C’est un sujet qui m’obsède depuis des années car c’est un élément clé de la réussite des recrutements dans l’entreprise.
Comment le recruteur doit se positionner face au manager qui cherche à recruter ? Doit-il être un béni-oui-oui ou dire non à tout ? Comment doit-il se comporter face à certaines demandes ?
Cette relation est vraiment clé pour tout le reste… sans cette relation et la posture qui va avec toutes les questions de sourcing ou même d’évaluation deviennent obsolètes.
Vous pourrez présenter les meilleurs candidats, si vous n’avez pas la confiance ou la relation avec le manager, cela ne pourra pas fonctionner.
Du coup, je me suis lancé dans la création d’un module dédié sur la posture des recruteurs sur LEDR Pro avec l’aide de Jean-Marie Caillaud. Voici donc le résultat de notre travail.
Ne négligez jamais cette partie souvent informelle de votre métier car elle est clé et vous pouvez jeter toute technicité à la poubelle si vous n’adoptez pas une « bonne posture ».
Pour information, j’utilise indifféremment le terme « Manager » ou « opérationnel » dans toute ma présentation.
Sans bonne posture, pas de recrutement possible
Le recrutement est souvent considéré comme une mission subalterne par les managers et opérationnels (même si cette image évolue pas mal à mon sens). La posture du recruteur dans ce contexte est clé car elle va permettre de montrer que vous êtes indispensable dans une partie stratégique : trouver les bonnes personnes pour son équipe.
La bonne posture avec le manager vous permettra ainsi de l’aider, de l’accompagner, de le conseiller pour mieux trouver la personne qu’il lui faut (et dont l’entreprise a besoin).
Cet élément est un facteur clé de réussite et non pas le sourcing ou même l’évaluation. Ma position est radicale mais cette posture fera clairement la différence sur la durée.
Beaucoup se concentreront sur les aspects techniques du métier mais oublieront d’ouvrir la porte du bureau du manager et lui poser la question simple : Comment vas-tu aujourd’hui ?
C’est le manager qui validera vos candidats et qui finira par les choisir. Si vous ne prenez pas le temps de réfléchir à votre posture, vous passez à côté de l’essentiel de ce qui fait la réussite de votre poste.
Je n’ai pas d’explication plus claire et c’est pour ça que le sujet m’obsède depuis des années. Oui on vous parle d’outils, d’évaluation mais au final, les invariants du recrutement sont beaucoup plus importants.
La posture est un invariant.
Regardez pourquoi certains recruteurs réussissent mieux que d’autres et vous découvrirez qu’ils ont un talent pour gérer leur relation avec leur client interne ou externe d’ailleurs (tout ce que je dis peut s’appliquer aussi aux clients des recruteurs en cabinets).
Du coup, avec Jean-Marie nous avons découpé notre cours en plusieurs parties mais je vais ici vous synthétiser les éléments clés. Pour commencer, il n’y a pas de posture si il n’y a pas de relation.
Créer et gérer la relation
Vous connaissez la PNL (Programmation neuro-linguistique) ? Je vais m’appuyer sur l’image du tuyau pour vous faire comprendre ici l’importance de la relation.
Grosso modo, la communication est composée d’un tuyau et d’un contenu qui passe dans le tuyau. Le tuyau est la relation et ce qui passe au milieu (le contenu) est le message.
Moins la relation est bonne, plus le tuyau est étroit et moins le message passe, quelque soit la qualité du message.
C’est exactement la même chose en recrutement et dans votre relation avec le manager. Si vous ne prenez pas le temps de la relation avec votre opérationnel, vous pourrez lui envoyer les meilleurs candidats, ça ne suffira pas.
Du coup, il faut instaurer une relation basée sur les échanges et la transparence pour créer la confiance sur la durée. Si votre manager vous fait confiance, c’est gagné ! Vous pourrez construire un processus de recrutement harmonieux avec lui.
Et c’est l’informel qui vous permettra de créer cette relation. Que se soit autour de la machine à café ou même le rencontrer pour lui poser des questions sur son métier, vous devez créer des moments de rencontre. Sortez de votre bureau pour faire simple.
Chaque moment de rencontre en équipe ou individuelle sera l’occasion pour vous de lui poser des questions et de comprendre ce qu’il fait.
