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Naviguer dans le chaos d’un redressement judiciaire | Épisode 1

11 minutes de lecture

Prologue

Quand LEDR est entré en redressement judiciaire le 25 juin 2025, j’ai ressenti un mélange étrange : la peur du vide et le soulagement d’avoir enfin mis un mot sur la situation.

Depuis des mois, j’ai cherché des témoignages d’autres entrepreneurs. Peu en parlent, encore moins s’en sortent. Alors j’ai décidé d’écrire, pour ne pas oublier. Pour laisser une trace. Pour que d’autres, peut-être, se sentent moins seuls. Et pour vider ma tête de questions inutiles pour me concentrer sur les réponses à apporter.

Ce que tu t’apprêtes à lire, c’est une lucarne sur les événements qui se sont déroulés depuis l’été 2024, le début des difficultés  jusqu’au 3 septembre, l’audience intermédiaire au Tribunal de Commerce.

Maintenant, si je choisis ce moment pour t’en parler, c’est que souvent, si on ne manque pas de mots, il manque la manière pour les partager. J’ai trouvé que partager mon journal de bord était la meilleure façon de le faire. 

J’ai écrit cela avec mes mots et mon ressenti.

Ce n’est pas parfait mais tout ce que tu liras ici est vrai.


La descente

Été 2024

Tout a commencé par une petite alerte début juillet : les ventes baissent.

On creuse les chiffres, on décortique les performances, on met les commerciaux face aux équations du réel. Et l’équation est implacable : trop de salaires pour pas assez de CA.

C’est la première fois que je sens un vrai décalage, ce vertige où tu te dis : quelque chose ne tient plus.

Puis, l’été, la trésorerie se vide brutalement. Chaque jour devient une équation impossible : comment payer tout le monde alors que les entrées fondent comme neige au soleil ?

Je me surprends à envoyer un mail à l’URSSAF pour demander un étalement. Premier acte de survie.

Septembre – Décembre 2024

Je dois trancher : un commercial en moins. Je signe une rupture conventionnelle pour octobre avec Romaric. J’ai la gorge nouée. L’équipe est choquée et accuse le coup. Mais elle comprend.

Maintenant, l’objectif est de faire autant mais avec une équipe amoindrie. Aucun problème. Son binôme se montre confiant sur sa capacité à absorber l’activité supplémentaire. Il n’est pas à 100%

C’est un choc pour moi : je découvre que j’ai des gens sous-occupés au commerce et j’ignore depuis quand.

Mais le pari est réussi : le départ d’un des commerciaux n’a aucun effet sur l’activité. Elle est absorbée intégralement par l’équipe sans souci majeur. 

La situation ne s’arrange pas forcément. Le marché du recrutement se prend -17%, nous on frôle les -25%

Ceci dit, on reprend les paiements URSSAF.


2025, l’année des décisions difficiles

Janvier

Jennifer, notre responsable event quitte LEDR. Aucune surprise, c’était prévu depuis septembre. Elle nous avait dit avoir fait le tour à LEDR et voulait un autre défi. Elle était restée en attendant de trouver sa prochaine destination.

Dans le même temps, on finalise le recrutement d’Axelle.

Thomas, Directeur Commercial annonce également son envie de s’essayer à autre chose. Il partira en avril, le temps laissé à la transmission des tâches. Il ne sera pas remplacé. L’équipe commerciale n’est plus que de 3 personnes et, j’en reprends la direction.

Avec ces départs annoncés, y a plus le choix : il faut réorganiser l’équipe business mais surtout optimiser la performance. L’accent est mis sur les webinars de vente et sur la spécialisation commerciale.

Et toujours ce calcul obsessionnel : combien coûte, combien rapporte.

Car, même si ces départs réduisent la masse salariale, l’effet n’est pas immédiat sur nos charges. En effet, il ne faut pas oublier les indemnités de rupture qui viennent grignoter notre trésorerie.

