Et si on valorisait enfin le recrutement en ESN ?

Combien de fois j’ai entendu les candidats parler de leur expérience du recrutement en ESN ? J’ai entendu parler de boucherie, de cadences, d’abattage. 

Pourtant les choses ont beaucoup changé. Des recruteurs et des ESN changent cette perception des candidats.

Le marché a changé. 

Un candidat est devenu plus précieux qu’un client.

Le recruteur récupère une place stratégique en ESN.

Mais et c’est un grand MAIS, le recrutement a encore beaucoup de chemin à faire pour être davantage valorisé en ESN

Le recruteur doit reprendre le pouvoir et challenger les business managers. C’est son rôle mais aussi sa mission. Pour le bien de tous et surtout des dirigeants.

Quelles sont les 2 activités clé d’une ESN ?

Pour faire simple, une ESN est une Entreprise de Services du Numérique (anciennement SSII). Elle fournit des prestations et conseil en informatique sous le format de régie principalement, elle place un consultant chez le client qui délivre la prestation. J’ai fait simple car les ESN développent de plus en plus la dimension conseil mais la régie reste une grande partie du CA.

Pour que ce modèle fonctionne, il ya 2 acteurs clés :

  • le business manager qui commercialise les offres et va évaluer le besoin et réfléchir aux ressources/personnes en lien avec le besoin
  • le recruteur qui va aller chercher ces ressources pour répondre à l’offre et au besoin

En moyenne, les ESN ont des turnover de 20-30% (chiffres récupérés auprès du Syntec Conseil) ce qui veut dire que mécaniquement, il faut recruter en permanence pour maintenir l’activité. Et je ne parle même pas de croissance…

Dans ce modèle, on pourrait croire que du coup, les 2 principaux acteurs sur lesquels les dirigeants investissent sont les business managers et les recruteurs.

Mais il n’en est rien.

Le business Manager décide, le recruteur exécute

Pour faire simple, le recrutement est encore vu dans beaucoup d’ESN comme un centre de coût. Qui dit centre de coût dit optimisation de toutes les dépenses qu’elles soient humaines ou technologiques.

Les vrais décideurs en ESN sont et ont toujours été les Business Managers. Ce sont eux qui littéralement font la pluie et le beau temps dans les décisions. Historiquement, je peux le comprendre facilement. Le business manager est celui qui ramène le business et qui va monter équipes et ressources autour de ce qu’il a vendu. C’est donc bien lui qui donne le tempo à toute l’entreprise. 

Le recruteur dans ce contexte n’est qu’un maillon de la chaîne. Il doit délivrer.  Le pouvoir appartient aux business managers. Ce pouvoir est particulièrement dur à récupérer pour les recruteurs surtout que souvent le business manager est un manager d’une quarantaine d’années qui gère une entité alors que le recruteur qui s’occupe de ses recrutements est un jeune de 25 ans dont c’est probablement la 1ère ou la 2e expérience professionnelle.

Le rapport de force est inégal.

Quelles sont les conséquences ?

C’est un environnement où les recruteurs ne sont là que pour exécuter et répondre aux besoins des autres sans nécessairement avoir le pouvoir de les challenger.
Du coup, on peut arriver à des aberrations comme ces recruteurs qui doivent répondre à des listes du Père Noël ou des demandes totalement hors marché avec des profils qui n’existent pas.

Alors oui c’est aussi la responsabilité des recruteurs de challenger et de ne pas lâcher sur ces points importants. Mais les recruteurs n’ont jamais eu le pouvoir. Il est temps pour eux de le récupérer. Les dirigeants ont aussi intérêt à leur donner.

Pour répondre à ces attentes, les recruteurs peuvent être tentés par le volume, l’approche massive et des pratiques peu durables. Si vous relisez cet article de Nicolas où il racontait son expérience de Développeur Java, il avait notamment reçu des dizaines d’appels de recruteurs d’ESN qui laissaient tous les mêmes messages téléphoniques sur son répondeur. Aucune différenciation. De l’abattage.

Forcément pour un recruteur, évoluer dans un tel environnement est toujours plus difficile.

Heureusement les choses changent car aujourd’hui trouver un bon profil est plus important que trouver une mission. 

Sans recrutement, pas de croissance

Les besoins en recrutement sont énormes. 

Début 2018, 81% des ESN indiquaient éprouver des difficultés à recruter selon le Syntec Numérique (que font les 19% restantes !).

Le marché IT est un marché de candidats où, si l’on trouve un profil, indépendamment de la mission, on pourra toujours le placer.

Le recrutement est tellement stratégique pour une ESN aujourd’hui que c’est le principal facteur qui bride la croissance. Vous avez bien lu !