Les plus mauvais recruteurs sont souvent ceux qui ne prennent même pas le temps de s’intéresser aux métiers pour lesquels ils recrutent.
Si votre manager n’aime pas l’informel, proposez lui alors un moment formel (un RDV quoi) pour échanger sur son métier et lui dire que ça servira pour ses prochains recrutements.
Dans tous les cas, chaque étape du processus du recrutement sera une opportunité pour approfondir votre relation avec l’opérationnel.
La 1ère règle est la communication à toutes les étapes, tenez le au courant (par mail, par téléphone mais c’est la régularité qui prime) ! La 2e règle est de toujours essayer d’obtenir des validations à toutes les étapes. Il valide le descriptif de poste, il valide les critères pour la recherche de candidats. Plus vous obtiendrez de Oui, plus il sera engagé avec vous. Si il valide avec vous, vous l’impliquez avec vous.
Cette relation sera construite sur des échanges réguliers, des feedbacks mais aussi un vrai travail de fond pour l’aider et l’accompagner.
Écouter, challenger et accompagner
Comme je l’ai déjà expliqué dans l’article, Un bon recruteur doit savoir se taire, vous allez beaucoup utiliser les techniques de l’écoute active pour travailler avec votre manager.
Vos outils seront donc : la reformulation, le recadrage et l’écoute active avec questionnement ouvert.
Du coup, j’ai dégagé pour vous 3 postures clés pour travailler avec le manager :
1) Écouter
Écouter est simplement l’étape la plus importante. Il ne s’agit pas d’écouter bêtement mais suffisamment bien pour comprendre ce qu’il veut exactement. Vous le remarquerez souvent mais les managers ne savent souvent pas ce qu’ils veulent eux-mêmes !!
Écouter c’est prendre le temps aussi d’aller à sa rencontre et d’avoir une posture d’ouverture.
2) Challenger
Challenger c’est ne pas se contenter d’une réponse mais la creuser, l’interroger la comprendre avec un questionnement. Il veut tel type de personne. Pourquoi spécifiquement ? Il veut recruter ce candidat. Pourquoi ? Quels sont les éléments factuels ?
Il ne s’agit pas d’avoir une position agressive mais bien ouverte et de creuser pour avoir du factuel et des informations. Vous ne pouvez pas subir la situation mais vraiment creuser.
La plupart des jeunes recruteurs se contenteront de hocher la tête face à une demande sans interroger ni creuser. Il faut oser, c’est même obligatoire car vous ne faites pas votre métier correctement si vous ne le faites pas. Challenger c’est simplement être un bon professionnel.
3) Accompagner
Le recruteur doit avoir une posture de conseil et d’aide avec le manager. La personne ne sait souvent pas recruter et du coup, votre rôle est de l’accompagner, de l’aider. Il ne sait pas structurer ses entretiens ? Donnez lui des éléments pour le faire ! Il ne connaît pas ses critères pour savoir ce qu’est un bon candidat. Allez l’aider !
Cette posture vous permettra de montrer qu’il peut compter sur vous en plus de renforcer votre relation avec lui. Et bonus, plus le manager sera « entrainé et formé » au recrutement, plus vous pourrez bosser avec lui de façon souple. Il comprendra vos enjeux.
Je vous propose donc de décomposer les étapes importantes du processus de recrutement avec ces 3 postures.
La posture avec le manager sur les 4 étapes importantes du recrutement
Dans vos interactions avec l’opérationnel, il y a véritablement 4 étapes importantes sur lesquelles vous devrez être attentif : la prise de brief, la présentation des candidats, les entretiens avec les candidats et enfin la prise de décision.
1) La prise de brief
Ah la prise de brief ! Pour moi c’est vraiment clé car c’est l’occasion de bien comprendre le besoin du manager.
(écouter) Vous allez écouter et essayer de comprendre le scope de la mission, les critères obligatoires ou optionnels dans votre recherche.
Qui doit être impliqué ? Quel est le niveau de compétence attendu ? Quel exemple de personnes il verrait ?
(challenger) Pour creuser et challenger, vous allez poser ici une question simple : « pourquoi ? » que vous allez décliner à toutes les sauces. Pourquoi cette personne, pourquoi ces compétences, pourquoi cette école…
(accompagner) Puis enfin, pour l’aider, vous pourrez lui suggérer des pistes de candidats ou des exemples de profils que vous pourrez prendre sur LinkedIn par exemple.