Février

La transformation de l’organisation a du mal à donner des résultats immédiats. Il faut réviser les objectifs à la baisse et espérer que ça passe au niveau de la trésorerie.

En effet, on n’a le droit à aucun découvert. Si nous sommes en négatif sur nos comptes, on passe en cessation de paiement et c’est liquidation directe. Je surveille les comptes comme le lait sur un feu vif.

En attendant, il faut continuer à réduire les coûts : on veut se séparer de nos locaux que nous sous-exploitons.

Problème : nous sommes engagés jusqu’à novembre 2026 et cela représente 100K€ de charges annuelles.

Il nous faut un repreneur. L’agent immobilier est sur le coup.

Je tente également de négocier avec la banque. Refus net.

Note à moi-même : penser à changer de banque.

Mars

Premier bilan et il n’est pas bon.

Nos revenus dévissent complètement. 

Je m’entoure de mon club d’entrepreneurs. Ils me donnent de précieux conseils : 

– Le plan A ne fonctionne jamais

– Envisage toujours le pire scénario

– C’est dur mais ça va aller

Du coup, je dois lancer des licenciements ou des départs volontaires. 2 personnes a minima.

Je décide d’entrer en conciliation pour renégocier les dettes. 

Avril

On recrée des dettes URSSAF et TVA tout en négociant avec des banques qui jouent la montre. C’est insupportable.

Nicolas officialise son départ en interne. Cela fait un moment qu’il voulait partir pour s’occuper d’autres choses que de recrutement. Mais il était resté par loyauté. 

Ceci dit, son départ n’est pas forcément une bonne nouvelle. On n’a pas l’argent pour lui payer ses indemnités.

Et toujours pas de repreneur pour les locaux.

Le stressomètre est au max et il ne pouvait pas aller plus haut.

Enfin, c’est ce que je croyais.

Mai

ALERTE ROUGE 🚨

Notre Chiffre d’Affaires est à l’agonie. À ce rythme, on aura juste de quoi payer 6 salaires sur les 13 que comptent LEDR.

Faut se séparer de 7 personnes d’un coup pour retrouver un certain pouvoir et flexibilité sur la masse salariale. Certaines fonctions pourront être externalisées (comme le dev et la formation) si besoin.

Mais, je n’ai pas de trésorerie pour payer les indemnités ni le droit à aucun découvert.

Le Redressement Judiciaire est inévitable afin de financer ce plan social par l’AGS soit le Fond de Garantie des Salaires. J’en informe l’équipe. J’encaisse leurs réactions, entre colère, tristesse, impuissance. Puis la mienne, que je dois enfouir.

Finalement tout le monde accepte et comprend la décision. 

Puis, je prends chaque personne de l’équipe pour leur annoncer soit leur licenciement soit pour leur demander s’ils veulent continuer malgré le contexte inédit dans lequel on se trouve.


Juin – Le redressement

On dépose le dossier le 6 juin 2025 à 10H.

L’audience est prévue le 25 juin 2025.

Pendant ce temps, la boîte doit tourner avec la moitié de l’équipe qui attend son licenciement économique (Note : il sera effectif plus de 3 mois plus tard)

Chacun fait comme il l’entend pour vivre la situation : se mettre en repos, continuer jusqu’au bout.

Une petite éclaircie dans la tempête : un repreneur est intéressé par les locaux et son dossier est validé par le bailleur. On va pouvoir quitter les locaux fin juillet.

Puis, arrive le 25 juin.

25 Juin 2025

Audience. 6 minutes. C’est terminé.

Ce fut rapide. Heureusement. Ce n’est clairement pas un endroit accueillant. Tout pue ici le stress et les mauvaises nouvelles.

Verdict : le redressement judiciaire est accordé avec une période d’observation de six mois et une audience intermédiaire à 3 mois. On devrait se revoir en septembre une fois le plan de réduction des charges et de redressement mis à exécution.

Je ressors lessivée mais debout. LEDR n’est pas mort ce soir. La stratégie de redressement est lancée.