Ils trouvent facilement des missions mais leur problème est de pouvoir les délivrer en temps et en heure voire de les délivrer tout court. Pour reprendre les éléments lus sur Wikipédia sur la définition des ESN « Pour développer ce chiffre d’affaires, l’ESN doit principalement attirer et recruter des compétences spécialisées « .
Les métiers IT sont en pénurie structurelle et si l’on reprend le concept élaboré par Aurélien sur structurer les équipes recrutement, avec les difficultés à attirer et de forts volumes des recrutement, il faudra aux ESN tout le panel de recruteurs disponibles sur le marché. Des sourceurs mais aussi des recruteurs Full Stack (qui couvrent tout le spectre du recrutement, du brief au sourcing en passant par l’évaluation).


Au-delà, les ESN vont aussi devoir changer la façon de monter leurs équipes en essayant de fidéliser voire de recruter des recruteurs de métier. 

Concrètement qu’est ce que l’on peut faire pour valoriser le recrutement et les recruteurs dans son équipe ?

Comment valoriser le recrutement en ESN ?

La 1ère brique est celle des dirigeants des ESN. Il ne peut y avoir de valorisation du recrutement en ESN sans que les dirigeants ne comprennent vraiment son importance.


Le recrutement doit avoir la même place que les équipes commerciales dans les entités.  Ce n’est pas une fonction support mais bien une fonction coeur. Sans recrutement, pas de business. C’est aussi aux dirigeants de redonner ce pouvoir aux recruteurs.


Une fois que les dirigeants l’ont compris, la 2e étape sera de recruter et de développer des managers et responsables recrutement qui défendent cette vision. Ces responsables devront être capables de monter au front devant les business managers mais aussi devant les directeurs au CODIR. Ils devront aussi pouvoir défendre leur équipe à tout moment.  Je me rends compte en relisant ces phrases que le mot « défendre » est partout… comme si c’était une bataille que l’on devait mener…et c’est une vraie bataille à mener 🙂

Pour faire simple, le responsable recrutement portera la valorisation du recrutement sous 3 aspects principaux:

  • Animer : animer son équipe avec des sessions collectives de sourcing/recrutement par exemple et des moments forts où l’on se retrouve ensemble car le recrutement est un métier assez solitaire. L’animation passera aussi par un suivi et des KPIs par équipes et individuels… souvent ces KPIs sont encore trop quanti et doivent aussi plus devenir quali (les taux de conversion entre un CV envoyé et un CV reçu par le manager par exemple).
  • Valoriser: j’imagine la création de parcours de carrières pour les recruteurs en ESN entre sourceurs, Full Stack recruteurs, recruteurs. Ces parcours auraient 2 portes d’entrée selon l’envie du recruteur entre expertise et management.
  • Développer: il ne peut y avoir de valorisation sans formation et montée en compétences. En développant les compétences de vos recruteurs, vous pourrez les fidéliser mais aussi leur permettre de cranter dans leur métier et donc de montrer leur valeur aux autres entités. 
  • Récompenser: la question des salaires et de la rémunération est clé dans la valorisation. On pourrait benchmarker les salaires des recruteurs de la tech et voir si les salaires chez vous sont alignés et pourquoi pas introduire du variable dans les salaires. 

La structure des équipes recrutement en ESN doit aussi évoluer et intégrer de plus en plus de recruteurs expérimentés. Imaginez intégrer un recruteur tech avec 5-7 ans d’expérience payé 50k ? Au-delà du coût, il arriverait avec son vivier et son expertise et pourrait très rapidement amener des profils que les recruteurs plus juniors sont incapables d’aller chercher.

Est-ce que les ESN seraient capables d’investir ? Je le crois et il est temps ! Qui dit valorisation et montée en compétences dit enfin fidélisation

Et si garder ses recruteurs était possible ?

J’ai comme exemple d’excellents managers en ESN comme Vanessa Poisier chez Cap Gemini ou encore Coralie Nohel chez Zenika qui représentent cette nouvelle génération. Ces responsables sont prêts à défendre leurs équipes, les valorisent, les challengent et créent de nouvelles cultures du recrutement.

Une nouvelle culture qui valorise le recrutement et les recruteurs.

Au final, c’est la seule voie durable pour que les ESN aient une croissance durable… miser sur ses recruteurs et le recrutement.


Conclusion

Un candidat est plus précieux qu’un client.

Tout a été dit.

Le recruteur revient par la grande porte même si cette porte n’est pas acceptée par tous.

Historiquement le recruteur a toujours souffert de la comparaison avec le business manager. Mais cela n’a plus de sens dans un contexte où le candidat a autant de valeur.

Le recrutement doit et sera valorisé davantage. Il n’y pas d’options pour les ESN.

C’est une question de croissance durable.

Il faut aller chercher ses recruteurs et ses responsables recrutement qui sauront incarner cette valorisation. Alors, chers dirigeants d’ESN, il est temps de sortir vos chéquiers :).

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