Pour faire un bon entretien de recrutement, il faut choisir les bonnes questions d’entretien. Tout part de là.
Sans bonnes questions, il est presque impossible d‘évaluer efficacement.
Et quand on met en place des entretiens structurés, c’est encore plus essentiel. Pourquoi ?
Parce que dans cette approche, on pose exactement les mêmes questions à tous les candidats pour un même poste.
Le choix des questions devient alors capital. Si tu choisis les mauvaises questions d’entretien, toute ton évaluation part à la poubelle.
On me demande souvent en formation : « Aurélien, est-ce qu’il existe une liste toute faite de questions, un peu comme un guide qu’on pourrait réutiliser partout, pour tous les postes ? »
Ce serait pratique, non ? Une sorte de trame universelle, rassurante, applicable en toutes circonstances.
Malheureusement, la liste parfaite de questions n’existe pas.
Chaque poste, chaque environnement, chaque culture d’entreprise implique des critères différents. Et donc des questions différentes.
Vouloir appliquer les mêmes questions à des postes très différents, c’est comme vouloir soigner toutes les maladies avec le même médicament. Ça serait super de pouvoir le faire, mais en réalité c’est totalement inefficace.
Un bon entretien structuré, ce n’est pas une checklist qu’on copie-colle. C’est une construction sur mesure. Une grille de questions pensée pour un besoin bien précis, qui vise à évaluer des critères spécifiques qu’on a soigneusement définis en amont.
La bonne question à se poser, ce n’est pas « quelle est la meilleure question en général ? », mais plutôt :
Quels comportements, quelles compétences, quels savoirs ai-je besoin d’observer pour ce poste, dans mon contexte, et quelles questions je peux poser pour que mes candidats me les partagent?
Et croyez-moi, il y a une vraie différence entre les questions qui vous aident à avancer dans l’évaluation et celles qui vous égarent. C’est justement pour ça que j’ai voulu écrire cet article.
Pour vous aider à distinguer les questions d’entretien vraiment utiles de celles qu’il vaut mieux éviter.
Car même avec les meilleures intentions, on tombe souvent dans des travers : on réutilise des questions vues sur LinkedIn, entendues dans d’autres boîtes, glanées sur Internet, sans vraiment les remettre en question.
Et parfois, ces questions font plus de mal que de bien. Elles donnent une impression de professionnalisme, mais ne permettent pas d’évaluer quoi que ce soit de solide.
Alors, avant de plonger dans le détail de ce qu’il faut utiliser ou écarter, on va d’abord prendre le temps de bien poser les bases. Car pour savoir ce qu’est une « bonne » question d’entretien, il faut comprendre les critères qui la rendent efficace.
Les caractéristiques d’une bonne question

Photo de Tingey Injury Law Firm sur Unsplash
Première règle d’or : une bonne question est liée au poste. Et mieux encore, elle est liée à un critère d’évaluation qu’on a défini pour ce poste. Poser une question juste parce qu’elle semble « intéressante » ou « logique » n’a aucun sens si elle ne renvoie pas à un critère concret qu’on veut vérifier. Il faut pouvoir dire clairement : « Cette question m’aide à évaluer le critère X, indispensable pour ce poste. »
Deuxième critère : la question doit permettre de recueillir des informations utiles pour notre évaluation. Cela veut dire que la réponse apportée par le candidat doit contenir des éléments exploitables pour juger s’il correspond ou non aux attentes. Il ne faut pas que le candidat parte dans tous les sens ou parle de choses qui n’ont rien à voir avec le critère qu’on cherche à évaluer. Il faut rester focalisé sur ce qu’on cherche à évaluer. Si notre question amène une réponse floue ou trop générale, c’est qu‘elle est mal formulée.
Troisième point : la question doit pouvoir être posée à tous les candidats, peu importe leur parcours. C’est un peu comme l’épreuve du permis de conduire : peu importe la personne qui monte dans la voiture, tout le monde doit réussir à faire les mêmes manoeuvres. On oublie le CV comme fil rouge de l’entretien, notre nouvelle boussole ce sont les critères qu’on cherche à évaluer.