Juillet – L’Opération Survie

Les banques d’un monde qui change gèlent nos comptes dès l’officialisation du verdict. On ne peut plus rien utiliser.

Il faut recréer en catastrophe des comptes dans des banques spécialisées.

En attendant, pas de Carte Bleue. Je dois payer avec la mienne les dépenses courantes.

On n’est pas tiré d’affaires.

Il nous manque 20K€ de trésorerie pour passer l’été. 

Je le rappelle, on n’a aucun découvert.

Si on signe 1M€ au mois d’août mais qu’on est à découvert au mois de juillet, c’est le même résultat : c’en est fini de LEDR.

Puis, nous sommes dans la période la plus calme de l’année en termes d’activité : l’été.

Mais, vient l’idée 💡

Mohamed imagine l’offre ZÉRO EXCUSE.

Il y a deux objectifs derrière cette offre.

Le premier, évident, refaire notre trésorerie car le paiement se fait par CB.

Le second, moins évident, est de se dire que si on meurt, autant mourir avec panache.

Notamment en permettant au maximum de gens qui n’avaient jamais pu passer à l’action pour X ou Y raison de profiter de notre formation avant qu’on disparaisse totalement.

Alors, on la configure en 3 jours de A à Z avec La Coupe de France du Recrutement en plein milieu.

Tout est lancé à 12H15 en plein LIVE de débrief de la CFDR alors que rien n’est encore prêt à 12H14.

On écrase l’objectif de 80. On termine à 270 ventes.

LEDR PASSERA L’ÉTÉ


Août – Entre soupirs et sursauts

Je pars en “”vacances””. Du moins, je change d’air en sortant de la routine parisienne.

L’avantage d’avoir des enfants dans ces périodes-là : eux s’en foutent de la situation de ta boîte. Ils me ramènent vite à des réalités et des bonheurs simples.

Les entretiens pour les licenciements débutent.

Oui, un mois après car, il faut que les dossiers soient légalement irréprochables. Chaque jour compte mais en pleine période de congés, tout tourne au ralenti.

Les entretiens ont lieu en visio avec l’administratrice judiciaire. Sans moi. Je me sens impuissante en tant que dirigeante d’autant plus que je ne sais pas comment est vécue cette étape par l’équipe.

Maintenant, le travail paye. On a réduit considérablement les charges, les ventes repartent. Notre mois de juillet est bon et notre mois d’août aussi.

Je peux enfin couper véritablement une semaine.

Mais juste une semaine.

Le temps de recevoir la convocation du Tribunal du Commerce pour faire le point sur nos progrès. Elle aura lieu le 3 septembre après-midi. À peine plus de 2 mois après.


3 Septembre 2025 – La reconnaissance

Il est 14H15. Aucun retard. Ce sera rapide.

Accompagnée de l’administratrice judiciaire et du mandataire judiciaire, je n’ouvre pas la bouche sinon pour dire “bonjour”. 

L’administratrice salue le travail réalisé ces 2 derniers mois et rend donc un avis favorable. Le mandataire abonde dans son sens.

Le Président du jury me demande si je suis contente. Je suis étonnée de cette question mais répond avec mon plus beau sourire.

Puis, il reprend avec une phrase qui m’a marqué : 

Madame la Présidente Directrice Générale, je vous félicite pour la quantité et la qualité de travail réalisé en si peu de temps. Le tribunal est favorable à la poursuite de la période d’observation, et je suis confiant pour votre avenir.

Je me concentre pour ne pas exploser de joie. On se félicite dans les couloirs et on se donne RDV en décembre.

Je ressors plus légère de ce tribunal. Comme si j’avais laissé tombé un poids incalculable de stress, de nuits blanches, d’interrogations …

Je suis fière de ce qu’on a accompli collectivement mais aussi fière de moi.

Une bataille gagnée, maintenant il faut terminer la guerre.

L’Ecole du Recrutement va revenir transformée. Moi, je reviens déterminée.

LA SUITE DANS L’EPISODE 2 [Abonne-toi pour être au courant de la suite ICI]

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