2) La présentation des candidats
Ça y est ! Vous avez une 1ère liste de candidats pour le poste du manager. Tout excité vous arrivez donc pour lui présenter votre travail.
(écouter) Regardez alors sa réaction et ses questions/commentaires pendant la présentation. Quels critères a-t-il oublié de vous mentionner lors de la prise de brief qui apparaissent maintenant ?
(challenger) Vous allez alors challenger à nouveau ses critères surtout si, maintenant qu’il a des candidats, il réalise qu’il veut une école précise ou même des personnes précises. À chaque événement #Tru, j’ai mon lot de recruteurs qui ont des opérationnels qui demandent des « personnes d’origine française ».
(accompagner) Vous devez lui expliquer le pourquoi de tel ou tel candidat et raconter une histoire cohérente qui lui permettra de mieux comprendre comment vous travaillez. Vous pourrez d’ailleurs lui montrer l’importance de s’ouvrir à de nouveaux profils et pourquoi pas inclure dans votre liste un profil plus atypique.
3) Les entretiens avec les candidats
Il a validé vos candidats et donc vous leur proposez de venir pour un entretien. C’est une phase clé car vous pourrez voir comment la qualité de votre relation avec le manager pourra impacter le candidat.
(écouter) En général, l’entretien est pour vous l’occasion d’écouter le discours du manager, comment il présente le poste, l’entreprise et les missions. Vous pourrez découvrir des anecdotes, mieux connaître le métier et les chiffres importants. Vous pourrez ainsi développer un vrai vernis technique souvent utile pour le sourcing et l’évaluation.
(challenger) Vous devrez être attentif quand vous voyez que votre manager a des coups de cœur ou, à l’inverse, qu’il se ferme très vite face à un autre candidat. C’est à vous de rééquilibrer les choses et d’apporter de la nuance. Surtout si vous avez l’impression que votre manager est tombé dans un biais cognitif.
(accompagner) C’est l’étape la plus importante ici car vous devez aider votre manager à préparer ses entretiens (trop souvent improvisés).
Nous sommes fans des entretiens structurés et vous pourrez par exemple aider votre manager à mieux structurer ses entretiens en donnant des informations similaires à tous les candidats ou en testant le candidat sur un ensemble de questions proches. Je vous conseille ici d’inciter votre manager à donner des feedbacks à chaud au candidat. « Voici les points sur lequels je me retrouve par contre sur les compétences… ». La technique du feedback à chaud est notamment essentielle pour engager les candidats et préparer aussi les candidats pour les réponses négatives. L’inciter passera par le fait que vous commenciez vous-même à faire des feedbacks à chaud.
4) La prise de décision
Vous avez vu tous les candidats, ça y est, l’heure de la décision est arrivée.
Le manager a la lourde décision de choisir un candidat pour son équipe. C’est à vous de l’aider au mieux dans cette décision.
(écouter) Il faut que vous écoutiez avec attention le manager pour comprendre les critères sur lesquels il va baser sa décision. Vous allez prendre le temps de lui poser la question et de creuser avec lui.
(challenger) Comme vous l’avez compris, challenger c’est demander « pourquoi » et ici, il faudra que vous approfondissiez les raisons de son choix.
Est ce que les affinités avec le candidat préféré sont pertinentes ? Rappelez –vous que vous recrutez pour une entreprise et PAS pour un manager. Est ce que la personne est experte, est ce que la personne pourra évoluer au sein de l’entreprise ?
(accompagner) Il va falloir que vous rassuriez le manager dans sa prise de décision. Pour l’aider à prendre sa décision, vous pourrez aussi lui donner votre avis en expliquant le pourquoi. Et surtout, il faut que vous habituiez votre opérationnel à développer une logique de vivier. Il a bien aimé les finalistes ? Qu’il garde le contact avec eux pour de futurs postes !
Pour vous aider, je vous ai préparé un jeu de question à garder sous le coude en toutes circonstances.
Le jeu de question à avoir en toutes circonstances
Voici un jeu de questions sur lequel vous appuyer pour travailler avec le manager. Cette liste est évidemment loin d’être exhaustive, n’hésitez pas à rajouter en commentaires.