Quatrième élément : elle doit permettre de faire la différence entre les candidats. C’est-à-dire que, même avant de poser la question, on doit être capable de définir ce qu’est une bonne réponse, une réponse moyenne, une réponse faible. On devrait pouvoir créer une grille d’évaluation pour chaque question. Si ce n’est pas faisable, posez-vous la question de sa pertinence. Une bonne question doit générer des réponses qui varient en qualité, pas des réponses interchangeables.
Et enfin, il y a le piège de la désirabilité sociale. Une bonne question ne doit pas inciter les candidats à répondre ce qu’ils pensent que vous voulez entendre. Parce que ça, c’est le meilleur moyen de biaiser l’entretien. Ce qu’on veut, c’est une réponse sincère, réelle, pas une réponse toute faite.
Maintenant qu’on a ce cadre en tête, regardons ensemble les questions qu’il vaut mieux ne pas poser.
Les questions d’entretien à éviter

Photo de Hadija sur Unsplash
Il existe trois grandes catégories de questions qu’on devrait éviter si on veut sérieusement améliorer la qualité de nos entretiens. Ce ne sont pas forcément des questions mauvaises en soi, mais elles ne sont pas adaptées à un cadre d’évaluation structuré, rigoureux et prédictif.
1. Les brain teasers
Ces petites énigmes logiques ont eu leur heure de gloire, popularisées par Google ou les cabinets de conseil comme McKinsey. Du style : « Combien de balles de ping-pong dans un Boeing 747 ? » ou « Combien de boulangeries à Paris ? »
L’idée derrière, c’était de tester le raisonnement. Sauf que… ça ne marche pas. Les équipes de Google ont arrêté de les utiliser après avoir constaté qu’elles n’étaient pas du tout prédictives de la performance en poste.
Et si on reprend nos critères : ces questions ne sont liées à aucun critère du poste. Elles impressionnent peut-être, mais n’apportent rien de concret pour évaluer.
2. Les questions sur les motivations, objectifs ou loisirs
Elles sont très répandues. Vous les connaissez : « Quels sont vos loisirs ? », « Pourquoi voulez-vous ce poste ? », « Où vous voyez-vous dans cinq ans ? »
Le problème ici, c’est que ces questions ouvrent grand la porte à la réponse bateau. Le candidat va chercher à vous faire plaisir. Il va sélectionner des loisirs « acceptables socialement », valorisants. Il va vous servir un discours bien calibré sur son avenir professionnel. Mais est-ce qu’on apprend vraiment quelque chose de fiable sur ses compétences ? Pas sûr.
Et au final, on risque de récompenser ceux qui ont les meilleurs discours, et non les meilleurs profils. Les meilleurs candidats, pas les meilleurs professionnels.
Et en plus, c’est très difficile de dire objectivement ce qui est une bonne ou mauvaise réponse. Ce sont ses loisirs, son projet personnel. Ici ce n’est pas de l’évaluation qu’on fait, c’est du jugement.
3. Les questions d’auto-évaluation
“Comment évaluez-vous votre capacité à gérer le stress ? », « Est-ce que vous vous considérez comme un bon commercial ? »
Le problème ici, c’est la fiabilité des réponses. Ce n’est pas parce que quelqu’un se juge compétent qu’il l’est vraiment. Les gens peuvent surestimer(ou sous-estimer) leurs capacités.
Et donc, en tant que recruteur, on ne peut pas s’appuyer sur ces réponses pour prédire la performance future. Le risque, c’est de confondre confiance en soi et compétence réelle.
Tu veux d’autres exemples de mauvaises questions ? Nicolas avait pris le temps d’expliquer pourquoi “Parlez-moi de vous”, “Quels sont vos défauts” et “Que connaissez-vous de nous” sont des questions à bannir dans cet article.
Alors, si ces questions ne marchent pas, vers quoi se tourner ? On y vient.
