Ce que la victoire de Donald Trump enseigne au recruteur

La discussion politique ne m’intéresse évidemment pas. Pas sur ce blog en tout cas. Ce qui m’intéresse c’est la discussion pragmatique sur cette étude de cas grandeur nature que l’actualité vient de nous offrir.

« L’important ce n’est pas ce qui arrive, c’est ce qu’on en apprend » – Moi-même à l’instant mais probablement qu’un grand homme un jour a dû dire un truc qui ressemble

Et, se présenter à une élection c’est un sujet très similaire au recrutement. À un point qu’on parle souvent de « recruter des fans ». Voici ce que celle-ci nous apprend…

Vous n’êtes pas le centre du monde

S’il nous a fallu du temps pour admettre que la Terre n’était pas au centre de l’univers c’est parce que nous avons tous cette tendance à être notre propre point de référence. Malgré l’évidence, la blessure narcissique est si cuisante qu’on a du mal à se faire complètement à cette idée.

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D’autant plus qu’énormément de mécanismes psychologiques viennent participer et amplifier le phénomène. On pourrait en faire un article en entier mais prenons un seul exemple : notre entourage. Nous avons tendance à nous entourer de personnes qui nous ressemblent. Si bien qu’il y a un proverbe qui dit qu’on est la moyenne des 5 personnes que l’on fréquente le plus. Et cet effet de tribu a très vite fait de nous déconnecter du monde. C’est ce qui explique qu’on a tous un jour été surpris par le résultat d’une élection.

C’est également ce qui fait que quand on fréquente des recruteurs toute la journée on a tendance à voir le monde comme un recruteur. On a vite fait de trouver normal de ne pas répondre aux candidatures, par exemple. Parce que tout le monde autour de nous trouve ça normal. On finit vite déconnecté du reste des gens. Pour ceux et celles à qui ça parle c’est également comme ça qu’on finit par croire que les pains au chocolat sont à 15 centimes.

On en rit quand ça touche les autres mais le problème c’est qu’on est tous touchés et que ça a des conséquences néfastes quand on exerce un métier où on s’adresse à des gens qui ne sont pas forcément comme nous. Et qu’on doit en plus susciter chez eux la motivation de nous rejoindre.

Un exemple concret ? Sur #TruAcademy, on enseigne comment deviner l’email professionnel d’un candidat à partir de son prénom et de son nom. Et, une des réactions que j’observe le plus souvent c’est : « moi, je n’aimerais pas qu’on me contacte sur mon email professionnel ».

Certes, mais moi je n’aimerais pas que vous m’envoyiez une offre de recrutement sur mon email personnel : il n’y a que des bêtises dedans et je consulte ma boîte avec beaucoup moins de sérieux. D’autres personnes n’ont aucune préférence particulière, d’autres n’aiment ni l’un ni l’autre, etc. La seule manière de savoir ce qui fonctionne c’est de tester. À chaque fois que vous vous dites « moi, je n’aimerais pas qu’on… » demandez-vous si vous avez déjà essayé la chose en question. Si ce n’est pas le cas, essayez : nous sommes souvent très mauvais à ce jeu de prédiction.

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Dans la même idée, j’observe des réactions du type : « moi, je me refuse à approcher un candidat par sms, c’est trop personnel ». Là encore, je sais que c’est dur à admettre mais vous n’êtes pas la référence universelle de l’humanité. Par exemple, si vous voulez me recruter et que vous hésitez entre me laisser un message vocal et un sms… envoyez-moi un sms. Je trouve le message vocal beaucoup plus intrusif car il m’oblige à arrêter ce que je fais (en général j’écoute de la musique) pour l’écouter. Certes, pour d’autres personnes c’est l’inverse. Du coup, vous ne saurez jamais ce qu’il en est de votre population de candidats potentiels si vous ne testez pas.