1) Créer et gérer la relation
Quel type de personne travaille avec vous ?
Quelles sont les compétences clés pour réussir chez vous ?
Comment faites-vous au quotidien ?
Qui sont les personnes clés dans l’équipe et pourquoi ?
Comment êtes-vous arrivé à ce poste ? Qu’est ce qui vous plait le plus ?
2) La prise de brief
Pourquoi vous voulez recruter ?
Qui sera impliqué dans le processus de décision ?
Quels sont les critères obligatoires pour le poste et ceux qui sont optionnels ?
Donnez moi un exemple de personne que vous recherchez ?
Quel est le scope du poste ?
3) La présentation des candidats
Quels critères sont vraiment importants ?
Pourquoi il a ces nouveaux critères ?
Pourquoi ces profils en particulier ?
4) Les entretiens avec les candidats
Qu’a-t-il préparé en amont de l’entretien ?
Quelle information a-t-il besoin pour se préparer de la part du recruteur ?
Comment je peux l’aider ?
Quelle information va-t-il donner aux candidats ?
5) La prise de décision
Pourquoi cette personne est-elle favorite ?
Quels sont les critères factuels pour lui ?
En quoi ce candidat a le potentiel pour évoluer dans l’entreprise ?
Études de cas : des cas fréquents et que faire
Je vous ai sélectionné quelques situations fréquentes que vous rencontrerez en tant que recruteur et que vous devez savoir gérer.
Cas 1 : Le manager vous dit qu’il veut absolument cette école d’ingénieur.
Dans ce cas, vous allez creuser avec lui.
Est ce que cette école a une expertise précise ou pointue qui justifie que vous recrutiez quelqu’un de cette école ?
Est ce que son argument sera : « on a recruté quelqu’un de cette école et ça a bien marché ».
Il faut comprendre le pourquoi et pourquoi pas lui dire que vous pensez ouvrir en proposant d’autres écoles notamment avec les compétences qu’il recherche.
Cas 2 : Le manager vous dit qu’il ne le sent pas.
Terrible situation mais tellement fréquente. Vous devez comprendre ici si le candidat lui a fait quelque chose qui lui a déplu. Ou voir si ce candidat lui rappelle une personne ?
Et puis d’ailleurs quels sont les éléments qui lui font dire « qu’il ne le sent pas » ?
N’essayez pas de forcer la main au manager mais l’information que vous allez retirer de cet échange sera très utile pour la suite et les prochains recrutements notamment. L’idée clé ici est que vous n’allez pas le faire changer d’avis mais que vous puissiez préparer les prochaines fois que vous allez travailler avec lui.
Cas 3 : Remettre un manager à sa place
Vous savez c’est le manager qui recrute dans son coin et qui considère le recruteur « comme une simple étape administrative ». Sans vous énerver et après avoir écouté le manager, il s’agira ici de rappeler votre rôle dans les recrutements.
Le recruteur ne fait pas partie du processus mais EST le processus. Vous êtes garant du processus et de toutes les étapes. Par ailleurs vous allez évaluer le candidat sur toutes les dimensions hors métier.
Vous pourrez sinon cas extrême faire la méthode que Thierry Roger appliquait à l’Espace Emploi chez Carrefour (quand il était chez Carrefour), si les managers ne passent pas par le recrutement, ils ne pourront pas éditer de fiche de paie. C’est radical mais ça marchait ;).
Conclusion
Si vous ne devez retenir qu’une seule chose de tout ce que je viens de vous dire : travaillez la relation avec votre manager et allez le voir régulièrement. Vous devez comprendre ses enjeux, ce qu’il cherche, l’ambiance dans son équipe et comprendre même mieux que lui ce dont il a besoin.
Tout ce travail est encore plus important que toute technicité sourcing et évaluation. On est dans l’informel, le non mesurable ce qui effraie souvent. C’est tellement plus simple de chercher des profils LinkedIn sur son ordinateur.
Et si vous deviez retenir une 2e chose, ça serait l’écoute et les questions ouvertes.
Voilà ma synthèse et si vous voulez en savoir plus, j’explique avec plus de détails le tout sur notre parcours de formation pour les recruteurs, LEDR Pro.