Les 3 grands types de question à utiliser

Photo de Emily Morter sur Unsplash
Trois types de questions se démarquent très clairement, parce qu’ils reposent sur des éléments prédictifs de la performance :
1. Les questions comportementales passées
On demande au candidat de nous raconter une expérience précise qu’il a déjà vécue. « Racontez-moi une fois où vous avez géré un conflit au travail. »
On cible une situation qu’on sait être critique pour le poste, et on regarde ce que le candidat a réellement fait.
Ces questions sont particulièrement efficaces car le comportement passé est l’un des meilleurs indicateurs de comportement futur.
Pour pouvoir évaluer efficacement tes candidats il est essentiel de creuser ses réponses : « Comment avez-vous réagi ? Quelles actions avez-vous prises ? Quels ont été les résultats ? »
2. Les questions comportementales futures(ou situationnelles)
Là, on met le candidat dans une situation fictive mais plausible. « Imaginez qu’un client vous interpelle violemment car il n’est pas content de son achat. Que faites-vous ? »
On ne parle plus du passé, mais de l’intention d’action. Ce que le candidat pense faire dans une situation donnée. Et les recherches montrent qu’on peut se fier assez solidement à ces intentions pour prévoir les comportements à venir.
C’est particulièrement utile pour des profils juniors ou en reconversion, qui n’ont pas toujours d’expériences passées directement comparables. Ou pour un profil expérimenté qui ne trouverait pas d’idée de réponse à une question comportementale passée.
3. Les questions de connaissance
Ici, on va tester des savoirs techniques ou spécifiques au poste. « Expliquez-moi la fonction VLOOKUP dans Excel. » Ou encore : « Comment construire un tableau croisé dynamique dans Excel ? »
On peut même combiner avec des questions comportementales : « Racontez-moi une fois où votre anglais vous a permis de gérer une situation difficile. »
Cette approche permet de valider à la fois la maîtrise théorique et la capacité à l’appliquer dans un contexte réel.
Tout cela permet d’évaluer non seulement les connaissances, mais aussi leur mise en application.
Savoir quel type de question est le plus efficace, c’est bien. Savoir comment les rédiger, c’est encore mieux. Et pour y arriver, tu vas devoir t’appuyer sur un élément clé.
L’élément clé pour pouvoir rédiger les bonnes questions

Ce sont les incidents critiques.
On demande à un manager de nous décrire une situation concrète où quelqu’un a brillamment réussi une tâche… ou complètement échoué. L’idée, c’est de collecter ces anecdotes où le comportement du collaborateur a fait toute la différence.
Ce sont ces situations qu’on va transformer en questions. Et plus on en récolte, plus on affine notre compréhension des critères de réussite sur le poste.
Par exemple, si on apprend que les meilleurs vendeurs savent très bien accompagner les clients indécis en boutique, on peut poser une question comme :
- « Racontez-moi une fois où un client ne savait pas trop ce qu’il cherchait. Qu’avez-vous fait ? »
Ou en version situationnelle :
- « Imaginez qu’un client vient vers vous, perdu dans le rayon, et vous dit : ‘Je cherche une machine à laver, mais je ne sais pas trop quoi choisir.’ Que faites-vous ? »
Ces situations viennent directement du terrain. Elles sont donc éminemment pertinentes. Et puisqu’on connaît les réponses des meilleurs performeurs, on peut même s’en servir pour créer nos grilles de correction.
C’est là que la boucle est bouclée : les incidents critiques nourrissent les critères, qui eux-mêmes nourrissent les questions, et les grilles de notation.
Donc, la prochaine fois que vous préparez une grille d’entretien, demandez-vous :
- Est-ce que j’ai bien listé les critères clés du poste ?
- Est-ce que mes questions permettent de les évaluer directement ?
- Est-ce que je peux m’appuyer sur des situations concrètes(incidents critiques) pour construire mes questions ?
Si la réponse est oui, vous êtes sur le bon chemin.
Construire une trame d’entretien, ce n’est pas juste faire une liste de questions. C’est choisir les questions les plus efficaces pour évaluer les critères de notre poste.
Les commentaires