La révolution du recrutement a déjà eu lieu !

Dans le dernier événement où je suis allé, j’ai beaucoup entendu un refrain vieux comme le monde : celui de la révolution.

« Avec le schtroumpf et la schtroumpfisation des RH, nous allons pouvoir faire des choses extraordinaires, demain. »

Remplacez schtroumpf et schtroumpfisation par, au choix, Big Data, transformation digitale, ubérisation, digitalisation, la génération Y… Ou n’importe quel buzzword de chamane. Vous avez compris l’idée.

Et ma réaction est toujours la même : ce qu’on pourra faire m’intéresse, mais je suis encore plus intéressé par ce que qu’on peut DÉJÀ faire. Surtout que la révolution technologique a déjà eu lieu (le simple fait que vous lisez peut-être ces mots sur un mini-ordinateur qui a la forme d’un téléphone et qui contient un appareil photo compact est là pour en témoigner).

Le problème de parler de la révolution au futur

La fascination pour la révolution (mais uniquement quand elle est pour demain) ressemble beaucoup à la fascination pour les outils. Les outils n’ont jamais recruté par eux-mêmes, et les nouveaux outils ne le feront pas non plus.

Surtout que quand on est en permanence dans le demain on est jamais dans l’aujourd’hui.

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On finit donc par passer plus de temps à penser le changement plutôt qu’à le pratiquer. Un peu comme les gens qui parlent en permanence de faire le tour du monde mais qui se défilent dès qu’on leur propose une opportunité.

L’autre souci c’est que quand vous avez tout un écosystème (surtout médiatique) qui ronronne autour du thème de la révolution de demain, cela masque ce qui est possible dans l’immédiat. On se gargarise de concepts sans impact immédiat. Parce que ça conforte dans l’idée que l’on est pas en retard. On verra demain.

Pire encore, on se réconforte en utilisant justement tous les buzzwords qui traînent dans l’air du temps. Personne n’a jamais su m’expliquer ce qu’était l’ubérisation des RH et pourtant je vois régulièrement des gens affirmer qu’on s’achemine vers une ubérisation des RH devant des gens qui acquiescent comme devant une évidence.

Exemple extrait d’un article de cette semaine : « les DRH doivent s’imprégner du digital pour utiliser des leviers comme le HR Analytics et le big data. Sous peine d’ubérisation de la fonction. »

Si quelqu’un comprend concrètement ce que ces phrases veulent dire, je lui tire mon chapeau !

Au final ce qu’on oublie c’est que le changement commence toujours par soi-même.

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Je sais : la phrase est devenue clichée. Pourtant c’est une règle de bon sens. Si tout le monde attend que le changement viennent des autres, demain plutôt que de soi-même, aujourd’hui…personne n’est sorti de l’auberge.

Aucune révolution technologique ne pourra jamais s’imposer sans une volonté forte personnelle. L’émergence de nouveaux outils est évidemment une bonne nouvelle mais loin de suffire. Après tout, l’offre vestimentaire n’a jamais été aussi variée qu’aujourd’hui, et pourtant beaucoup de gens (moi le premier) continuent de mal s’habiller. Il en va de même pour les outils de recrutement : il n’y a jamais eu autant d’outils gratuits.

Les outils sont déjà là

Et en parlant des outils, l’offre est déjà abondante. Elle n’est pas parfaite mais elle est bien souvent en avance sur nos pratiques les plus courantes.

Par exemple, avant qu’on en arrive à utiliser à pleine puissance les Facebook Ads dans le recrutement, on a encore de la marge. Ne serait-ce que de maîtriser LinkedIn (qui est beaucoup plus naturellement adapté au recrutement).

Il en va de même pour les outils qui permettent de passer la pratique des e-mails d’approches dans une autre galaxie. Entre ceux qui permettent d’obtenir l’email d’un candidat en un clic sur son profil LinkedIn, ceux qui permettent de vérifier l’email sans avoir à envoyer vraiment, ceux qui permettent d’être notifié quand le candidat ouvre le mail, … L’offre n’a jamais été aussi prolifique. Et surtout, tous les outils que je viens de décrire sont au moins partiellement gratuits.

Idem pour ceux qui veulent se former : l’offre n’a jamais été aussi complète. Je pense non seulement à ce que l’on travaille à vous proposer sur LEDR Pro, mais également ce que peuvent faire d’autres acteurs du marché.

La seule véritable exception que je vois : les systèmes de gestions de candidatures (les fameux ATS). L’offre est étonnamment obsolète. Je n’ai jamais rencontré un seul recruteur qui soit content de son ATS.

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C’est une autre conséquence fâcheuse de la glamourisation de la révolution. On finit par délaisser des sujets austères mais cruciaux. Alors que cela devrait presque devenir la principale préoccupation. En effet, l’ATS occupe une place tellement cruciale dans cette chaîne de valeur qu’il risque de freiner tout le reste s’il n’est pas à la hauteur. Comment parler de Big Data quand on arrive déjà pas à gérer la Data simple ?

Mais sommes-nous prêts ?

La vraie question est davantage celle de la volonté. Sommes-nous réellement prêts à remettre en question les pratiques les plus anciennes ?

D’autant plus que ce qu’on oublie souvent de dire sur les révolutions, c’est qu’elles se font dans une grande douleur.

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Je me rappelle encore la frustration intense que je ressentais quand je lisais des articles en anglais sur le Sourcing, il y a 3 ans. Parce que le sujet m’intéressait mais que je m’en voulais d’investir du temps dans de la veille alors que j’avais des commandes à servir. On ne peut pas avoir de révolution sans y investir du temps, de l’énergie et de l’argent : il n’y a pas de baguette magique en la matière.

D’autre part, ce qui importe vraiment ce n’est pas la révolution des outils mais bien la révolution des mentalités. Si on arrive à vous convaincre d’aller faire votre Sourcing sur LinkedIn mais que vous y allez avec la mentalité d’une CVthèque, c’est peine perdue.

Et c’est vraiment la transformation la plus compliquée. Aucun outil ne vous fera aimer le métier moderne de sourceur. Aucun outil ne vous permettra de faire de la chasse si vous y êtes éthiquement opposé. Aucun outil ne vous aidera à répondre aux candidatures des annonces, si vous n’en avez pas envie.

Adopter une position de marketing dans le recrutement, aller faire son Sourcing soi-même ou mesurer en permanence l’efficacité de ses démarches, sont des états d’esprits qui ne dépendent absolument pas des outils et de la technologie. D’ailleurs, tout ceci existait bien avant l’avènement des réseaux sociaux. Encore une preuve que ce n’est pas tant une question d’outils que de philosophie.

Conclusion

Si la révolution est en permanence pour demain, elle est pour jamais. La vraie question se pose aujourd’hui : a-t-on vraiment envie d’embrasser les changements de modèle pour se les approprier dans l’immédiat ? C’est une question moins évidente qu’il n’y paraît. Mais, si on pouvait déjà collectivement bannir définitivement de notre vocabulaire des mots comme « ubérisation » ce serait déjà un grand pas !

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