essayez de donner 10€ à des gens au hasard et constatez comment c’est dur ! Morale : s’il faut faire des efforts pour persuader les gens d’accepter 10€ d’un inconnu alors il faut faire des efforts pour persuader de n’importe quoi.

Le défi de la simplicité

Mauvaise nouvelle : tout ceci ne suffira pas. Vous voilà désormais devant un nouvel obstacle, terrible. Comment faire tout ceci tout en restant simple ?

Défi #1 – La précision

Le flou est un de vos grands ennemis. Le flou est ennuyeux, le fou me fait perdre du temps au lecteur comme à moi. Une bonne écriture est celle qui sait illustrer.

Plutôt que de dire « je vous propose un baladeur numérique qui a un disque dur de stockage de 1go », on va dire « je vous propose d’avoir 1000 chansons, dans votre poche. »

Au lieu de dire « le multitâche fait perdre 28% de productivité », on va dire « le multitâche fait perdre l’équivalent d’une semaine et demie tous les mois ».

Au lieu de dire : « il gagne 12 milliards alors que son prédécesseur gagnait 5 millions », on va dire « il gagne plus de 800 000 années de SMIC alors que son prédécesseur gagnait plus de 300 années de SMIC ».

On gardera également à l’esprit une règle d’or : si vous ne pouvez pas dire quelque chose : taisez-vous. Ça ne sert à rien d’écrire « salaire attractif » si vous ne pouvez pas écrire combien. À quoi bon écrire « votre expérience m’intéresse » si vous n’écrivez pas pourquoi ? Il n’y a rien de pire que la demi-écriture. Car on est en train de meubler le vide.

À cet égard, la langue de bois est un fléau qu’il faut désapprendre. La langue de bois c’est l’art d’utiliser des mots complètement creux mais qui donnent une impression d’avoir un sens. Voici un des plus beaux échantillons de langue de bois que j’ai croisé cette année :

« Les #RH devraient s’emparer du digital, Big data, IA pour ubériser leur partie administrative et se concentre sur l’humain. Transformer l’entreprise de Business centric vers data centric est une erreur ! Le but est qu’elle devienne enfin people centric pour assurer développement, performance économique et sociale. »

On dirait que ça a du sens, votre cerveau nage et essaie de remettre du sens dans chacun des mots vides. Et vous finissez soit par croire que vous avez compris un truc, soit par penser que vous êtes bêtes. Si vous voulez apprendre comment guérir de la langue de bois, vous avez un article par ici.

Défi #2 – La clarté

Ce qui se pense clairement s’énonce clairement. Vous avez donc tout à gagner à vous exprimer le plus clairement (et donc le plus radicalement) possible. Déjà qu’il est dur se faire comprendre à travers les interprétations, il est inutile de se rajouter une difficulté supplémentaire. Le but est donc de dire les choses le plus clairement et le plus simplement possible.

(Si vous voulez vous muscler sur le sujet vous avez cette conférence : )

L’autre discipline à obtenir c’est une exigence implacable envers soi-même. Si les autres ne comprennent pas ce que j’écris, c’est mon écriture le problème. Si les autres me posent toujours la même question ce n’est pas que les autres sont trop bêtes pour comprendre : c’est que c’est mal écrit.

Défi 3 – Mieux écrire qu’un robot

On a déjà eu l’occasion d’en parler ici : Les robots vont-ils remplacer les recruteurs ?

Malheureusement, beaucoup de messages ne sont pas mieux écrits que ce que pourrait écrire un robot. On en revient au concept clé du début :

« #3 – Les conversations entre humains sonnent de façon humaine. Elles sont menées sur un ton humain. »

Sinon, le creux répond au creux, le rien répond au rien. Aux annonces copiées-collées répondent des lettres de motivation copiées-collées.

Partir de l’autre

Nous sommes presque au bout de nos peines. La dernière chose à maîtriser pour une écriture de persuasion efficace est de réussir à sortir de son égocentrisme naturel.

Si vous voulez persuader quelqu’un vous devez partir de sa réalité et non pas de la votre. Si vous voulez intéresser quelqu’un que vous abordez vous devez vous intéresser à la personne avant d’essayer de lui vendre votre produit (que ça soit un tapis ou un emploi).

Un des flops marketing les plus connus est celui du cigarettier RJ Reynolds (Camel). En 1988, ils commercialisent une cigarette sans fumée.

Problème ? Ils sont partis d’une idée qui venaient d’eux-mêmes, sans se poser la questions de ce que leur cible voulait. Or, quel intérêt pour un fumeur d’acheter une cigarette sans fumée ? Rappelons qu’en 1988, on peut encore fumer librement dans les entreprise et même dans le métro. Quant aux non-fumeurs, ils ne vont pas acheter des cigarettes pour les fumeurs.

Si vous ne partez pas de la réalité de l’autre pour le persuader, c’est déjà compromis. C’est pour cela que si vous voulez débattre avec quelqu’un du bord politique opposé, il vaut mieux lui parler dans le langage de ses valeurs et non pas des vôtres.

« Les gens ne comprennent les choses que dans le langage de leur propre expérience. Ce qui veut dire que vous devez vous introduire dans cette expérience. Si vous essayez de véhiculer vos idées aux autres sans écouter ce qu’ils ont à vous dire, vous êtes condamnés à l’échec »

On dit souvent qu’il faut raconter des histoires. C’est vrai. Mais le but ultime c’est de faire en sorte que les gens se racontent eux-mêmes l’histoire. L’idée c’est de réussir à raconter quelque chose qui résonne immédiatement avec leur propre expérience. Pourquoi on aime autant faire le parallèle entre la drague et l’approche dans le recrutement ? Parce que tout le monde a déjà expérimenté la drague dans sa vie.

Ce qui est magique, c’est que si vous partez sérieusement de l’autre vous finissez toujours par débloquer leur sérum de parole. C’est-à-dire un sujet qui les fait parler spontanément. Les gens sont par exemple souvent contents de discuter de leurs projets professionnels.

Dans un registre très différents, quand je cherchais un appartement, pour sympathiser avec les agents je posais toujours la même question dont j’avais découvert le potentiel « sérum de parole » :

« Ce n’est pas trop dur pour vous depuis la nouvelle loi Allur ? Vous arrivez à rester rentables ? »

Et c’était parti pour une minute de plaintes, que j’écoutais avec empathie.

Conclusion

Si vous ne deviez retenir qu’une seule chose c’est que l’écriture de persuasion est une conversation. Le recrutement est une conversation. D’ailleurs à l’oral on sait généralement le faire. J’ai rarement vu un recruteur accueillir quelqu’un en entretien en lui parlant en langue de bois : « Bonjour, actuellement en instance de m’asseoir sur cette chaise quadripède, je me permets de vous proposer d’en faire de même sur votre propre chaise quadripède. Merci de bien vouloir me notifier quand c’est fait ».

Faire l’effort d’écrire c’est donc retrouver ce talent de conversation qu’on a tous à l’oral et le transposer à l’écrit (avec évidemment les règles de l’écrit). Or, qui dit conversation dit interlocuteur. Il faut donc que je sache à qui je parle, pourquoi je lui parle et surtout…que je l’écoute. C’est la différence entre un monologue et un dialogue. Beaucoup de messages d’approche sont malheureusement des monologues. Beaucoup d’annonces sont malheureusement des monologues.

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