Chaque fois que vous dites une phrase comme « moi si on me contactait sur Facebook pour me recruter, je ne répondrais pas », commencez par vous demander si vous n’êtes pas un peu de mauvaise foi (est-ce que vraiment il existe des gens qui par principe refuseraient l’offre de leurs rêves uniquement parce que le premier contact était sur Facebook ?). Puis, rappelez-vous que de toute façon ce que vous préférez vous n’a aucune espèce d’importance puisque vous n’êtes pas en train de vous recruter vous-mêmes. Ce qui est important c’est ce que préfère votre cible. On ne vous demande pas d’éduquer les gens mais bien de les recruter.

N’oubliez jamais que les comportements universels sont très rares et que nous avons souvent tendance à oublier que nous faisons partie d’un camp.

L’importance d’avoir une voix

On a déjà eu l’occasion d’aborder ce sujet de la voix. Et il est fondamental. Une voix qui porte c’est une voix qui commence avec quelque chose de très fort. On l’avait vu avec les annonces. Par exemple, la plupart des gens ont eu vent de l’existence de Trump parce qu’il a commencé en affirmant qu’il allait construire un mur entre les USA et le Mexique et que c’est le Mexique qui allait payer. Si je laisse la politique et la morale de côté, c’est un coup de génie en terme de marketing. Pourquoi ? Parce que c’est quelque chose qui frappe directement l’imagination, qui ne laisse personne indifférent et qui vous donne en une phrase une idée claire du positionnement politique du candidat, de sa famille de pensée.

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Bien entendu, vous n’allez pas commencer vos annonces par « nous allons construire un mur entre nous et nos concurrents et c’est eux qui paieront ». Mais il est crucial de commencer par quelque chose de fort et qui donne le ton, sans avoir besoin de tout lire. On l’avait vu dans cet article avec l’exemple de Critéo

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C’est la même idée avec le slogan. Make America Great Again. Pourquoi les gens s’en souviennent ? Parce qu’il dit quelque chose, qu’il flatte le réflexe de grandeur et d’orgueil. Pourquoi la plupart des gens ne se souviennent pas du slogan en face ? Hillary for America. Parce que ça ne dit rien, il n’y a pas de voix. Ça ne me dit pas en quoi elle est différente du reste. À un point que j’aurais pu écrire Trump for America et ça marchait quand même. Car c’est le problème de ce qui est creux : ça n’imprime pas. Ce slogan c’est un peu l’équivalent dans les annonces de « Leader de notre marché, en pleine croissance et à la recherche de talents ». C’est creux, non-différenciant et ça n’imprime pas : ça rentre par une oreille et ça ressort par une autre.

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Enfin, la voix c’est ce qui permet de ne pas faire de langue de bois. D’ailleurs Trump en a fait un véritable fonds de commerce. Dire les choses de manière concises, sans détour ni lourdeur de langage permet de dire des choses audibles. C’est beaucoup plus facile de faire passer un message qui ne noie pas le poisson. Apple, pour vous vendre des iPhone 4, ne passe pas par quatre chemins et vous dit d’une voix narquoise  » si vous n’avez pas d’iPhone…et bien vous n’avez pas d’iPhone ». Cette publicité me mettait hors de moi à l’époque. Mais pourquoi imprimait-elle les esprits ? Car elle disait quelque chose de fort sans chercher à faire de détour : nous pensons que l’iPhone est le meilleur téléphone du monde et que vous êtes aveugle si vous ne le voyez pas.

 

Attirer c’est dissuader

Autrement dit : on ne peut pas plaire à tout le monde. Un des gros défauts que l’on observe dans les annonces et les messages d’approche c’est que le recruteur essaie de faire quelque chose qui parlera à tout le monde. Ce n’est pas possible : une voix qui parle à tout le monde ne parle à personne.

C’est contre-intuitif mais il faut vous débarrasser de cette névrose naturelle de ne vouloir dissuader ou fâcher personne. « Choisir c’est renoncer » donc attirer c’est dissuader. Les entreprises qui ont des valeurs claires et fortes dissuadent énormément de personnes qui ne se retrouvent pas dans les valeurs, et tant mieux. Plus vous affirmez clairement des valeurs qui vous tiennent vraiment à coeur, plus vous allez dissuader les candidats qui ne sont pas en phase avec.

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C’est quelque chose que les startups comprennent souvent mieux parce qu’elles n’ont pas le choix : si elles veulent attirer et se faire entendre au milieu de la masse il faut qu’elles proclament des valeurs puissantes.

Car le sujet ce n’est pas uniquement le recrutement mais aussi l’engagement. S’il y a une chose que montre cette élection c’est qu’il vaut mieux avoir des hordes de superfans et de superennemis, plutôt qu’une grande masse de fans mous et d’ennemis mous. Ce qui mobilise les gens, ce qui les fait se déplacer, ce qui crée l’engagement c’est cette polarisation autour de valeurs fortes et différenciantes.

Pour reprendre l’idée du livre de Seth Godin, personne ne remarque vraiment les vaches blanches entre elles quand elles sont en troupeau. Dans la masse vous ne prêteriez pas attention à laquelle est la plus grande, la plus petite, la meilleure, etc. Alors que si dans ce même troupeau vous aviez une seule vache violette, vous la remarqueriez instantanément. Ce qui vous attire ce n’est pas qu’elle soit meilleure ou moins bonne, ce qui vous attire c’est sa différence.

L’impact de la répétition du message

Pour ceux et celles qui ont suivi la campagne, c’était un disque rayé géant. Les mêmes choses matraquées encore et encore. Et le pire c’est que ça fonctionne. Si le message est bon (au sens marketing), il ne faut pas négliger la répétition.

 

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Or, une croyance quand on débute c’est de se dire que si le message est bon il va fonctionner tout seul. Que nenni. Les gens sont occupés. « Ce dont nous manquons le plus ce n’est pas le temps mais bien l’attention ». C’est pour cette raison qu’un bon message d’approche et un message d’approche que l’on relance, encore et encore. En occupant le plus de médias différents possibles.

Vous n’imaginez pas le nombre de fois où un candidat répond au bout de la quatrième ou cinquième relance pour dire « ah oui, j’avais oublié de répondre, merci pour la relance ».

Il y a donc deux grandes règles pour la relance de son message. La première c’est qu’il faut le faire autant de fois que nécessaire et que le chiffre autant-de-fois-que-nécessaire est probablement plus grand que ce vous pensez. Mais pour le savoir il faut tester. Par exemple, se mettre à relancer une fois de plus que d’habitude et voir les résultats.

La seconde règle c’est qu’il faut diversifier les canaux d’approche. Plutôt que de faire 4 relances par email, on préfèrera envoyer 2 emails, un sms et un message LinkedIn. Pourquoi ? Parce que vous ne savez pas quel est le canal préférentiel de communication du candidat. Certaines personnes sont hyperactives sur LinkedIn, d’autres sont rivées à leur téléphone en permanence. Mais vous ne pouvez pas le savoir avant de le tester.

Conclusion

Il doit y avoir encore d’autres enseignements comme : ce n’est pas parce que vous dîtes une bêtise que le monde va s’écrouler car on peut toujours gérer et s’excuser ensuite… Mais c’est moins intéressant.

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Pour résumer, nous avons donc 4 enseignements à tirer.

1) Il faut se faire à l’idée que nous ne sommes pas le centre du monde et que donc ce que nos candidats apprécient ce n’est pas forcément ce que l’on apprécie soi-même.

2) Avoir une voix est aussi important (voire plus) qu’avoir des idées. Une voix différenciante et sans langue de bois.

3) Plaire à tout le monde c’est ne plaire à personne. Au final la problématique sur une annonce est autant d’attirer que de dissuader car ce sont les deux faces d’une même pièce.

4) Avoir un bon message ne suffit pas : il faut le répéter.

Sur ce, je vous laisse retourner à une activité normale et vous souhaite un bon sourcing :D.

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